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Read Ebook: Voyages en France pendant les années 1787 1788 1789 by Young Arthur

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Ebook has 457 lines and 113377 words, and 10 pages

Arthur Young

VOYAGES EN FRANCE PENDANT LES ANN?ES 1787, 1788, 1789

D'apr?s l'?dition de 1882 Traduit par M. H. J. LESAGE.

Table des mati?res

PR?FACE DE L'AUTEUR INTRODUCTION VOYAGES EN FRANCE PENDANT LES ANNEES 1787, 1788 ET 1789 JOURNAL ANN?E 1788 ANN?E 1789 RETOUR D'ITALIE ANN?E 1790

PR?FACE DE L'AUTEUR

Il est permis de douter que l'histoire moderne ait offert ? l'attention de l'homme politique quelque chose de plus int?ressant que le progr?s et la rivalit? des deux empires de France et d'Angleterre, depuis le minist?re de Colbert jusqu'? la r?volution fran?aise. Dans le cours de ces cent trente ann?es tous deux ont jet? une splendeur qui a caus? l'admiration de l'humanit?.

L'int?r?t que le monde entier prend ? l'examen des maximes d'?conomie politique qui ont dirig? leurs gouvernements est proportionn? ? la puissance, ? la richesse et aux ressources de ces nations. Ce n'est certainement pas une recherche de peu d'importance que celle de d?terminer jusqu'? quel point l'influence de ces syst?mes ?conomiques s'est fait sentir dans l'agriculture, l'industrie, le commerce, la prosp?rit? publique. On a publi? tant de livres sur ces sujets, consid?r?s au point de vue de la th?orie, que peut-?tre ne regardera-t-on point comme perdu le temps consacr? ? les reprendre sous leur aspect pratique. Les observations que j'ai faites il y a quelques ann?es en Angleterre et en Irlande, et dont j'ai publi? le r?sultat sous le titre de Tours, ?taient un pas, dans cette voie qui m?ne ? la connaissance exacte de l'?tat de notre agriculture. Ce n'est pas ? moi de les juger; je dirai seulement qu'on en a donn? des traductions dans les principales langues de l'Europe, et que, malgr? leurs fautes et leurs lacunes, on a souvent regrett? de n'avoir pas une semblable description de la France, ? laquelle le cultivateur et l'homme politique puissent avoir recours. On aurait, en effet, raison de se plaindre que ce vaste empire, qui a jou? un si grand r?le dans l'histoire, d?t encore rester un si?cle inconnu ? l'?gard de ce qui fait l'objet de mes recherches. Cent trente ans se sont pass?s; avec eux, l'un des r?gnes les plus glorieux les plus fertiles en grandes choses dont l'on ait gard? la m?moire; et la puissance, les ressources de la France, bien que mises ? une dure ?preuve, se sont montr?es formidables ? l'Europe. Jusqu'? quel point cette puissance, ces ressources s'appuyaient- elles sur la base in?branlable d'une agriculture ?clair?e, sur le terrain plus trompeur du commerce et de l'industrie? Jusqu'? quel point la richesse, le pouvoir, l'?clat ext?rieur, quelle qu'en f?t la source, ont-ils r?pandu sur la nation le bien-?tre qu'ils semblaient indiquer? Questions fort int?ressantes, mais r?solues, bien imparfaitement par ceux qui ourdissent au coin du feu leurs syst?mes politiques ou qui les attrapent au vol en traversant l'Europe en poste. L'homme dont les connaissances en agriculture ne sont que superficielles ignore la conduite ? suivre dans de telles investigations: ? peine peut-il faire une diff?rence entre les causes qui pr?cipitent un peuple dans la mis?re et celles qui le conduisent au bonheur. Quiconque se sera occup? de ces ?tudes ne traitera pas mon assertion de paradoxe. Le cultivateur qui n'est que cultivateur ne saisit pas, au milieu de ses voyages, les relations qui unissent les pratiques agricoles ? la prosp?rit? nationale, des faits en apparence insignifiants ? l'int?r?t de l'?tat; relations suffisantes pour changer, en quelques cas, des champs fertiles en d?serts, une culture intelligente en source de faiblesse pour le Royaume. Ni l'un ni l'autre de ces hommes sp?ciaux ne s'entendra en pareille mati?re; il faut, pour y arriver, r?unir leurs deux aptitudes ? un esprit libre de tous pr?jug?s, surtout des pr?jug?s nationaux, de tous syst?mes, de toutes ces vaines th?ories qui ne se trouvent que dans le cabinet de travail des r?veurs. Dieu me garde de me croire si heureusement dou?! Je ne sais que trop le contraire. Pour entreprendre une oeuvre aussi difficile je ne me fonde que sur l'accueil favorable obtenu par mon rapport sur l'agriculture anglaise. Une exp?rience de vingt ans, acquise depuis que ces essais ont paru, me fait croire que je ne suis pas moins pr?par? ? les tenter de nouveau que je ne l'?tais alors. Il y a plus d'int?r?t ? conna?tre ce qu'?tait la France, maintenant que des nuages qui, il y a quatre ou cinq ans, obscurcissaient son ciel politique a ?clat? un orage si terrible. C'e?t ?t? un juste sujet d'?tonnement si, entre la naissance de la monarchie en France et sa chute, ce pays n'avait pas ?t? examin? sp?cialement au point de vue de l'agriculture. Le lecteur de bonne foi ne s'attendra pas ? trouver dans les tablettes d'un voyageur le d?tail des pratiques que celui-l? seul peut donner, qui s'est arr?t? quelques mois, quelques ann?es, dans un m?me endroit: vingt personnes qui y consacreraient vingt ans n'en viendraient pas ? bout; supposons m?me qu'elles le puissent, c'est ? peine si la milli?me partie de leurs travaux vaudrait qu'on la l?t. Quelques districts tr?s avanc?s m?ritent qu'on y donne autant d'attention; mais le nombre en est fort restreint en tout pays, et celui des pratiques qui leur vaudraient d'?tre ?tudi?s plus restreint encore. Quant aux mauvaises habitudes, il suffit de savoir qu'il y en a, et qu'il faut y pourvoir, et cette connaissance touche bien plut?t l'homme politique que le cultivateur. Quiconque sait au moins un peu, quelle est ma situation, ne cherchera pas dans cet ouvrage ce que les privil?ges du rang et de la fortune sont seuls capables de fournir; je n'en poss?de aucun et n'ai en d'autres armes, pour vaincre les difficult?s, qu'une attention constante et un labeur pers?v?rant. Si mes vues avaient ?t? encourag?es par cette r?ussite dans le monde qui rend les efforts plus vigoureux, les recherches plus ardentes, mon ouvrage e?t ?t? plus digne du public; mais une telle r?ussite se trouve ici dans toute carri?re autre que celle du cultivateur. Le non ulus aratro dignus honos ne s'appliquait pas plus justement ? Rome au temps des troubles civils et des massacres, qu'il ne s'applique ? l'Angleterre en un temps de paix et de prosp?rit?.

