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Read Ebook: Une politique européenne : la France la Russie l'Allemagne et la guerre au Transvaal by Grosclaude Etienne

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Ebook has 172 lines and 21175 words, and 4 pages

?TIENNE GROSCLAUDE

UNE POLITIQUE EUROP?ENNE

La France, la Russie, l'Allemagne Et LA GUERRE AU TRANSVAAL

L'Afrique du Sud sera le tombeau de l'Angleterre.

BISMARCK.

<>

Cette tragique boutade, inspir?e ? un homme d'?tat anglais par la mort inutilement glorieuse du Prince imp?rial au Zoulouland, pourrait bien rencontrer une application nouvelle dans les ?v?nements qui se d?roulent en ce moment autour du Transvaal.

Peut-?tre ne se trouve-t-il plus de missionnaires ?vang?listes accessibles ? la belle simplicit? des religions primitives comme le fut l'?v?que Colenso, mais il y a encore des g?n?raux anglais ? battre dans l'Afrique du Sud, et de graves probl?mes europ?ens se dressent attendant une solution qu'il ne serait pas surprenant de voir arriver de si loin.

La patience de l'Europe finira quelque jour par se trouver ? bout; ce jour approche; enfin lasse de supporter les provocations outrageantes de l'Angleterre et ses dommageables empi?tements, cette Europe va-t-elle sauter sur l'occasion inesp?r?e de liquider en bloc un compte d?biteur journellement grossi par les acquisitions de l'Imp?rialisme qui s'?tale ? la surface du globe sans trouver devant lui la moindre opposition de fait. Des mots, des mots, pas un geste, or si quelque chose pouvait arr?ter cette marche foudroyante, ce n'?tait ni les j?r?miades d'une diplomatie dont le style, d?s longtemps exerc? ? la fuite, excelle ? trouver les d?tours par lesquels on ?chappe aux responsabilit?s de l'action,--ni les t?l?grammes ? sensation d'un bouillant Kaiser, momentan?ment oublieux des ?gards qui sont dus ? une vieille grand'm?re... quelle que soit sa condition sociale.

Le r?veil de l'Europe, ? l'heure o? nous voici, n'aurait assur?ment rien de pr?matur?, mais la condition physiologique la plus n?cessaire pour se r?veiller, c'est de ne pas ?tre mort. Il faudrait donc au pr?alable s'assurer si dame Europe est d?funte, ou si elle est seulement assoupie.

L'Europe existe-t-elle encore autrement que sur la carte? sur la carte o? l'on voit juxtapos?es des nations, dont les deux plus consid?rables sont s?par?es par un ab?me de ressentiments que rien ne saurait combler,--rien, h?las! de ce qu'il est permis d'attendre d'un consentement pacifique. Au centre: un groupement compact de nationalit?s dont la coh?sion peut ?tre subitement an?antie par la disparition d'une dynastie; sur les c?t?s: deux grands peuples qu'unissent ? travers l'espace des liens dont la solidit? n'a pas encore ?t? soumise au contr?le d'une ?preuve d?cisive.

Aveugl?e par le tourbillon des craintes et des esp?rances particularistes, l'agglom?ration europ?enne n'a point une vision suffisamment d?gag?e pour discerner au dehors le p?ril qui la menace dans son ensemble et pour reconna?tre l'int?r?t qu'il conviendrait de soutenir en commun. Il est toutefois incontestable que, depuis un certain temps, les deux groupes antagonistes, ob?issant l'un et l'autre au seul instinct de la conservation, portent parall?lement leurs efforts vers un unique objectif, qui est la paix de l'Europe; ce n'est un secret pour personne que, d?s son origine, la Triplice eut un caract?re exclusivement d?fensif, pr?voyante entreprise de cimentation du bloc improvis? dans l'Europe centrale et longtemps expos? ? un retour offensif de ceux ? qui l'on en avait arrach? la derni?re pierre.

Or, en d?pit de toute vraisemblance et peut-?tre aussi de toute logique, les angoisses, qui, durant une vingtaine d'ann?es, troubl?rent le sommeil des conqu?rants, se sont apais?es ? mesure que se trouvaient d??us les ardents espoirs de la nation mutil?e qui, depuis le d?sastre, n'a pas eu un gouvernement capable de lui commander le devoir et de lui imposer la confiance. On a laiss? le temps faire son oeuvre et une sorte de prescription s'?tablir, bien qu'il n'en soit aucune d'admissible pour certains forfaits de l'histoire. Henri Heine reprochait ? ses compatriotes de n'avoir pas encore, ? l'heure o? il ?crivait, pris leur parti du meurtre de Conradin de Hohenstaufen par Charles d'Anjou; cette critique ?tait le plus bel ?loge qu'on p?t faire d'une race qui ne s'expliquera jamais comment certains peuples se d?pouillent en quelques ann?es des souvenirs que les autres conservent ? travers les si?cles.

