Read Ebook: Les Français en Amérique pendant la guerre de l'indépendance des États-Unis 1777-1783 by Balch Thomas
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Ebook has 551 lines and 67820 words, and 12 pages
Quant au nom de l'auteur, je crois pouvoir affirmer que c'est Cromot-Dubourg, et voici sur quelles raisons repose mon opinion.
Les aides de camp de M. de Rochambeau, ?taient, au rapport de Blanchard, de Dumas et de M. de Rochambeau lui-m?me:--De Fersen,--de Damas,--Charles de Lameth,--de Closen,--Collot,--Mathieu Dumas,--de Lauberdi?res,--de Vauban,--de Char?us,--les fr?res Berthier,--Cromot-Dubourg.
Ces indications me permettent d'?liminer de suite de ma liste: MM. de Fersen, de Damas, de Lameth, de Closen, Mathieu Dumas, de Lauberdi?res, de Vauban, Collot et de Charlus.
Ces officiers vinrent en effet en Am?rique avec M. de Rochambeau sur l'escadre aux ordres de M. de Ternay. Leurs noms sont cit?s parmi ceux des passagers par Blanchard, dans son journal et par Mathieu Dumas.
Enfin, si quelques-uns ne rentrent pas dans l'une ou l'autre de ces cat?gories, ils sont cit?s par l'auteur du manuscrit chaque fois qu'ils se trouvent charg?s de quelques fonctions relatives ? leur emploi; et, comme cet auteur parle toujours ? la premi?re personne, il n'est pas possible de le confondre avec l'un d'eux.
Il reste ? examiner les noms de Berthier et de Cromot-Dubourg.
Quant ? Cromot-Dubourg, c'est le seul dont la situation r?ponde ? toutes les conditions dans lesquelles doit ?tre plac? mon personnage. En se reportant aux notes que m'ont fournies les archives du minist?re de la guerre, je trouve qu'il faisait ses premi?res armes et qu'il rejoignit l'arm?e en Am?rique. Son nom ne se trouve pas cit? dans le manuscrit, ce qui se comprend, si les notes originales ?taient r?dig?es par lui-m?me.
Enfin Blanchard, apr?s avoir donn? la liste des aides de camp de M. de Rochambeau, sauf Collot, dont il ne parle pas du tout, mais qui n'?tait plus jeune et qui, au rapport de Dumas, partit d?s le d?but, Blanchard ajoute: <
RELATION DU PRINCE DE BROGLIE. Copie d'un manuscrit in?dit.
Elle m'a ?t? fournie par M. Bancroft, l'historien bien connu de sa patrie, ambassadeur des ?tats-Unis ? Berlin. Gr?ce ? la bienveillance de M. Guizot, j'ai trouv? que quelques parties de cette relation avaient ?t? imprim?es. N?anmoins, par une comparaison attentive, j'ai pu me convaincre que les deux relations n'avaient de communs que quelques passages. Certains morceaux importants du manuscrit de M. Bancroft n'existent pas dans la relation imprim?e, tandis que celle-ci contient de longs paragraphes que je ne poss?dais pas. En r?tablissant ces omissions dans ma copie, je l'ai rendue aussi compl?te que possible.
Bien que le prince de Broglie ne soit pass? en Am?rique qu'en 1782, avec le comte de S?gur, et apr?s la partie la plus utile et la plus importante de l'exp?dition, les renseignements qu'il fournit sur l'?tat de la soci?t? am?ricaine ? cette ?poque m?ritent d'?tre cit?s. Je dois ajouter que ces notes ont une grande analogie et sont quelquefois presque identiques avec celles de M. de S?gur. J'en ai extrait les passages les plus int?ressants.
JOURNAL D'UN SOLDAT. Manuscrit anonyme et in?dit.
Ces pages in?dites font partie de la collection du g?n?ral George B. Mac-Clellan, ancien commandant en chef de l'arm?e des ?tats-Unis, qui a bien voulu me les communiquer.
Ce livre, tr?s-rare et tr?s-peu connu, a exerc? ma perspicacit? pour d?couvrir le nom v?ritable de son auteur, qui se pr?sente comme engag? volontaire dans les rangs des Am?ricains et aide de camp de La Fayette. Des consid?rations qu'il serait superflu de d?velopper ne me laissaient plus gu?re de doutes sur le nom de Pontgibaud, plus tard comte de Mor?-Chaulnes, lorsque M. le comte de Pontgibaud, arri?re-petit-neveu de l'auteur, et aujourd'hui seul repr?sentant de cette famille, m'a confirm? dans l'opinion que je m'?tais form?e, par une lettre qui est elle-m?me un document utile.