Qu'il me soit permis de mentionner un fait pour montrer que, quelles que soient les fautes contenues dans les pages qui vont suivre, elles ne viennent pas d'une assurance pr?somptueuse du succ?s, sentiment propre seulement ? des ?crivains bien autrement populaires que je ne le suis. Quand l'?diteur se chargea de hasarder l'impression de ces notes et que celle du journal fut un peu avanc?e, on remit au compositeur le manuscrit entier afin de voir s'il aurait de quoi remplir soixante feuilles. Il s'en trouva cent quarante, et, le lecteur peut m'en croire, le travail auquel il fallut se livrer pour retrancher plus de la moiti? de ce que j'avais ?crit, ne me causa aucun regret, bien que je dusse sacrifier plusieurs chapitres qui m'avaient co?t? de p?nibles recherches.

L'?diteur e?t imprim? le tout; mais l'auteur, quels que soient ses autres d?fauts, doit ?tre au moins exempt de se voir tax? d'une trop grande confiance dans la faveur publique puisqu'il s'est pr?t? aux retranchements, aussi volontiers qu'il l'avait fait ? la composition de son oeuvre.

Le succ?s de la seconde partie d?pendait tellement de l'exactitude des chiffres, que je ne m'en fiai pas ? moi-m?me pour l'examen des calculs, mais ? un instituteur qui passe pour s'y conna?tre, et j'esp?re qu'aucune erreur consid?rable ne lui sera ?chapp?e.

La r?volution fran?aise ?tait un sujet difficile, p?rilleux ? traiter; mais on ne pouvait la passer sous silence. J'esp?re que les d?tails que je donne et les r?flexions que je hasarde seront re?us avec bienveillance, en pensant ? tant d'auteurs d'une habilet? et d'une r?putation non communes qui ont ?chou? en pareille mati?re. Je me suis tenu si ?loign? des extr?mes que c'est ? peine si je puis esp?rer quelques approbations; mais je m'appliquerai ? cette occasion, les paroles de Swift: <>

INTRODUCTION

Il y a deux mani?res d'?crire les voyages: on peut ou enregistrer les faits qui les ont signal?s, ou donner les r?sultats auxquels ils ont conduit. Dans le premier cas, on a un simple journal, et sous ce titre doivent ?tre class?s tous les livres de voyages ?crits en forme de lettres. Les autres se pr?sentent ordinairement comme essais sur diff?rents sujets. On a un exemple de la premi?re m?thode dans presque tous les livres des voyageurs modernes. Les admirables essais de mon honorable ami, M. le professeur Symonds, sur l'agriculture italienne, sont un des plus parfaits mod?les de la seconde.

