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Read Ebook: Contes de Noël by La Ville De Mirmont Madame Henri De

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Ebook has 1218 lines and 60250 words, and 25 pages

--Mais au moins, ne t'en va pas avant d'avoir donn? les joujoux. Oh! papa, nous ne voulons pas f?ter No?l sans toi! dit Fran?ois. Pense comme nous serons tristes, alors que nous serions si heureux, si tu restais!

--Oui, mais moi je ferais le contraire de ce que je pr?che. Vous vous souvenez de ce que je vous disais, il y a un instant ? peine, ? propos de No?l? Eh bien! que cela me d?range ou non, je dois avoir la <> d'aller r?p?ter ? ce vieillard qui va mourir justement ce que les anges annon?aient ? la terre il y a deux mille ans bient?t: que Dieu l'aime et qu'il lui pardonne s'il se repent. Il n'y a pas un instant ? perdre; songez donc: si, ? cause de vos joujoux, j'arrivais trop tard, quel remords!

Les petits ne l'?coutaient pas. Ils pleuraient et s'accrochaient ? ses jambes.

--Maman le fera ? ma place.

--Elles ne sont pas aussi jolies que les tiennes, les histoires de maman.

--Et le pudding, papa, ajoutait Odet, il ne sera pas bon sans toi!

--Vous le garderez pour demain!

--Tu vas t'?garer... Oh! papa, ne pars pas ce soir, je t'en prie, attends ? demain, suppliait Marie.

--Ne crains rien, petite folle, je connais la route. Demain, ? d?ner, si vous avez ?t? sages, nous mangerons le fameux pudding, et apr?s je vous raconterai des histoires: cela fera que vous en aurez eu deux fois au lieu d'une. Et nous serons beaucoup plus heureux qu'aujourd'hui, parce que j'aurai fait mon devoir, tandis que si je restais ce soir, nous penserions tout le temps au p?re Lecointre, ce qui ne serait pas dr?le. Voil?, je suis pr?t. Adieu mes bien-aim?s, soyez sans inqui?tude; vous, petits, amusez-vous bien avec vos joujoux!

Et, emmitoufl? dans sa pelisse fourr?e, ses beaux cheveux noirs cach?s ? moiti? sous son fez rouge, le pasteur quitta la chambre, les yeux rayonnant de jeune vaillance et de bont?.

Dans l'?curie, Ali sommeillait, bien au chaud, sur une ?paisse liti?re. On lui avait donn? double ration d'avoine pour qu'il e?t, lui aussi, sa petite f?te. En entendant ouvrir la porte, il dressa la t?te et se mit ? hennir avec inqui?tude. Bien s?r, on ne songeait pas ? le faire sortir, ? l'heure o? tout, dort, dans la nuit glac?e!

C'?tait un petit cheval arabe, d?licat et fier, une b?te de race, achet?e ? vil prix dans un march? des environs. Comment avait-il quitt? ses sables dor?s pour ce climat rude, nul ne le savait. Vif et intelligent, il comprenait tout, il aimait son ma?tre, ob?issait ? sa voix, et, quand il le portait, ne faisait qu'un avec lui.

--Allons, mon pauvre Ali, il faut partir, vois-tu, dit le pasteur en le sellant; je n'aime pas la neige plus que toi, vieux camarade! Comme toi, je suis du pays du soleil, et le froid me glace jusqu'au coeur... C'est dur de quitter ce soir liti?re et coin de feu; mais mon ma?tre, ? moi, commande; donne ta t?te fine, mon ami, et partons.

La lourde porte de ch?ne ? gros clous rouill?s retombe pesamment, et son bruit retentit dans tous les coeurs.