Les causes de cette d?saffection publique sont-elles dans la l?g?ret? de l'esprit fran?ais? dans un abaissement des caract?res d?prim?s par la plus stup?fiante humiliation nationale? dans une d?moralisation cons?cutive ? l'accroissement et ? la vulgarisation du bien-?tre mat?riel, qui r?tr?cit les id?es au calibre des petits int?r?ts imm?diats? dans le cosmopolitisme financier, qui subordonne les principes aux effets et les sentiments aux profits palpables? Peut-?tre faudrait il les rechercher surtout dans deux ordres de ph?nom?nes dont l'un est n?faste et gros de menaces, tandis que l'autre, en compensation, nous ouvre un avenir plein de promesses et soutient les plus radieuses en m?me temps que les plus solides esp?rances de la patrie fran?aise: ? notre passif, le d?couragement o? ce pays est enfonc? chaque jour davantage par le pessimisme d'une presse acharn?e ? ne fouiller que le mal, ? n'?taler que les plaies, ? ne publier que les hideurs d'une nation dont la sant? n'a jamais ?t? plus exub?rante, dont la f?condit? au bien et la facult? du beau ne font doute que pour elle-m?me, et dont la principale cause de faiblesse est dans ce r?gime ?nervant qui la r?duirait bien vite ? une hypocondrie plus d?sastreuse que ne le seraient de v?ritables infirmit?s.

Pour ce qui est de notre actif, avec quelle encourageante satisfaction on y inscrit le prodigieux mouvement d'une expansion coloniale, qui, depuis vingt ans, a suscit? tant d'admirables ?nergies, secou? la torpeur des ?nergies industrielles et commerciales, ranim? l'esprit d'entreprise somnolent depuis un si?cle, fait r?appara?tre l'initiative individuelle dont l'effacement nous mena?ait d'une d?cadence irr?m?diable, et ouvert ? l'activit?, par cons?quent ? la prosp?rit? nationale, un vaste empire dont le spectacle doit suffire ? nous rendre le sentiment indispensable de notre force et de notre valeur!

Voil? ce que nous a donn? notre politique coloniale; il est vrai que nous n'avons pas ?t? seuls ? en b?n?ficier et qu'elle a valu la paix ? l'Europe. On lui en a fait un crime.

Le grief ?tait-il fond??

Il l'?tait sans aucun doute, si l'on a lieu de croire que, sans l'oeuvre absorbante qui nous a successivement occup?s en Tunisie, au Tonkin, au Soudan et ? Madagascar, nous nous fussions trouv?s dans les conditions morales et mat?rielles indispensables pour assurer la r?paration des catastrophes de 1870 et la reprise de l'Alsace-Lorraine.

Si, au contraire, en imaginant que ne se f?t pas d?velopp?e cette grandiose ?pop?e coloniale, qui, sans d?tourner une proportion excessive de nos forces continentales, nous a valu une immense extension territoriale et un ind?niable rel?vement de notre situation morale, de notre cr?dit europ?en, de notre <>, comme disent les Anglais; si l'on est amen? par l'examen de cette hypoth?se ? la conclusion qu'en l'absence de toute cette activit? au dehors, nous n'aurions pas davantage tir? parti en Europe de notre libert? d'action,--faute de pouvoir compter sur l'?tat d'esprit indispensable pour mener ? bien la plus formidable entreprise militaire des temps modernes,--et que tout se serait born? ? en parler davantage et ? y penser plus longtemps, mais sans rien faire de plus; alors il faut proclamer que notre politique coloniale a ?t? un grand bienfait pour la France en m?me temps que pour le reste de l'univers,--? l'exception de l'empire britannique,--et que Jules Ferry fut un des hommes d'?tat les plus avis?s de notre ?poque.