Il importe peu pour un homme de g?nie d'adopter l'une ou l'autre de ces m?thodes, il rendra toute forme utile et tout enseignement int?ressant. Mais pour des ?crivains d'un moindre talent, il est d'une importance de peser les circonstances pour et contre chacun de ces modes.

Le journal a cet avantage qu'il porte en soi un plus haut degr? de vraisemblance, et acquiert, par cons?quent, plus de valeur. Un voyageur qui enregistre ainsi ses observations, se trahit d?s qu'il parle de choses qu'il n'a pas vues. Il lui est interdit de donner ses propres sp?culations sur des fondements insuffisants: s'il voit peu de choses, il n'en peut rapporter que peu; s'il a de bonnes occasions de s'instruire, le lecteur est ? m?me de s'en apercevoir, et ne donnera pas plus de cr?ance ? ses informations que les sources d'o? elles sortent ne para?tront devoir en m?riter. S'il passe si rapidement ? travers le pays qu'aucun jugement ne lui soit possible, le lecteur le sait; s'il reste longtemps dans des endroits de peu ou de point d'importance, on le voit, et on a la satisfaction d'avoir contre les erreurs soit volontaires, soit involontaires, autant de garanties que la nature des choses le permet, tous avantages inconnus ? l'autre m?thode.

Mais, d'un autre c?t?, de grands inconv?nients leur font contre- poids, parmi lesquels vient au premier rang la prolixit?, que l'adoption du journal rend presque in?vitable. On est oblig? de revenir sur les m?mes sujets et les m?mes id?es, et ce n'est certainement pas une faute l?g?re d'employer une multitude de paroles ? ce que peu de mots suffiraient ? exprimer bien mieux. Une autre objection s?rieuse, c'est que des sujets importants, au lieu d'?tre group?s de mani?re ? ce qu'on puise en tirer des exemples ou des comparaisons, se trouvent donn?s comme ils ont ?t? observ?s, par ?chapp?es, sans ordre de temps ni de lieux, ce qui amoindrit l'effet de l'ouvrage et lui enl?ve beaucoup de son utilit?.

Les essais fond?s sur les principaux faits observ?s, et donnant les r?sultats des voyages et non plus les voyages eux-m?mes, ont ?videmment en leur faveur ce tr?s grand avantage, que les sujets trait?s de la sorte sont r?unis et mis en lumi?re autant que l'habilet? de l'auteur le lui a permis; la mati?re se pr?sente avec toute sa force et tout son effet. La bri?vet? est une autre qualit? inappr?ciable, car tous d?tails inutiles ?tant mis de c?t?, le lecteur n'a plus devant lui que ce qui tend ? l'?claircissement du sujet: quant aux inconv?nients, je n'ai nul besoin d'en parler, je les ai suffisamment indiqu?s en montrant les avantages du journal; il est clair que les avantages de l'une de ces formes seront en raison directe des inconv?nients de l'autre.

Apr?s avoir pes? le pour et le contre, je pense qu'il ne m'est pas impossible, dans ma position particuli?re, de joindre le b?n?fice de l'une et de l'autre.

J'ai cru qu'ayant pour objet principal et pr?dominant l'agriculture, je pourrais r?partir chacun des objets qu'elle embrasse en diff?rents chapitres, conservant ainsi l'avantage de donner uniquement les r?sultats de mes voyages.

En m?me temps je me propose, afin de procurer au lecteur la satisfaction que l'on peut trouver dans un journal, de donner sous cette forme les observations que j'ai faites sur l'aspect des pays parcourus et sur les moeurs, les coutumes, les amusements, les villes, les routes, les maisons de plaisance, etc., etc., qui peuvent, sans inconv?nient, y trouver place. J'esp?re le contenter ainsi sur tous les points dont nous devons, en toute sinc?rit?, lui donner connaissance pour les raisons que j'ai indiqu?es plus haut.

C'est, d'apr?s cette id?e que j'ai revu mes notes et compos? le travail que j'offre maintenant au public.

La haute opinion que j'ai du jugement de mon ami m'a fait suivre son conseil; en cons?quence, je me hasarde ? offrir au public cet itin?raire, absolument tel qu'il a ?t? ?crit sur les lieux, priant le lecteur, qui trouvera trop de choses frivoles, de pardonner, en r?fl?chissant que l'objet principal de mes voyages se douve dans une autre partie de celle oeuvre, ? laquelle il peut recourir d?s maintenant, s'il ne veut s'occuper que des objets d'une plus grande importance.

