Read Ebook: Histoire du Chevalier d'Iberville (1663-1706) by Desmazures Adam Charles Gustave
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HISTOIRE DU CHEVALIER D'IBERVILLE
INTRODUCTION
Et en effet, cette colonie, confin?e d'abord sur les rives du Saint-Laurent, ?tait devenue, vers l'ann?e 1700, une domination puissante. Elle s'?tendait depuis Terre-Neuve jusqu'aux montagnes Rocheuses, depuis la baie d'Hudson jusqu'au golfe du Mexique. Ainsi elle formait un immense triangle pr?sentant 900 lieues sur chaque face, c'est-?-dire 400,000 lieues carr?es, pr?s de onze fois la surface du la France.
Une si vaste contr?e ?tait aussi pr?cieuse par l'abondance de ses produits que par leur vari?t?; elle offrait ? la m?re patrie une source in?puisable de richesse.
A l'ouest, des for?ts sans limites; au nord, la r?gion des fourrures; ? l'est, les grandes p?cheries de Terre-Neuve; enfin au sud, un sol fertile, un climat enchanteur, avec les produits incomparables des tropiques.
De plus, la Nouvelle-France avait conquis une vie individuelle ?minente sous tous les rapports; elle avait offert une carri?re h?ro?que ? des missionnaires intr?pides, fourni des saints, recrut? des communaut?s nombreuses et exemplaires; elle avait r?v?l? ? l'admiration de la m?tropole des hommes du plus grand m?rite, comme Jacques Cartier, Samuel de Champlain, du Maisonneuve, Le Ber, Talon, de Frontenac, de Tonnancourt, de Montigny, de Boucherville, et enfin, cette admirable famille des Le Moyne, qui ont ?t? jug?s dignes d'?tre salu?s du nom glorieux de Macchab?es du Canada.
A une ?poque comme la n?tre, o? l'on a sagement reconnu l'importance des entreprises coloniales et des ?tablissements lointains; dans un temps on l'on revient ? ces oeuvres, on peut trouver int?ressant et souverainement utile de consid?rer comment une domination si grande a ?t? conquise, ?tablie et d?velopp?e.
Les premiers temps de l'occupation ont ?t? largement expos?s dans des ouvrages consid?rables, comme ceux du P. Charlevoix, de M. Faillon, de M. Garneau, de M. Ferland; enfin dans les oeuvres des premiers navigateurs eux-m?mes: Jacques Cartier, Champlain, et M. de Poutrincourt, qui ont r?dig? leurs m?moires. Mais quand on arrive ? la p?riode de l'accroissement m?me de la Nouvelle-France, ? partir de 1680, il est n?cessaire de r?unir, de rassembler les documents innombrables diss?min?s dans un nombre infini d'ouvrages.
Pour bien conna?tre ces temps de transition, o? la petite colonie du Saint-Laurent atteignit l'?tendue d'une domination presque aussi vaste que l'Europe, il faut commencer par ?tudier quelques-uns des hommes d'?tat et des hommes de guerre qui ont eu part ? ces changements extraordinaires.
Or, incontestablement, l'homme dont il faudrait d'abord s'occuper, c'est celui qui a ?t? le plus remarquable de tous, celui qui a eu la vie la plus aventureuse et la destin?e la plus glorieuse, qui a jou? le r?le le plus ?minent, pendant trente ans, dans les plus grands ?v?nements du pays. Celui-l?, c'est l'illustre chevalier d'Iberville, de la famille des Le Moyne; et nous croyons qu'il serait indispensable de le faire conna?tre avant tous.
D'Iberville ?tait n? ? Montr?al, en 1662, dans la maison de son p?re, Charles Le Moyne, sur la rue Saint-Joseph, o? se trouve actuellement le bureau de la Fabrique de l'?glise Notre-Dame. Il a eu la gloire d'?tre associ? aux plus grands ?v?nements de ces premi?res ann?es, et on peut dire qu'il y a eu la part principale.
