bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Histoire du Chevalier d'Iberville (1663-1706) by Desmazures Adam Charles Gustave

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 920 lines and 51912 words, and 19 pages

Il ne faut pas s'?tonner qu'au moment o? les chefs des nouvelles entreprises recrutaient des volontaires pour la Nouvelle-France, le nomm? Duchesne, soldat dans les troupes du roi, se presenta, avec deux de ses neveux: Jacques Le Moyne, ?g? de dix-sept ans, et son fr?re Charles, ?g? de 14 ans. Leur p?re, Pierre Le Moyne. ?tait mari? avec Judith, soeur de Duchesne. C'?tait un ancien soldat qui tenait un h?tel sur la paroisse Saint-Jacques, pr?s de la mer, et qui recevait comme clients ordinaires les marins qui s'embarquaient pour l'Am?rique.

Ces familles des c?tes de la Manche ?taient toujours dispos?es ?, tenter les aventures p?rilleuses, et la religion pr?sentait cette oeuvre comme digne de coeurs chr?tiens; il s'agissait de donner aux populations sauvages le tr?sor de la foi en ?change des biens qu'ils trafiquaient.

M. Faillon a trouv? aussi dans les registres de Dieppe qu'il y avait beaucoup de Le Moyne en cette ville.

Charles Le Moyne, n? en 1626, de Pierre Le Moyne et de Judith Dufresne, sur la paroisse Saint-R?mi de Dieppe, partit donc en 1640 pour le Canada avec son fr?re a?n?, Jacques, et leur oncle. Il avait alors quatorze ans.

Plus tard, deux de leurs soeurs, Jeanne et Marie, vinrent de France et se joignirent ? eux.

Charles Le Moyne accompagna d'abord les PP. J?suites dans le pays des Hurons, et resta avec eux jusqu'? l'?ge de vingt ans.

Il devint un guide s?r et un interpr?te consomm?. Il connaissait tous les sentiers du pays, et avait appris plusieurs dialectes. Enfin, il s'?tait familiaris? avec la tactique des sauvages, ? l'?gal des colons les plus capables. Il s'habillait comme les sauvages, et se transformait quand il voulait, sans pouvoir ?tre reconnu comme ?tranger; d'ailleurs il trouvait ce costume plus commode pour la marche et pour la chasse. Il savait parfaitement se servir des raquettes, de la hache et de l'aviron, <> Enfin, il ?tait devenu, dans des exp?ditions continuelles, d'une taille et d'une force extraordinaires. C'est ce qui appara?t dans le portrait d?couvert ? Paris par l'?diteur des documents sur les pays d'outre-mer, M. Margry.

En 1646, M. de Montmagny ayant vu Duchesne et son neveu, voulut tirer parti de leurs bonnes qualit?s, et il les attacha aux nouveaux ?tablissements fran?ais du Saint-Laurent. Il envoya Duchesne ? Trois-Rivi?res et Charles Lu Moyne ? Montr?al, tous deux comme interpr?tes.

Montr?al, ou Charles Le Moyne se rendit en 1646, ?tait un poste avantageux, et comme une sentinelle avanc?e ? 60 lieues de Qu?bec, au milieu des ?tablissements sauvages. C'est l? qu'il devait faire ?clater ses qualit?s hors ligne.

Cette position avait ?t? signal?e d?s le commencement par Jacques Cartier et ensuite par Champlain. On pensait que ce jugement avait ?t? confirm? par une inspiration divine envoy?e ? ceux qui devaient ?tre les fondateurs de cette nouvelle colonie: M. Olier et M. de La Dauversi?re, ainsi que nous l'avons dit pr?c?demment.

La position ?tait favorable. Plac?e sur une ?minence de deux milles de longueur, entre le grand fleuve et une petite rivi?re, l'habitation ?tait environn?e d'eau de toutes parts. Le fleuve la mettait ? l'abri de la surprise des ennemis, et on arri?re une haute montagne, toute couverte d'arbres s?culaires, prot?geait contre les vents du nord.

Cette habitation si bien d?fendue avait en m?me temps un aspect attrayant. Elle ?tait environn?e des plus beaux arbres, plant?s si r?guli?rement entre le rivage et la montagne, que Champlain lui avait donn? le nom de place royale, digne avenue du mont superbe que Jacques Cartier avait nomm? le mont Royal, nom qui lui est rest?.