VOYAGES EN FRANCE PENDANT LES ANNEES 1787, 1788 ET 1789

JOURNAL

Les beaux travaux d'am?lioration d'un marais salant, ex?cut?s par M. Mourlon , m'avaient fait faire sa connaissance, il y a quelque temps, et je l'avais trouv? si bien renseign? sur plusieurs objets importants, que c'est avec le plus grand plaisir que je l'ai revu. J'ai pass? chez lui une soir?e agr?able et instructive. - 165 milles.

Le 17. -- Neuf heures de roulis ? l'ancrage avaient tellement fatigue ma jument, que je crus qu'un jour de repos lui serait n?cessaire; ce matin seulement j'ai quitt? Calais. Pendant quelques milles le pays ressemble ? certaines parties du Norfolk et du Suffolk; des collines en pente douce, quelques maisons entour?es de haies au fond des vall?es, et des bois dans le lointain. Il en est de m?me en s'approchant de Boulogne. Aux environs de cette ville, je fus charm? de trouver plusieurs ch?teaux appartenant ? des personnes qui y demeurent habituellement. Combien de fausses id?es ne recevons-nous pas des lectures et des ou?-dire? Je croyais que personne en France, hors les fermiers et leurs gens, ne vivait ? la campagne et mes premiers pas dans ce royaume me font rencontrer une vingtaine de villas. -- Route excellente.

Boulogne n'est pas d?sagr?able; des remparts de la ville haute, on embrasse un horizon magnifique, quoique les eaux basses de la rivi?re ne me le fissent pas voir ? son avantage. On sait g?n?ralement que Boulogne est depuis fort longtemps le refuge d'un grand nombre d'Anglais ? qui des malheurs dans le commerce ou une vie pleine d'extravagances ont rendu le s?jour de l'?tranger plus souhaitable que celui de leur propre patrie. Il est facile de s'imaginer qu'ils y trouvent un niveau de soci?t? qui les invite ? se rassembler dans un m?me endroit. Certainement, ce n'est pas le bon march?, car la vie y est plut?t ch?re. Le m?lange de dames fran?aises et anglaises donne aux rues un aspect singulier; les derni?res suivent leurs modes, les autres ne portent pas de chapeaux; elles se coiffent d'un bonnet ferm? et portent un manteau qui leur descend jusqu'aux pieds. La ville a l'air d'?tre florissante; les ?difices sont en bon ?tat et soigneusement r?par?s; il y en a quelques-uns de date r?cente, signe de prosp?rit? tout aussi certain, peut-?tre, qu'aucun autre. On construit une nouvelle ?glise sur un plan qui n?cessitera de grandes d?penses. En somme, la cit? est anim?e, les environs agr?ables; une plage de sable ferme s'?tend aussi loin que la mar?e. Les falaises adjacentes sont dignes d'?tre visit?es par ceux qui ne connaissent pas d?j? la p?trification de la glaise; elle se trouve ? l'?tat rocheux et argileux que j'ai d?crit ? Harwich. -- 24 milles.

Le 18. -- Boulogne, o? se trouvent des collines oppos?es ? la distance d'un mille, forme un charmant paysage; la rivi?re serpente dans la vall?e, et s'?tend, en une belle nappe, au- dessous de la ville, avant de se jeter dans la mer, que l'on aper?oit entre deux falaises, dont l'une sert de fond au tableau. Il n'y manque que du bois; s'il s'en trouvait un peu plus, on aurait peine ? imaginer une sc?ne plus agr?able. Le pays s'am?liore, les cl?tures deviennent plus fr?quentes, quelques parties se rapprochent beaucoup de l'Angleterre. Belles prairies aux environs de Boubrie ; plusieurs ch?teaux. L'agriculture ne fait pas l'objet de ce journal, mais je dois noter, en passant, qu'elle est certainement aussi mis?rable que le pays est bon. Pauvres moissons, jaunes de mauvaises herbes! Cependant le terrain est rest? tout l'?t? en jach?re, bien inutilement. Sur les collines non loin de la mer, les arbres en d?tournent leurs cimes d?pouill?es de feuillage, ce n'est donc pas au vent du S.-O. seul qu'on doit attribuer cet effet. Si les Fran?ais n'ont pas d'agriculture ? nous montrer, ils ont des routes; rien de plus magnifique, de mieux tenu, que celle qui traverse un beau bois, propri?t? de M. Neuvillier; on croirait voir une all?e de parc. Et, certes, tout le chemin, ? partir de la mer, est merveilleux: c'est une large chauss?e aplanissant les montagnes au niveau des vall?es: elle m'e?t rempli d'admiration si je n'eusse rien su des abominables corv?es, qui me font plaindre les malheureux cultivateurs auxquels un travail forc? a arrach? cette magnificence. Des femmes que l'on voit dans le bois, arrachant ? la main l'herbe pour nourrir leurs vaches, donnent au pays un air de pauvret?.

