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Read Ebook: Contes de Noël by La Ville De Mirmont Madame Henri De

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Ebook has 1218 lines and 60250 words, and 25 pages

Contes de No?l

NUIT DE NO?L

L'arbre de No?l, un robuste sapin de la montagne, s'?l?ve droit, imposant et un peu nu, dans la grande pi?ce lambriss?e de vieux ch?ne. Ses bougies, en trop petit nombre, ?clairent mal les coins d?labr?s; mais, dans la haute chemin?e, une ?norme b?che envoie sur le plancher, soigneusement lav?, sur les meubles, modestes et brillants, une chaude et joyeuse lueur rouge. Sapin et b?che viennent de la grande for?t silencieuse o? la brise de la montagne ?veille en passant la senteur humide des feuill?es, la for?t majestueuse, aux profondeurs de cath?drale, o? la lumi?re, filtrant ? travers les rameaux sombres, fait, sur l'?pais tapis d'aiguillettes rousses qui c?de sous les pas, une ombre mauve, myst?rieuse et douce. On a vu grandir l'arbre aupr?s de la clairi?re <>; c'est un ami. Voil? d?j? longtemps qu'il ?tait destin? ? faire la joie de la veill?e de No?l. Le p?re Jousse, possesseur de ce coin de bois, l'avait promis aux enfants du pasteur.

--Vous voyez ce sapin, leur disait-il; il est pour vous quand il sera assez gros. Lorsque vous le verrez tout allum? dans votre maison, un soir de No?l, vous penserez: <> Il n'est pas un ingrat, le p?re Jousse, que diable! Il n'oublie pas les soins et les rem?des que votre maman a donn?s ? sa pauvre vieille quand elle a pens? mourir!

La b?che aussi vient du bois du p?re Jousse; c'est encore une amie. N'est-elle pas une branche de ce grand m?l?ze frapp? par la foudre et couch? par terre comme un g?ant mort! Que de fois, l'?t?, il a servi de banc ? toute la famille! Que de fois les petits ont couru sur son dos arrondi!... C'est pour cela qu'elle br?le si bien, la grosse b?che! De son centre embras? sortent mille petites langues bleues et jaunes; de temps en temps elle lance une fus?e d'?tincelles, comme pour rire aussi, quand les autres rient.

Et l'on rit tout le temps. Pensez donc! quatre vigoureux enfants: un gar?on de dix ans, une fillette de neuf, et deux gar?ons de cinq et quatre ans, au fond d'un coin perdu des C?vennes, dans un vieux presbyt?re, ancien ch?teau en ruine perch? sur le flanc de la montagne, au-dessus d'un torrent, et qui laisse passer le froid et le vent par toutes ses fentes. Or, il est sillonn? de l?zardes, comme un vieux visage, de rides. Les contrevents vermoulus tiennent ? peine. Il faut absolument ?tre gais, il faut savoir se suffire ? soi-m?me, il faut s'aimer bien fort pour oublier les privations sans nombre que la mauvaise saison am?ne avec elle. Maman, la douce et jolie maman blonde, toujours occup?e des autres, et grand'm?re si vaillante, si vive encore, ont beau s'ing?nier, faire des miracles, tirer des ressources de rien, accumuler pendant la saison chaude provisions sur provisions, penser ? tout, pr?voir tout, l'hiver est cruel; et il dure tellement qu'il n'y a presque pas de printemps et d'automne. L'?t?, par exemple, c'est autre chose; l'?t?, c'est f?te tout le temps. A peine la derni?re neige est-elle fondue que les champs se couvrent d'une verdure intense. La for?t devient le domaine des enfants; elle leur livre ses tr?sors: fleurs, mousses, lichens, lierres, myrtilles, myrtilles surtout. Agenouill?s devant les plants moins hauts qu'eux, les petits, de leurs doigts agiles, portent sans s'arr?ter les baies d'un noir bleut? de l'arbuste ? leur bouche gourmande et barbouill?e. Le torrent, qui coule maintenant si frileusement sous le presbyt?re, se r?veille alors, subitement gonfl?, et chante sa joyeuse chanson. On va p?cher ses truites pointill?es de rouge qui se cachent si bien sous les pierres plates, ses petits poissons d'argent qu'on prend, tout fr?tillants, ? pleines bouteilles. On se baigne en son eau cristalline. On accompagne papa dans ses tourn?es. Les rudes montagnards aiment les blonds enfants du pasteur; ils ont toujours quelque chose ? leur montrer: un veau nouvellement n?, une port?e de lapins. D'ailleurs, s'il est formellement d?fendu de rien demander, il est bien permis d'accepter: le pain bis est si bon avec une ?paisse couche de beurre frais! Puis, lorsqu'on a ?t? tr?s sage, on va avec maman et grand'm?re aux march?s des environs faire les approvisionnements. La vieille carriole est attel?e. Le chemin monte et descend tout le temps: quand il monte il faut s'avancer sur le devant de la voiture pour ne pas soulever le pauvre Ali qui n'est pas trop fort pour tout ce monde; quand il descend il faut se masser en arri?re et faire contre-poids, la carriole n'ayant pas de frein. Dans les boutiques du bourg, il y a des merveilles: des jouets depuis cinq centimes jusqu'? deux et trois francs! Et les sucres d'orge dans les bocaux de verre, et les animaux en sucre rose, et les billes, et le chocolat envelopp? dans des images! Si l'on a ?t? bien ob?issant, si l'on ne s'est pas fourr? sous les jambes des chevaux, dans la place encombr?e de charrettes, si l'on n'a rien demand?, si l'on ne s'est pas perdu au milieu de la foule, on a droit ? une petite r?compense.

