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Read Ebook: Mémoires pour servir à l'Histoire de mon temps (Tome 4) by Guizot Fran Ois

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Ebook has 1041 lines and 153579 words, and 21 pages

La n?gociation en ?tait d?j? ? ce point lorsque M. de Talleyrand en fut inform? par le comte de Florida-Blanca, disent les uns, et selon d'autres, par lord Palmerston lui-m?me qui lui proposa un peu inopin?ment la simple accession de la France au trait? d?j? convenu entre les trois puissances; l'ambassadeur rendit compte au cabinet de ce qui se passait et demanda des instructions. Ce ne fut pas sans surprise que nous re??mes cette communication tardive, et l'amiral de Rigny, ministre des affaires ?trang?res depuis la retraite du duc de Broglie, en ?crivit sur-le-champ ? M. de Rayneval: <>

L'apologie, un peu embarrass?e, du gouvernement espagnol ne se fit pas attendre: <>

A Londres aussi, quand le cabinet fran?ais, en manifestant sa surprise du silence qu'on avait gard? avec lui sur cette n?gociation, eut refus?, dans le trait?, la position secondaire qu'on lui offrait, on sentit la n?cessit? de changer d'attitude; le contre-projet pr?sent? par M. de Talleyrand fut accept?, malgr? l'humeur assez vivement exprim?e de lord Palmerston; et d?s le 24 avril, l'amiral de Rigny put ?crire ? M. de Rayneval: <>

A peine conclu, le trait? de la quadruple alliance devint efficace. En Europe, son effet d?passa m?me son importance r?elle; il fut pris en g?n?ral pour une alliance ?clatante des deux grandes monarchies constitutionnelles, en r?ponse et en contre-poids ? l'alliance des monarchies absolues. Ni le cabinet fran?ais ni le cabinet anglais n'entendaient lui donner une telle port?e; mais ils en accept?rent volontiers l'apparence. En Portugal, le trait? d?termina la d?faite et la retraite des deux pr?tendants; il parvint ? Lisbonne le 5 mai, et d?s le 26, don Miguel, battu, poursuivi et cern? par l'arm?e espagnole et par celle de don P?dre, capitulait ? Evora en s'engageant, moyennant une pension de 373,000 fr., ? ne jamais rentrer en Portugal, et il s'embarquait pour l'Italie. L'infant don Carlos avait ?t? compl?tement oubli? dans cette capitulation; mais le secr?taire de la l?gation anglaise, M. Grant, plus touch? de la d?tresse de ce prince que son royal alli?, repr?senta aux g?n?raux de don P?dre l'indignit? d'un tel oubli, et signa le m?me jour avec eux des articles en vertu desquels l'infant, sans condition ni engagement de sa part, fut conduit en s?ret? au petit port voisin d'Aldea-Gallega, et s'y embarqua imm?diatement pour l'Angleterre.

Au premier bruit de cette partie de l'arrangement, M. Martinez de la Rosa en ressentit une vive inqui?tude: <> Et le jour m?me o? M. de Rayneval ?crivait cette d?p?che, M. Martinez de la Rosa lui adressait, ainsi qu'au ministre d'Angleterre, une longue note dans laquelle, apr?s avoir expos? tous les motifs de sa sollicitude, il demandait formellement <>--<>

Les inqui?tudes de M. Martinez de la Rosa ?taient moins personnelles et plus fond?es que ne le croyait M. de Rayneval. Quinze jours ? peine apr?s son d?barquement en Angleterre, don Carlos en partait, traversait la Manche, arrivait le 4 juillet ? Paris, le 6 ? Bordeaux, le 8 ? Bayonne, et ?tait le 10 au del? des Pyr?n?es, ? Elisondo, ? la t?te ou, pour mieux dire, au milieu de l'insurrection soulev?e en son nom.

