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Read Ebook: Le parfum de la Dame en noir by Leroux Gaston

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Ebook has 1636 lines and 96808 words, and 33 pages

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Et elle monta dans son wagon...

C'est alors que l'insupportable Brignolles, voyant l'?moi de la nouvelle mari?e, ne put s'emp?cher de r?p?ter encore ? ma?tre Andr? Hesse, qui, du reste, le fit taire fort malhonn?tement, comme il le m?ritait: <> Je vois encore Brignolles disant cela, et je me rappelle le sentiment d'horreur que, dans le moment m?me, il m'inspira. Il ne faisait point de doute pour moi depuis longtemps que ce Brignolles ?tait un m?chant homme, et surtout un jaloux, et qu'il ne pardonnait point ? son parent le service que celui-ci lui avait rendu en le casant dans un poste tout ? fait subalterne. Il avait la mine jaune et les traits longs, tir?s de haut en bas. Tout en lui paraissait amertume, et tout en lui ?tait long. Il avait une longue taille, de longs bras, de longues jambes et une longue t?te. Cependant ? cette r?gle de longueur, il fallait faire une exception pour les pieds et pour les mains. Il avait les extr?mit?s petites et presque ?l?gantes. Ayant ?t? si brusquement morig?n? pour ses m?chants propos par le jeune avocat, Brignolles en con?ut une imm?diate rancune et quitta la gare apr?s avoir pr?sent? ses civilit?s aux ?poux. Du moins je crus qu'il quitta la gare, car je ne le vis plus.

Nous avions encore trois minutes avant le d?part du train. Nous esp?rions encore en l'arriv?e de Rouletabille, et nous examinions tous le quai, pensant voir enfin surgir dans la troupe h?tive des voyageurs en retard la figure sympathique de notre jeune ami. Comment se faisait-il qu'il n'appar?t point, selon sa coutume et sa mani?re, bousculant tout et tous, ne se pr?occupant point des protestations et des cris qui signalaient ordinairement son passage dans une foule o? il se montrait toujours plus press? que les autres? Que faisait-il?... D?j? on fermait les porti?res; on en entendait le claquement brutal... Et puis ce furent les br?ves invitations des employ?s... <> quelques galopades derni?res... le coup de sifflet aigu qui commandait le d?part... puis la clameur enrou?e de la locomotive, et le convoi se mit en marche... Mais pas de Rouletabille!... Nous en ?tions si tristes et, aussi, tellement ?tonn?s, que nous restions sur le quai ? regarder Mme Darzac sans penser ? lui faire entendre nos souhaits de bon voyage. La fille du professeur Stangerson jeta un long regard sur le quai et, dans le moment que le train commen?ait ? acc?l?rer sa marche, s?re d?sormais qu'elle ne verrait plus, avant son d?part, son petit ami, elle me tendit une enveloppe, par la porti?re...

<> fit-elle...

Et elle ajouta, soudain, avec une figure envahie d'un si subit effroi, et sur un ton si ?trange que je ne pus m'emp?cher de songer aux n?fastes r?flexions de Brignolles.

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II O? il est question de l'humeur changeante de Joseph Rouletabille

