Read Ebook: La fille du capitaine by Pushkin Aleksandr Sergeevich
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Ebook has 729 lines and 40577 words, and 15 pages
-- ?coute, mon petit paysan, lui dis-je; est-ce que tu connais cette contr?e? Peux-tu nous conduire jusqu?? un g?te pour y passer la nuit?
-- Cette contr?e? Dieu merci, repartit le passant, je l?ai parcourue ? pied et en voiture, en long et en large. Mais vois quel temps? Tout de suite on perd la route. Mieux vaut s?arr?ter ici et attendre; peut-?tre l?ouragan cessera. Et le ciel sera serein, et nous trouverons le chemin avec les ?toiles.>>
Son sang-froid me donna du courage. Je m??tais d?j? d?cid?, en m?abandonnant ? la gr?ce de Dieu, ? passer la nuit dans la steppe, lorsque tout ? coup le passant s?assit sur le banc qui faisait le si?ge du cocher: < -- Pourquoi irais-je ? droite? r?pondit mon cocher avec humeur. O? vois-tu le chemin? Alors il faut dire: chevaux ? autrui, harnais aussi, fouette sans r?pit.>> Le cocher me semblait avoir raison. < -- Le vent a souffl? de l?, r?pondit-il, et j?ai senti une odeur de fum?e, preuve qu?une habitation est proche.>> En ce moment je m??veillai. Les chevaux ?taient arr?t?s; Sav?liitch me tenait par la main. < -- O? sommes-nous arriv?s? demandai-je en me frottant les yeux. -- Au g?te; Dieu nous est venu en aide; nous sommes tomb?s droit sur la haie de la maison. Sors, seigneur, plus vite, et viens te r?chauffer.>> Notre h?te, Cosaque du Ia?k, ?tait un paysan d?une soixantaine d?ann?es, encore frais et vert. Sav?liitch apporta la cassette ? th?, et demanda du feu pour me faire quelques tasses, dont je n?avais jamais en plus grand besoin. L?h?te se h?ta de le servir. < -- Ici, Votre Seigneurie>>, r?pondit une voix d?en haut. Je levai les yeux sur la soupente, et je vis une barbe noire et deux yeux ?tincelants. < J?acc?dai volontiers ? son d?sir. L?h?te prit sur un des rayons de l?armoire un broc et un verre, s?approcha de lui, et, l?ayant regard? bien en face: < Mon guide cligna de l?oeil d?une fa?on toute significative et r?pondit par le dicton connu: < -- Comment vont les n?tres? r?pliqua l?h?telier en continuant de parler proverbialement. On commen?ait ? sonner les v?pres, mais la femme du pope l?a d?fendu; le pope est all? en visite et les diables sont dans le cimeti?re. Et, disant ces mots, il prit le verre, fit le signe de la croix et avala d?un trait son eau-de-vie. Puis il me salua et remonta dans la soupente. Je ne pouvais alors deviner un seul mot de ce jargon de voleur. Ce n?est que dans la suite que je compris qu?ils parlaient des affaires de l?arm?e du Ia?k, qui venait seulement d??tre r?duite ? l?ob?issance apr?s la r?volte de 1772. Sav?liitch les ?coutait parler d?un air fort m?content et jetait des regards soup?onneux tant?t sur l?h?te, tant?t sur le guide. L?esp?ce d?auberge o? nous nous ?tions r?fugi?s se trouvait au beau milieu de la steppe, loin de la route et de toute habitation, et ressemblait beaucoup ? un rendez-vous de voleurs. Mais que faire? On ne pouvait pas m?me penser ? se remettre en route. L?inqui?tude de Sav?liitch me divertissait beaucoup. Je m??tendis sur un banc; mon vieux serviteur se d?cida enfin ? monter sur la vo?te du po?le; l?h?te se coucha par terre. Ils se mirent bient?t tous ? ronfler, et moi-m?me je m?endormis comme un mort. En m??veillant le lendemain assez tard, je m?aper?us que l?ouragan avait cess?. Le soleil brillait; la neige s??tendait au loin comme une nappe ?blouissante. D?j? les chevaux ?taient attel?s. Je payai l?h?te, qui me demanda pour mon ?cot une telle mis?re, que Sav?liitch lui-m?me ne le marchanda pas, suivant son habitude constante. Ses soup?ons de la veille s??taient envol?s tout ? fait. J?appelai le guide pour le remercier du service qu?il nous avait rendu, et dis ? Sav?liitch de lui donner un demi-rouble de gratification. Sav?liitch fron?a le sourcil. < Il m??tait impossible de disputer contre Sav?liitch; mon argent, d?apr?s ma promesse formelle, ?tait ? son enti?re discr?tion. Je trouvais pourtant d?sagr?able de ne pouvoir r?compenser un homme qui m?avait tir?, sinon d?un danger de mort, au moins d?une position fort embarrassante. -- Ceci, mon petit vieux, ce n?est plus ton affaire, dit le vagabond, que je le boive ou que je ne le boive pas. Sa Seigneurie me fait la gr?ce d?une pelisse de son ?paule; c?est sa volont? de seigneur, et ton devoir de serf est de ne pas regimber, mais d?ob?ir. Arriv? ? Orenbourg, je me pr?sentai directement au g?n?ral. Je trouvai un homme de haute taille, mais d?j? courb? par la vieillesse. Ses longs cheveux ?taient tout blancs. Son vieil uniforme us? rappelait un soldat du temps de l?imp?ratrice Anne, et ses discours ?taient empreints d?une forte prononciation allemande. Je lui remis la lettre de mon p?re. En lisant son nom, il me jeta un coup d?oeil rapide: Mon Tieu, dit-il, il y a si peu de temps qu?Andr? P?trovich ?tait de ton ache; et maintenant, quel peau caillard de fils il a! Ah! le temps, le temps...