Par une co?ncidence fatale, au moment o? la pr?sence inattendue de don Carlos dans les provinces basques y redoublait la confiance des insurg?s et ranimait dans toute l'Espagne l'ardeur de ses partisans, les Cort?s ?taient sur le point de se r?unir ? Madrid, ramenant sur la sc?ne presque tous les survivants des Cort?s de 1812 et de 1820 avec leurs th?ories, leurs passions et le souvenir toujours cher de leur oeuvre, de cette constitution radicale dont le statut royal tenait la place. Et pour que rien ne manqu?t ? l'incendie, huit jours avant la r?union des Cort?s, le chol?ra ?clata soudainement ? Madrid avec une extr?me violence, et y souleva ces terreurs et ces fureurs populaires dont les factions politiques sont si promptes et si habiles ? s'emparer: <>

Dans ce triste ?tat des affaires publiques et de son ?me, M. Martinez de la Rosa ne manqua pourtant ni ? son pays, ni ? lui-m?me: d?s la fin du mois de juin, il avait satisfait ? un voeu g?n?ral et fortifi? son cabinet en appelant le comte de Toreno au minist?re des finances; le surlendemain des troubles qui avaient ensanglant? Madrid, il fit r?voquer les diverses autorit?s civiles et militaires qui s'?taient montr?es faibles contre l'?meute; un d?cret royal interdit, sous des peines s?v?res, toute men?e, toute manifestation s?ditieuse: <> M. Martinez de la Rosa avait de plus une pressante et d?licate question ? r?soudre; les Cort?s ?taient convoqu?es pour le 24 juillet; fallait-il, ? raison du chol?ra qui continuait de s?vir avec violence, en ajourner l'ouverture? Et, si on ne l'ajournait pas, devait-on faire revenir d'Aranjuez la reine r?gente, pour donner, par sa pr?sence, ? la c?r?monie, la solennit? qu'attendait le public? La reine Christine et son minist?re prirent, sur ces questions, le parti le plus courageux et le plus digne; les Cort?s ne furent point ajourn?es; et le 24 juillet 1834, la r?gente, assise ? gauche du tr?ne vide de la jeune reine sa fille, ouvrit, par un discours d'une ?l?vation et d'une franchise remarquables, ce d?but du r?gime constitutionnel dans la monarchie espagnole.

La veille m?me de ce jour, l'attaque de la constitution de 1812 contre le statut royal de 1834 commen?a; un complot fut d?couvert qui avait pour but le r?tablissement de cette constitution au milieu m?me de la s?ance royale, et avant que personne, reine et nation, e?t pr?t? serment au statut. Les principaux conspirateurs furent arr?t?s, et le cabinet espagnol eut la douleur de trouver parmi eux l'un des plus h?ro?ques d?fenseurs de l'Espagne, le g?n?ral Palafox que, peu de jours auparavant, la reine r?gente avait cr?? duc de Saragosse, en m?moire de sa glorieuse d?fense de cette ville. Triste sympt?me de la maladie des esprits et pronostic d?plorable de la lutte pr?s de s'engager: des hommes que l'Espagne honorait, et ? bon droit car ils ?taient de ceux qui l'avaient sauv?e et qui la voulaient libre, d?claraient la guerre ? la monarchie constitutionnelle naissante et ? d'autres hommes, patriotes sinc?res aussi et leurs anciens amis, parce que ceux-ci n'adoptaient pas des th?ories politiques qui servent ? faire des r?volutions, mais qui nulle part n'ont fond? la libert?.

Alors commen?a, chez ce peuple si ind?pendant et si fier, un ph?nom?ne ?trange; de tous c?t?s, on se prit ? parler de la n?cessit? de l'intervention ?trang?re. Non-seulement dans les provinces d?sol?es par la guerre, mais ? Madrid; non-seulement entre hommes politiques, mais parmi les militaires eux-m?mes; dans les Cort?s, dans le conseil de r?gence, au sein du cabinet, on disait que l'intervention ?trang?re pouvait seule mettre un terme ? la lutte; des d?put?s arrivaient de la Biscaye et de la Navarre pour d?clarer au gouvernement que tels ?taient leur avis et leur voeu; des membres mod?r?s des Cort?s se rendaient aupr?s de M. Martinez de la Rosa pour lui exprimer la m?me conviction; le g?n?ral Llauder, devenu ministre de la guerre, tenait ? M. de Rayneval le m?me langage; le g?n?ral Cordova, revenant de l'arm?e, s'expliquait dans le m?me sens; le marquis de las Amarillas disait nettement dans le conseil de r?gence: <> Devant la question ainsi pos?e, le comte de Toreno gardait une attitude r?serv?e, pour le moment plus contraire que favorable ? l'intervention; M. Martinez de la Rosa en repoussait hautement l'id?e: <> Sans tenir, ? la fin de 1834, un langage aussi absolu, il persistait, dans sa r?sistance ? tout appel des ?trangers pour vider la querelle des Espagnols entre eux; deux petits imprim?s qui annon?aient l'entr?e en Espagne d'une arm?e fran?aise avaient ?t? colport?s dans les rues de Madrid, et c'?tait, disait-on, la police elle-m?me qui en avait autoris? la circulation; M. Martinez de la Rosa fit interdire formellement aux aveugles, crieurs publics de profession ? Madrid, toute distribution d'imprim?s ou d'?crits qui n'auraient pas re?u l'approbation de la censure. C'?tait le premier ministre presque seul qui maintenait, contre l'inqui?tude et l'impatience publiques, la dignit? du pays.