En revenant, seul, de la gare, je ne pus que m'?tonner de la singuli?re tristesse qui m'avait envahi, sans que j'en pusse d?m?ler pr?cis?ment la cause. Depuis le proc?s de Versailles, aux p?rip?ties duquel j'avais ?t? si intimement m?l?, j'avais li? tout ? fait amiti? avec le professeur Stangerson, sa fille et Robert Darzac. J'aurais d? ?tre particuli?rement heureux d'un ?v?nement qui semblait satisfaire tout le monde. Je pensai que l'extraordinaire absence du jeune reporter devait ?tre pour quelque chose dans cette sorte de prostration. Rouletabille avait ?t? trait? par les Stangerson et M. Darzac comme un sauveur. Et, surtout, depuis que Mathilde ?tait sortie de la maison de sant? o? le d?sarroi de son esprit avait n?cessit? pendant plusieurs mois des soins assidus, depuis que la fille de l'illustre professeur avait pu se rendre compte du r?le extraordinaire jou? par cet enfant dans un drame o?, sans lui, elle e?t in?vitablement sombr? avec tous ceux qu'elle aimait, depuis qu'elle avait lu avec toute sa raison, enfin recouvr?e, le compte rendu st?nographi? des d?bats o? Rouletabille apparaissait comme un petit h?ros miraculeux, il n'?tait point d'attentions quasi maternelles dont elle n'e?t entour? mon ami. Elle s'?tait int?ress?e ? tout ce qui le touchait, elle avait excit? ses confidences, elle avait voulu en savoir sur Rouletabille plus que je n'en savais et plus peut- ?tre qu'il n'en savait lui-m?me. Elle avait montr? une curiosit? discr?te mais continue relativement ? une origine que nous ignorions tous et sur laquelle le jeune homme avait continu? de se taire avec une sorte de farouche orgueil. Tr?s sensible ? la tendre amiti? que lui t?moignait la pauvre femme, Rouletabille n'en conservait pas moins une extr?me r?serve et affectait, dans ses rapports avec elle, une politesse ?mue qui m'?tonnait toujours de la part d'un gar?on que j'avais connu si primesautier, si exub?rant, si entier dans ses sympathies ou dans ses aversions. Plus d'une fois, je lui en avais fait la remarque, et il m'avait toujours r?pondu d'une fa?on ?vasive en faisant grand ?talage, cependant, de ses sentiments d?vou?s pour une personne qu'il estimait, disait-il, plus que tout au monde, et pour laquelle il e?t ?t? pr?t ? tout sacrifier si le sort ou la fortune lui avaient donn? l'occasion de sacrifier quelque chose pour quelqu'un. Il avait aussi des moments d'une incompr?hensible humeur. Par exemple, apr?s s'?tre fait, devant moi, une f?te d'aller passer une grande journ?e de repos chez les Stangerson qui avaient lou? pour la belle saison -- car ils ne voulaient plus habiter le Glandier -- une jolie petite propri?t? sur les bords de la Marne, ? Chennevi?res, et apr?s avoir montr?, ? la perspective d'un si heureux cong?, une joie enfantine, il lui arrivait de se refuser, tout ? coup, sans aucune raison apparente, ? m'accompagner. Et je devais partir seul, le laissant dans la petite chambre qu'il avait conserv?e au coin du boulevard Saint-Michel et de la rue Monsieur- le-Prince. Je lui en voulais de toute la peine qu'il causait ainsi ? cette bonne Mlle Stangerson. Un dimanche, celle-ci, outr?e de l'attitude de mon ami, r?solut d'aller le surprendre avec moi dans sa retraite du quartier Latin.

Quand nous arriv?mes chez lui, Rouletabille, qui avait r?pondu par un ?nergique: <> au coup que j'avais frapp? ? sa porte, Rouletabille, qui travaillait ? sa petite table, se leva en nous apercevant et devint si p?le... si p?le que nous cr?mes qu'il allait d?faillir.

<> s'?cria Mathilde Stangerson en se pr?cipitant vers lui. Mais, plus prompt qu'elle encore, avant qu'elle ne f?t arriv?e ? la table o? il s'appuyait, il avait jet? sur les papiers qui s'y trouvaient ?parpill?s une serviette de maroquin qui les dissimula enti?rement.

Mathilde avait vu, naturellement, le geste. Elle s'arr?ta, toute surprise.

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-- Non! r?pondit-il, j'ai fini de travailler. Je vous montrerai ?a plus tard. C'est un chef-d'oeuvre, une pi?ce en cinq actes dont je n'arrive pas ? trouver le d?nouement.>>

Et il sourit. Bient?t il redevint tout ? fait ma?tre de lui et nous dit cent dr?leries en nous remerciant d'?tre venus le troubler dans sa solitude. Il voulut absolument nous inviter ? d?ner et nous all?mes tous trois manger dans un restaurant du quartier latin, chez Foyot. Quelle bonne soir?e! Rouletabille avait t?l?phon? ? Robert Darzac qui vint nous rejoindre au dessert. ? cette ?poque, M. Darzac n'?tait point trop souffrant et l'?tonnant Brignolles n'avait pas encore fait son apparition dans la capitale. On s'amusa comme des enfants. Ce soir d'?t? ?tait si beau et si doux dans le Luxembourg solitaire.