Enfin, pour ajouter a l'ornement et en faire un site remarquable, on voyait, au milieu du fleuve et en face du lieu de d?barquement, deux belles ?les charg?es de for?ts, l'une s'?levant en pyramide, comme un bouquet de verdure, ? cent pieds de hauteur, l'autre s'?tendant gracieusement sur une lieue de longueur: c'?taient comme deux sentinelles avanc?es, pouvant servir un jour de citadelles.

Ce site, si fort comme poste militaire, ?tait aussi l'un des plus beaux que l'on puisse citer dans le monde. On pouvait s'en convaincre en le contemplant du haut de la montagne, ou les colons se rendaient souvent en p?lerinage. Au point le plus ?lev?, il y avait une croix imposante plant?e par M. de Maisonneuve. De l?, ? cinq cents pieds au-dessus du niveau du fleuve, l'?tablissement para?t dans toute sa magnificence. Depuis le haut du mont descend un amphith??tre d'une lieue de largeur qui montre des arbres vari?s et pr?cieux; en bas, d'immenses prairies fertiles ?taient des fleurs ?clatantes; plus loin se d?ploie la ceinture splendide d'un fleuve profond, qui n'a pas moins d'une lieue de largeur. Au del?, pour compl?ter ce beau panorama, des montagnes dispos?es en cercle jusqu'? dix et vingt lieues dans le sud, forment comme une corbeille de verdure dont Montr?al est le centre.

Cette nature apparaissant comme le cr?ateur l'avait form?e, sans les modifications du travail de l'homme, pouvait sembler plus pittoresque que nous ne la contemplons maintenant. Mais si l'aspect est un peu chang?, tous les souvenirs des premiers temps ne sont pas effac?s. La ville est toujours appel?e, dans le coeur des fid?les, Ville-Marie, en souvenir de l'indication donn?e par la sainte Vierge elle-m?me. Le mont porte toujours le nom de Mont-Royal, choisi par Jacques Cartier. L'une des ?les s'appelle Sainte-H?l?ne, comme l'a nomm?e M. de Champlain, en l'honneur de son ?pouse, H?l?ne Boull?; l'autre est nomm?e Saint-Paul, en souvenir de M. Paul de Maisonneuve, premier gouverneur de la colonie.

Le fort de Montr?al, ?lev? en 1642, ?tait tellement couvert par les arbres, que les sauvages, dans leurs excursions sur le fleuve, ne le d?couvrirent qu'? la seconde ann?e de sa construction. Bient?t ils en comprirent l'importance et le danger pour eux. Ce poste avanc? entre plusieurs tribus puissantes pouvait les tenir en ?chec et leur enlever le libre parcours du Saint-Laurent; aussi le nouvel ?tablissement fut-il bient?t le but de leurs attaques.

M. de Maisonneuve, renferm? dans le fort avec cinquante hommes, comptait avec lui des gens de guerre pleins d'exp?rience, parmi lesquels les deux fr?res Le Moyne, qui furent les plus renomm?s dans la suite. M. de Maisonneuve sut si bien se garder que, malgr? les tentatives de milliers d'ennemis qui vinrent reconna?tre le terrain, les Fran?ais ne perdirent gu?re qu'une dizaine d'hommes de 1642 ? 1650.

Les proc?d?s des sauvages ?taient pleins de perfidie. Ils cherchaient ? attirer les cultivateurs par des signes de paix, et puis ils se jetaient sur eux pour les faire p?rir dans d'affreux supplices.

En 1643, on perdit quatre hommes; en 1644, on en perdit trois, et sur les sept, trois, faits prisonniers, furent cruellement br?l?s.

Au 6 mai 1641, Boudard fut tu? par les Iroquois; sa femme, Catherine Mercier, prise pr?s de lui, fut martyris?e pendant deux jours, puis br?l?e en refusant h?ro?quement de renoncer ? sa religion.

Charles Le Moyne, arriv? ? Montr?al en 1646, se montra bient?t un d?vou? champion de la mission. Il ne reculait devant aucune entreprise, et se montrait toujours dispos? ? prot?ger les colons. Il ?tait d'une bravoure et d'une habilet? merveilleuses. Parfois, seul sur la plage, s'il rencontrait des sauvages qui ?taient venus tenter quelque coup, il les mena?ait de son fusil s'ils essayaient de s'?chapper, et il les obligeait ? aller se constituer prisonniers au fort. D'autres fois, voyant un canot de sauvages sur le fleuve, il attendait qu'ils fussent engag?s dans la force du courant, fondait sur eux comme la foudre, dans son embarcation, et les for?ait ? venir aborder comme prisonniers.