Mais l'hiver, rien de tout cela. La neige, toujours la neige. Les visites sont impossibles: la neige comble les routes; et, rien que pour ouvrir la porte ext?rieure, il faut d?blayer les environs. Ou bien, s'il a gel?, le chemin est une glissoire tr?s amusante, mais beaucoup trop dangereuse. Quand le temps est beau, que la neige durcie resplendit sous un clair soleil, on attelle Ali et l'on va en tra?neau. C'est tr?s amusant; mais il fait si rarement beau!

Aussi, comme les journ?es sont longues, ? voir tomber les flocons blancs derri?re les vitres, et comme on attend No?l! Maman et grand'm?re ont fait leurs commandes ? Paris, ? la belle saison, quand le facteur venait tous les jours encore, et que l'on pouvait aller chercher les paquets ? la station du chemin de fer, tr?s loin, l?-bas, dans la plaine. La caisse est arriv?e depuis longtemps avec cette inscription en noir: <> On l'avait mise dans la chambre d'amis, toujours pleine en ?t?, mais vide en cette saison. Les enfants pouvaient aller la voir et t?cher de deviner ce qu'il y avait dedans. D?fense d'y toucher, par exemple! Depuis une semaine, la caisse avait ?t? ouverte et l'entr?e de la chambre d'amis interdite aux enfants. Ils s'?taient engag?s sur l'honneur ? n'y pas p?n?trer et avaient tenu parole. On regardait bien par le trou de la serrure, mais la cl? emp?chait de voir. Maman et grand'm?re ?taient tr?s affair?es: elles pr?paraient les belles cha?nes de papier de couleur, les paniers pour les bonbons, les noix dor?es; elles mettaient des ficelles aux biscuits, aux pommes conserv?es tout expr?s pour l'arbre. Enfin le grand jour est arriv?. Le sapin du p?re Jousse, d?racin? et transport? par Chamay, le charron, est l?, par?, brillant! Comme il est beau! Comme il a l'air majestueux et grave! Il ?tend ses rameaux flexibles d'un air de douce protection, il semble dire:

--Me voici, mes petits amis! Je suis envoy? par des coeurs reconnaissants. J'ai quitt? pour vous la for?t o? j'ai grandi libre et heureux; j'ai secou? dehors ma robe blanche pour venir orner ce soir votre demeure toujours ouverte ? ceux qui souffrent. Aussi mes branches portent avec joie, pour vous, jouets et friandises. R?jouissez-vous avec moi!

Ah! il n'est pas besoin de le dire, de se r?jouir! C'est d?j? un tapage infernal. Grand'm?re se bouche les oreilles, papa et maman demandent en vain le silence.

