Read Ebook: L'assassinat du pont-rouge by Barbara Charles
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Ebook has 568 lines and 38034 words, and 12 pages
L'ASSASSINAT DU PONT-ROUGE
PAR
CHARLES BARBARA
BIBLIOTHEQUE DES CHEMINS DE FER
LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie PARIS, RUE PIERRE-SARRAZIN, N? 14 Droit de traduction r?serv?
TYPOGRAPHIE DE CH. LAHURE ET Cie Imprimeurs du S?nat et de la Cour de Cassation Paris, rue de Vaugirard N?9.
L'ASSASSINAT DU PONT-ROUGE.
Deux Amis.
Au contraire, il semblait que Max se f?t un jeu d'ajouter ? cette m?lancolie.
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Pour Rodolphe, qui, ? l'instar de tant d'autres, ne voyait gu?re dans les arts qu'un moyen de satisfaire les app?tits et les vanit?s qui tenaillaient sa chair et gonflaient son esprit, cette sorte de profession de foi ?tait litt?ralement une ortie entre le cou et la cravate. D'un air piteux il regardait alternativement son chapeau et la porte, et se remuait ? la fa?on d'un enfant tiraill? par la danse de Saint-Gui.
Les ressources de Max se bornaient pr?sentement ? une place de second violon dans l'orchestre d'un th??tre de troisi?me ordre. La mis?re ne lui causait ni impatience ni vell?it? de r?volte. Loin de l?: dans la douce persuasion de porter en lui le germe d'excellents livres, il puisait la patience h?ro?que de l'homme s?r de lui-m?me et de l'avenir. Il n'avait ni horreur ni engouement pour la pauvret?; il la regardait comme un mal utile et transitoire, et, au grand scandale de beaucoup de ses amis, comme un stimulant ?nergique contre l'engourdissement de l'?me et des facult?s. Il comprenait parfaitement la pantomime de Rodolphe. Il n'en continua pas moins:
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< --Est-elle jolie?>> A cette question, balbuti?e avec un empressement qui la rendait comique, Max fixa sur son ami des yeux ?tonn?s; puis, peu apr?s, pencha la t?te et dit d'un ton r?veur: < Oubliant d?j? de s'en aller, Rodolphe ne tarissait plus au sujet de cette amie qu'il ne savait pas ? Destroy. Sommairement, Max r?pondit qu'elle ?tait veuve, qu'elle donnait des le?ons de piano, qu'elle vivait avec sa m?re, et que la m?re et la fille recevaient journellement la visite d'un vieillard nomm? Fr?d?ric, qui semblait tout entier ? leur discr?tion. < --Comment se nomment-elles? --Voici leur nom, ou du moins celui de la fille, dit Max en prenant une carte de visite sur sa table: Mme Thillard-Ducornet.>> Rodolphe ouvrit d?mesur?ment les yeux, et, de la porte qu'il entr'ouvrait d?j?, revint au milieu de la chambre. < Le visage de Max exprimait une stup?faction profonde. < --Attends donc, reprit Rodolphe, je me rappelle quelques d?tails. Il ?tait en tenue de voyage, en casquette et en manteau, avec un sac de nuit et un portefeuille gonfl? de cent mille francs en billets de banque. A dire vrai, il n'y avait pas l? de quoi plomber une de ses dents creuses; aussi a-t-on dit qu'il ne s'?tait noy? que par remords de ne pas emporter davantage.>> Destroy n'?coutait d?j? plus. Secouant la t?te, l'air pensif, ? mi-voix, il disait: < Cet attendrissement ramenait par une pente sensible ? la conversation de tout ? l'heure, et Rodolphe, qui s'en aper?ut, en eut le frisson. Profil du h?ros. Tout entier ? la pr?occupation d'un fait qui lui donnait la clef des tristesses que Mme Thillard essayait vainement de dissimuler sous des mani?res calmes et dignes, Destroy, comme il faisait presque quotidiennement, ? une heure donn?e, se rendit au jardin du Luxembourg. Il s'y rencontra avec un autre de ses amis, un nomm? Henri de Villiers, lequel, que ce f?t ? cause de ceci ou de cela, de sa naissance ou de son entendement, ou d'autre chose encore, se posait en d?fenseur intr?pide du pass?. Bien que li? avec lui, Max ne l'en trouvait pas moins tout aussi peu logique qu'un homme qui donnerait, ? tout bout de champ, ses p?ch?s de jeunesse en exemple aux errements d'un autre ?ge. De Villiers, outre cela, chez lequel le sentiment semblait faire d?faut, ?tait loin