Read Ebook: Les joies du pardon Petites histoires contemporaines pour la consolation des coeurs chrétiens by Anonymous
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page
Ebook has 832 lines and 58709 words, and 17 pages
Lui-m?me a racont? son histoire, et elle m?rite d'occuper une des premi?res places dans ce recueil, car elle montre d'une mani?re bien touchante que Dieu se sert des moyens les plus inattendus pour ramener ? lui les p?cheurs et que sa mis?ricorde est in?puisable ? l'?gard des ?mes de bonne volont?.
<
< < < < Cette pi?t? fervente l'avait fait prendre en grippe par le plus mauvais sujet de la classe, fanfaron d'impi?t? et de libertinage, liseur et colporteur des livres de Parny et de Voltaire, et pourtant Breton comme Paul; mais entendons-nous, ce Breton-l?, nomm? Jacques Fa?l, ?tait un Breton de contrebande. On disait que son p?re, Nantais d'origine, avait pris part ? quelques-unes des plus sanglantes sc?nes de la R?volution, s'?tait enrichi en achetant des terres de Vend?ens, puis ruin? dans des sp?culations ?quivoques. Tout irritait Jacques contre Paul Savenay; un h?ritage de haine, le retour des Bourbons, l'animosit? instinctive du vice contre la vertu, du mal contre le bien, de l'ath?isme contre la foi, du diable contre le bon Dieu; mais ce qui l'exasp?rait le plus, c'?tait la douceur de Paul, sa patience inalt?rable que, naturellement, Jacques taxait de l?chet? et d'hypocrisie.--Tu es donc un l?che? lui disait-il en lui montrant le poing.--Je ne le crois pas, r?pondait Paul avec un accent de r?signation qui aurait d?sarm? un tigre. Son pers?cuteur ne lui laissait pas un moment de tr?ve, et le harcelait de la fa?on qui devait le plus cruellement blesser cette ?me tendre, chaste, exquise et pieuse. Non content de le traiter de cagot, de Basile, de tartufe et de cafard. Jacques joignait le blasph?me ? l'insulte, le sacril?ge ? l'outrage. Il glissait de mauvais livres dans le pupitre de Paul et lui jouait les plus vilains tours. Nous s?mes plus tard que ses brutalit?s s'?taient parfois envenim?es jusqu'aux voies de fait: bourrades, brimades, coups de poing, coups de r?gle: un jour m?me, un coup de canif qui fit couler le sang. La plupart des ?l?ves feignaient de ne pas s'apercevoir de ces abominables violences. Quelques-uns avaient l'infamie d'applaudir avec des ricanements stupides. Jacques n'avait pas, en somme, l'air bien f?roce; mais ?tait grand, bien d?coupl?, taill? en athl?te. On le redoutait et il avait sa petite cour de complaisants et de flatteurs. Lorsqu'indign? de sa m?chancet? et attir? vers Paul Savenay par d'irr?sistibles sympathies, je risquais, moi ch?tif, quelques reproches: < Le martyre de Paul Savenay dura deux ans et pendant ces deux ans, pas une plainte. S'il versait en secret quelques larmes, il ne pleurait pas sur ses souffrances, mais sur les ?garements de cette pauvre ?me, r?volt?e contre Dieu. Un matin, me rencontrant ? la porte de Saint-Sulpice, et me croyant meilleur que je n'?tais, il me dit: < Armand de Pontmartin, ? cet endroit, interrompt son r?cit pour expliquer comment il retrouva quelques ann?es plus tard ce vertueux jeune homme chez Fr?d?ric Ozanam. Ce dernier venait de fonder, avec quelques amis, les Conf?rences de saint Vincent de Paul et il exposait aux jeunes messieurs r?unis chez lui les moyens qui lui semblaient les plus propres ? assurer le succ?s de