Long? pr?s de Montreuil des tourbi?res semblables ? celles de Newbury. La promenade autour des remparts de cette ville est tr?s jolie; les petits jardins des bastions sont curieux. Beaucoup d'Anglais habitent Montreuil; pourquoi? Il n'est pas ais? de le concevoir; car on n'y trouve pas cette animation qui fait le charme du s?jour dans les villes. Dans un court entretien avec une famille anglaise retournant chez elle, la dame, qui est jeune et, je crois, agr?able, m'assura que je trouverais la cour de Versailles d'une splendeur surprenante. Oh! qu'elle aimait la France! Comme elle aurait regrett? son voyage en Angleterre, si elle ne se f?t pas attendue ? en revenir bient?t! Comme elle avait travers? tout le royaume, je lui demandai quelle en ?tait la partie qui lui plaisait le mieux; la r?ponse fut telle qu'on la devait attendre d'aussi jolies l?vres: <> Son mari, qui n'est plus si jeune, me r?pondit: <> Il est tr?s probable qu'un fermier approuvera plut?t les sentiments du mari que ceux de la femme, malgr? tous ses attraits. -- 24 milles.

Le 19. -- J'ai d?n?, ou plut?t je suis mort de faim, ? Bernay, o?, pour la premi?re fois, j'ai rencontr? ce vin dont j'avais entendu si souvent dire en Angleterre qu'il ?tait pire que la petite bi?re. Pas de fermes ?parses dans cette partie de la Picardie, ce qui est aussi malheureux pour la beaut? de la campagne qu'incommode pour sa culture. Jusqu'? Abbeville, pays uni, mal plaisant, il y a beaucoup de bois, qui sont fort grands, mais sans int?r?t. Pass? pr?s d'un ch?teau nouvellement construit, en craie; il appartient ? M. Saint-Maritan. S'il avait v?cu en Angleterre, il n'aurait pas ?lev? une belle maison dans cette situation, ni donn? ? ses murs l'air de ceux d'un h?pital.

Le 21. -- M?me pays plat et ennuyeux jusqu'? Flixcourt. -- 15 milles.

Une affaire remarquable dont Picquigny a ?t? le th??tre fait le plus grand honneur ? l'esprit tol?rant des Fran?ais. M. Colmar, qui est juif, a achet?, du duc de Chaulnes, la seigneurie et les terres comprenant la vicomt? d'Amiens, en vertu de quoi il nomme les chanoines de la cath?drale. L'?v?que s'est oppos? ? l'exercice de ce droit; un appel a port? la discussion devant le Parlement de Paris, qui s'est prononc? pour M. Colmar. La seigneurie imm?diate de Picquigny, sans ses d?pendances, a ?t? revendue au comte d'Artois.

Vu la cath?drale d'Amiens, que l'on dit b?tie par les Anglais; elle est tr?s grande et magnifique de l?g?ret? et de richesse d'ornementation. On y disposait une tenture noire avec baldaquin et des luminaires pour le service du prince de Tingry, colonel du r?giment de cavalerie en garnison dans la ville. Ce spectacle ?tait une affaire pour les bourgeois, il y avait foule ? chaque porte. On me refusa l'entr?e; mais, quelques officiers ayant ?t? admis, donn?rent des ordres pour laisser passer un monsieur anglais; je me trouvais d?j? ? une certaine distance lorsqu'on me rappela, en m'invitant, avec beaucoup de politesse, ? entrer, et me faisant des excuses sur ce qu'on ne m'avait pas d'abord reconnu pour Anglais. Ce ne sont l? que de bien petites choses, mais elles montrent un esprit lib?ral et doivent ?tre not?es. Si un Anglais re?oit des attentions en France, parce qu'il est Anglais, point n'est besoin de dire la conduite ? tenir envers un Fran?ais en Angleterre. Le Ch?teau-d'Eau, ou machine hydraulique qui alimente Amiens vaut la peine d'?tre vu, mais on n'en pourrait donner une id?e qu'au moyen de planches. La ville contient un grand nombre de fabriques de lainages. Je me suis entretenu avec plusieurs ma?tres, qui s'accordaient enti?rement avec ceux d'Abeville pour condamner le trait? de commerce. -- 15 milles.

Le 23. -- D'Amiens ? Breteuil, pays accident?, des bois en vue pendant tout le chemin. -- 21 milles.

