Read Ebook: Une politique européenne : la France la Russie l'Allemagne et la guerre au Transvaal by Grosclaude Etienne
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page
Ebook has 172 lines and 21175 words, and 4 pages
Apr?s une vaine tentative pour enlever aux Hollandais leur florissante colonie du cap de Bonne-Esp?rance, en 1786,--attentat vivement ch?ti? par le bailli de Suffren au combat du Cap-Vert,--l'Angleterre profita de la R?volution fran?aise pour s'y insinuer adroitement, mais c'?tait cette fois-l? dans l'honorable dessein de la conserver ? la Hollande, car la politique anglaise est un peu comme le sabre de M. Prudhomme <
On n'attribuait alors ? ces terres sauvages pas plus de valeur que lord Salisbury n'en accordait ? ces sables dans lesquels, selon son impertinente appr?ciation, le coq gaulois se pla?t ? picorer. Un beau jour, il se trouva des diamants ? Kimberley, chez les Boers de l'Orange: presque aussit?t la r?gion de Kimberley ?tait annex?e ? la Couronne . On d?couvrit peu apr?s les mines d'or du Rand; le Transvaal prit aussit?t le plus vif int?r?t aux yeux de l'Angleterre qui se l'annexa sans autre forme de proc?s , et, il faut le dire aussi, sans r?sistance effective des Boers, ?puis?s de forces et de ressources par leurs luttes meurtri?res contre les peuplades noires sur lesquelles ils avaient conquis ce pays. Le commissaire anglais Shepstone n'eut qu'? se montrer pour prendre possession, par ordre du gouverneur g?n?ral du Cap, sir Bartle Fr?re, dont la d?claration fut confirm?e l'an suivant par son successeur lord Wolseley, au m?pris du trait? de 1852. L'Angleterre triomphait.
Elle a d?chant? depuis ce temps. Apr?s de vains et persistants efforts pour obtenir justice ? Londres, les Boers, exasp?r?s par l'intol?rance maladroite des fonctionnaires locaux, comprirent qu'il n'y avait ? compter que sur la force; dans une r?union solennelle des burghers ? Pardekraal, le 16 d?cembre 1880, ils mirent ? leur t?te le triumvirat Kr?ger, Brand et Joorissen, qui confia la direction des op?rations militaires au g?n?ral Joubert. Les Anglais furent battus ? Potchefstroom, les passes du Drakenberg furent occup?es sur la fronti?re du Natal et les journ?es de Laings Neck et d'Iniogo, suivies de la double victoire de Majuba-Hill, mirent en d?route l'arm?e du g?n?ral sir Pomeroy Colley, qui fut trouv? parmi les morts. Le bruit courut qu'il s'?tait br?l? la cervelle.
C'est pour le r?tablissement de cette suzerainet?, jamais exerc?e et promptement d?nonc?e, que le gouvernement britannique fait la guerre, apr?s avoir jou? longtemps d'un autre pr?texte aussi peu fond?, la revendication des droits politiques des uitlanders , en d?pit du trait? de 1884, dont l'article 4 pr?cise la nature de ces droits, exclusivement commerciaux, et sans la moindre pr?tention ? une ing?rence politique. M. Kr?ger avait pourtant, ? une ?poque o? il se faisait encore illusion sur la sinc?rit? de certaines dol?ances, ouvert la porte du second Raad aux uitlanders justifiant comme ?lecteurs de deux ans de s?jour et de quatre ans comme ?ligibles, sous la seule condition, bien entendu, qu'ils renon?assent ? la nationalit? anglaise. Le nombre fut infime de ceux qui mirent ? profit cette occasion d'?chapper ? leur sort de uitlanders pers?cut?s. Ils voulaient bien partager les avantages des burghers, mais ils ne songeaient pas un seul instant ? renoncer aux pr?rogatives des citoyens britanniques.
Jameson pr?tendit r?gler la question d'un coup de main; on lui donna sur les doigts; M. Chamberlain l'a rouverte avec une poigne plus exerc?e, mais qui ne para?t pas devoir ?tre plus heureuse.
Un d?tail montrera quel fut ? cette ?poque l'acharnement du Destin contre cet homme: en arrivant de Buluwayo au Cap, il trouva sur le quai du chemin de fer un de ses meilleurs amis qui l'attendait avec une figure de circonstance:
--Rhodes! un nouveau malheur!
--Quoi donc?
--Votre maison du Cap a br?l? cette nuit...
--Vous m'avez fait une peur! murmura-t-il sans sourciller, et, apr?s une innocente malice sur le compte de l'infortun? Jameson, il s'engagea dans une interminable conversation d'affaires, puis il prit le bateau sans ?tre all? visiter les d?combres, ?tant de ceux qui sont trop occup?s de ce qu'il y a devant eux pour regarder en arri?re.
