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Read Ebook: Le roman de Miraut - Chien de chasse by Pergaud Louis

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Ebook has 1895 lines and 82535 words, and 38 pages

--Dix heures! s'exclama-t-il. Qu'est-ce que ce sacr? Lis?e peut bien foutre? Allons, il est temps d'aller au lit. Demain, la charrue nous attend: nous avons une <> ? lever et le travail ne se fait pas tout seul; mais on reviendra sur le coup de midi pour voir ton petit cochon.

--Vous en verrez deux, r?pondit la Gu?lotte en qui remontait la col?re, le petit et le gros qui doit ramener l'autre. En v?rit?, je ne saurais dire quel est le plus cochon des deux. Ah! le go?illand, le salaud, sa sale b?te!

Et sur le pas de la porte, en ?clairant les voisins, elle entrecoupait ses remerciements et ses bonsoirs d'invectives violentes contre son ivrogne de mari qui ne pouvait jamais rentrer de jour...

Une heure se tra?na encore, puis une demie.

La Gu?lotte s'?tait couch?e sur le canap? et avait essay? de dormir, mais c'?tait bien impossible; alors elle s'?tait relev?e, puis, de cinq minutes en cinq minutes, ?tait all?e ?couter ? la porte si elle entendait marcher sur la route, et, en fin de compte, r?sign?e et ronchonnante, elle tricotait sa chaussette tout en poussant des monosyllabes qui en disaient long sur la fa?on dont elle se pr?parait ? accueillir le retour de son homme.

Le crissement des gros clous de souliers sur le pav? du seuil la fit bondir ? la cuisine, la lampe ? la main, pour ?clairer l'entr?e du ma?tre.

Alors la porte s'ouvrit, et Lis?e, magnifiquement saoul, s'encadra dans le chambranle.

Il ne ramenait point de petit cochon, mais une bretelle de cuir fauve suspendait ? son ?paule gauche un fusil Lefaucheux ? deux coups, tandis que, de la main droite, il tenait une cordelette au bout de laquelle un petit chien de trois ? quatre mois tirait de toutes ses forces vers les marmites.

--Ici, Miraut! nom de Dieu! ici, sacr?e petite rosse! T'es pas pus press? que moi! b?gayait Lis?e, la langue p?teuse.

--Et le petit cochon?

--J'ai pas d?got? ce qui me fallait, mais tu vois, j'ai retrouv? un fusil et un chien. ?a pouvait pas durer plus longtemps, cette com?die! Lis?e qui ne chasse plus! allons donc!

La Gu?lotte, blanche comme un linge, fig?e comme une statue, fixait tour ? tour son homme et le chien.

--Fais ? manger ? cette b?te, commanda Lis?e; tu vois bien qu'elle a faim!

--Et les sous? d?crocha enfin la Gu?lotte.

--Pisque j'te dis que j'ai rachet? un fusil et un chien!

--Oh! mon Dieu! mon Dieu! Doux J?sus, ayez piti? de nous! r?la la femme en se tordant les bras. Mis?re de moi d'avoir un pareil ivrogne! Nous serons un jour ? la mendicit?, oui, nous cr?verons de faim, sur la paille!

--Assez! assez! nom de Dieu! ou je refous le camp! mena?a Lis?e.

--Mais, soulaud, qu'est-ce que tu boiras cet hiver, puisque tu as d?j? tout bu aujourd'hui les sous du m?nage; qu'est-ce que je boirai, moi?

--Tu te t?teras, r?pliqua Lis?e, philosophe.

--Ah oui! tu peux bien plaisanter, grand voyou, grande gouape, grand saligaud! Point de cochon, point de lard; point de jambon, point de saucisses. Tu mangeras ton pain sec, grand mandrin!

Cette r?ception n'?tait pas tout ? fait du go?t de Lis?e qui commen?ait ? en avoir assez de ces injures et de ces proph?ties.