En d?pit des efforts constants de l'Angleterre souveraine de toutes les eaux, et qui navigue avec une sup?riorit? particuli?re dans l'eau trouble,--la situation de l'Europe s'est visiblement clarifi?e depuis quelques ann?es; non seulement il appara?t qu'une unit? d'action momentan?e y serait possible dans des cas d?termin?s, mais il semble m?me qu'elle serait facilit?e par le groupement actuel des forces oppos?es en deux faisceaux, que rien n'emp?cherait de diriger ? un moment donn? dans le m?me sens, quitte ? les laisser reprendre, l'instant d'apr?s, leur orientation habituelle. Cette synergie occasionnelle, il ne faut pas l'oublier, s'est d?j? manifest?e dans les affaires de Chine, o? la France et la Russie, d'accord sur ce point, et sur ce point seulement, avec l'Allemagne, ont <> leurs int?r?ts en face de l'Angleterre.

C'est ? dessein que j'emprunte au langage des gens d'affaires ce terme significatif, puisque aussi bien toutes les grandes nations out reconnu l'avantage d'emprunter ? l'imp?rialisme britannique sa politique de <>, au moment o? se d?battent en Asie et en Afrique les int?r?ts mat?riels les plus consid?rables et o? sir Charles Beresford, au retour de son importante mission en Extr?me-Orient, s'intitule avec une apparente modestie <> de la Grande-Bretagne.

Les nations europ?ennes semblent ?tre parvenues ? ce point de d?veloppement o? l'individu, sentant se ralentir sa facilit?s de produire, met ? profit sa vieille exp?rience pour tirer parti du travail d'autrui; c'est pour cela que, sur toute la surface du globe, se d?bat pr?sentement la comp?tition la plus ?pre qui ait jamais mis des gens d'affaires aux prises: le partage des contr?es de production entre les vieux pays, dont l'activit? doit se borner d?sormais ? une exploitation lucrative.

Le proc?d? syndicataire est plus indiqu? que tout autre pour une op?ration de cette nature; il pr?sente notamment l'avantage d'unir les int?r?ts sans lier les parties, qui conservent toute leur libert? d'action en dehors de l'objet sp?cial pour lequel est constitu? le syndicat. Il n'a pas les exigences ?troites de l'association, ni ses promiscuit?s; on a des int?r?ts communs, mais cela n'engage ? rien pour les relations personnelles, et les porteurs de parts ne sont aucunement tenus de se saluer quand ils se rencontrent.

C'est un avantage ? consid?rer lorsqu'il s'agit d'un r?glement de comptes comme celui que l'Europe peut avoir ? effectuer d'un moment ? l'autre, et qui serait singuli?rement facilit? par une association temporaire, dans laquelle seraient totalis?s les cr?dits individuels des divers participants sans qu'il en r?sult?t pour eux l'obligation de se faire des politesses.

Laissant de c?t? pour quelques heures les ressentiments ineffa?ables et r?servant tous leurs droits sur le grave litige ?lev? entre elles il y a trente ans, la France et l'Allemagne peuvent-elles d?cemment entrer dans un syndicat de ce genre, en vue de sauvegarder des int?r?ts communs qu'il leur est impossible de soutenir isol?ment et dont la r?alisation se trouverait compromise par de plus amples d?lais?

Telle est la question. Pour la r?soudre, le premier point ? examiner, c'est si leurs int?r?ts dans cette affaire sont d'un poids suffisant pour contrebalancer le dommage sentimental que nous infligerait un tel rapprochement? Est-il av?r? que l'expansion britannique constitue pour le genre humain un p?ril, dont nous aurons ? supporter le premier choc, et si pressant qu'il nous faille imposer silence momentan?ment ? notre profonde rancune pour marcher ? c?t? de l'ennemi d'hier, et peut-?tre de demain, contre l'ennemi de toujours?

Les int?r?ts de cet associ? de circonstance sont-ils, d'autre part, assez puissants pour le d?terminer ? une communaut? de raison,--non du sentiment,--sans aucune garantie de notre part contre les revendications qui nous tiennent au coeur?

Ce syndicat, dont la gestion serait, je suppose, confi?e tout d'abord ? la Russie, en vue de r?duire les froissements au minimum, disposerait-il de moyens assez puissants pour trancher au profit commun le grand partage mondial, on mettant l'adversaire dans l'impossibilit? de se tailler la part du lion britannique, et assez continus pour assurer ? chacun la jouissance pacifique des possessions ?quitablement r?parties?

