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Read Ebook: L'affaire Lerouge by Gaboriau Emile

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Ebook has 3425 lines and 118152 words, and 69 pages

L'aide de camp de G?vrol ?tait, ce jour-l?, un ancien repris de justice r?concili? avec les lois, un gaillard habile dans son m?tier, fin comme l'ambre, et jaloux de son chef qu'il jugeait m?diocrement fort. On le nommait Lecoq.

Le commissaire de police, que sa responsabilit? commen?ait ? g?ner, accueillit le juge d'instruction et les deux agents comme des lib?rateurs. Il exposa rapidement les faits et lut son proc?s-verbal.

--Vous avez fort bien proc?d?, monsieur, lui dit le juge, tout ceci est tr?s net; seulement, il est un fait que vous oubliez.

--Lequel, monsieur? demanda le commissaire.

--Quel jour a-t-on vu pour la derni?re fois la veuve Lerouge, et ? quelle heure?

--J'allais y arriver, monsieur. On l'a rencontr?e le soir du Mardi gras, ? cinq heures vingt minutes. Elle revenait de Bougival avec un panier de provisions.

--Monsieur le commissaire est s?r de l'heure? interrogea G?vrol.

--Parfaitement, et voici pourquoi: les deux t?moins dont la d?position me fixe, la femme Tellier et un tonnelier, qui demeurent ici pr?s, descendaient de l'omnibus am?ricain qui part de Marly toutes les heures, lorsqu'ils ont aper?u la veuve Lerouge dans le chemin de traverse. Ils ont press? le pas pour la rejoindre, ont caus? avec elle et ne l'ont quitt?e qu'? sa porte.

--Et qu'avait-elle dans son panier? demanda le juge d'instruction.

--Les t?moins l'ignorent. Ils savent seulement qu'elle rapportait deux bouteilles de vin cachet? et un litre d'eau-de-vie. Elle se plaignait du mal de t?te et leur dit que, bien qu'il f?t d'usage de s'amuser le jour du Mardi gras, elle allait se coucher.

--Eh bien! s'exclama le chef de la s?ret?, je sais o? il faut chercher.

--Vous croyez? fit M. Daburon.

--Parbleu! c'est assez clair. Il s'agit de trouver le grand brun, le gaillard ? la blouse. L'eau-de-vie et le vin lui ?taient destin?s. La veuve l'attendait pour souper. Il est venu, l'aimable galant.

--Oh! insinua le brigadier ?videmment r?volt?, elle ?tait bien laide et terriblement vieille.

G?vrol regarda d'un air goguenard l'honn?te gendarme.

--Sachez, brigadier, dit-il, qu'une femme qui a de l'argent est toujours jeune et jolie, si cela lui convient.

--Peut-?tre y a-t-il l? quelque chose, reprit le juge d'instruction; pourtant ce n'est pas l? ce qui me frappe. Ce seraient plut?t ces mots de la veuve Lerouge: <>

--C'est aussi ce qui ?veilla mon attention, appuya le commissaire.

Mais G?vrol ne se donnait plus la peine d'?couter. Il tenait sa piste, il inspectait minutieusement les coins et les recoins de la pi?ce. Tout ? coup il revint vers le commissaire.

--J'y pense! s'?cria-t-il, n'est-ce pas le mardi que le temps a chang??... Il gelait depuis une quinzaine et nous avons eu de l'eau. ? quelle heure la pluie a-t-elle commenc??

--? neuf heures et demie, r?pondit le brigadier. Je sortais de souper et j'allais faire ma tourn?e dans les bals, quand j'ai ?t? pris par une averse vis-?-vis de la rue des P?cheurs. En moins de dix minutes il y avait un demi-pouce d'eau sur la chauss?e.

--Tr?s bien! dit G?vrol. Donc, si l'homme est venu apr?s neuf heures et demie, il devait avoir ses souliers pleins de boue... sinon, c'est qu'il est arriv? avant. On aurait d? voir cela ici, puisque le carreau est frott?. Y avait-il des empreintes de pas, monsieur le commissaire?

--Je dois avouer que nous ne nous en sommes pas occup?s.

--Ah! fit le chef de la s?ret? d'un ton d?pit?, c'est bien f?cheux.

--Attendez, reprit le commissaire, il est encore temps d'y voir, non dans cette pi?ce mais dans l'autre. Nous n'y avons rien d?rang? absolument. Mes pas et ceux du brigadier seraient ais?s ? distinguer. Voyons...

Comme le commissaire ouvrait la porte de la seconde chambre, G?vrol l'arr?ta.

--Je demanderai ? monsieur le juge, dit-il, de me permettre de tout bien examiner avant que personne entre, c'est important pour moi.

--Certainement, approuva M. Daburon.