Avant de quitter Mlle Stangerson, Rouletabille lui demanda pardon de l'humeur bizarre qu'il montrait quelquefois et s'accusa d'avoir, au fond, un tr?s m?chant caract?re. Mathilde l'embrassa et Robert Darzac aussi l'embrassa. Et il en fut si ?mu que, durant le temps que je le reconduisis jusqu'? sa porte, il ne me dit point un mot; mais, au moment de nous s?parer, il me serra la main comme jamais encore il ne l'avait fait. Dr?le de petit bonhomme!... Ah! si j'avais su!... Comme je me reproche maintenant de l'avoir, par instants, ? cette ?poque, jug? avec un peu trop d'impatience...

Ainsi, triste, triste, assailli de pressentiments que j'essayais en vain de chasser, je revenais de la gare de Lyon, me rem?morant les innombrables fantaisies, bizarreries, et quelquefois douloureux caprices de Rouletabille au cours de ces deux derni?res ann?es, mais rien, cependant, rien de tout cela ne pouvait me faire pr?voir ce qui venait de se passer, et encore moins me l'expliquer. O? ?tait Rouletabille? Je m'en fus ? son h?tel, boulevard Saint-Michel, me disant que si, l? encore, je ne le trouvais pas, je pourrais, au moins, laisser la lettre de Mme Darzac. Quelle ne fut pas ma stup?faction, en entrant dans l'h?tel, d'y trouver mon domestique portant ma valise! Je le priai de m'expliquer ce que cela signifiait, et il me r?pondit qu'il n'en savait rien: qu'il fallait le demander ? M. Rouletabille.

Celui-ci, en effet, pendant que je le cherchais partout, except?, naturellement, chez moi, s'?tait rendu ? mon domicile, rue de Rivoli, s'?tait fait conduire dans ma chambre par mon domestique, lui avait fait apporter une valise et avait soigneusement rempli cette valise de tout le linge n?cessaire ? un honn?te homme qui se dispose ? partir en voyage pour quatre ou cinq jours. Puis, il avait ordonn? ? mon godiche de transporter ce petit bagage, une heure plus tard, ? son h?tel du boul'Mich'. Je ne fis qu'un bond jusqu'? la chambre de mon ami o? je le trouvai en train d'empiler m?ticuleusement dans un sac de nuit des objets de toilette, du linge de jour et une chemise de nuit. Tant que cette besogne ne fut point termin?e, je ne pus rien tirer de Rouletabille, car, dans les petites choses de la vie courante, il ?tait volontiers maniaque et, en d?pit de la modestie de ses ressources, tenait ? vivre fort correctement, ayant l'horreur de tout ce qui touchait de pr?s ou de loin ? la boh?me. Il daigna enfin m'annoncer que <>, et que, puisque j'?tais libre et que son journal l'?poque lui accordait un cong? de trois jours, nous ne pouvions mieux faire que d'aller nous reposer <>. Je ne lui r?pondis m?me pas, tant j'?tais furieux de la fa?on dont il venait de se conduire, et aussi tant je trouvais stupide cette proposition d'aller contempler l'oc?an ou la Manche par un de ces temps abominables de printemps qui, tous les ans, pendant deux ou trois semaines, nous font regretter l'hiver. Mais il ne s'?mut point outre mesure de mon silence, et, prenant ma valise d'une main, son sac de l'autre, me poussant dans l'escalier, il me fit bient?t monter dans un fiacre qui nous attendait devant la porte de l'h?tel. Une demi- heure plus tard, nous nous trouvions tous deux dans un compartiment de premi?re classe de la ligne du Nord, qui roulait vers Le Tr?port, par Amiens. Comme nous entrions en gare de Creil, il me dit:

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Je le regardai. Il avait devin? que Mme Darzac aurait une grande peine de ne l'avoir point vu au moment de son d?part et qu'elle lui ?crirait. ?a n'?tait pas bien malin. Je lui r?pondis:

<>

Et je lui fis d'amers reproches auxquels il ne prit point garde. Il n'essaya m?me pas de se disculper, ce qui me mit plus en col?re que tout. Enfin, je lui donnai la lettre. Il la prit, la regarda, en respira le doux parfum. Comme je le consid?rais avec curiosit?, il fron?a les sourcils, dissimulant, sous cette mine r?barbative, une ?motion souveraine. Mais il ne put finalement me la cacher qu'en s'appuyant le front ? la vitre et en s'absorbant dans une ?tude approfondie du paysage.