Le village, ? demi enseveli dans un ?pais duvet blanc, dort. Pas un rayon ne filtre ? travers les contrevents soigneusement clos. Le petit cheval marche vaillamment; il rel?ve ses jambes nerveuses qui s'enfoncent sans bruit dans l'?paisse couche blanche. La neige tombe ? gros flocons lourds. Cheval et cavalier sont bient?t tout blancs. Ils avancent lentement, semblables ? des ombres errantes, et leur silhouette fantastique se perd dans la nuit.

Ils vont, ils vont sans s'arr?ter; ils traversent des bois, des champs, des villages; ils montent, ils descendent, ils remontent. Le froid, un froid toujours plus intense et plus profond, les p?n?tre jusqu'aux mo?lles. Il semble au ministre qu'il n'est pas sur la terre, qu'il marche dans un pays de r?ve, sur un linceul immense, envelopp? dans un suaire glac?. De sa main engourdie, il flatte sans cesse la b?te d?vou?e et courageuse.

--Avance, Ali, avance encore, mon ami, nous approchons: tu auras bient?t une grosse ration d'avoine et une bonne liti?re.

Tiens! o? donc est le poteau qui marque le croisement des chemins? Enseveli, sans doute. Voici bien un arbre; il ressemble au h?tre qui se trouve au coin de la route, mais qu'est devenue la haie du champ qui la borde? Disparue sous la neige, peut-?tre aussi. Se serait-il tromp?? Non, pourtant, ce n'est pas possible. Il a fait si souvent cette course qu'il irait les yeux ferm?s, lui semble-t-il. Bient?t il verra la ferme des Lambert; il sera tout pr?s d'arriver, alors. Courage!

Mais sa t?te s'alourdit ?trangement. Ses tempes battent ? l'assourdir. Ah! qu'est-ce donc qu'il entend dans le lointain? Des cloches? Non, ce n'est pas possible, il est trop loin d'un village maintenant. Mais oui, ce sont des cloches, de merveilleuses cloches de No?l. Comme elles chantent ga?ment! Oh! le beau carillon! Il ressemble ? celui de la vieille ?glise dans sa ville natale, l?-bas, au doux pays du soleil. A son appel les gens sortent, emmitoufl?s, de leurs maisons chaudes, et se r?pandent dans les rues ?clair?es. Quel bruit et quel mouvement, comme c'est gai! Que fait-on au presbyt?re? Les petits sont couch?s dans leurs lits bien douillets; Odet et Jean dorment; leurs t?tes blondes reposent aupr?s de leurs jouets neufs. Ils ont pri? pour papa, bien s?r, pour ce pauvre papa errant dans la neige. Comme il fait froid! Maintenant, le linceul blanc devient rigide et dur; c'est une souffrance atroce de marcher dessus. Ma?tre et cheval ne sont plus qu'un bloc de glace: le gland du fez de M. Malprat s'est coll? ? sa moustache et forme avec elle un gros gla?on; sa pelisse raidie craque ? chaque mouvement. Cela est si cruel que lui, l'homme fort et courageux, il sent couler de ses yeux des larmes qui se figent imm?diatement.

Lucie et grand'm?re veillent au coin du feu, sans doute, dans la grande salle ? manger sombre, aupr?s de l'arbre ?teint. La b?che de No?l croule, consum?e. Silencieuses, elles pensent ? l'absent, elles l'attendent. Oh! ce foyer, comme il lui appara?t radieux et attrayant, dans la nuit glac?e! La maison, la ch?re maison, o? des visages aimants l'accueillent toujours! La maison, fra?che et sombre, lorsqu'il vient de la chaleur et du soleil aveuglant, chaude et ?clair?e, lorsqu'il vient du froid et de la nuit. Le nid, l'abri s?r o? il se repose apr?s les fatigues et les dangers, dans le bien-?tre et la s?curit?; la gardienne fid?le de ses tr?sors, le seul coin du monde qui soit ? lui, bien ? lui. Il a toujours h?te d'y retourner, mais jamais elle ne l'a attir? avec tant de puissance. Il n'a qu'? tourner un peu la bride de son cheval et aussit?t c'est vers elles qu'ils voleront, retrouvant des forces. Elle appara?tra, masse informe, au bout du chemin. Il frappera: le marteau fera bondir de joie les coeurs anxieux; la porte s'ouvrira: sa porte, et il retrouvera le bonheur, la vie... Mais il faut marcher.