Le 24. -- Campagne plate, crayeuse et ennuyeuse presque jusqu'? Clermont, o? elle s'am?liore, s'accidente et se boise. Jolie vue de la ville et des plantations du duc de Fitzjames, au d?bouch? de la vall?e. -- 24 milles.

Le 25. -- Les environs de Clermont sont pittoresques. Les coteaux de Liancourt sont jolis et couverts d'une culture que je n'avais pas vue auparavant, m?lange de vignes , de jardins et de champs: une pi?ce de bl?, une autre de luzerne, un morceau de tr?fle ou de vesces, un carr? de vignes, des cerisiers et d'autres arbres ? fruits plant?s ?? et l?, le tout cultiv? ? la b?che. Cela fait un charmant ensemble, mais doit donner de pauvres produits. Chantilly! La magnificence est son caract?re dominant, on l'y voit partout. Il n'y a ni assez de go?t, ni assez de beaut? pour l'adoucir: tout est grand, except? le ch?teau et il y a en cela quelque chose d'imposant. Je mets ? part la galerie des batailles du grand Cond? et le cabinet d'histoire naturelle, bien que riche en beaux ?chantillons, tr?s habilement dispos?s; il ne contient rien qui m?rite une mention particuli?re; pas une salle ne serait regard?e comme grande en Angleterre. L'?curie est vraiment belle et surpasse en v?rit? de beaucoup tout ce que j'ai pu voir jusqu'ici: elle a 580 pieds de long, 40 de large, et renferme quelquefois 240 chevaux anglais. J'avais tellement l'habitude de retrouver, dans les pi?ces d'eau, l'imitation des lignes sinueuses et irr?guli?res de la nature, que j'arrivais ? Chantilly pr?venu contre l'id?e d'un canal; mais la vue de celui d'ici est frappante, elle m'impressionna comme les grandes choses seules le peuvent faire. Ce sentiment r?sulte de la longueur et des lignes droites de l'eau s'unissant ? la r?gularit? de tous les objets en vue.

C'est, je crois, lord Kaimes qui dit que la portion du jardin contigu? au ch?teau doit participer ? la r?gularit? des b?timents; dans un endroit, si somptueux, cela est presque indispensable. L'effet, ici, est amoindri par le parterre devant la fa?ade, dans lequel les carr?s et les petits jets d'eau ne correspondent pas ? la magnificence du canal. La m?nagerie est tr?s jolie et montre une vari?t? prodigieuse de volailles de toutes les parties du monde; c'est un des meilleurs objets auxquels une m?nagerie puisse ?tre consacr?e; ceci et le cerf de Corse prit toute mon attention. Le hameau renferme une imitation de jardin anglais; comme ce genre est nouvellement introduit en France, on ne doit pas user d'une critique s?v?re. L'id?e la plus anglaise que j'aie rencontr?e est celle de la pelouse devant les ?curies: elle est grande, d'une belle verdure et bien tenue, preuve certaine que l'on peut avoir d'aussi beaux gazons dans le nord de la France qu'en Angleterre. Le labyrinthe est le seul complet que j'aie vu, et il ne m'a pas laiss? de d?sir d'en voir un autre: c'est le r?bus du jardinage. Dans les sylvae, il y a des plantes tr?s rares et tr?s belles. Je souhaite que les personnes qui visitent Chantilly et qui aiment les beaux arbres n'oublient pas de demander le gros h?tre; c'est le plus, beau que j'aie vu, droit comme une fl?che, n'ayant pas, ? vue d'oeil, moins de 80 ? 90 pieds de haut, 40 jusqu'? la premi?re branche, et 12 de diam?tre ? 5 pieds du sol.

C'est, sous tous les rapports, un des plus beaux arbres qui se rencontrent en aucun lieu. Il y en a deux qui s'en rapprochent sans l'?galer. La for?t de Chantilly, appartenant au prince de Cond?, est immense et s'?tend fort loin dans tous les sens; la route de Paris la traverse pendant dix milles dans la direction la moins ?tendue. On dit que la capitainerie est de plus de cent milles en circonf?rence, c'est-?-dire que dans cette circonscription les habitants sont ruin?s par le gibier, sans avoir la permission de le d?truire, afin de fournir aux plaisirs d'un seul homme. Ne devrait-on pas en finir avec ces capitaineries?