--Voil? mon cheval de bois, voil? mon cheval de bois! crie ? tue-t?te Odet, le plus petit, gros bonhomme joufflu, dont les grands yeux noirs brillent comme des diamants sous ses boucles dor?es.

--Et moi, voil? ma trompette, ma belle trompette que j'ai demand?e! dit Jean, joli gar?onnet de cinq ans, blond aussi, mais plus fr?le, dont les yeux bleus profonds, les traits d?licats et volontaires forment un parfait contraste avec la rondeur na?ve de son cadet.

--Ma poup?e, ma poup?e! s'?crie en extase Marie, l'unique fille, la petite maman d?j? s?rieuse de ses fr?res. Elle est bien plus belle que la poup?e de grand'm?re, que j'aime bien, pourtant. Elle a des cheveux, de vrais cheveux d'enfant qu'on peut peigner, et non pas un chignon noir en porcelaine, comme l'autre! Elle est justement habill?e de bleu, comme je le d?sirais tant!

--Et moi, et moi, je vois le couteau de grand gar?on dont j'avais envie! s'exclame Fran?ois, le fils a?n?, l'homme en second de la famille, l'ami et le compagnon de son p?re. Je n'esp?rais pas qu'on me le donnerait encore. Il a une serpette pour couper les b?tons et pour les tailler, quel bonheur! Faisons une ronde autour de l'arbre, tu permets, papa?

--Certainement.

--Venez, Mariette, dit Fran?ois, ? la vieille bonne qui contemple l'arbre, s?re, elle aussi, de n'avoir pas ?t? oubli?e.

Et les voil? qui tournent comme des fous, jusqu'? ce que les petits tombent, ext?nu?s.

--Maintenant, c'est assez, dit le p?re. Venez vous asseoir un tout petit moment l?, aupr?s de la grande b?che qui donne si chaud et qui br?le si bien; je vous expliquerai ce que c'est que No?l et pourquoi nous sommes si heureux quand c'est No?l.

--Je le sais, dit Jean. No?l, c'est quand J?sus est n? dans une cr?che!

--Et pourquoi sommes-nous si contents, quand c'est No?l?

--Je le sais, moi aussi, dit Odet, dont la figure ?panouie s'?panouit encore. C'est parce qu'il y a un arbre avec des joujoux et des pommes et des g?teaux, et un pudding qui br?le avec du rhum, ? d?ner, et parce que nous restons lev?s jusqu'? dix heures, comme les grands, et que tu nous racontes des belles histoires.

--Et que, le lendemain, nous trouvons des jouets dans nos souliers, reprend Jean.

--Oui, mais pourquoi, nous, les grands, f?tons-nous ce jour-l? en vous donnant toutes ces joies?

--Parce que vous ?tes un bon papa et une bonne maman et une bonne grand'm?re, et que vous nous aimez, dit en rougissant la blonde Marie.

--Oui, sans doute; mais c'est aussi parce que nous sommes contents nous-m?mes. Et nous sommes contents parce que la nuit de No?l, il y a plusieurs si?cles, dans les champs de la Jud?e, comme les bergers gardaient leurs troupeaux, tout ? coup ils ont vu le ciel s'ouvrir, une grande multitude d'anges a paru, et qu'est-ce qu'ils disaient, Fran?ois?

--<>

--Oui, et cela veut dire: hommes de la terre, Dieu vous aime malgr? vos p?ch?s, puisqu'il vous envoie son Fils pour vous sauver. Alors, suivez son exemple, aimez-vous bien fort, vous aussi, les uns les autres, et, puisqu'il vous sacrifie ce qu'il a de plus pr?cieux, vous, ? votre tour, sacrifiez-lui vos haines, vos querelles, votre ?go?sme: soyez en paix entre vous, ayez de la bonne volont?, de la bienveillance les uns envers les autres.

--Vi, dit gravement Odet. Et quand on donnera les affaires?

--Tout de suite, mon bonhomme. Je vois que vous ?tes trop impatients pour m'?couter; apr?s, vous serez peut-?tre plus attentifs.

A ce moment un coup de marteau vigoureux retentit dans le silence de la nuit et fit trembler la vieille maison.

--Qui peut bien venir ? cette heure et par ce temps horrible, car il neige ? gros flocons, dit grand'm?re avec inqui?tude, en regardant ? travers les doubles fen?tres, ? un endroit o? le contrevent manquait.

