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Read Ebook: Le vicomte de Bragelonne Tome III. by Dumas Alexandre

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Ebook has 8528 lines and 146560 words, and 171 pages

Alexandre Dumas

LE VICOMTE DE BRAGELONNE

Table des mati?res

Le roi entra dans ses appartements d'un pas rapide.

Cette gaiet?, que chacun avait remarqu?e dans son attitude ? son arriv?e, et dont chacun s'?tait r?joui, nul ne l'avait peut-?tre approfondie dans son v?ritable sens; mais ce d?part si orageux, ce visage si boulevers?, chacun le comprit, ou du moins le crut comprendre facilement.

Madame, plus clairvoyante d'ailleurs, n'y vit cependant point d'abord autre chose. C'?tait assez pour elle d'avoir rendu quelque petite torture d'amour-propre ? celui qui, oubliant si promptement des engagements contract?s, semblait avoir pris ? t?che de d?daigner sans cause les plus nobles et les plus illustres conqu?tes.

Il n'?tait pas sans une certaine importance pour Madame, dans la situation o? se trouvaient les choses, de faire voir au roi la diff?rence qu'il y avait ? aimer en haut lieu ou ? courir l'amourette comme un cadet de province.

Avec ces grandes amours, sentant leur loyaut? et leur toute- puissance, ayant en quelque sorte leur ?tiquette et leur ostentation, un roi, non seulement ne d?rogeait point, mais encore trouvait repos, s?curit?, myst?re et respect g?n?ral.

Dans l'abaissement des vulgaires amours, au contraire, il rencontrait, m?me chez les plus humbles sujets, la glose et le sarcasme; il perdait son caract?re d'infaillible et d'inviolable. Descendu dans la r?gion des petites mis?res humaines, il en subissait les pauvres orages.

En un mot, faire du roi-dieu un simple mortel en le touchant au coeur, ou plut?t m?me au visage, comme le dernier de ses sujets, c'?tait porter un coup terrible ? l'orgueil de ce sang g?n?reux: on captivait Louis plus encore par l'amour-propre que par l'amour. Madame avait sagement calcul? sa vengeance; aussi, comme on l'a vu, s'?tait-elle veng?e.

Madame voyait donc, ou plut?t croyait voir les choses sous leur v?ritable aspect; elle savait que le roi, son auguste beau-fr?re, avait ri le premier de l'humble La Valli?re, et que, selon ses habitudes, il n'?tait pas probable qu'il ador?t jamais la personne dont il avait pu rire, ne f?t-ce qu'un instant.

D'ailleurs, l'amour-propre n'?tait-il pas l?, ce d?mon souffleur qui joue un si grand r?le dans cette com?die dramatique qu'on appelle la vie d'une femme; l'amour-propre ne disait-il point tout haut, tout bas, ? demi-voix, sur tous les tons possibles, qu'elle ne pouvait v?ritablement, elle, princesse, jeune, belle, riche, ?tre compar?e ? la pauvre La Valli?re, aussi jeune qu'elle, c'est vrai, mais bien moins jolie, mais tout ? fait pauvre? Et que cela n'?tonne point de la part de Madame; on le sait, les plus grands caract?res sont ceux qui se flattent le plus dans la comparaison qu'ils font d'eux aux autres, des autres ? eux.

Peut-?tre demandera-t-on ce que voulait Madame avec cette attaque si savamment combin?e? Pourquoi tant de forces d?ploy?es, s'il ne s'agissait de d?busquer s?rieusement le roi d'un coeur tout neuf dans lequel il comptait se loger! Madame avait-elle donc besoin de donner une pareille importance ? La Valli?re, si elle ne redoutait pas La Valli?re?

Non, Madame ne redoutait pas La Valli?re, au point de vue o? un historien qui sait les choses voit l'avenir, ou plut?t le pass?; Madame n'?tait point un proph?te ou une sibylle; Madame ne pouvait pas plus qu'un autre lire dans ce terrible et fatal livre de l'avenir qui garde en ses plus secr?tes pages les plus s?rieux ?v?nements.

