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Read Ebook: Le capitaine Paul by Dumas Alexandre

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Ebook has 1559 lines and 63123 words, and 32 pages

Mes yeux et mon coeur suivaient la barque.

Elle disparut. Je poussai un soupir. Et cependant j'?tais loin de me douter que je ne revoie jamais celle qui venait de me quitter.

J'entendis aupr?s de moi comme une pri?re, o? ?tais-je, et qui faisait cette pri?re?

De l?, il parlait ? la mer, aux vents, aux nuages, ? Dieu!

Cette heure de l'Ave Maria ?tait l'heure po?tique de la journ?e. M?me lorsque rien ne venait ajouter ? la m?lancolie du cr?puscule, c'?tait l'heure o? nous r?vions sans penser, l'heure o? le souvenir du pays ?loign? et des amis absents revenait ? la m?moire, pareils ? ces nuages qui simulent tant?t des montagnes, tant?t des lacs, tant?t des formes humaines, qui glissent doucement sur un ciel d'azur et qui changent d'aspect, se composant, se d?composant, et se recomposant vingt fois en un instant; les heures glissaient alors sans que l'on sentit le toucher de leurs ailes sans qu'on entend?t le bruit de leur vol. Puis la nuit arrivait, -- si toutefois on peut appeler la nuit l'absence du jour, -- la nuit arrivait allumant une ? une les ?toiles dans l'orient assombri, tandis que l'occident, ?teignant peu ? peu le soleil, roulait des flots d'or et passait par toutes les couleurs du prisme, depuis le pourpre ardent jusqu'au vert clair. Alors il s'?levait de l'eau comme un harmonieux murmure: les poissons s'?lan?aient hors de la mer, pareils ? des ?clairs d'argent, le pilote quittait le gouvernail, comme si le gouvernail n'avait plus besoin d'autre main que celle de Dieu; on hissait le fils du capitaine sur le toit de la cabine, et l'Ave Maria commen?ait ? l'instant m?me o? finissait le dernier rayon du jour.

C'?tait cette sc?ne, chaque jour renouvel?e et o?, chaque jour, mon ?me s'impr?gnait d'une m?lancolie nouvelle, que je venais de voir se reproduire dans des conditions qui la faisaient, pour moi, plus impressionnante que jamais.

Oh! cette fois, son heure ?tait bien venue, je sentis, ? la fa?on dont le drame s'emparait de ma pens?e, qu'il ne lui laisserait plus de rel?che qu'il n'e?t vu le jour, et je m'abandonnai ? ce charme amer de la gestation...

Ah! voil? ce que les artistes seuls peuvent dire, c'est tout ce qu'il y a de charme, lorsque, po?te ou peintre, on voit sa pens?e rev?tir une forme, et le r?ve peu ? peu prendre la consistance de la r?alit?.

Voyez-vous le soleil qui se l?ve derri?re une cha?ne des Alpes ou des Pyr?n?es? D'abord, c'est une lueur rose, ? peine visible, s'infiltrant dans l'atmosph?re gris?tre du matin, qu'elle colore d'une imperceptible teinte, et sur laquelle se d?coupe la silhouette dentel?e et gigantesque des montagnes.

Peu ? peu, cette teinte grandit, les sommets les plus ?lev?s se colorent; vous les voyez, flamboyants, dominer les autres comme des volcans, puis des rayons s'?lancent dans les cieux, pareils ? autant de fus?es d'or; les pics inf?rieurs commencent ? participer ? cette lumi?re, qui monte si rapidement que les anciens repr?sentaient le soleil apparaissant aux portes de l'Orient, sur un char tra?n? par quatre chevaux fougueux; l'oc?an de flammes submerge ces sommets qui semblaient vouloir l'arr?ter comme une digue.

Enfin, voici le jour: mar?e ruisselante, qui s'?panche par torrents aux flancs de la cha?ne sombre, et qui peu ? peu p?n?tre et illumine jusqu'? la myst?rieuse profondeur des vall?es o? l'on aurait cru que jamais ne p?n?trerait un rayon de lumi?re.

C'est ainsi que, s'?claire et se dessine l'oeuvre dans le cerveau du po?te.

Je comptais l'?crire ? Naples; car j'?tais en retard. La Sicile m'avait retenu comme une de ces ?les magiques dont parle le vieil Hom?re.

Que nous fallait-il pour regagner la ville des d?lices -- la ville qu'il faut voir avant de mourir? -- Trois jours et un bon vent.

Je donnai l'ordre au capitaine d'appareiller le lendemain matin, et de mettre le cap droit sur Naples.

Le capitaine consulta le vent, regarda le nord, ?changea quelques mots ? voix basse avec le pilote, et r?pondit:

-- On fera ce que l'on pourra, Excellence.

-- Comment! on fera ce que l'on pourra, cher ami? Il me semble qu'il y a l?-dessous un sens cach?.

-- Dame! fit le capitaine.

-- Voyons, voyons, expliquons-nous tout de suite.

-- Oh! l'explication sera courte, Excellence.

-- Abordons-la franchement, alors.

-- Eh bien, le vieux ainsi qu'on appelait le pilote -- le vieux dit que le temps va changer et que nous aurons le vent contraire pour sortir du d?troit.

Nous ?tions ? l'ancre, en face de San-Giovanni.

-- Ah! diable! fis-je, le temps va changer, et nous aurons le vent contraire; est-ce bien s?r, capitaine?

-- C'est bien s?r, oui, Excellence.

-- Et, lorsque ce vent souffle, capitaine, a-t-il la mauvaise habitude de souffler longtemps?

-- Plus ou moins.

-- Quel est son moins?

-- Trois ou quatre jours.

-- Et son plus?

-- Huit ou dix.

-- Et, quand il souffle, impossible de sortir du d?troit?

-- Impossible.

-- Et ? quelle heure le vent soufflera-t-il?

-- Eh! vieux? dit le capitaine.

-- Pr?sent! dit Nunzio en se levant derri?re la cabine.

-- Son Excellence demande pour quelle heure le vent?

Nunzio se retourna, consulta jusqu'au plus petit nuage du ciel, et, se retournant vers nous:

-- Capitaine, dit-il, ce sera pour ce soir entre huit et neuf heures, un instant apr?s que le soleil sera couch?.

-- Ce sera pour ce soir, entre huit et neuf, un instant apr?s que le soleil sera couch?, r?p?ta le capitaine avec la m?me assurance que si c'e?t ?t? Mathieu Laensberg ou Nostradamus qui lui e?t r?pondu.

-- Mais alors, demandai-je au capitaine, ne pourrait-on sortir tout de suite? Nous nous trouverions alors en pleine mer, et pourvu que nous arrivions au Pizzo, c'est tout ce que je demande...

-- Si vous le voulez absolument, r?pondit le pilote, on tachera.

-- Eh bien, mon cher Nunzio t?chez donc, alors.

-- Allons, allons, dit le capitaine, on part... Chacun son poste!

Empruntons ? mon journal de voyage les d?tails qui vont suivre; il y a tant?t vingt ans que les choses racont?es ? cette heure par moi se sont pass?es. J'aurais oubli? peut-?tre; mon journal, au contraire, a une m?moire inflexible et se souvient du plus petit d?tail:

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