Read Ebook: Les aventures de M. Colin-Tampon by Girardin Jules
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Ebook has 180 lines and 11661 words, and 4 pages
GIRARDIN LES AVENTURES DE COLIN-TAMPON HACHETTE ET Cie
LES AVENTURES DE M. COLIN-TAMPON
PAR J. GIRARDIN
ILLUSTR? DE 17 DESSINS DE R. TINANT
QUATRI?ME ?DITION PARIS LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie 70, BOULEVARD SAINT GERMAIN, 70 1896
LES AVENTURES DE M. COLIN-TAMPON
M. Colin-Tampon avait cinquante ans; il ?tait propri?taire d'une jolie villa sur le territoire de Courbevoie, et, par-dessus le march?, conseiller municipal.
N'allez pas conclure de l? que le jeune Ernest Colin fut un paresseux ou un gourmand. Son patron le faisait travailler avec une s?v?rit? si implacable, que le soir <
Devenu riche, il se retira ? Courbevoie et fut bient?t ?lu conseiller municipal. Cependant la goutte le tracassait et l'embonpoint commen?ait ? l'envahir.
Il consulta ses amis, qui lui enseign?rent des rem?des de bonnes femmes, et ne s'en trouva pas soulag?. Sur le conseil de son m?decin, il prit un port d'armes, acheta un harnachement de chasseur et un chien. Puis, un jour, il apparut en grand ?quipage aux yeux ?blouis de sa femme et de sa servante, fier comme Artaban et beau comme Apollon Pythien.
D'un pas martial, il descendit les marches du perron en faisant sonner les clous de ses souliers. D?j?, ? grandes enjamb?es, il se dirigeait vers la grille du jardin, lorsque Mme Colin-Tampon ?prouva le besoin d'ajouter quelques conseils aux nombreuses recommandations qu'elle lui avait d?j? prodigu?es.
<
Ernest fit volte-face, et, voyant que sa femme accourait vers lui, il voulut galamment lui ?pargner les deux tiers du chemin. Il ne courait pas il volait, et les trois petites plumes qui ornaient son chapeau ?taient rejet?es en arri?re par la rapidit? de sa course.
En le voyant si jeune et si leste, Mme Colin-Tampon sourit. Ernest arriva comme elle descendait la derni?re marche du perron; son mouvement fut si vif, que le tendre baiser destin? ? la joue de Mme Colin-Tampon retentit sur le bout de son nez.
< --Je te l'ai promis. --Un malheur est sit?t arriv?. --Je ne suis plus un enfant. --Non; mais tu es si jeune et si p?tulant pour un homme de ton ?ge!>> Ce fut au tour de M. Colin-Tampon de sourire; i1 cambra les reins, tendit les jarrets et se disposait ? partir lorsque Mme Colin-Tampon lui dit: < --On ne peut pas savoir, r?pondit le chasseur avec une feinte modestie. --Je suis si s?re de la justesse de ton coup d'oeil, que Jeannette n'ach?tera pas de r?ti pour le d?ner; je compte sur toi. Vous entendez, Jeannette? --Oui, madame, j'entends,>> r?pondit Jeannette avec un s?rieux parfait. Son ma?tre ?tait si beau dans son costume de chasse qu'il ne pouvait manquer de faire de nombreuses victimes. Azor, en son ?me de chien, se disait: <> Un tout petit oiseau, perch? sur une branche ? quelques pas de l?, chantait ? plein gosier; si pr?s de Paris, les petits oiseaux eux-m?mes deviennent sceptiques et moqueurs comme des gamins de Paris. Celui-l? savait que l'habit ne fait pas le chasseur, et l'apparence martiale de M. Colin-Tampon l'?gayait au lieu de lui inspirer de l'effroi. Si M. Colin-Tampon e?t ?t? plus au courant des usages, des moeurs et des superstitions de l'antiquit?, il aurait tir? un f?cheux pr?sage du chant moqueur de ce petit oiseau. M. Colin-Tampon, le coeur plein d'orgueil et de joie, n'eut pas plus t?t fait claquer la grille derri?re lui, qu'il ?prouva le besoin de sauter, de danser, ou tout au moins de crier, pour se prouver ? lui-m?me combien il ?tait heureux et fier de s'en aller ? travers champs, loin des hommes et de la civilisation, courir les aventures sous le clair soleil et le ciel bleu. Pendant deux cents m?tres n?anmoins, il dut mettre un frein aux sentiments tumultueux qui bouillonnaient dans son sein. Car, pour gagner la pleine campagne, il lui fallait suivre entre deux murs une ruelle qui rappelait la civilisation par ses c?t?s les moins flatteurs. Les murs ?taient tapiss?s