Il s'agissait de conqu?rir les richesses de cet immense continent, et ces for?ts dix fois s?culaires qui couvraient au nord des cent mille lieues carr?es, et ces r?gions o? se trouvent les pelleteries les plus belles qu'il y ait au monde, et ces courants myst?rieux de l'Oc?an allant porter chaque ann?e sur les c?tes de l'Atlantique des millions de bancs de poissons pour la subsistance de l'univers, et enfin ces contr?es du sud avec leurs sites enchanteurs, un climat d?licieux, une fertilit? incomparable et tous les fruits du paradis terrestre.
Or, c'est ce que le chevalier d'Iberville a merveilleusement mis ? ex?cution. A l'?ge de 22 ans, en 1684. il conduisit plusieurs exp?ditions ? la baie d'Hudson et prit tous les comptoirs anglais. D?s lors, la France pouvait pr?tendre au monopole des for?ts de l'Ouest et du commerce des fourrures.
Dans son exp?dition ? Terre-Neuve, en 1690, il rendit la m?re patrie ma?tresse des march?s de l'Europe pour l'exploitation des p?cheries.
Enfin, par ses exploits dans les Antilles et dans le golfe du Mexique, de 1700 ? 1705, il avait conquis les plus beaux pays du monde.
N'en est-ce pas assez pour ?tre tir? de l'oubli des ann?es et pour ?tre propos? ? l'attention des g?n?rations pr?sentes?
Donc, dans l'espoir d'?tre utile ? notre temps, nous voudrions que l'on pr?t connaissance de cette oeuvre de r?paration vis-?-vis d'un colonisateur incomparable et d'un h?ros trop ignor?. C'est un grand enseignement pour les esprits d'?lite qui commencent ? estimer l'importance de nos ancienne colonies; c'est une gloire pour la marine fran?aise, qui peut citer ce nom sur se m?me rang que ceux de Jean Bart, Tourville ou Duguay-Trouin; c'est un honneur pour la ville de Montr?al, la plus grande cit? de la colonie fran?aise, que de faire valoir celui qui a ?t? peut-?tre le plus illustre de ses enfants. On a d?j? parl? de lui consacrer, dans sa ville natale, une effigie qui serait si belle avec le magnifique portrait que l'on a conserv? de lui; mais, un attendant, ne convient-il pas de montrer combien cet honneur lui est d??
C'est dans ce but que nous consacrons cette monographie ? la m?moire du tr?s illustre Pierre Le Moyne, citoyen de Montr?al, sire d'Iberville, chevalier des ordres du roi et commandant de ses vaisseaux.
VIE DU CHEVALIER D'IBERVILLE
PREMI?RE PARTIE
CHAPITRE 1er
DE L'?TABLISSEMENT DE LA NOUVELLE-FRANCE.
Christophe Colomb avait accompli sa d?couverte, le 12 octobre 1492. Le bruit s'en r?pandit aussit?t en Europe et l'on comprend quelle ?motion causa un si grand ?v?nement. En attendant que les gouvernements prissent une d?cision, plusieurs contr?es maritimes song?rent ? explorer les r?gions nouvelles.
Les marins de la Bretagne et de la Normandie furent des premiers ? les aborder; ils reconnurent d'abord le banc de Torre-Neuve, et les pays de chasse du Labrador.
D?s 1504 la p?che avait commenc?; plusieurs capitaines entr?rent dans le pays et recherch?rent les fourrures.
En 1506, Denys, pilote de Honfleur, revint avec une carte du Saint-Laurent.
En 1508, on amenait en France des sauvages des c?tes am?ricaines.
En 1524, le gouvernement fran?ais envoyait un explorateur, Verazzani, qui visita les contr?es que l'on appela depuis la Nouvelle-?cosse et la Nouvelle-Angleterre.
En 1527, un navire anglais signalait la pr?sence, pr?s de Terre-Neuve, de dix b?timents bretons et normands.
En 1534, le grand amiral de France, Philippe de Chabot, envoyait un marin exp?riment?, Jacques Cartier, qui, en trois voyages cons?cutifs, explora le cours du Saint-Laurent et prit possession de ces nouveaux territoires au nom du roi de France. Il planta une croix surmont?e d'un ?cusson aux armes royales, et il b?tit un fort pr?s de Qu?bec.