Non, Madame voulait purement et simplement punir le roi de lui avoir fait une cachotterie toute f?minine; elle voulait lui prouver clairement que s'il usait de ce genre d'armes offensives, elle, femme d'esprit et de race, trouverait certainement dans l'arsenal de son imagination des armes d?fensives ? l'?preuve m?me des coups d'un roi.

Et d'ailleurs, elle voulait lui prouver que, dans ces sortes de guerre, il n'y a plus de rois, ou tout au moins que les rois, combattant pour leur propre compte comme des hommes ordinaires, peuvent voir leur couronne tomber au premier choc; qu'enfin, s'il avait esp?r? ?tre ador? tout d'abord, de confiance, ? son seul aspect, par toutes les femmes de sa cour, c'?tait une pr?tention humaine, t?m?raire, insultante pour certaines plus haut plac?es que les autres, et que la le?on, tombant ? propos sur cette t?te royale, trop haute et trop fi?re, serait efficace.

Voil? certainement quelles ?taient les r?flexions de Madame ? l'?gard du roi.

L'?v?nement restait en dehors.

Ainsi, l'on voit qu'elle avait agi sur l'esprit de ses filles d'honneur et avait pr?par? dans tous ses d?tails la com?die qui venait de se jouer.

Le roi en fut tout ?tourdi. Depuis qu'il avait ?chapp? ? M. de Mazarin, il se voyait pour la premi?re fois trait? en homme.

Une pareille s?v?rit?, de la part de ses sujets, lui e?t fourni mati?re ? r?sistance. Les pouvoirs croissent dans la lutte.

Mais s'attaquer ? des femmes, ?tre attaqu? par elles, avoir ?t? jou? par de petites provinciales arriv?es de Blois tout expr?s pour cela, c'?tait le comble du d?shonneur pour un jeune roi plein de la vanit? que lui inspiraient ? la fois et ses avantages personnels et son pouvoir royal.

Rien ? faire, ni reproches, ni exil, ni m?me bouderies.

Bouder, c'e?t ?t? avouer qu'on avait ?t? touch?, comme Hamlet, par une arme d?mouchet?e, l'arme du ridicule.

Bouder des femmes! quelle humiliation! surtout quand ces femmes ont le rire pour vengeance.

Mais l? encore la col?re royale s'arr?tait, repouss?e par le raisonnement.

Avoir une arm?e, des prisons, une puissance presque divine, et mettre cette toute-puissance au service d'une mis?rable rancune, c'?tait indigne, non seulement d'un roi, mais m?me d'un homme.

Il s'agissait donc purement et simplement de d?vorer en silence cet affront et d'afficher sur son visage la m?me mansu?tude, la m?me urbanit?.

Il s'agissait de traiter Madame en amie. En amie!... Et pourquoi pas?

Ou Madame ?tait l'instigatrice de l'?v?nement, ou l'?v?nement l'avait trouv?e passive.

Si elle avait ?t? l'instigatrice, c'?tait bien hardi ? elle, mais enfin n'?tait-ce pas son r?le naturel?

Qui l'avait ?t? chercher dans le plus doux moment de la lune conjugale pour lui parler un langage amoureux? Qui avait os? calculer les chances de l'adult?re, bien plus de l'inceste? Qui, retranch? derri?re son omnipotence royale, avait dit ? cette jeune femme: <>

Donc, la jeune femme avait ob?i ? cette parole royale, avait c?d? ? cette voix corruptrice, et maintenant qu'elle avait fait le sacrifice moral de son honneur, elle se voyait pay?e de ce sacrifice par une infid?lit? d'autant plus humiliante qu'elle avait pour cause une femme bien inf?rieure ? celle qui avait d'abord cru ?tre aim?e.

Ainsi, Madame e?t-elle ?t? l'instigatrice de la vengeance, Madame e?t eu raison.