? Luzarches, ma jument m'a paru incapable d'aller plus loin; les ?curies de France, esp?ces de tas de fumier couverts, et la n?gligence des gar?ons d'?curie, la plus ex?crable engeance que je connaisse, lui ont fait prendre froid. Je l'ai laiss?e, en cons?quence, jusqu'? ce que je l'envoie chercher de Paris, et j'ai pris la poste pour cette ville. J'ai trouv? ce service plus mauvais, et m?me, en somme, plus cher qu'en Angleterre. En chaise de poste, j'ai voyag? comme on voyage en chaise de poste, c'est-?- dire, voyant peu, ou rien. Pendant les dix derniers milles, je m'attendais ? cette cohue de voitures qui pr?s de Londres arr?te le voyageur. J'attendis en vain; car le chemin, jusqu'aux barri?res, est un d?sert en comparaison. Tant de routes se joignent ici, que je suppose que ce n'est qu'un accident. L'entr?e n'a rien de magnifique; elle est sale et mal b?tie. Pour gagner la rue de Varenne, faubourg Saint-Germain, je dus traverser toute la ville, et le fis par de vilaines rues ?troites et populeuses.

? l'h?tel de Larochefoucauld, j'ai trouv? le duc de Liancourt et ses fils, le comte de Larochefoucauld et le comte Alexandre, ainsi que mon excellent ami, M. de Lazowski, que tous j'avais eu le plaisir de conna?tre dans le Suffolk. Ils me pr?sent?rent ? la duchesse d'Estissac, m?re du duc, et ? la duchesse de Liancourt. L'agr?able r?ception et les attentions amicales que me prodigua toute cette g?n?reuse famille ?taient de nature ? me laisser la plus favorable impression... -- 42 milles.

Le 26. -- J'avais pass? si peu de temps en France que tout y ?tait encore nouveau pour moi. Jusqu'? ce que nous soyons accoutum?s aux voyages, nous avons un penchant ? tout d?vorer des yeux, ? nous ?tonner de tout, ? chercher du nouveau en cela m?me o? il est ridicule d'en attendre. J'ai ?t? assez sot d'esp?rer trouver le monde bien autre que je le connaissais, comme si une rue de Paris pouvait se composer d'autre chose que de maisons, les maisons d'autre chose que de brique ou de pierre; comme si les gens qui s'y trouvent, parce qu'ils n'?taient pas des Anglais, eussent d? marcher sur la t?te. Je me d?ferai de cette sotte habitude aussi vite que possible, et porterai mon attention sur le caract?re national et ses dispositions. Cela m?ne tout naturellement ? saisir les petits d?tails qui les expriment le mieux; t?che peu ais?e et sujette ? beaucoup d'erreurs.

Je n'ai qu'un jour ? passer ? Paris, et il est employ? ? faire des achats. ? Calais, ma trop grande pr?voyance a caus? les d?sagr?ments qu'elle voulait emp?cher: j'avais peur de perdre ma malle si je la laissais ? l'h?tel Dessein; pour qu'on la m?t ? la diligence, je l'envoyai chez Mouron. Par suite, je ne l'ai pas trouv?e ? Paris, et j'ai ? me procurer de nouveau tout ce qu'elle renfermait, avant de quitter cette ville pour les Pyr?n?es. Ce devrait ?tre, selon moi, une maxime pour les voyageurs, de toujours confier leurs bagages aux entreprises publiques du pays, sans recourir ? des pr?cautions extraordinaires.

Apr?s une rapide excursion avec mon ami, M. Lazowski, pour voir beaucoup de choses, trop ? la h?te pour en avoir quelque id?e exacte, j'ai pass? la soir?e chez son fr?re, o? j'ai eu le plaisir de rencontrer M. de Boussonet, secr?taire de la Soci?t? royale d'agriculture, et M. Desmarets, tous deux de l'Acad?mie des sciences. Comme M. Lazowski conna?t bien les manufactures de France, dans l'administration desquelles il occupe un poste important, et comme ces autres messieurs se sont beaucoup occup?s d'agriculture, la conversation ne fut pas peu instructive, et je regrettai que l'obligation de quitter Paris de bonne heure ne me laiss?t pas l'esp?rance de retrouver une chose aussi agr?able pour moi que la compagnie d'hommes dont la conversation montrait la connaissance des int?r?ts nationaux. Au sortir de l?, je partis en poste, avec le comte Alexandre de Larochefoucauld, pour Versailles. afin d'assister ? la f?te du jour suivant . Couch? ? l'h?tel du duc de Liancourt.

D?jeun? avec lui, dans ses appartements, au palais, privil?ge qu'il tient de sa charge de grand ma?tre de la garde-robe, une des principales de la cour de France. L?, je le trouvai au milieu d'un cercle de gentils-hommes, entre autres le duc de Larochefoucauld, c?l?bre par son go?t pour l'histoire naturelle; je lui fus pr?sent?, car il se rend ? Bagn?res-de-Luchon, o? j'aurai l'honneur d'?tre de sa compagnie.