>> Il ouvrit la lettre et si mit ? la parcourir ? demi-voix, en accompagnant sa lecture de remarques: < -- Cela signifie, lui r?pondis-je avec l?air le plus innocent du monde, traiter quelqu?un avec bont?, pas trop s?v?rement, lui laisser beaucoup de libert?. Voil? ce que signifie tenir avec des gants de porc-?pic. La forteresse de B?logorsk ?tait situ?e ? quarante verstes d?Orenbourg. De cette ville, la route longeait les bords escarp?s du Ia?k. La rivi?re n??tait pas encore gel?e, et ses flots couleur de plomb prenaient une teinte noire entre les rives blanchies par la neige. Devant moi s??tendaient les steppes kirghises. Je me perdais dans mes r?flexions, tristes pour la plupart. La vie de garnison ne m?offrait pas beaucoup d?attraits; je t?chais de me repr?senter mon chef futur, le capitaine Mironolf. Je m?imaginais un vieillard s?v?re et morose, ne sachant rien en dehors du service et pr?t ? me mettre aux arr?ts pour la moindre v?tille. Le cr?puscule arrivait; nous allions assez vite. < -- Mais on la voit d?ici>>, r?pondit-il. Je me mis ? regarder de tous c?t?s, m?attendant ? voir de hauts bastions, une muraille et un foss?. Mais je ne vis rien qu?un petit village entour? d?une palissade en bois. D?un c?t? s??levaient trois ou quatre tas de foin, ? demi recouverts de neige; d?un autre, un moulin ? vent pench? sur le c?t?, et dont les ailes, faites de grosse ?corce de tilleul, pendaient paresseusement. < -- Mais la voil?>>, repartit le cocher en me montrant le village o? nous venions de p?n?trer. Elle ?tait occup?e ? d?vider du fil que tenait, sur ses mains ?cart?es, un petit vieillard borgne en habit d?officier. < < < Je r?pondis que c??tait par ordre de l?autorit?. < -- Veux-tu bien cesser de dire des b?tises? lui dit la femme du capitaine. Tu vois bien que ce jeune homme est fatigu? de la route. Il a autre chose ? faire que de te r?pondre. Tiens mieux tes mains. Et toi, mon petit p?re, continua-t-elle en se tournant vers moi, ne t?afflige pas trop de ce qu?on t?ait fourr? dans notre bicoque; tu n?es pas le premier, tu ne seras pas le dernier. On souffre, mais on s?habitue. Tenez, Chvabrine, Alex?i Ivanitch, il y a d?j? quatre ans qu?on l?a transf?r? chez nous pour un meurtre. Dieu sait quel malheur lui ?tait arriv?. Voil? qu?un jour il est sorti de la ville avec un lieutenant; et ils avaient pris des ?p?es, et ils se mirent ? se piquer l?un l?autre, et Alex?i Ivanitch a tu? le lieutenant, et encore devant deux t?moins. Que veux-tu! contre le malheur il n?y a pas de ma?tre.>> -- Tu radotes, Maximitch, r?pliqua la commandante; Pol?ja?eff est d?j? log? tr?s ? l??troit; et puis c?est mon comp?re; et puis il n?oublie pas que nous sommes ses chefs. Conduis monsieur l?officier... Comment est votre nom, mon petit p?re? -- Pi?tr Andr?itch. -- Conduis Pi?tr Andr?itch chez Sim?on Kouzoff. Le coquin a laiss? entrer son cheval dans mon potager. Est-ce que tout est en ordre, Maximitch? -- Gr?ce ? Dieu, tout est tranquille, r?pondit le Cosaque; il n?y a que le caporal Prokoroff qui s?est battu au bain avec la femme Oustinia P?goulina pour un seau d?eau chaude. -- Ivan Ignatiitch, dit la femme du capitaine au petit vieillard borgne, juge entre Prokoroff et Oustinia qui est fautif, et punis-les tous deux. -- C?est bon, Maximitch, va-t?en avec Dieu. -- Pi?tr Andr?itch, Maximitch vous conduira ? votre logement.>> Le lendemain, ? peine avais-je commenc? de m?habiller, que la porte de ma chambre s?ouvrit. Il entra un jeune officier, de petite taille, de traits peu r?guliers, mais dont la figure basan?e avait une vivacit? remarquable. < Je devinai sans peine que c??tait l?officier renvoy? de la garde pour l?affaire du duel. Nous f?mes connaissance. Chvabrine avait beaucoup d?esprit. Sa conversation ?tait anim?e, int?ressante. Il me d?peignit avec beaucoup de verve et de gaiet? la famille du commandant, sa soci?t? et en g?n?ral toute la contr?e o? le sort m?avait jet?. Je riais de bon coeur, lorsque ce m?me invalide, que j?avais vu rapi?cer son uniforme dans l?antichambre du capitaine, entra et m?invita ? d?ner de la part de Vassilissa I?gorovna. Chvabrine d?clara qu?il m?accompagnait.
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