l'entreprise. < Il distribua ? ses ouvriers de la premi?re heure la liste des malades qu'ils devaient visiter. Puis, s'adressant a Paul Savenay:--Et vous, Paul, lui dit-il, votre premi?re visite est toujours, n'est-ce pas, pour l'h?tel Racine? --Oui, mon ami, r?pondit Savenay; oui, encore aujourd'hui, ajouta-t-il avec une ?motion singuli?re. En ce moment, Ozanam le prit ? part et lui dit tout bas quelques mots en me regardant. Il me sembla que Paul Savenay opposait une certaine r?sistance. Ozanam insistait en r?p?tant ? demi-voix: Pourquoi pas? Pourquoi pas?... Paul parut enfin se d?cider, et se tournant vers moi: < Nous sort?mes: Ozanam habitait alors la rue de S?vres, et nous nous dirigions du c?t? de la rue Jacob. En descendant la rue des Saints-P?res, nous crois?mes une modeste voiture de louage, qui gravissait assez lentement cette mont?e fort raide. Paul salua et me dit: < Nous arriv?mes au bout de la rue Jacob; Paul s'arr?ta devant l'h?tel Racine, moins po?tique et moins ?l?gant que son nom. L?, il parut h?siter encore, puis prenant son parti: < Sur un lit fort propre, tendu de rideaux de toile verte, je reconnus ? l'instant Jacques Fa?l, le pers?cuteur, le bourreau de Paul Savenay. Il ?tait ?videmment en convalescence; mais sa p?leur, ses yeux cern?s, son visage amaigri, prouvaient qu'il venait de subir l'horrible crise. Sa soeur, v?tue de noir, ?tait debout ? son chevet, un rayon de soleil d'avril ?gayait la chambre. En me voyant, Jacques poussa un cri de surprise; puis, brusquement, presque violemment, imposant silence d'un geste ? Paul, qui voulait parler: < --Non, c'?tait tout simple, interrompit Paul Savenay. Je suis interne ? l'hospice de la Charit?, ? deux pas d'ici... Le docteur R?camier, mon ma?tre, m'avait charg? de visiter tous les h?tels de la rue Jacob... L'h?tel Racine ?tait sur ma liste et le hasard... --Le hasard!!! C'est donc toi maintenant qui nies la Providence?... Pourquoi ne pas dire la v?rit? tout enti?re?... Tu ?tais d?l?gu? de la soci?t? de Saint-Vincent-de-Paul, ou plut?t du bon Dieu, pour me sauver, pour me gu?rir, pour me consoler, pour faire de moi un honn?te homme et un chr?tien!... Une heure apr?s, poursuivit Jacques, en m'adressant de nouveau la parole, j'avais tous les rem?des n?cessaires, et, le soir, sur ma demande, il m'amena un vicaire de Saint-Germain-des-Pr?s... Tu vois bien que c'?tait le bon Dieu! Pendant cinq jours, Paul ne m'a presque pas quitt?...; pendant cinq nuits, il m'a veill?... Puis, lorsqu'il a reconnu que le danger ?tait pass?, il a ?crit ? ma soeur No?mi, qui n'a pas perdu une minute... et, ? pr?sent, je suis le mieux soign? des convalescents, moi qui m'?tais cru le plus abandonn? des agonisants et des damn?s... Oh! comment reconna?tre tant de bienfaits de la mis?ricorde divine? Comment expier mes fautes, mes impi?t?s, mes crimes?... --Jacques, reprit doucement Paul Savenay, je t'ai d?j? dit que, quand m?me tu n'aurais eu, avant de mourir, qu'un moment, si ce moment avait ?t? bien employ?, Dieu t'aurait pardonn?!... Et tu as une vie tout enti?re! --Mais toi, Paul, mon sauveur, toi qui m'as rendu tant de bien pour tant de mal, comment r?parer, comment payer ma dette?... Comment m?riter ton pardon, ton amiti??...