Un jour, sachant que des travailleurs sont attaqu?s ? la pointe Saint-Charles, il s'y rend avec quatre hommes, se gare ? propos derri?re des troncs d'arbres, et, avant d'avoir ?t? aper?u, met vingt-cinq ou trente sauvages hors de combat.

On cite aussi une rencontre, o?, avec 15 habitants du fort arm?s de fusils et de pistolets, il alla se pr?senter en face de 300 sauvages qui se pr?cipitaient sur les colons, et il leur tua 32 hommes ? la premi?re d?charge, tout le reste s'enfuit ?pouvant?.

Il se montrait le serviteur d?vou? de M. de Maisonneuve, comme le major Lambert Closse, qui proclamait qu'il n'?tait venu ? Montr?al que pour offrir sa vie ? Dieu.

M. de Maisonneuve avait tant de confiance en Le Moyne qu'il le chargeait de ses messages pour les Indiens.

M. de Maisonneuve le mit aussi ? la t?te d'une milice qu'il forma, en 1660, parmi les habitants pour la d?fense de la mission, et qu'il pla?a sous la protection de la sainte Famille. Il l'assigna ? la d?fense de Montr?al avec le sieur Picot? de Belestre, ? un moment o? l'on attendait l'arriv?e de milliers d'Iroquois soulev?s de toutes parts dans les environs du lac Ontario et des rives du lac Champlain. On sait que ces Iroquois furent arr?t?s par la d?fense h?ro?que, au Long-Sault, de dix-sept Montr?alais, sous la conduite de l'intr?pide Dollard.

C'est dans ces circonstances que l'on s'appliqua ? prot?ger la ville. Il y avait d?j? quarante maisons s?par?es, mais avec des meurtri?res et des cr?neaux; elles ?taient b?ties de mani?re ? pouvoir se d?fendre les unes les autres. Alors, on compl?ta les forts qui environnaient la ville et qui devaient servir ? assister les travailleurs dans les champs environnants.

En m?me temps qu'il assurait la d?fense militaire du pays, M. de Maisonneuve s'occupait d'en pr?parer l'existence ? venir, et pour cela il offrait les plus grands avantages ? ceux qui voulaient s'y ?tablir et fonder des familles. Il donna ? Charles Le Moyne une terre ? la pointe Saint-Charles et deux emplacements dans la ville, l'un pr?s de la r?sidence du gouverneur et des pr?tres, pour leur servir de d?fense; l'autre au bord du fleuve, o? se trouve le march? Bonsecours, pour surveiller l'entr?e de la ville, et la c?te oppos?e, dont il devait devenir le seigneur.

Vers 1665 arriva un ?v?nement que nous tenons d'autant plus ? signaler qu'il montra quelle affection Charles Le Moyne inspirait ? toute la colonie et en m?me temps quelle ?tait l'estime qu'il avait su imposer aux populations sauvages.

Comme il ne s'?pargnait jamais dans aucune rencontre, il fut fait prisonnier aux environs de Montr?al en 1665.

Sa jeune femme, ?g?e de vingt-cinq ans, et qui avait d?j? quatre enfants, ?tait dans la d?solation. Elle le recommanda aux pri?res de tous, et elle-m?me recourut au Seigneur avec une telle ferveur, que M. Dollier de Casson dit qu'on peut lui attribuer l'esp?ce de miracle qu'il plut ? Dieu d'op?rer en faveur de son mari.

Au bout de quelques jours Le Moyne revint; il avait gagn? ses ennemis en leur rappelant les bont?s qu'il avait eues pour les prisonniers iroquois, et en les mena?ant de la vengeance des troupes du roi qui allaient bient?t arriver.

Charles Le Moyne retourna ? Montr?al. C'est alors qu'il fut sensiblement ?prouv? dans ses plus tendres affections, par suite du d?part de M. de Maisonneuve pour la France. Il lui ?tait attach? par les liens de l'estime la plus haute et de la reconnaissance la plus tendre; aussi ce d?part lui causa-t-il la plus vive douleur, comme la s?paration d'avec le p?re le plus tendre et le plus aim?.

M. de Maisonneuve, de retour en France, resta toujours attach? ? son ancien gouvernement. Il s'endormit dans le Seigneur <> nous dit M. Faillon, <>

D?VELOPPEMENTS DE MONTR?AL.

Fond?e on 1642, la cit? de Montr?al s'accrut lentement dans ses commencements, mais ensuite l'accroissement fut rapide.

Ainsi, apr?s vingt ans, elle ne comptait que 500 ?mes, mais dix ans apr?s, il y en avait plus de 1500.