G?vrol passa le premier, et tous, derri?re lui, s'arr?t?rent sur le seuil. Ainsi ils embrassaient d'un coup d'oeil le th??tre du crime.

Tout, ainsi que l'avait constat? le commissaire, semblait avoir ?t? mis sens dessus dessous par quelque furieux.

Au milieu de la chambre ?tait une table dress?e. Une nappe fine, blanche comme la neige, la recouvrait. Dessus se trouvaient un magnifique verre de cristal taill?, un tr?s beau couteau et une assiette de porcelaine. Il y avait encore une bouteille de vin ? peine entam?e et une bouteille d'eau-de-vie dont on avait bu la valeur de cinq ? six petits verres.

? droite, le long du mur, ?taient appuy?es deux belles armoires de noyer ? serrures ouvrag?es, une de chaque c?t? de la fen?tre. L'une et l'autre ?taient vides, et de tous c?t?s, sur le carreau, le contenu ?tait ?parpill?. C'?taient des hardes, du linge, des effets d?pli?s, secou?s, froiss?s.

Au fond, pr?s de la chemin?e, un grand placard renfermant de la vaisselle ?tait rest? ouvert. De l'autre c?t? de la chemin?e, un vieux secr?taire ? dessus de marbre avait ?t? d?fonc?, bris?, mis en morceaux et fouill? sans doute jusque dans ses moindres rainures. La tablette arrach?e pendait, retenue par une seule charni?re; les tiroirs avaient ?t? retir?s et jet?s ? terre.

Enfin, ? gauche, le lit avait ?t? compl?tement d?fait et boulevers?. La paille m?me de la paillasse avait ?t? retir?e.

--Pas la plus l?g?re empreinte, murmura G?vrol contrari?; il est arriv? avant neuf heures et demie. Nous pouvons entrer sans inconv?nient maintenant.

Il entra et marcha droit au cadavre de la veuve Lerouge, pr?s duquel il s'agenouilla.

--Il n'y a pas ? dire, grogna-t-il, c'est proprement fait. L'assassin n'est pas un apprenti.

Puis, regardant de droite et de gauche:

--Oh! oh! continua-t-il, la pauvre diablesse ?tait en train de faire la cuisine quand on l'a frapp?e. Voil? sa po?le par terre, du jambon et des oeufs. Le brutal n'a pas eu la patience d'attendre le d?ner. Monsieur ?tait press?, il a fait le coup le ventre vide. De la sorte il ne pourra pas invoquer pour sa d?fense la gaiet? du dessert.

--Il est ?vident, disait le commissaire de police au juge d'instruction, que le vol a ?t? le mobile du crime.

--C'est probable, r?pondit G?vrol d'un ton narquois, c'est m?me pour cela que vous n'apercevez pas sur la table le plus l?ger couvert d'argent.

--Tiens! des pi?ces d'or dans ce tiroir! s'exclama Lecoq, qui furetait de son c?t?; il y en a pour trois cent vingt francs.

--Par exemple! fit G?vrol un peu d?concert?.

Mais il revint vite de son ?tonnement et continua:

--Il les aura oubli?es. On cite plus fort que cela. J'ai vu, moi, un assassin qui, le meurtre accompli, perdit si bien la t?te qu'il ne se souvint plus de ce qu'il ?tait venu faire et s'enfuit sans rien prendre. Notre gaillard aura ?t? ?mu. Qui sait s'il n'a pas ?t? d?rang?? On peut avoir frapp? ? la porte. Ce qui me le ferait croire volontiers, c'est que le gredin n'a pas laiss? br?ler la bougie, il s'est donn? la peine de la souffler.

--Bast! fit Lecoq, cela ne prouve rien. C'?tait peut-?tre un homme ?conome et soigneux.

Les investigations des deux agents continu?rent par toute la maison, mais les plus minutieuses recherches ne leur firent rien d?couvrir absolument, pas une pi?ce ? conviction, pas le plus faible indice pouvant servir de point de rep?re ou de d?part. M?me, tous les papiers de la veuve Lerouge, si elle en poss?dait, avaient disparu. On ne rencontra ni une lettre, ni un chiffon de papier, rien.

De temps ? autre, G?vrol s'interrompait pour jurer ou pour grommeler:

--Oh! c'est cr?nement fait! voil? de la besogne num?ro un. Le gredin a de la main!

--Eh bien! messieurs? demanda enfin le juge d'instruction.

--Refaits, monsieur le juge, r?pondit G?vrol, nous sommes refaits! Le sc?l?rat avait bien pris toutes ses pr?cautions. Mais je le pincerai... Avant ce soir j'aurai une douzaine d'hommes en campagne. D'ailleurs, il nous reviendra toujours. Il a emport? de l'argenterie et des bijoux, il est perdu.

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