L'exemplaire dont je me suis servi m'a ?t? pr?t? par M. Edouard Laboulaye, de l'Institut, ? qui je dois beaucoup de reconnaissance pour les utiles indications qu'il m'a fournies avec le plus gracieux empressement.
MES CAMPAGNES EN AM?RIQUE , par le comte Guillaume de Deux-Ponts.
Ces int?ressants m?moires ont ?t? publi?s en 1868, ? Boston, par les soins de M. Samuel A. Green, et tir?s ? trois cents exemplaires.
M?MOIRES DE LAUZUN .
Trois ?ditions de ces m?moires ont ?t? publi?es jusqu'? ce jour, et je les range parmi les livres connus qu'il ?tait de mon devoir de relire et de consulter. Le manuscrit que j'ai acquis a ?t? probablement ?crit du vivant de l'auteur. Il m'a ?t? tr?s-utile, bien que je me sois servi de l'?dition si soigneusement annot?e par M. Louis Lacour.
LOYALIST LETTERS, ou collection de lettres ?crites par des Am?ricains rest?s fid?les ? la cause du Roi .
J'avais eu, il y a quelques ann?es, l'intention de faire imprimer ces lettres ? un petit nombre d'exemplaires; mais les faits auxquels elles ont trait sont trop rapproch?s de nous pour que les parents des signataires puissent rester indiff?rents ? leur publication. Il m'a paru convenable d'obtenir auparavant l'agr?ment des personnes dont le nom aurait ?t? rappel?, et je m'abstiendrai jusqu'? une ?poque plus opportune. M. Bancroft, ? qui j'ai communiqu? ces lettres, a augment? ma collection des copies de quelques autres qu'il a en sa possession.
PAPERS RELATING TO THE MARYLAND LINE
LA CARTE ajout?e ? ce travail a ?t? dress?e, en principe, d'apr?s celle qui se trouve ? la fin du premier volume de l'ouvrage de Soul?s. J'ai vu aussi un autre exemplaire de la carte de Soul?s aux archives de la Guerre, annot? par un archiviste. Mais cette carte contient certaines erreurs que j'ai corrig?es d'apr?s les cartes du manuscrit que j'attribue ? Cromot-Dubourg et d'apr?s des cartes am?ricaines.
C'est aux Anglais qu'il ?tait r?serv? de cr?er en Am?rique des ?tablissements florissants. En 1584 Walter Raleigh fonda la colonie de la Virginie, ainsi nomm?e en l'honneur de la reine Elisabeth. Le roi Jacques Ier partagea ensuite tout le territoire compris entre le 34e et le 45e degr? de latitude, entre deux compagnies dites de Londres et de Plymouth, qui esp?raient d?couvrir l? comme au Mexique des mines d'or et d'argent. La p?che de la morue au nord et la culture du tabac au sud d?dommag?rent ces premiers colons de leur d?ception. La fertilit? du sol en attira de nouveaux, tandis que les ?v?nements politiques en Angleterre favorisaient l'?migration vers d'autres points.
En 1620, des puritains, fuyant la m?re patrie, vinrent s'?tablir au cap Cod, aupr?s de l'endroit o? s'?leva, quelques ann?es plus tard, la ville de Boston. En m?me temps qu'ils prenaient possession des Bermudes et d'une partie des Antilles, les Anglais fondaient les colonies connues depuis sous le nom de Nouvelle-Angleterre. Sous Cromwell, ils enlevaient aux Espagnols la Jama?que et aux Hollandais le territoire dont ils firent les trois provinces de New-York, de New-Jersey et de Delaware . Charles II donna la Caroline, plus tard partag?e en deux provinces, ? plusieurs lords anglais, et c?da de m?me ? William Penn le territoire qu'il appela de son nom Pensylvanie . La Nouvelle-Ecosse, Terre-Neuve et la baie d'Hudson furent occup?s en 1713, ? la suite du trait? d'Utrecht, qui enlevait ces contr?es aux Fran?ais; enfin la G?orgie recevait en 1733 ses premiers ?tablissements.