Ce qui ?tait surtout ? consid?rer dans ces commencements, c'?tait le z?le pour l'am?lioration des pauvres sauvages, et l'?nergie des pieux colons.

Le z?le pour la conversion des infid?les ?tait extraordinaire, et le courage pour braver les ?preuves et les dangers, au-dessus de toute expression.

<> et rien ne pouvait les faire changer de sentiments; ni l'ingratitude, ni la perfidie des sauvages, ni leur d?faut de bonne foi, ni leurs cruaut?s inhumaines, rien ne pouvait ?teindre le feu de la charit?.

Tout ?tait r?gl? dans la nouvelle ville comme dans une communaut? militaire. A une heure fix?e, apr?s la pri?re et la sainte messe, qui avaient lieu ? 4 heures du matin, la population se rendait au travail dans les champs; chacun avait pr?s de soi son fusil cach? dans un sillon.

Il ne se passait pas de jour sans attaque. Ceux qui se laissaient surprendre ?taient vou?s ? des supplices atroces. On admirait leur courage, on plaignait leurs souffrances, mais on ne renon?ait pas ? prier pour les bourreaux. Enfin, d?s qu'une occasion favorable se pr?sentait, on cherchait ? gagner ces pauvres aveugl?s. A force d'efforts et de patience, les ?mes finissaient par se laisser ?clairer, les coeurs ?taient touch?s, le mal vaincu par le bien.

Ces premiers temps ont ?t? admirables. La ville offrait comme une image de la primitive Eglise. Ces braves gens ?taient vou?s ? la pi?t? la plus fervente et ? la charit? la plus d?vou?e. Il n'y avait jamais de contestation entre eux; il n'y avait qu'un coeur et qu'une ?me, et tandis qu'ils ?taient si unis ? Dieu, si bons entre eux, ils restaient in?branlables dans le danger. Chaque citoyen se regardait comme une victime offerte ? la mort pour la glorification de l'Evangile.

Dans les annales de la soeur Morin, ?crites vers ce temps, nous avons les d?tails les plus touchants sur la vie ? Montr?al avant l'arriv?e des troupes: la pi?t?, la charit?, des colons, les privations qu'ils avaient ? subir, enfin les cruaut?s extr?mes qu'ils ?taient expos?s ? ?prouver, ?tant entour?s d'ennemis f?roces, nombreux et implacables.

Bient?t diff?rentes circonstances favoris?rent les saintes dispositions et le z?le des colons pour la conversion des infid?les.

Plusieurs nations ?taient en guerre; l'une d'elles, celle des Iroquois, puissante et implacable, faisait une guerre d'extermination contre ses ennemis.

Leurs victimes venaient implorer la protection des Fran?ais. Elles furent accueillies et plac?es dans des positions retranch?es. On compta bient?t plusieurs colonies chr?tiennes: ? la Montagne, ? la Prairie, au Sault-Saint-Louis, au lac Saint-Fran?ois, au lac des Deux-Montagnes, et enfin ? la Petite-Nation, sur l'Ottawa, ? vingt lieues de Montr?al.

Ces nouveaux chr?tiens, disciplin?s par les Fran?ais, devinrent eux-m?mes comme des ap?tres. On en fit des cat?chistes z?l?s et habiles. Ils rendaient de grands services au sein des autres tribus.

Les Fran?ais excitaient l'admiration de leurs plus cruels ennemis par leur douceur, leur sollicitude et leurs lib?ralit?s in?puisables. Ils ?tablissaient ceux qui se donnaient ? eux, leur apprenaient ? cultiver, leur livraient des terres, repr?sentaient l'excellence de la vie r?gl?e et civilis?e ? ces pauvres barbares, et se montraient ainsi bien diff?rents des gens de Boston, qui ne s'?taient jamais occup?s des nations qui les entouraient, que pour les d?truire et se mettre ? leur place.

Au milieu de leur noble mission, les Fran?ais acqu?raient une habilet? merveilleuse pour occuper le pays. Form?s par M. de Maisonneuve et par le chef de la milice, Charles Le Moyne, ils ?taient devenus des combattants consomm?s, des explorateurs infatigables. Ils avaient pris les bonnes qualit?s des sauvages, et y ajoutaient l'esprit de discipline et de tactique des milices fran?aises.

On a dit que les Fran?ais n'avaient pas le g?nie de la colonisation comme leurs voisins; mais, suivant M. Parkman lui-m?me, cela n'est point exact. M. Parkman pense que les colons fran?ais ?galaient les Anglais sous bien des rapports.

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

 

Back to top