L'alcool, non cuv? encore, rallumait en lui ses vieux sentiments batailleurs. Il ?tait temps que sa femme cess?t, et il le lui fit bien comprendre dans une r?plique acerbe et virulente dont le ton ne laissait aucun doute sur la qualit? des actes qui allaient suivre.

--Et moi, qu'est-ce que je mangerai avec mon pain? continua-t-elle, gourmande.

--Tu mangeras de la m..., nom de Dieu!... tonna-t-il.

La Gu?lotte se tut.

--Fais ? manger ? cette b?te et vivement!

--Sale <>, ragea la femme, en bousculant le chien.

Ce fut ainsi que Miraut entra dans la maison de Lis?e.

CHAPITRE II

La Mique, qui avait ?t? ?lev?e jadis en m?me temps que le vieux Ta?aut, fit bon accueil au petit chien.

Affam? et las, le jeune Miraut, d?s qu'il eut mang? une petite terrine de soupe tremp?e avec de l'eau de vaisselle, de la relavure, comme disait la Gu?lotte, vint flairer de son mufle encore ?pais les petits chats endormis. Sensible ? la douce chaleur du po?le et de ces deux ?tres aux corps vigoureux et sains, dont il n'avait aucune raison de se m?fier, il se coucha sans h?siter ? c?t? d'eux et s'endormit.

La maman chatte, curieuse de ce nouvel arrivant qu'elle ne connaissait point encore, s'?tait lev?e sur ses quatre pattes, et, le cou tendu, les yeux ronds, avait suivi avec un immense int?r?t ses ?volutions par la pi?ce. Le geste de confiance qu'il eut en s'?tendant aupr?s des chatons lui fut sans doute sensible: elle augura bien de sa jeunesse; sa maternit? g?n?reuse pouvait s'?tendre ? celui-l? qui, robuste et plus gros que les jeunes minets, ne leur voulait cependant pas de mal. Elle savait ce qu'il ?tait, elle connaissait sa race, elle l'adopta.

L?g?re, elle sauta de son canap? et s'approcha du trio de b?tes dormant en tas. La langue r?peuse l?cha tour ? tour Mitis et Moute, ses enfants, puis ? deux ou trois reprises, apr?s l'avoir bien flair?, elle l?cha de m?me les poils du cr?ne du jeune toutou qui ne se r?veilla point pour autant et continua de reposer en paix entre ses deux fr?res adoptifs.

L?-dessus, Mique fit un brin de toilette, lustra son pelage velout?, puis tranquille, calme et rassur?e sur sa g?niture, elle fila par les chati?res pour sa chasse nocturne ? l'?curie, ? la grange et dans les hangars de la maison.

Lis?e mangea ? m?me dans la soupi?re la pot?e de soupe aux choux que sa femme avait tenue au chaud, s'octroya sur un chanteau de pain d'une livre un respectable bout de lard, ingurgita un demi-pot de piquette et, l'estomac satisfait et la t?te lourde, se d?shabilla puis se jeta sur le lit o?, l'instant d'apr?s, ronflant comme un soufflet crev?, inaccessible au remords, il reposait du sommeil des justes.

Cependant, furieuse, la Gu?lotte ?tait mont?e se coucher seule dans le lit de la chambre haute.

Au r?veil, la situation restait, naturellement, fort tendue. Lis?e, d?cuit?, ?prouvait bien une certaine g?ne d'avoir agi sans consulter sa femme; sacrifier ainsi l'argent d'un cochon, c'?tait ?videmment os?, enfin! ... d'autant plus que rien ne le pressait de se reprocurer un fusil et un chien! oh! quoique! ... Et puis, zut! il fallait tout de m?me, un jour ou l'autre, qu'il retrouv?t l'argent n?cessaire ? ce rachat indispensable. Donc, un peu plus t?t ou un peu plus tard! ...

Tout de m?me, il avait bu pas mal la veille et il se sentait fautif.

La Gu?lotte se chargea de dissiper ses remords.