Toutes ces colonies se d?velopp?rent avec une telle rapidit? qu'? l'?poque de la guerre de l'Ind?pendance, c'est-?-dire apr?s un peu plus d'un si?cle, elles comptaient plus de deux millions d'habitants. Mais, compos?es d'?l?ments tr?s-divers et dont nous ?tudierons bient?t la nature, fond?es ? des ?poques diff?rentes et sous des influences variables, elles ?taient loin d'avoir une population homog?ne et une organisation uniforme. Ainsi, tandis que le Maryland, la Virginie, les Carolines et la G?orgie, au sud, ?taient administr?es par une aristocratie puissante, ma?tresse de vastes domaines qu'elle faisait exploiter par des esclaves et qu'elle transmettait suivant les coutumes anglaises, au nord, la Nouvelle-Angleterre poss?dait l'?galit? civile la plus parfaite et ?tait r?gie par des constitutions tout ? fait d?mocratiques. Mais toutes ces colonies avaient les institutions politiques fondamentales de l'Angleterre, et exer?aient par des repr?sentants nomm?s ? l'?lection les pouvoirs l?gislatifs. Toutes aussi ?taient divis?es en communes, qui formaient le comt?; en comt?s, qui formaient l'?tat. Les communes d?cidaient librement de leurs affaires locales, et les comt?s nommaient des repr?sentants aux assembl?es g?n?rales des ?tats.
La Virginie, New-York, les Carolines, la G?orgie, New-Hampshire et New-Jersey recevaient bien des gouverneurs nomm?s par le roi; mais ceux-ci ne poss?daient que le pouvoir ex?cutif: les colonies exer?aient toujours le droit de se taxer elles-m?mes. C'est librement et sur la demande des gouverneurs qu'elles votaient les subsides n?cessaires ? la m?re patrie, et il faut reconna?tre qu'elles lui payaient un lourd tribut. Outre les subsides extraordinaires les colons payaient en effet un imp?t sur le revenu; tous les offices, toutes les professions, tous les commerces ?taient soumis ? des contributions proportionn?es aux gains pr?sum?s. Le vin, le rhum et les liqueurs ?taient tax?s au profit de la m?tropole qui recevait aussi des propri?taires un droit de dix livres sterling par t?te de n?gre introduite dans les colonies. L'Angleterre tirait enfin des profits plus consid?rables encore du monopole qu'elle s'?tait r?serv? d'approvisionner les colonies de tous les objets manufactur?s.
Les Am?ricains supportaient sans se plaindre, sans y songer m?me, ces lourdes charges. La fertilit? de leur sol et le prodigieux essor de leur commerce leur permettaient de racheter ainsi, au profit de la m?re patrie, les libert?s et les privil?ges dont ils ?taient jaloux et fiers. Mais l'avidit? de l'Angleterre, jointe ? une aveugle obstination, vint brusquement tarir cette abondante source de revenus.
D?j?, sous Cromwell, la suppression de la libert? commerciale et l'?tablissement d'un monopole pour le commerce anglais avaient excit? des m?contentements. Les lois restrictives du Protecteur ne furent m?me jamais bien observ?es, et l'?tat de Massachusets osa r?pondre aux ministres de Charles II: <
Les colons, all?guant de leur c?t? le grand principe de la constitution anglaise, que nul citoyen n'est tenu de se soumettre aux imp?ts qui n'ont pas ?t? vot?s par ses repr?sentants, refus?rent de payer ces nouveaux droits. Partout on s'imposa des privations. On renon?a ? prendre du th?, on se v?tit grossi?rement. On refusa les objets de commerce de provenance anglaise et l'on ne consomma que les produits de l'industrie am?ricaine qui venait de na?tre. Lord North, devant cette r?sistance, proposa de r?voquer les nouvelles taxes, en ne maintenant que celle du th?. Cette demi-concession ne satisfit personne. Philadelphie et New-York refus?rent de recevoir les caisses de th? que leur exp?diait la Compagnie des Indes. Boston les jeta ? la mer. Le gouvernement anglais voulut ruiner cette derni?re ville. Le g?n?ral Gage vint s'y ?tablir, pendant qu'une flotte la bloquait. En m?me temps on levait en Angleterre une arm?e v?ritable pour r?duire les colonies ? l'ob?issance.