La ferme des Lambert n'appara?t toujours pas. Oh! encore les cloches! Qu'est-ce qu'elles disent donc si fort et si doucement ? la fois! <> Oui, il comprend; il lui faut encore de la bonne volont?, il en aura. Les cloches se taisent. Le froid cesse, semble-t-il; un sommeil exquis commence ? envahir le jeune homme. O? est-il donc, et qui lui a mis sur le corps cette chaude couverture blanche? Quelque chose comme de la plume tombe sur son front. Il est vraiment bien fatigu?, que cela va ?tre bon de dormir! Brusquement la neige, le froid, la souffrance, tout dispara?t. Il est dans un champ de la Jud?e, par une belle nuit sans nuage. ?tendu sur l'herbe ?paisse, il contemple le ciel ?toil?! Tout ? coup, une grande lumi?re resplendit, la vo?te infinie s'entrouvre, une nu?e d'anges en sort, affair?e, blanche, d'un blanc plus resplendissant mille fois que la neige fra?chement tomb?e. <>, disent-ils, et les cloches sonnent ? toute vol?e, des millions de cloches, celles du monde entier qui c?l?bre No?l.

A ce moment, dans la morne et silencieuse ?tendue, un cri lugubre s'?leva; il alla se perdre dans les t?n?bres sans ?veiller d'?cho. C'?tait l'appel de d?tresse haletant, rauque, d'une b?te ? l'agonie, la plainte presque humaine d'un ?tre impuissant qui voit venir l'ennemie redoutable, la mort, qui ne peut se d?fendre mais qui proteste, frissonne et se cabre, follement ?pouvant?. Le jeune pasteur est brusquement tir? du sommeil qui commen?ait ? l'envahir.

--O? suis-je, dit-il; qui a cri?, qui m'appelle?

Rien ne lui r?pond, mais un souffle chaud et oppress? caresse sa figure, une langue rugueuse lui r?pe la joue.

--C'est toi, Ali? Pourquoi suis-je couch? par terre, o? allions-nous?

Il d?gage avec peine ses membres engourdis, se l?ve et t?che de se ressaisir. Soudain, l'arbre de No?l, la visite de Leblanc, le d?part, la route interminable dans le froid atroce, tout lui revient ? la fois. Il comprend qu'il s'est endormi, qu'il a gliss? de son cheval sur la neige et que, sans Ali, il ne se serait pas r?veill?. Alors, prenant dans ses bras la jolie t?te de l'animal:

--Ah! mon fid?le compagnon, mon bon cheval, lui dit-il, merci! Tu me fais honte. C'est moi, l'homme, qui ai manqu? de courage, et toi, la b?te, qui m'as rappel? ? l'ordre! C'est bien, ce que tu as fait l?, mon petit! Mais, comme tu trembles! Ton poil est tout h?riss? encore, ta poitrine se soul?ve comme le soufflet d'un forgeron. Tu as vu venir la mort et tu as fr?mi, car elle ?tait horrible ainsi, n'est-ce pas, dans ce froid, dans cette solitude! Comme l'?ne de Balaam, tu as presque trouv? la parole pour avertir ton ma?tre. A mon tour maintenant de te donner du courage. L?, l? calme-toi, mon brave, le danger est pass?. La neige cesse de tomber, le jour va poindre et dissipera les ?pouvantes. Voyons, o? sommes-nous? Qu'est-ce que cette tache noire, l?-bas, entre ces sapins?... Mais c'est la grange des Bedaux, il me semble! Nous nous serons tromp?s de chemin au croisement des routes, vois-tu. Nous tournions le dos aux Dastres o? nous allons: je comprends pourquoi nous ne trouvions jamais la ferme des Lambert. Allons, repartons; encore un effort et nous serons arriv?s.