Quels seront ses moyens d'action? Sur quels points devront-ils agir? et dans quelle forme? Sera-ce, comme il est d?sirable, dans un d?bat correct autour d'un tapis vert, sans qu'on en soit r?duit ? descendre sur le pr?, et fera-t-on enfin cesser le bruit assourdissant des coups de canon de l'Afrique du Sud pour permettre aux int?ress?s europ?ens d'?changer des observations dans ces formes courtoises que sont toujours enclins ? observer entre eux des hommes arm?s jusqu'aux dents? Voil? de formidables probl?mes qu'il serait urgent de r?soudre et qu'il est int?ressant d'examiner en parvenant ? ce carrefour historique, devant lequel sont en passe d'h?siter ind?finiment nos diplomates de bureau, comparables ? Hercule seulement par une ind?cision qui, en se prolongeant davantage, les assimilerait plus justement au quadrup?de philosophique de Buridan.

Une caricature, dont la l?gende est pass?e en proverbe, constate que, du temps de Gavarni, les Anglais se consid?raient d?j? comme chez eux partout o? l'eau ?tait sal?e; ils ont depuis cette ?poque pris go?t ? l'eau douce et, apr?s avoir plant? leur pavillon le long de toutes les c?tes hospitali?res et sur toutes les ?les en bonne place, ils se sont mis ? remonter les fleuves, accaparant les grandes vall?es l'une apr?s l'autre, portant leur effort principal en Chine, sur le Yang-Ts?-Kiang, le M?nam et le M?kong, et en Afrique, sur le Nil et le Niger, tout en empi?tant le plus possible sur le Zamb?se et en recherchant toutes les occasions de s'immiscer dans le Congo. On va jusqu'? pr?tendre que leur influence remonte tel fleuve d'Europe jusqu'au niveau du quai d'Orsay; qu'elle atteint m?me, depuis quelques mois, sur la rive oppos?e jusqu'au Pavillon de Flore.

Pour parler statistiquement, l'empire britannique couvre aujourd'hui plus d'un sixi?me de la terre habit?e. L'expansion phag?d?nique de son imp?rialisme d?vorera tout le reste, s'il ne lui est oppos? une m?dication radicale et prompte.

Elle s'?tale depuis lors dans un embonpoint, qui rev?t, sous la pouss?e de l'Imp?rialisme, un inqui?tant aspect de turgescence. Voici d?j? qu'apparaissent ? fleur de peau les sympt?mes d'une couperose que l'esth?tique r?prouve et que l'hygi?ne ne saurait tol?rer: p?nibles d?mangeaisons du c?t? des Indes, o? l'an?mie voisine ? la pl?thore, fendillement du Canada, tum?faction de l'Australie par l'effet de cette chaleur du sang qui fait ?clater les vaisseaux de l'Afrique du Sud. Cette efflorescence est due aux capiteuses doctrines, dont les premi?res gouttes furent distill?es par lord Beaconsfield et que M. Chamberlain r?pand ? flots depuis quelques ann?es; c'est ? lui qu'il faut s'en prendre si la nation anglaise, ? l'exception de quelques t?tes solides, est enivr?e par le suc ferment? de l'herbe guerri?re qui lui a fait perdre la notion des r?alit?s on m?me temps que le sentiment des devoirs. Quand et comment cela va-t-il finir? Il n'y a rien de tel pour d?griser les gens ivres que de voir couler leur sang. C'est le douloureux spectacle offert en ce moment ? la nation anglaise. Elle s'en trouvera bien; l'avertissement et la saign?e seront profitables ? sa nature apoplectique, congestionn?e chaque jour davantage par la satisfaction abusive d'un <> que ne limite plus aucune consid?ration de respect humain.

on a fortement grogn?>>, nous dit le correspondant d'un grand journal parisien.

Cette citation est utile, en ce qu'elle fait comprendre l'attitude du Salisbury contemporain aux observateurs superficiels que trouble la d?sinvolture avec laquelle un homme d'?tat de ce sang-froid et de cette tenue s'est laiss? gagner ? la main par le fougueux attelage qu'on le croyait de force ? maintenir. On s'explique parfaitement qu'emport? dans ce galop infernal, sur la pente d'une inclination de l'opinion publique aussi accentu?e, un homme de l'?ge du marquis de Salisbury ne se soit pas senti assez vigoureux pour bouter en douceur le char de l'?tat contre la borne d'un v?to souverain, ni assez ingambe pour sauter ? terre, et qu'il ait rendu la main. Au bout du foss? l'on verra si ce fut de la prudence.