L'indignation fut au comble en Am?rique. Toutes les colonies r?solurent de sauver Boston, et la Virginie se mit ? la t?te de ce mouvement.
Comme l'avait pr?vu William Pitt, qui s'?tait efforc? de concilier l'int?grit? de la monarchie britannique avec la libert? des colonies am?ricaines, la guerre ?clata.
J'ai dit que les premi?res tentatives de colonisation sur les rives du fleuve Saint-Jean furent faites par des protestants fran?ais. Elle n'eurent d'abord aucun succ?s. Mais du jour o? les huguenots envoy?s par Coligny eurent mis le pied sur le sol du nouveau monde, il semble qu'ils en aient pris possession au nom de la libert? de conscience et de la libert? politique.
Avant l'?re chr?tienne, c'?taient les diff?rences d'origine, de moeurs et d'int?r?ts qui ?taient les causes des guerres; jamais les croyances religieuses. Si l'homme qui sacrifiait ? Jupiter Capitolin sur les bords du Tibre voulait soumettre l'?gyptien ou le Gaulois, ce n'?tait pas parce que ce dernier adorait Osiris ou Teutat?s, mais uniquement dans un esprit de conqu?te. Depuis l'introduction du christianisme parmi les hommes, les guerres de religion furent au contraire les plus longues et les plus cruelles. C'est au nom d'un Dieu de paix et de charit? que furent livr?es les luttes fratricides les plus passionn?es et que les ex?cutions les plus horribles furent commises. C'est en pr?chant une doctrine dont la base ?tait l'?galit? des hommes et l'amour du prochain que s'entre-d?chir?rent des nations qui s'?taient d?velopp?es ? l'ombre de la Croix et avaient atteint le plus haut degr? de civilisation. Comment les successeurs des ap?tres, les disciples du Christ, oubliant que les supplices des martyrs avaient h?t? ? l'origine le triomphe de leurs croyances, firent-ils couler si abondamment le sang de leurs fr?res, et esp?raient-ils les ramener ainsi de leurs pr?tendues erreurs? C'est que la doctrine chr?tienne fut d?tourn?e de sa voie, que ses pr?ceptes furent m?connus. Embrass?e avec enthousiasme par le peuple, surtout par les pauvres et les d?sh?rit?s de ce monde, auxquels elle donnait l'esp?rance, elle devint bient?t entre les mains des souverains et des puissants un instrument de politique, une arme de tyrannie. Alors l'esprit de l'?vangile fut oubli? et fit place ? un fanatisme grossier dans les populations ignorantes; une intol?rance barbare fut seule capable de masquer les abus et les d?sordres qui avaient souill? la puret? de l'?glise primitive et d?natur? les pr?ceptes de ses P?res.
On peut remarquer que le gouvernement de chaque peuple est g?n?ralement la cons?quence de la religion qu'il professe.
Chez les sauvages les plus grossiers, qui sont ? peine au-dessus de la brute et qui m?me sont inf?rieurs par l'intelligence ? quelques-uns des animaux au milieu desquels ils vivent, nous ne trouvons aucune forme de gouvernement d?finie, si ce n'est le droit absolu et incontest? de la force et un despotisme aveugle et sanguinaire qui r?duit ces peuplades ? la plus mis?rable condition. L'id?e d'un dieu n'est pourtant pas ignor?e de ces ?tres qui n'ont d'humain que le langage, puisque physiquement ils se rapprochent autant du singe que de l'homme. Mais c'est un dieu mat?riel qui ne poss?de ni l'intelligence infinie du dieu des nations les plus civilis?es, ni la puissance myst?rieuse et sp?ciale des divinit?s payennes, ni m?me l'instinct des animaux qu'adoraient les anciens ?gyptiens. C'est un f?tiche de bois ou de pierre, d?pourvu de tous les attributs non-seulement de la raison, mais m?me de l'intelligence et de la vie. Si, pour ces idol?tres, quelque volont? se cache dans la masse inerte devant laquelle ils se prosternent, elle ne se traduit jamais que par des actes fantasques ou f?roces dont toute id?e de raison ou de justice est exclue, et tels que ceux qu'ils reconnaissent ? leurs rois le droit de commettre. Pourquoi ces malheureux n'admettraient-ils pas que leur souverain terrestre p?t disposer, suivant son caprice, de leurs biens, de leur personne et de leur vie, puisqu'ils se soumettent aveugl?ment ? l'ordre de choses ?tabli, et qu'ils ne veulent reconna?tre chez leur dieu aucune apparence de raison?