>> En sortant de l'h?tel Racine, je dis ? Paul: < On trouverait difficilement un r?cit plus touchant que celui qui nous a ?t? laiss? par le h?ros de cette histoire, heureux privil?gi? des mis?ricordes divines. < ?lev?e comme moi, aussi ignorante que moi, ma femme ?tait beaucoup meilleure. Elle avait le sens religieux. Il se d?veloppa lorsqu'elle devint m?re; et, apr?s la naissance de son premier enfant, elle entra tout ? fait dans la voie. Quand je songe ? tout cela, j'ai le coeur remu? d'un sentiment de reconnaissance pour Dieu, dont il me semble que je parlerais toujours, et que je ne saurais jamais exprimer. Alors je n'y pensais point. Si ma femme avait ?t? comme moi, je crois que je n'aurais pas m?me song? ? faire baptiser mes enfants. Ces enfants grandirent. Les premiers firent leur premi?re communion, sans que j'y prisse garde. Je laissais leur m?re gouverner ce petit monde, plein de confiance en elle, et modifi? ? mon insu par le contact de ses vertus que je sentais et que je ne voyais pas. Vint le dernier. Ce pauvre petit ?tait d'une humeur sauvage, sans grands moyens; si je ne l'aimais pas moins que les autres, j'?tais cependant dispos? ? plus de s?v?rit? envers lui. La m?re me disait: --Sois patient; il changera ? l'?poque de sa premi?re communion. Ce changement ? heure fixe me paraissait invraisemblable. Cependant l'enfant commen?a ? suivre le cat?chisme, et je le vis en effet s'am?liorer tr?s sensiblement et tr?s rapidement. J'y fis attention. Je voyais cet esprit se d?velopper, ce petit coeur se combattre, ce caract?re s'adoucir, devenir docile, respectueux, affectueux. J'admirais ce travail que la raison n'op?re pas chez les hommes; et l'enfant que j'avais le moins aim?, me devenait le plus cher. En m?me temps, je faisais de graves r?flexions sur une telle merveille. Je me mis ? ?couter la le?on de cat?chisme. En l'?coutant, je me rappelais mes cours de philosophie et de morale: je comparais cet enseignement avec la morale dont j'avais observ? la pratique dans le monde, h?las! sans avoir pu moi-m?me toujours m'en pr?server. Le probl?me du bien et du mal, sur lequel j'avais ?vit? de jeter les yeux, par incapacit? de le r?soudre, s'offrait ? moi dans une lumi?re terrible. Je questionnais le petit gar?on: il me faisait des r?ponses qui m'?crasaient. Je sentais que les objections seraient honteuses et coupables. Ma femme observait et ne disait rien; mais je voyais son assiduit? ? la pri?re. Mes nuits ?taient sans sommeil. Je comparais ces deux innocences ? ma vie, ces deux amours au mien; je me disais: < Nous entr?mes dans la semaine de la premi?re communion. Ce n'?tait plus de l'affection seulement que l'enfant m'inspirait; c'?tait un sentiment que je ne m'expliquais pas, qui me semblait ?trange, presque humiliant, et qui se traduisait parfois en une esp?ce d'irritation. J'avais du respect pour lui. Il me dominait. Je n'osais pas exprimer en sa pr?sence de certaines id?es, que l'?tat de lutte o? j'?tais contre moi-m?me produisait parfois dans mon esprit. Je n'aurais pas voulu qu'elles lui fissent impression. Il n'y avait plus que cinq ou six jours ? passer. Un matin, revenant de la messe, l'enfant vint me trouver dans mon cabinet, o? j'?tais seul. --Papa, me dit-il, le jour de ma premi?re communion, je n'irai pas ? l'autel sans avoir demand? pardon de toutes les fautes que j'ai faites et de tous les chagrins que je vous ai caus?s, et vous me donnerez votre b?n?diction. Songez bien ? tout ce que j'ai fait de mal pour me le reprocher, afin que je ne le fasse plus, et