D?s le premier coup de l'ang?lus, debout en m?me temps que ses poules, elle descendit et entra dans la chambre du po?le o? Lis?e, pour temporiser, fit semblant de dormir encore.

Mais la fa?on dont elle ferma la porte et fit claquer ses sabots sur le plancher aurait r?veill? un sourd. Lis?e fut bien forc? d'ouvrir les yeux, mais ce faisant, il jugea bon de prendre un air digne et s?v?re pour en imposer ? sa vieille.

L'autre s'aper?ut de sa mine renfrogn?e. Recommencer la sc?ne de la veille, traiter son mari de cochon et de soulaud, elle y pensait bien, certes, mais elle savait que le chasseur avait la main leste; elle n'ignorait pas que, les lendemains de bombe, il avait l'humeur peu accommodante et qu'elle risquait gros, si elle d?passait certaines limites qui n'avaient, h?las! rien de fixe, de recevoir une ou deux bonnes paires de gifles, voire quelques coups de pied au derri?re qui lui rappelleraient une fois de plus que braconnier comme charbonnier est ma?tre en sa baraque, que c'est le mari qui est fait pour porter la culotte, et que l'homme, nom de Dieu! c'est l'homme! Elle se tourna donc contre Miraut, lequel, ? vrai dire, pr?tait quelque peu le flanc ou mieux le derri?re ? la critique, car, durant la nuit, pris de besoins pressants, il s'?tait soulag? abondamment et de toutes fa?ons. Une borne odorante, et d'une taille magnifique pour un tel animal, se dressait devant le pied du buffet, et une superbe rigole, avec lacs, ?lots et presqu'?les, s'allongeait du m?me buffet jusqu'? la porte de la cuisine.

En contemplant ce d?sastre, toute la col?re de la Gu?lotte lui remonta au cerveau et, au lieu de garder le calme boudeur et rancunier qui s?ait en l'occurrence, elle s'en prit violemment au chien qui avait faut? et ? l'homme qui ?tait le premier responsable dans cette sale affaire:

--Tiens, regarde donc ce qu'elle a fait, ta rosse, et comment elle a arrang? mon m?nage, ce sera bient?t une ?curie ici! Ce n'?tait pas assez de nous ?ter le pain de la bouche pour l'acheter, il faut que tu le laisses encore tirer tout en bas par la maison.

--Hein! quoi? fit Lis?e, comme arrach? ? de graves r?flexions.

--C'est de ta vi?ce que je parle, ta sale charogne de chien; ah! je m'en vas te le balayer, moi, tu vas voir!

Et, s'?lan?ant sur le coupable encore endormi, la matrone lui lan?a, ? toute vol?e, son pied dans les c?tes.

<> s'exclama plaintivement et en sautant de c?t? le petit chien, tandis que ses deux camarades chats, subitement r?veill?s eux aussi, faisaient leurs dos bossus, brandissaient leurs jeunes moustaches et juraient en montrant les dents, croyant que la patronne en voulait ? toutes les b?tes de la chambr?e.

--Tu vois, rench?rit la Gu?lotte, avec une mauvaise foi ?vidente, il ?pouvante encore mes petits chats. Pour s?r qu'ils vont quitter la maison et nous serons d?vor?s par les souris!

--Fous-moi la paix, nom de Dieu! r?pliqua Lis?e, r?volt? d'une telle injustice et de tant de l?chet?, et ne te venge pas sur une b?te sans d?fense. S'il a piss? ici, c'est pas de sa faute, c'est de la tienne. Tu aurais d? laisser la porte de la cuisine entr'ouverte, il serait all? ? l'?curie ou ? la remise; il ne peut pas passer par les chati?res, lui. D'ailleurs, c'est une b?te propre, on me l'a dit, et cette nuit je l'ai entendit pleurer: c'?tait s?rement pour qu'on lui ouvre ...

--Alors pourquoi ne l'as-tu pas fait?

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