Mais ? mesure que la religion des peuples se d?gage des croyances grossi?res, ? mesure que les dogmes deviennent d'une moralit? plus inattaquable ou d'une ?l?vation plus imposante, les formes des gouvernements se modifient dans un m?me sens. Les lois politiques ne sont encore qu'une copie des lois religieuses; et tandis qu'une foi aveugle soumet les uns ? un gouvernement sans contr?le, le droit au libre arbitre et au libre examen dans l'ordre philosophique des id?es conduit les autres ? prendre quelque souci de leurs droits politiques et ? intervenir dans l'administration des affaires publiques.
Toutes les formes de gouvernement peuvent en effet se r?duire ? trois: la monarchie, r?sultat imm?diat et forc? de la croyance au monoth?isme; l'oligarchie ou aristocratie, qui r?sulte du panth?isme; et la d?mocratie ou r?publique, cons?quence du polyth?isme ou de la croyance ? un ?tre supr?me remplissant une multitude de fonctions. Cette derni?re forme de gouvernement est l'expression la plus ?lev?e de l'intelligence politique d'un peuple, aussi bien que l'id?e d'un Dieu renfermant en lui toutes les vertus est la plus haute expression des sentiments moraux et religieux de l'homme. C'est ainsi que nous voyons le polyth?isme et la d?mocratie coexister chez les Grecs et chez les Romains, et le christianisme, ou un Dieu sous la triple forme de Cr?ateur, de Sauveur et d'Inspirateur, engendrer le r?publicanisme des nations modernes.
Les r?formes successives du christianisme furent les cons?quences naturelles de son d?veloppement, et c'est ici le lieu d'examiner plus sp?cialement la derni?re de ses phases, le calvinisme, dont l'action se fit sentir en France avec les huguenots, dans les Pays-Bas, en ?cosse avec les presbyt?riens, en Angleterre avec les non-conformistes et les puritains. Cet examen nous permettra de voir pourquoi les agents de la France dans les colonies anglaises d'Am?rique ont pu trouver dans les principes religieux des colons un ?l?ment de d?saffection contre leur m?re patrie qu'ils eurent soin d'entretenir, le seul peut-?tre qui fut capable de soulever l'opinion publique au point d'amener une rupture avec l'Angleterre ? la premi?re occasion.
La r?forme religieuse mit en mouvement trois peuples et eut chez chacun d'eux un caract?re et des r?sultats diff?rents.
Chez les Slaves, le mouvement suscit? par Jean Huss fut plus national que religieux. Il fut comme les derni?res lueurs du b?cher allum? par le concile de Constance et dans lequel p?rit le r?formateur .
La r?forme provoqu?e par Luther jeta chez les Allemands de plus profondes racines. Elle ?tait aussi plus radicale, tout en gardant un caract?re national. Il rejetait non-seulement l'autorit? du pape, mais aussi celle des conciles, puis celle des P?res de l'?glise, pour se placer face ? face avec l'?criture sainte. Le langage m?le et d?pourvu d'ornements de ce moine ?nergique, sa figure carr?e et joviale le rendirent populaire. La haine vigoureuse dont il poursuivait le clerg? romain, alors possesseur d'un tiers du territoire allemand, rassembla autour de lui tous les d?sh?rit?s de la fortune. La guerre que les princes d'Allemagne eurent ensuite ? soutenir contre les souverains catholiques et les alli?s du pape achev?rent de donner ? la r?forme de Luther ce caract?re essentiellement teutonique qu'elle conserva exclusivement.
Calvin comprit parfaitement le secret de la force croissante des disciples de Loyola. Comme le fondateur de l'ordre des J?suites, il voulut baser la nouvelle condition sociale sur l'?galit? la plus absolue fonctionnant sous le r?gime de la plus rigoureuse discipline. Il conserva ? son ?glise le droit d'excommunication, et il exer?a lui-m?me sur ses disciples un pouvoir d'une inflexibilit? si rigide qu'il allait jusqu'? la cruaut? et ? la tyrannie. Quand l'homme eut disparu, ses principes lui surv?curent au milieu de l'organisation sociale qui ?tait son oeuvre. L'?galit? des hommes ?tait reconnue et profess?e publiquement, et, en s'?tayant sur l'aust?rit? des moeurs, elle devait faire accomplir aux calvinistes les plus h?ro?ques efforts en faveur de la libert? de conscience et de la libert? politique.