Il est ?galement, vraisemblable que M. Chamberlain lui-m?me a ?t? entra?n? par ce mouvement populaire fort au del? du but qu'il cherchait ? atteindre, et avec une vitesse dont il n'est pas sans ?prouver les inconv?nients. C'est un destin auquel se trouvent constamment expos?s les agitateurs publics.

<

Dans quelle mesure ces lignes de Renan s'appliquent-elles ? M. Chamberlain et quelle est la part du dessein conscient dans le g?nie malfaisant de ce politicien qu'une ambition implacable a ?lev? progressivement de la manufacture des souliers ? la fabrication des ?crous, et du coll?ge ?lectoral de Birmingham jusqu'? la plus haute situation politique du Royaume-Uni,--qui est peut-?tre ? la veille de trouver en lui son Crispi?

Voici l'horoscope que M. Labouch?re tirait, il y a quelques mois, sur ce grand entrepreneur de sp?culation ? main arm?e:

Si lord Salisbury ne surveille pas avec soin son secr?taire d'?tat, nous nous trouverons engag?s dans une guerre, au Sud-Africain, et non avec le seul Transvaal,--guerre dans laquelle les sympathies de la majorit? des habitants du Cap seront tourn?es vers nos adversaires,--guerre qui n'aura d'autre but que de satisfaire la rancune de M. Chamberlain contre le pr?sident Kr?ger.

M. Chamberlain n'est pas un homme d'?tat. Hors du pouvoir, ses projets apparaissent et disparaissent comme les averses d'avril. Une, fois au pouvoir, son grand but est de mettre ses coll?gues dans l'embarras. Si on l'avait laiss? faire, nous aurions eu la guerre avec la Russie, la France, les ?tats-Unis et l'Allemagne... Dans ma conviction, M. Chamberlain est le plus dangereux ministre imp?rial qui ait jamais dirig? le d?partement des Colonies. Si lord Salisbury n'avait pas ?nergiquement retenu M. Chamberlain, nos colonies en arriveraient bient?t ? abhorrer le lien qui les attache ? nous, et l'avidit? pour les annexions africaines nous aurait d?j? jet?s dans un conflit avec une ou plusieurs puissances europ?ennes.>>

Sa causticit? ronge le foie des puritains d'?tat qui out engag? l'honneur de l'Angleterre dans une guerre effroyable, dont le principe est ce qu'il appelle en argot de bourse un <>--un coup sur les Cafres,--et dont le but humanitaire est de secourir contre les sataniques fermiers boers ces petits agneaux de financiers des mines d'or, <> comme les appelle sir Alfred Milner. Il est vrai que cette qualification avait ?t? utilis?e, trois ans auparavant par M. L?onard, l'audacieux mais fugitif entrepreneur de la r?volution de Johannesburg, ce soul?vement impr?vu des mis?res capitalistes, qui a inspir? ? M. Cecil Rhodes devant la commission d'enqu?te parlementaire ce mot d'une profondeur vertigineuse: <>

M. Chamberlain est l'ennemi personnel du genre humain, mais sa combativit? s'est rev?tue d'une armure de prudence en Extr?me-Orient, o? il a trouv? ? qui parler: inqui?tants partenaires aupr?s desquels il fallait ?tre le convive <>, adversaires plus redoutables encore, en face desquels on devrait sortir des armes d'une taille proportionn?e ? la cuiller en question. L?, tout s'est born? de sa part ? quelques ?carts de langage, ? des provocations purement verbales pour amuser la galerie.

C'est ainsi qu'il fut amen? ? tourner ses batteries sur l'Afrique, o? ne se trouvait devant lui qu'un comp?titeur en pleine croissance territoriale mais moralement amoindri par une d?moralisation politique qui laissait ? la merci du quidam assez audacieux pour en imposer ? un esprit affaibli, tout le b?n?fice du travail vaillamment et pers?v?ramment accompli par des membres alertes et vigoureux.

Et l'oeuvre r?alis?e en vingt ans d'une initiative coloniale aussi heureuse que vaillante, et favoris?e contre toute attente par un esprit de suite qui faisait d?faut partout alentour, s'est trouv?e compromise par l'effet de la volont? d'un gouvernement incapable d'?tendre son application ? d'autres objets que ceux de la lutte des partis.