Les guerres qui survinrent en Europe arr?teront les missions royales, mais les marins venaient toujours pour la p?che, et, en 1578, on compta jusqu'? 150 b?timents fran?ais sur le banc de Terre-Neuve.
Champlain vint occuper les rives du Saint-Laurent, pendant que M. de Poutrincourt s'?tablissait en Acadie.
En 1609, Champlain fonda In ville de Qu?bec, puis il explora le pays.
Il visita la rivi?re dite depuis de Richelieu, il reconnut au sud un grand lac qui porte maintenant son nom. Il signala la position d'Hochelaga , remonta l'Ottawa et vint jusqu'au lac Nipissing, en 1616. Il explora, aux environs du lac Nipissing, un autre lac qui a aussi port? son nom. Enfin, il fit venir les religieux R?collets, qu'il ?tablit en deux missions principales; ? Qu?bec et au lac Huron, Entre 1607 et 1635, Champlain avait fait quinze voyages. Il allait exciter le z?le des gouvernants, parlait des ressources du pays; mais en m?me temps, il faisait conna?tre les difficult?s de l'?tablissement: le froid excessif d?courageait les nouveaux arriv?s; le monopole de certaines compagnies tuait le commerce; l'agriculture exigeait de grands sacrifices.
Apr?s tant d'exp?ditions et de tentatives, Champlain ne voyait ? Qu?bec, en 1630, que quelques familles bien ?tablies. ?mu de ses repr?sentations, le cardinal de Richelieu prend l'oeuvre en main et veut lu seconder de tout son pouvoir: il fonde la soci?t? de lu Nouvelle-France, qui comptait 110 membres choisis parmi les premiers personnages du royaume; il envoie des colons et des religieux. Mais en 1640, au bout de dix ans, tous ces efforts n'avaient r?ussi qu'? ?tablir 200 personnes dans tout le pays, en comprenant m?me les pr?tres, les religieux, les femmes et les enfants.
Pour avoir un ?tablissement, il fallait d'importants secours de la m?re patrie, et il fallait que ces secours fussent d?sint?ress?s. De plus, les colons devaient ?tre guid?s par des vues de foi et de sacrifice; ils devaient ?tre d?cid?s ? supporter le climat, les privations, et des dangers extr?mes, parce qu'il y avait ? lutter contre des peuplades nombreuses, implacables, et fournies d'armes ? feu par les ?tablissements voisins de la Nouvelle-Angleterre et de la Nouvelle-Orange.
Or quand, apr?s la mort de Champlain, tout semblait en d?tresse, le Seigneur vient en aide a la jeune colonie et lui procure miraculeusement des ressources inattendues, qui devaient assurer un succ?s jusque-l? vainement poursuivi. Des hommes de foi et de d?vouement se d?cid?rent ? fournir les moyens d'une nouvelle entreprise, et en m?me temps des h?ros s'offrirent pour les seconder, et assurer l'?tablissement de la religion en ces contr?es inhospitali?res.
Champlain venait de mourir , et quelques semaines apr?s, le 2 f?vrier 1636, un pieux gentilhomme de la Fl?che, M. de La Dauversi?re, ?tant en pri?re, re?oit l'avis de fonder un ?tablissement ?, une certaine distance de Qu?bec pour couvrir les voies qui conduisaient au centre de ?a colonie fran?aise et, pour ?tre plus au milieu des populations que l'on voulait convertir. L'endroit lui est montr? de la mani?re la plus distincte. Cet avis fut r?p?t? plusieurs fois. Chose ?tonnante, il n'?tait pas le seul qui e?t re?u cette indication, et en effet le m?me jour, 2 f?vrier 1636, un jeune eccl?siastique qu'il ne connaissait pas, M. Olier, alors ?g? de vingt-six ans, et ?tabli ? Vaugirard avec quelques pr?tres, est averti qu'il doit se consacrer ? fonder un ?tablissement, pour le bien de lu religion, ? un endroit du Canada qui lui est montr? aussi de la mani?re la plus distincte, et en m?me temps il lui est enjoint d'?tablir une compagnie de pr?tres pour prendre soin des int?r?ts spirituels de l'entreprise.