La discipline calviniste reposait sur l'?galit? des ministres entre eux. Elle se distinguait surtout en cela du luth?ranisme, qui admettait encore une certaine hi?rarchie, et surtout de l'anglicanisme, qui n'?tait que le catholicisme orthodoxe sans le pape.
De la France, qui avait vu na?tre le fondateur du calvinisme, cette religion passa par l'Alsace dans les Pays-Bas, o? elle s'?tablit sur les ruines du luth?ranisme; en m?me temps elle s'?tablissait en Ecosse, et c'est dans la Grande-Bretagne que les deux syst?mes arriv?rent ? leur d?veloppement le plus complet. Ainsi l'?glise anglicane, avec ses archev?ques, ses divers degr?s dans le sacerdoce, sa liturgie, ses immenses revenus, ses coll?ges, ses ?tablissements d'instruction ou de charit?, ne diff?rait presque en rien de l'organisation ext?rieure des ?glises catholiques. La seule diff?rence semblait consister dans le costume, la froide simplicit? du culte et le mariage des pr?tres. Soumise ? l'autorit? royale, son existence ?tait intimement li?e au maintien de la monarchie, et l'?glise fut en Angleterre le plus s?r appui de la royaut?.
L'?glise presbyt?rienne d'Ecosse avait, au contraire, ces tendances d?mocratiques qui ?taient l'essence m?me du calvinisme et qui avaient fait de la Suisse un ?tat si prosp?re. L?, point de distinction de grade ou de richesse entre les membres du clerg?. A peine sont-ils s?par?s des fid?les par la nature de leurs fonctions. Encore les sectes puritaines ne tard?rent-elles pas ? supprimer toute d?l?gation du sacerdoce. Tout chr?tien ?tait propre au divin minist?re, qui avait le talent et l'inspiration. Si les ?glises ?taient pauvres, elles ne devaient leur existence qu'? elles-m?mes. Elles avaient la plus grande libert? et un empire moral consid?rable. En ?cosse comme ? Gen?ve, magistrats et seigneurs furent plus d'une fois contraints d'?couter la voix ?nergique de leur pasteur.
Quelques ann?es auparavant, Buchanan, puis d'autres ?crivains ?cossais, avaient proclam? dans leurs ouvrages que les nations avaient une conscience comme les individus; que la r?v?lation chr?tienne devait ?tre le fondement des lois, et qu'? son d?faut seulement l'?tat avait le droit d'en ?tablir de lui-m?me; que, quelle que f?t la forme de gouvernement choisie par un peuple, r?publique, monarchie ou oligarchie, l'?tat n'?tait que le m?canisme dont le peuple se servait pour administrer ses affaires, et que sa dur?e ou sa chute d?pendait seulement de la mani?re dont il s'acquittait de son mandat.
Ce sont ces principes que l'on retrouvait dans les enseignements de l'?glise primitive, et qui ne tendaient ? rien moins qu'? renverser les id?es admises alors dans l'organisation des empires, et ? saper dans sa base le pouvoir absolu des souverains, aussi bien en France et en Angleterre qu'en Espagne, en Italie et en Allemagne, qui excit?rent les violentes pers?cutions dont les dissidents de toutes les sectes et de toutes les classes furent l'objet.
Cette n?gation de l'autorit? dans l'ordre spirituel conduisit ? la n?gation de l'autorit? dans l'ordre philosophique, qui mena ? Descartes et Spinoza, et ? celle de l'autorit? royale, qui devait produire plus tard la d?claration d'ind?pendance des ?tats-Unis. Ce n'est donc pas sans raison que les souverains consid?raient le calvinisme comme une religion de rebelles et qu'ils lui firent une guerre si acharn?e. <
Ainsi, par une co?ncidence singuli?re, la France donna au monde Calvin, l'inspirateur d'id?es qu'elle repoussa d'abord, mais au triomphe desquelles elle devait concourir, les armes ? la main, deux si?cles et demi plus tard en Am?rique.
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