Cependant on veillait dans le vieux presbyt?re. Apr?s le d?part du pasteur, Mme Malprat et sa m?re avaient distribu? les jouets aux enfants, ?teint l'arbre. Puis on avait d?n? tristement; et, vite, la derni?re bouch?e aval?e, les petits s'?taient group?s autour de leur m?re, r?clamant les histoires promises. Mais elle ?tait trop anxieuse pour s'en tirer de fa?on ? contenter son auditoire.

--Paul fut fouett? parce qu'il avait ?t? m?chant..., disait-elle.

--Mais c'?tait Louis qui ?tait m?chant et Paul qui ?tait gentil! s'?criait une voix indign?e.

Alors, y renon?ant, elle avait pris les ?vangiles et avait lu simplement le r?cit de No?l.

--Maman, dit Odet quand ce fut fini, sais-tu ce qu'il faut faire? Il faut demander ? Dieu d'envoyer un de ses anges pour garder mon papa. Puisqu'il en a une multitude et qu'une multitude ?a veut dire beaucoup, beaucoup, cela lui sera bien facile, et puis, Papa est parti pour ob?ir ? ce qu'il a dit.

--Eh bien! demande-le lui toi-m?me.

--Mon Dieu du ciel, dit Odet, joignant ses petites mains et prenant un air c?leste, envoie un de tes anges pour garder mon papa qui est parti ? cause de la bonne volont?... Amen!

Les petits couch?s et endormis, les m?res ?taient rest?es seules dans la vaste pi?ce. Elles avaient pris leurs ouvrages, de gros tricots de laine pour les orphelins de la paroisse: pauvres enfants des grandes villes qu'on envoyait en nourrice dans ce coin isol? des montagnes et que personne ne r?clamait jamais. Elles ne parlaient pas, ne voulant pas se tromper mutuellement et n'osant pas se communiquer leurs pens?es. Elle priaient ? voix basse et attendaient. Les heures se tra?naient, mornes, aigrement sonn?es par le coucou suspendu au mur. Tout ?tait silencieux au dehors et dans la maison. Elles n'entendaient que le tic-tac du balancier marquant les secondes, le cliquetis des aiguilles agiles et les battements de leurs coeurs rythmant leur angoisse. Le grand arbre assombri, d?pouill?, semblait attendre aussi, inquiet et grave.

De temps en temps l'une des femmes se levait et allait ? la fen?tre.

--Eh bien? disait l'autre.

--La neige tombe toujours, r?pondait-elle.

Lorsque minuit sonna, elles se lev?rent et s'embrass?rent.

--C'est No?l, malgr? tout, mon enfant, dit grand'-m?re. Bon No?l ? tous ceux qui souffrent, ? ceux qui sont loin, comme ? ceux qui sont pr?s! Fred doit ?tre arriv? maintenant comme il l'avait dit: si tu allais te coucher?

--Vas-y, m?re, pour moi je ne pourrais pas fermer l'oeil.

--Non, mais tu te reposerais.

--J'aime mieux rester lev?e. Si, par hasard, Fred rentrait, n'ayant pu trouver son chemin? Je doute qu'il ait pu aller jusqu'au bout avec ce temps.

--Fred conna?t trop bien le pays pour s'?garer. A cette heure-ci il est arriv?, et il se repose; va en faire autant.

--Iras-tu, toi?

--Non, moi je suis vieille, cela ne compte pas.

--Eh bien! moi je suis jeune, cela ne compte pas non plus.

A ce moment, la porte s'ouvrit et Mariette entra portant un plateau.

--Bon No?l ? mes ma?tres, dit-elle.

--Bon No?l ? vous et ? tous les v?tres, lui r?pondit-on. Comment, vous n'?tes pas couch?e?

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