Or, dans ces deux r?v?lations arriv?es le m?me jour, il s'agissait de la m?me oeuvre, et l'endroit indiqu? ?tait le m?me. C'est ce que reconnurent ces deux grands serviteurs de Dieu quand ils se rencontr?rent plusieurs ann?es apr?s, vers 1640. Ils ne se connaissaient pas, et furent secr?tement avertis de la communaut? de leur vocation et de leur mission.
Gr?ce ? l'union de leurs efforts, l'oeuvre prit tous les d?veloppements d?sirables; de nobles seigneurs s'y associ?rent. Enfin, au moment o? la compagnie achetait l'?le de Montr?al, un gentilhomme, jeune encore, retir? du service, d?sirant se consacrer ? une oeuvre de z?le, se pr?sentait: c'?tait M. de Maisonneuve. C'est lui qui fut le fondateur de Montr?al et qui devait en faire le boulevard de la colonie par vingt ann?es d'un d?vouement intr?pide et de l'administration la plus nage.
Il fut aid? par des hommes de foi et de courage. Parmi ces auxiliaires, nous nous proposons de faire conna?tre la famille des Le Moyne, et la part qu'ils ont eue ? l'?tablissement de la Nouvelle-France.
C'est ce que nous allons exposer dans les paragraphes suivants.
CHAPITRE II
LA FAMILLE LE MOYNE.
Elle ?tait originaire de la ville de Dieppe. Depuis Jacques Cartier, Dieppe avait toujours eu beaucoup de relations avec la nouvelle colonie.
C'est de Dieppe que partit M. de Poutrincourt, dont l'ancienne r?sidence se voit encore aux environs de cette ville, au ch?teau de Mesni?res.
Un gouverneur de Dieppe, M. de Chattes, son lieutenant, M. de Monts. madame de Guercheville, ?pouse d'un gouverneur de la ville de Paris sous Henri IV, avec leurs exp?ditions, avaient fait conna?tre ces nouveaux pays pour lesquels, ? chaque printemps, partaient des flottilles de b?timents pour les p?ches de Terre-Neuve et pour la traite des fourrures.
En 1664, dans un seul mois, on vit partir des c?tes de Dieppe et des pays voisins, 65 grands vaisseaux pour le Canada.
Il y avait en cette ville des quartiers consacr?s au commerce des produits de l'Am?rique, et il existe encore une rue nomm?e de la Pelleterie, ou r?sidaient une quantit? de marchands de fourrures, qui trafiquaient des envois du Canada avec l'Europe.
M. Paillon, en parcourant les livres des paroisses, a trouv? aux registres de l'?tat civil un t?moignage bien caract?ristique des rapports de Dieppe avec la Nouvelle-France. Voici les noms qu'il a relev?s ? la paroisse Saint-Jacques de Dieppe pour l'ann?e 1630: Duhamel, Hardy, Auger, Aubuchon, Duhuc, Godebout, Davignon, H?bert, S?n?cal, Gaudry, Duval, Gervais, Vall?e, Lecompte, Godard, L'?cuyer, Leroux, Dumouchel, Viger, Cardinal, Duchesne, etc.: on se croirait dans une paroisse de Montr?al ou de Qu?bec.
Il ne faut pas s'?tonner qu'au moment o? les chefs des nouvelles entreprises recrutaient des volontaires pour la Nouvelle-France, le nomm? Duchesne, soldat dans les troupes du roi, se presenta, avec deux de ses neveux: Jacques Le Moyne, ?g? de dix-sept ans, et son fr?re Charles, ?g? de 14 ans. Leur p?re, Pierre Le Moyne. ?tait mari? avec Judith, soeur de Duchesne. C'?tait un ancien soldat qui tenait un h?tel sur la paroisse Saint-Jacques, pr?s de la mer, et qui recevait comme clients ordinaires les marins qui s'embarquaient pour l'Am?rique.
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