pour me pardonner. --Mon enfant, r?pondis-je, un p?re pardonne tout, m?me ? un enfant qui n'est pas sage; mais j'ai la joie de pouvoir te dire qu'en ce moment je n'ai rien ? te pardonner. Je suis content de toi. Continue de travailler, d'aimer le bon Dieu, d'?tre fid?le ? tes devoirs; ta m?re et moi nous serons bien heureux. --Oh! papa! le bon Dieu qui vous aime tant, vous soutiendra, pour que je sois votre consolation, comme je le demande. Priez-le bien pour moi, papa. --Oui, mon cher enfant. Il me regarda avec des yeux humides, et se jeta ? mon cou. J'?tais moi-m?me fort attendri. --Papa!... continua-t-il. --Quoi, mon cher enfant? --Papa, j'ai quelque chose ? vous demander! Je voyais bien qu'il voulait me demander quelque chose, et ce qu'il voulait me demander, je le savais bien! Et, faut-il l'avouer? j'en avais peur; j'eus la l?chet? de vouloir profiter de ses h?sitations. --Va! lui dis-je, j'ai des affaires en ce moment. Ce soir ou demain, tu me diras ce que tu d?sires, et, si ta m?re le trouve bon, je te le donnerai. Le pauvre petit, tout confus, manqua de courage, et, apr?s m'avoir embrass? encore, se retira tout d?concert?, dans une petite pi?ce o? il couchait, entre mon cabinet et la chambre de sa m?re. Je m'en voulus du chagrin que je venais de lui donner, et surtout du mouvement auquel j'avais ob?i. Je suivis ce cher enfant sur la pointe des pieds, afin de le consoler par quelque caresse, si je le voyais trop afflig?. La porte ?tait entr'ouverte. Je regardai sans faire de bruit. Il ?tait ? genoux devant une image de la sainte Vierge; il priait de tout son coeur. Ah! je vous assure que j'ai su ce soir-l? quel effet peut produire sur nous l'apparition d'un ange! J'allai m'asseoir ? mon bureau, la t?te dans mes mains, pr?t ? pleurer. Je restai ainsi quelques instants. Quand je relevai les yeux, mon petit gar?on ?tait devant moi avec une figure tout anim?e de crainte, de r?solution et d'amour. --Papa, me dit-il, ce que j'ai ? vous demander, ne peut pas se remettre, et ma m?re le trouvera bon: c'est que, le jour de ma premi?re communion, vous veniez ? la sainte Table avec elle et moi. Ne me refusez point, papa. Faites cela pour le bon Dieu qui vous aime tant. Ah! je n'essayai pas de disputer davantage contre ce grand Dieu qui daignait ainsi me contraindre. Je serrai en pleurant mon enfant sur mon coeur.--Oui, oui, lui dis-je, oui, mon enfant, je le ferai. Quand tu voudras, aujourd'hui m?me, tu me prendras par la main; tu me m?neras ? ton confesseur, et tu lui diras: < Dans une fonderie situ?e pr?s de Paris, il y avait un ouvrier qui avait re?u autrefois une certaine ?ducation. Mais des revers de fortune l'avaient oblig? ? chercher du travail. Un jour, il fit un faux pas, tendit ses mains en avant pour amortir sa chute, et sa main droite alla malheureusement s'?tendre sur un morceau de fer rouge qui la br?la jusqu'? l'os. Le malheureux subit l'amputation avec courage; mais il ne souffrit pas avec un courage ?gal une infortune qui le privait, lui, sa femme et ses quatre enfants, du pain quotidien; ses plaintes s'exhalaient en affreux blasph?mes. L'ouvrier la recevait froidement, acceptait tout poliment, remerciait s?chement et, d?s que la charitable comtesse avait franchi le seuil de la mansarde, il se tournait vers sa femme et lui disait d'un ton railleur: <
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page