Depuis l'?poque lointaine,--en ce temps-l? M. Chamberlain ne s'?levait pas encore au-dessus de la chaussure,--depuis que le d?sastreux accident d'une fausse manoeuvre parlementaire entre Gambetta et M. de Freycinet nous a fait perdre l'?gypte m?diterran?enne, les sympt?mes progressifs de notre affaissement int?rieur se sont normalement d?velopp?s jusqu'au jour o? il a ?t? reconnu que nous ?tions m?rs pour l'affolement: alors, il a suffi de la menace de Fachoda,--merveilleusement mise en sc?ne, il est vrai,--pour nous faire abandonner pr?cipitamment le Soudan Nilotique aux mains d'un larron, dont la terrifiante escopette n'?tait pas charg?e d'une autre poudre que celle que l'on jette aux yeux, et dont la seule chance s?rieuse de nous r?duire r?sidait dans son ascendant moral. Ce fut alors que le marquis de Salisbury fit signer ? la France, sous le nom de D?claration additionnelle ? la Convention franco-anglaise du 14 juin 1898, le billet de Fuald?s, tandis que M. Chamberlain tournait fr?n?tiquement l'orgue de Barbarie de ses Rudyard Kipling.

La grandiose conception du chemin de fer du Cap au Caire trouvait d?s lors, de ce c?t?, une fondation puissante; il restait ? en ?tablir l'autre pilier en agglom?rant les moellons de l'Afrique du Sud par la r?duction du Transvaal, corps ?tranger, dont la substance r?fractaire emp?chait le ciment de prendre. Il faudrait ensuite assurer le sout?nement de la vo?te m?diane par un accord,--il serait peut-?tre plus exact de dire par un raccord,--soit avec la colonie allemande de l'Est-Africain, soit avec l'?tat ind?pendant du Congo, qui s'?tendent, bout ? bout, de l'un ? l'autre oc?an, en travers de la route virtuelle du Nord au Sud.

Une fois pourvue de cet instrument de domination qui mettrait le Zamb?se et le Congo sous sa main d?j? pos?e sur tout le Nil et sur le Bas-Niger, l'Angleterre n'aurait plus qu'? s'installer ? Delagoa-Bay, qui commande l'oc?an Indien, et c'en serait fait ? l'instant de l'oeuvre coloniale patiemment ?labor?e, au prix de quels sacrifices et de quels d?vouements par la France et, aussi, par l'Allemagne.

La conqu?te du Transvaal repr?sente pour l'Angleterre trois ?l?ments d'un int?r?t capital: c'est la cr?ation d'un empire sud-africain aussi puissant que celui des Indes et moins expos? aux convoitises de voisinage; c'est l'accaparement des richesses mini?res qui constituent un tr?sor dans lequel il n'y aura qu'? puiser pour alimenter les d?penses incalculables d'une installation de cette envergure; c'est enfin la prise de possession de la baie de Delagoa, qui sera dans le jeu de l'Angleterre un atout aussi pr?cieux que Gibraltar: la rade de Louren?o-Marqu?s ?tant appel?e ? fournir, au prix de certains travaux, l'un des plus beaux ports du monde, et ? devenir le grand d?versoir des charbons de l'Afrique du Sud.

Tout cela va tomber in?vitablement aux mains de l'Angleterre, qui, comme l'avare Ach?ron, ne l?che point sa proie, et c'en est fait de l'Afrique pour les autres nations de l'Europe, ? moins qu'une voix ne se fasse entendre pour appeler le monde pacifique au soutien d'un ?quilibre sud-africain qui pourrait ?tre, avec une stabilit? infiniment moins pr?caire, l'utile contrepoids de cet ?quilibre europ?en dont la recherche a troubl? plus de cervelles que la poursuite du mouvement perp?tuel.

L'historique de la question sud-africaine a ?t? trac? maintes fois depuis que le conflit anglo-transvaalien, passant graduellement de la forme chronique ? l'?tat aigu, tient l'Europe en ?moi. Il se lie d'ailleurs ?troitement ? la d?solante histoire de la comp?tition anglo-fran?aise en ?gypte, qui marque la premi?re ?tape de l'Imp?rialisme africain.

Apr?s une vaine tentative pour enlever aux Hollandais leur florissante colonie du cap de Bonne-Esp?rance, en 1786,--attentat vivement ch?ti? par le bailli de Suffren au combat du Cap-Vert,--l'Angleterre profita de la R?volution fran?aise pour s'y insinuer adroitement, mais c'?tait cette fois-l? dans l'honorable dessein de la conserver ? la Hollande, car la politique anglaise est un peu comme le sabre de M. Prudhomme <>. Elle la conserva si bien qu'elle l'a gard?e jusqu'? ce jour.

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