La c?r?monie du jour ?tait caus?e par le cordon bleu dont le roi devait donner l'investiture au duc de Berri, fils du comte d'Artois. La chapelle de la reine y chanta, mais l'effet fut bien mince. Pendant le service, le roi ?tait assis entre ses deux fr?res, et semblait, par sa tenue et son inattention, regretter de n'?tre pas ? la chasse. Il e?t tout aussi bien fait que de s'entendre pr?ter un serment f?odal, ou quelque autre sottise de ce genre, par un enfant de dix ans. ? la vue de tant de pompeuses vanit?s, j'imaginai que c'?tait l? le Dauphin, et m'en informai d'une dame fort ? la mode, assise pr?s de moi, ce qui la fit me rire au nez, comme si j'avais ?t? coupable de la b?tise la plus signal?e; rien ne pouvait ?tre plus offensant; car ses efforts pour se retenir ne marquaient que mieux l'expression de son visage. Je m'adressai ? M. de Larochefoucauld afin de savoir quelle grosse absurdit? m'?tait ?chapp?e ? mon insu; c'?tait de croirez-vous? Parce que le Dauphin, comme tout le monde le sait en France, re?oit le cordon bleu en naissant.

?tait-il si impardonnable ? un ?tranger d'ignorer une chose d'autant d'importance dans l'histoire du pays que la bavette bleue donn?e ? un marmot au lieu d'une bavette blanche?

Apr?s cette c?r?monie, le roi et les chevaliers se dirig?rent en procession vers un petit appartement o? le roi d?na; ils salu?rent la reine en passant. Il parut y avoir plus d'aisance et de familiarit? que d'apparat dans cette partie de la c?r?monie; Sa Majest? qui, par parenth?se, est la plus belle femme que j'aie vue aujourd'hui, re?ut ces hommages de fa?ons diverses. Elle souriait aux uns, parlait aux autres, certaines personnes semblaient avoir l'honneur d'?tre plus dans son intimit?. Elle r?pondait froidement ? ceux-ci, tenait ceux-l? ? distance. Elle se montra respectueuse et bienveillante pour le brave Suffren. Le d?ner du roi en public a plus de singularit? que de magnificence. La reine s'assit devant un couvert, mais ne mangea rien, elle causait avec le duc d'Orl?ans et le duc de Liancourt qui se tenait derri?re sa chaise. C'e?t ?t? pour moi un tr?s mauvais repas, et si j'?tais souverain, je balayerais les trois quarts de ces formalit?s absurdes. Si les rois ne d?nent pas comme leurs sujets, ils perdent beaucoup des plaisirs de la vie; leur situation est assez faite pour leur en enlever la plus grande partie; le reste, ils le perdent par les c?r?monies vides de sens auxquelles ils se soumettent. La seule fa?on confortable et amusante de d?ner serait d'avoir une table de dix ? douze couverts, entour?e de gens qui leur plairaient; les voyageurs nous disent que telle ?tait l'habitude du feu roi de Prusse.

Il connaissait trop bien le prix de la vie pour la sacrifier ? de vaines formes ou ? une r?serve monastique.

Le palais de Versailles, dont les r?cits qu'on m'avait Ils avaient excit? en moi la plus grande attente, n'est pas le moins du monde frappant. Je l'ai vu sans ?motion; l'impression qu'il m'a laiss?e est nulle. Qu'y a-t-il qui puisse compenser le manque d'unit?? De quelque point qu'on le voie, ce n'est qu'un assemblage de b?timents, un beau quartier pour une ville, non pas un bel ?difice, reproche qui s'?tend ? la fa?ade donnant sur le parc, quoiqu'elle soit de beaucoup la plus remarquable. La grande galerie est la plus belle que je connaisse, les autres salles ne sont rien; on sait, du reste, que les statues et les peintures forment une magnifique collection. Tout le palais, hors la chapelle, semble ouvert ? tout le monde; la foule incroyable, au travers de laquelle nous nous fray?mes un chemin pour voir la procession, ?tait compos?e de toutes sortes de personnes, quelques-unes assez mal v?tues, d'o? je conclus qu'on ne repoussait qui que ce soit aux portes. Mais ? l'entr?e de l'appartement o? d?nait le roi, les officiers firent des distinctions, et ne permirent pas ? tous de s'introduire p?le- m?le.

Les voyageurs, m?me de ces derniers temps, parlent beaucoup de l'int?r?t remarquable que prennent les Fran?ais ? ce qui concerne leurs rois, montrant par la vivacit? de leur attention non seulement de la curiosit?, mais de l'amour. O?, comment et chez qui l'ont-ils d?couvert? C'est ce que j'ignore. -- Il doit y avoir de l'inexactitude, ou bien le peuple a chang?, dans ce peu d'ann?es, au del? de ce qu'on peut croire.

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