d'avoir l'humeur charitable. Mais il se piquait de mener une vie conforme aux principes qu'il confessait, et ses opinions et ses actes en recevaient un lustre d'honn?tet? que Destroy ne pouvait m?conna?tre. Causant de choses et d'autres, ils avaient d?j? mesur? nombre de fois, de bout en bout, ? pas compt?s, l'all?e de l'Observatoire, quand ils se crois?rent avec un promeneur qui d?via de son chemin pour venir ? eux. < Dans les myst?res de notre nature, ? la vue de certains hommes, nous sommes parfois assaillis d'impressions p?nibles que nous ne saurions d?finir. Leur ext?rieur ne suffit pas toujours ? justifier l'antipathie instinctive qu'ils soul?vent; on dirait qu'il se d?gage de leur vie un fluide qui les enveloppe d'une atmosph?re o? l'on ne peut respirer sans malaise. Destroy accostait pr?cis?ment un individu de ce genre. De taille moyenne et d?gag?e, ses jambes solides, ses bras d'athl?te, sa carrure, ?veillaient des id?es de sant? et de force que d?mentaient bient?t une figure cadav?reuse dont les plans ? vives ar?tes, les plis profonds, les ravages, l'impassibilit?, rappelaient ces joujoux en sapin qu'on taille au couteau dans les villages de la for?t Noire. Ses cheveux ch?tains aux reflets rouge?tres, sa moustache rare de couleur rousse, sa peau terreuse, parsem?e de taches vertes, composaient un ensemble de tons qui donnaient ? sa t?te une apparence sordide et venimeuse. Par instants, un regard ?teint, louche, sinistre, per?ait le verre de ses lunettes en ?caille. ?videmment, les trous et les d?sordres de ce visage n'?taient, on peut dire, que les stigmates d'une vie terrible. Aussi, n'e?t-on pas imagin? de probl?me psychologique d'un attrait plus ?mouvant que celui de rechercher par suite de quelles impressions, pens?es, luttes, douleurs, cet homme, jeune encore, avec un beau front, des traits fermement dessin?s, un menton pro?minent, tous indices de force et d'intelligence, ?tait devenu l'image d'une d?gradation immonde. Max lui saisit les mains avec effusion; de Villiers, au contraire, se composa un maintien glacial. Ledit Cl?ment, de son c?t?, se borna envers ce dernier ? un froid salut, tandis qu'il r?pondit avec assez d'empressement aux amiti?s de Destroy. Aux questions de celui-ci, qui s'?tonnait de ne l'avoir pas vu depuis longtemps et lui demandait s'il n'?tait plus ? Paris: < --Est-ce que tu as h?rit??>> ajouta Max en jetant les yeux sur les v?tements neufs et bien faits de son ami. Une expression d'inqui?tude se peignit sur le visage de Cl?ment. < Destroy l'en f?licita cordialement. < --Tu parles de femme malade, d'enfant en nourrice, dit Max ? la suite d'une pause; serais-tu mari?? --Oui, r?pondit Cl?ment; avec Rosalie. --Avec Rosalie! s'?cria Destroy, qui semblait n'en pas croire ses oreilles. --N'est-ce pas la chose du monde qui devrait le moins te surprendre? dit Cl?ment avec calme. J'ai, du reste, ? te conter des faits bien autrement curieux. Mais, ajouta-t-il en regardant de Villiers avec des yeux o? il y avait de la d?fiance et de la haine, ce serait trop long, je n'ai pas le temps. Viens donc me voir un de ces jours, nous d?nerons ensemble et nous causerons. Je suis certain aussi que Rosalie sera heureuse de te revoir.>> Destroy affirma qu'il lui rendrait visite d'ici ? une ?poque tr?s-prochaine. Cl?ment lui indiqua son domicile, et, quelques pas plus loin, lui serra les mains et s'?loigna. A la suite de cette rencontre, Max et de Villiers arpent?rent quelque temps la promenade sans souffler mot. P?n?tr?s l'un et l'autre de la persuasion d'?tre d'une opinion essentiellement diff?rente sur le personnage avec lequel ils venaient de se rencontrer, ils ne paraissaient nullement jaloux d'avoir une discussion qui ne pouvait ?tre que p?nible. Mais, chose singuli?re, sans se parler ils s'entendaient et se comprenaient parfaitement. Aussi quand Max, par inadvertance, pensa tout haut et laissa ?chapper un mot de compassion sur Cl?ment, la r?plique de de Villiers ne se fit-elle pas attendre.
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