Si, au contraire, elle ?tait passive dans tout cet ?v?nement, quel sujet avait le roi de lui en vouloir?

Devait-elle, ou plut?t pouvait-elle arr?ter l'essor de quelques langues provinciales? devait-elle, par un exc?s de z?le mal entendu, r?primer, au risque de l'envenimer, l'impertinence de ces trois petites filles?

Et voil? ce qu'il n'osait s'avouer ? lui-m?me, c'est que ces lancinantes atteintes avaient leur si?ge au coeur.

Et, en effet, il faut bien que l'historien l'avoue aux lecteurs, comme le roi se l'avouait ? lui-m?me: il s'?tait laiss? chatouiller le coeur par cette na?ve d?claration de La Valli?re; il avait cru ? l'amour pur, ? de l'amour pour l'homme, ? de l'amour d?pouill? de tout int?r?t; et son ?me, plus jeune et surtout plus na?ve qu'il ne le supposait, avait bondi au-devant de cette autre ?me qui venait de se r?v?ler ? lui par ses aspirations.

La chose la moins ordinaire dans l'histoire si complexe de l'amour, c'est la double inoculation de l'amour dans deux coeurs: pas plus de simultan?it? que d'?galit?; l'un aime presque toujours avant l'autre, comme l'un finit presque toujours d'aimer apr?s l'autre. Aussi le courant ?lectrique s'?tablit-il en raison de l'intensit? de la premi?re passion qui s'allume. Plus Mlle de La Valli?re avait montr? d'amour, plus le roi en avait ressenti.

Et voil? justement ce qui ?tonnait le roi.

Car il lui ?tait bien d?montr? qu'aucun courant sympathique n'avait pu entra?ner son coeur, puisque cet aveu n'?tait pas de l'amour, puisque cet aveu n'?tait qu'une insulte faite ? l'homme et au roi, puisque enfin c'?tait, et le mot surtout br?lait comme un fer rouge, puisque enfin c'?tait une mystification.

Ainsi cette petite fille ? laquelle, ? la rigueur, on pouvait tout refuser, beaut?, naissance, esprit, ainsi cette petite fille, choisie par Madame elle-m?me en raison de son humilit?, avait non seulement provoqu? le roi, mais encore d?daign? le roi, c'est-?- dire un homme qui, comme un sultan d'Asie, n'avait qu'? chercher des yeux, qu'? ?tendre la main, qu'? laisser tomber le mouchoir.

Et, depuis la veille, il avait ?t? pr?occup? de cette petite fille au point de ne penser qu'? elle, de ne r?ver que d'elle; depuis la veille, son imagination s'?tait amus?e ? parer son image de tous les charmes qu'elle n'avait point; il avait enfin, lui que tant d'affaires r?clamaient, que tant de femmes appelaient, il avait, depuis la veille, consacr? toutes les minutes de sa vie, tous les battements de son coeur, ? cette unique r?verie.

En v?rit?, c'?tait trop ou trop peu.

Et l'indignation du roi lui faisant oublier toutes choses, et entre autres que de Saint-Aignan ?tait l?, l'indignation du roi s'exhalait dans les plus violentes impr?cations.

Il est vrai que Saint-Aignan ?tait tapi dans un coin, et de ce coin regardait passer la temp?te.

Son d?sappointement ? lui paraissait mis?rable ? c?t? de la col?re royale.

Il comparait ? son petit amour-propre l'immense orgueil de ce roi offens?, et, connaissant le coeur des rois en g?n?ral et celui des puissants en particulier, il se demandait si bient?t ce poids de fureur, suspendu jusque-l? sur le vide, ne finirait point par tomber sur lui, par cela m?me que d'autres ?taient coupables et lui innocent.

En effet, tout ? coup le roi s'arr?ta dans sa marche immod?r?e, et, fixant sur de Saint-Aignan un regard courrouc?.

-- Et toi, de Saint-Aignan? s'?cria-t-il.

De Saint-Aignan fit un mouvement qui signifiait:

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