<

-- Non, me r?pondit-il, pas ici!... Mais l?-bas!...>>

Nous arriv?mes au Tr?port en pleine nuit noire, apr?s six heures d'un interminable voyage et par un temps de chien. Le vent de mer nous gla?ait et balayait le quai d?sert. Nous ne rencontr?mes qu'un douanier enferm? dans sa capote et dans son capuchon et qui faisait les cent pas sur le pont du canal. Pas une voiture, naturellement. Quelques papillons de gaz, tremblotant dans leur cage de verre, refl?taient leur ?clat falot dans de larges flaques de pluie o? nous pataugions ? l'envi, cependant que nous courbions le front sous la rafale. On entendait au loin le bruit que faisaient, en claquant sur les dalles sonores, les petits sabots de bois d'une Tr?portaise attard?e. Si nous ne tomb?mes point dans le grand trou noir de l'avant-port, c'est que nous f?mes avertis du danger par la fra?cheur sal?e qui montait de l'ab?me et par la rumeur de la mar?e. Je maugr?ais derri?re Rouletabille qui nous dirigeait assez difficilement dans cette obscurit? humide. Cependant il devait conna?tre l'endroit, car nous arriv?mes tout de m?me, cahin-caha, odieusement gifl?s par l'embrun, ? la porte de l'unique h?tel qui reste ouvert, pendant la mauvaise saison, sur la plage. Rouletabille demanda tout de suite ? souper et du feu, car nous avions grand-faim et grand froid.

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Car Rouletabille, dans le moment, toussait et ne parvenait point ? se r?chauffer.

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Cette phrase me donna si bien ? r?fl?chir que je n'en dormis gu?re de la nuit. Dehors, le vent de mer hululait toujours, poussant sur la gr?ve sa vaste plainte, puis s'engouffrant tout ? coup dans les petites rues de la ville, comme dans des corridors. Je crus entendre remuer dans la chambre ? c?t?, qui ?tait celle de mon ami: je me levai et poussai sa porte. Malgr? le froid, malgr? le vent, il avait ouvert sa fen?tre, et je le vis distinctement qui envoyait des baisers ? l'ombre. Il embrassait la nuit!

Je refermai la porte et revins me coucher discr?tement. Le lendemain matin, je fus r?veill? par un Rouletabille ?pouvant?. Sa figure marquait une angoisse extr?me et il me tendait un t?l?gramme qui lui venait de Bourg et qui lui avait ?t?, sur l'ordre qu'il en avait donn?, r?exp?di? de Paris. Voici la d?p?che: <>

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-- Vous n'avez jamais cru ? sa mort?>> me demanda Rouletabille avec une ?motion telle que je ne pouvais pas me l'expliquer, malgr? l'horreur qui se d?gageait de la situation, en admettant que nous dussions prendre ? la lettre les termes du t?l?gramme de M. Darzac.

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Rouletabille s'?tait laiss? choir sur une chaise. C'est d'une voix presque tremblante qu'il me confia ? son tour qu'il n'avait cru r?ellement ? sa mort qu'une fois la c?r?monie du mariage termin?e. Il ne pouvait entrer dans l'esprit du jeune homme que Larsan e?t laiss? s'accomplir l'acte qui donnait Mathilde Stangerson ? M. Darzac, s'il avait ?t? encore vivant. Larsan n'avait qu'? se montrer pour emp?cher le mariage; et, si dangereuse qu'e?t ?t?, pour lui, cette manifestation, il n'e?t point h?sit? ? se livrer, connaissant les sentiments religieux de la fille du professeur Stangerson, et sachant bien qu'elle n'e?t jamais consenti ? lier son sort ? un autre homme, du vivant de son premier mari, se trouv?t-elle m?me d?livr?e de celui-ci par la loi humaine? En vain e?t-on invoqu? aupr?s d'elle la nullit? de ce premier mariage au regard des lois fran?aises, il n'en restait pas moins qu'un pr?tre avait fait d'elle la femme d'un mis?rable, pour toujours!

Et Rouletabille, essuyant la sueur qui coulait de son front, ajoutait:

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