d'affiches de th??tre et d'annonces de marchands; ?? et la, parmi des tessons de bouteilles cass?es, se dressaient des herbes malades et malsaines, s'?panouissaient des touffes d'orties mena?antes; de vieux souliers se d?composaient lentement, couverts d'une mousse verd?tre. Azor filait devant, impatient de quitter ces lieux peu champ?tres. Son ma?tre le suivait d'un pas acc?l?r?, attendant la fin de la ruelle pour donner un libre cours ? son enthousiasme. En attendant, il frappait le sol en cadence, serrait son fusil contre sa poitrine et se disait que l'homme, l'homme arm? du fusil, ?tait bien r?ellement le roi de la cr?ation. Il se sentait de taille ? affronter les animaux les plus terribles et ? leur faire mordre la poussi?re. Au bout de la ruelle commen?ait un sentier qui serpentait ? travers champs. ? gauche, un champ de betteraves s'?talait dans toute sa platitude et sa monotonie; ? droite s'?levait un maigre bosquet d'acacias rachitiques. M. Colin-Tampon dirigea ses pas vers le bosquet. Au bruit des souliers ferr?s, les grenouilles rentraient dans leurs mar?cages. Azor, affol?, prenait des poses de l?vrier h?raldique, tandis que dans le lointain deux lapins, rassur?s par la tournure de notre h?ros, continuaient, sans se d?ranger, une conversation commenc?e. Tout ? coup M. Colin-Tampon replace brusquement son chapeau sur son cr?ne pel? en s'?criant: < D'abord il se l?ve sur la pointe des pieds, puis il se baisse, ensuite il penche la t?te ? droite, et enfin il la penche ? gauche. Son oeil ?tincelle derri?re ses lunettes, et pour la seconde fois il s'?crie: < Son coeur bat, sa main tremble, et, craignant d'?tre la dupe d'une illusion d'optique, il tire de sa poche son foulard ? carreaux, essuie longuement ses lunettes, les remet sur son nez, regarde de nouveau et s'?crie: < M. Colin-Tampon comprend cette muette interrogation et r?pond: < Au seul mot de li?vre, Azor agite sa queue et bondit sur place. M. Colin-Tampon est surpris et un peu indign? que l'instinct d'Azor ne lui dise pas o? g?t le li?vre. M. Colin-Tampon a bien le droit de s'indigner. Azor lui a co?t? tr?s cher, et le marchand de chiens de la rue d'Amsterdam le lui a garanti pour un chien do chasse, foi d'honn?te homme. Il a nomm? le p?re et la m?re d'Azor, et m?me son grand-p?re et sa grand'm?re. Aussi M. Colin-Tampon a donn? 800 francs pour entrer en possession d'Azor. Le li?vre g?t l?-bas, au bout de cette luzerne, au pied de cet arbre isol?, ou plut?t il n'y g?t pas, mais il danse. Et m?me c'est la plus singuli?re danse que jamais ait dans?e un li?vre de mars au plus fort de sa folie. Il bondit sur place, il se rel?ve, bondit encore, semblable ? ces marionnettes qui se tr?moussent au bout d'un fil. M. Colin-Tampon porte lentement la crosse de son fusil ? son ?paule et vise sans se presser. Au moment de tirer, il regarde Azor. Azor se dit: < Comme tous les tireurs novices, M. Colin-Tampon a ferm? les yeux en pressant la d?tente; mais il les rouvre aussit?t et regarde de toutes ses lunettes. Le li?vre ne bondit plus; il est mort ou mortellement bless?. Le coeur de M. Colin-Tampon est inond? d'une joie immense. < Pour c?l?brer son triomphe, il donne une longue accolade ? la bouteille cliss?e que sa prudente m?nag?re a remplie d'un punch g?n?reux. Ensuite il brandit son arme et ex?cute sur place une danse de son invention. Azor cherche ? deviner pourquoi son ma?tre danse la pyrrhique en plein champ; il ne le devine pas, mais, comme un fid?le serviteur qu'il est, il se conforme ? la pens?e secr?te de celui qui le loge et le nourrit. Il danse la pyrrhique ? sa mani?re, en aboyant du haut de sa t?te et en d?crivant de grands cercles autour du vainqueur. < Plus l?ger qu'un chevreuil, Azor bondit et arrive en trois sauts au pied de l'arbre, il flaire le li?vre ? plusieurs reprises, mais au lieu de le rapporter ? son bon ma?tre, il revient, la t?te basse, la queue entre les jambes. < Azor proteste par une s?rie de petits cris inarticul?s.
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