--Je vais voir, dit M. Malprat.

--Moi aussi, moi aussi, je voudrais voir, j'irai avec toi, disent les enfants.

--Non, mes petits. Il fait trop froid dans la cour. Attendez-moi; je reviendrai avec celui qui frappe: quel qu'il soit, il aura une place aupr?s de la b?che de No?l.

Tous ?coutent, anxieux. Au bout d'un temps assez long, car il faut d?gager la porte, on entend un double pas d'homme, puis le pasteur entre, suivi d'un grand montagnard. Celui-ci enl?ve sa cape, alourdie par la neige, et secoue ses bottes sur le seuil.

--Bonsoir, Mesdames et la compagnie, dit-il d'une voix forte.

--Bonsoir, Monsieur, lui r?pond-on.

--Lucie, vite un grog ? Monsieur, dit le pasteur ? sa femme. Il vient de loin et le froid pince terriblement.

La jeune femme se h?te de pr?parer la chaude boisson, mais elle ne peut s'emp?cher de dire, en la lui pr?sentant:

--Vous ne venez pas chercher mon mari, j'esp?re. Monsieur? Il fait trop mauvais pour sortir, ce soir.

--Je vous fais pardon, Madame, dit l'homme, tout honteux de troubler la jolie f?te de famille. C'est pas pour moi, c'est pour ce pauvre mal en point de p?re Lecointre. Il est tomb? d'une attaque en sortant du cabaret, ce matin, et il est quasiment mort ? c't'heure. Et sa femme m'a dit comme cela: <> Et je suis parti, car la pauvre vieille me fendait le coeur tant elle pleurait; mais je vois que je tombe bien mal ici, dans cette f?te.

--A-t-on fait chercher le m?decin? demande grand'-m?re.

--Non, on ira demain matin. C'est qu'ils se font payer gros quand on les d?range la nuit, et avec ce temps, les m?decins.

--Alors le danger n'est pas tr?s pressant, dit la jeune femme: tu pourrais bien attendre le jour toi aussi, Fred, comme le m?decin... Mais un regard s?v?re de son mari la fit s'arr?ter, confuse.

--J'irai, dit-il simplement.

--Vous savez qu'il neige ? gros flocons; les chemins dispara?tront bient?t, la nuit est horrible; pas une ?toile ne se montre: vous vous perdrez, Fred. Pensez ? mon anxi?t?, ? celle de votre femme, de vos enfants: on a tant besoin de vous ici; songez-y--dit grand'-m?re, suppliante.--Au moins vous retournerez avec Monsieur Malprat, ajouta-t-elle en s'adressant au visiteur.

--Ah! non, par exemple! Je vais coucher ? l'auberge; je ne m'aventurerai pas une seconde fois sur la neige, surtout maintenant qu'il fait nuit. Je fais ma commission, moi; mais, si j'ai un conseil ? donner ? Monsieur le Pasteur, c'est de patienter jusqu'? demain lui aussi. Nous partirons ensemble. Alors, pour s?r, nous nous tirerons d'affaire.

--Et si Lecointre meurt cette nuit?

--Tant pis, ma foi! ce sera pas de notre faute. Il avait rien qu'? ne pas se griser au cabaret comme un pas grand chose qu'il est, pour ?tre saisi par le froid, ? son ?ge!

--Lucie, ma ch?rie, aie la complaisance de pr?parer ma grosse pelisse fourr?e, mes bottes pour la neige, le fez que tu m'as port? de Nice, l'an dernier, il tient bien chaud, mes gants de laine. Vous, Mariette, vite un morceau de n'importe quoi, l?, sur le coin de la table, je vous prie. Puis j'irai seller Ali et nous partirons. Il est six heures; ? cause de la neige, m?me en marchant bien, nous ne serons pas arriv?s avant minuit; nous attendrons le jour pour repartir, et nous serons de retour demain, vers l'heure du d?jeuner.

--Mais au moins, ne t'en va pas avant d'avoir donn? les joujoux. Oh! papa, nous ne voulons pas f?ter No?l sans toi! dit Fran?ois. Pense comme nous serons tristes, alors que nous serions si heureux, si tu restais!

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