Le trait le plus significatif de cet homme de caract?re est, je crois, peu connu: ? trente ans, ayant r?alis? ? Kimberley l'immense fortune que l'on sait, il jugea ne pouvoir faire un meilleur emploi du loisir opulent qui s'offrait ? lui qu'en allant passer au coll?ge d'?ton le temps n?cessaire ? l'acquisition d'une culture litt?raire, indispensable pour un homme public en Angleterre, et que son absorption pr?coce dans les charbonnages de Natal ne lui avait pas permis de se procurer jusqu'alors.
La pratique des belles-lettres et de la philosophie scolaire paraissent lui avoir aiguis? l'esprit sans l'orner et n'avoir point affin? la rudesse de son temp?rament. Il fait partie du Conseil priv? de la Reine, mais ce n'est assur?ment point un homme de cour. L'obs?dante contention de sa pens?e ne laisse gu?re de place aux soins de la courtoisie et il ne s'applique aucunement ? envelopper l'impression de ses sentiments dans la conversation ni dans le discours en public. Son action personnelle dans les n?gociations d'homme ? homme est extr?me, mais il n'a point de talent oratoire, et ses intimes ?prouvent un violent malaise chaque fois qu'il discourt dans un banquet,--si l'on n'a pris soin auparavant de retirer tous les plats.
Les enivrantes promesses de son imp?rialisme ne se sont pas r?alis?es de la fa?on qu'on attendait; il semble toutefois que M. Rhodes n'ait pas encore d?courag? chez ses compatriotes l'esp?rance, cet aliment de pr?dilection des sp?culateurs financiers et politiques. Sa photographie se dresse sur tous les pianos du Royaume-Uni et des colonies ou pays de protectorat, et son nom, aur?ol? de gloire, est r?p?t? avec orgueil par tous les enfants de la forte race qui couvre un sixi?me du monde habit?.
A voir en quelle gratitude l'Angleterre tient le fondateur de la Chartered, on se demande ce que les Belges doivent penser de l'homme auquel ils sont redevables de l'oeuvre glorieuse, pacifique et f?conde du Congo. Le colonel Thys est un homme d'une encolure aussi puissante que celle de Cecil Rhodes, auquel on pr?tend qu'il ressemble physiquement; mais ses robustes ?paules n'ont jamais laiss? tomber le fardeau qu'elles avaient ? soutenir, et il a tra?n? jusqu'au bout le char un moment embourb? de l'?tat ind?pendant. Son chemin de fer ne menace ni le Caire, ni le Cap, mais il fait la meilleure besogne qu'on ait jamais obtenue d'une voie ferr?e. Enfin le colonel Thys a l'heureuse chance d'?tre entour? d'amis qui ne le comparent pas ? Napol?on, ni m?me ? Alexandre le Grand, quoiqu'il soit en train de donner ? son pays un empire incomparable, tandis que, financi?rement discr?dit? par la Chartered, moralement amoindri par Jameson, et politiquement d?poss?d? par l'?chec ?lectoral de son parti dans la colonie du Cap, dont il avait ?t? si longtemps le premier ministre, M. Cecil Rhodes nous fait l'effet d'avoir l?ch? sa proie pour l'ombre de Napol?on.
Un homme d'action comme Cecil Rhodes ne doit pas ?tre superstitieux; autrement, il serait frapp? de la malechance obstin?e ? frapper les Anglais chaque fois qu'ils touchent aux Boers qui, guid?s, semble-t-il, par une heureuse ?toile, b?n?ficient d'une nouvelle trouvaille ? chaque ?tape de leur exode ou bien sont au contraire providentiellement d?tourn?s du sol n?faste de la Rhodesia vers lequel ils se dirigeaient quand s'y install?rent les Anglais, arriv?s toujours trop tard ou trop t?t dans ce coin du monde o? rien ne leur r?ussit et sur lequel ils s'acharnent ? contre-temps avec la fr?n?tique inopportunit? des passions malheureuses.
M. Kr?ger donnerait de cela l'explication naturelle ? l'esprit d'un croyant comme lui, qui se sent perp?tuellement en communication avec la Providence et qui sait pouvoir compter sur elle, comme il le professe dans toutes ses d?clarations solennelles; c'est ainsi qu'il l'exprimait r?cemment ? la s?ance de prorogation des Raads: <
Famili?rement surnomm? <
L'assimilation est compl?te par l'usage incessant chez Kr?ger comme chez Cromwell de ce jargon biblique, appel? <
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page