En nous transmettant ces informations, M. de Rayneval y joignait sa propre pens?e et se montrait, lui aussi, convaincu que l'intervention arm?e de la France pouvait seule ?touffer en Espagne la guerre civile, et sauver le tr?ne de la reine Isabelle des p?rils dont il ?tait menac?.

Nous ?tions aussi afflig?s que surpris de cet ?tat des esprits au del? des Pyr?n?es; non que nous eussions le moindre doute sur notre droit d'en juger librement et de ne faire que ce qui conviendrait ? l'int?r?t de la France; j'ai d?j? dit avec quel soin, aussit?t apr?s l'av?nement de la reine Isabelle, le duc de Broglie avait expliqu? et ?tabli ? cet ?gard notre pens?e; nous n'avions rien n?glig? depuis lors pour maintenir la libert? de nos r?solutions et pour en bien convaincre le gouvernement espagnol. En apprenant l'arriv?e de don Carlos dans les provinces basques, l'amiral de Rigny ?crivit ? M. de Rayneval: <>

Tant de combats, de p?rils et d'impuissance, en face de deux ennemis contraires, ?puis?rent la confiance et lass?rent la patience de M. Martinez de la Rosa lui-m?me; le conseil de r?gence se r?unit au conseil des ministres, et le 17 mai 1835, la r?solution y fut prise, ? l'unanimit?, de r?clamer la coop?ration arm?e des puissances signataires du trait? du 22 avril 1834, notamment de la France, la seule dont l'action en faveur de l'Espagne p?t ?tre d?cisive.

La demande ne nous arriva point inattendue; M. de Rayneval nous l'avait annonc?e en l'appuyant de tous les arguments que sa propre conviction lui pouvait sugg?rer; et avant que nous l'eussions re?ue, le duc de Broglie, par une d?p?che du 23 mai 1835, avait fait pressentir ? l'ambassadeur du Roi notre r?ponse, en lui d?veloppant les motifs qui s'opposaient ? l'intervention. Appel?s ? une r?solution positive, nous avions non-seulement ? en d?lib?rer entre nous, mais ? nous concerter ? ce sujet avec l'Angleterre, car le trait? de la quadruple alliance, dans l'article m?me, invoqu? par l'Espagne, portait express?ment: <>

Ainsi nettement pos?e, la question fut scrupuleusement d?battue et dans le conseil r?uni, et dans nos entretiens particuliers: M. Thiers d?veloppait, avec sa verve ? la fois naturelle et ing?nieuse, les raisons qui le d?cidaient en faveur de l'intervention; je lui dis un jour: <> Plus tard, dans l'un des grands d?bats soulev?s ? ce sujet, au sein de la chambre des d?put?s, M. Thiers me demanda de la tribune si je permettais qu'il rappel?t ces paroles: <> lui r?pondis-je, et il les rappela en effet. Je n'ai rien ? ajouter aujourd'hui ? l'explication que j'en donnai alors: <>

Il m'est commode de le rappeler aujourd'hui. Le grand argument qu'invoquaient, en 1835 et 1836, les partisans de l'intervention, c'?tait que, sans ce secours, la cause de la reine Isabelle et du r?gime constitutionnel serait perdue en Espagne. Vingt-cinq ans se sont ?coul?s, vingt-cinq ans de rudes ?preuves pour l'Espagne; aucune intervention n'a eu lieu, et l'Espagne n'en a pas eu besoin; elle s'est sauv?e elle-m?me. Grande s?curit? pour son avenir aussi bien que sujet d'un l?gitime orgueil. Entre les amis de l'Espagne, ceux qui ont le plus esp?r? d'elle ne sont pas ceux qui l'ont le moins bien connue.

La r?ponse du cabinet anglais au gouvernement espagnol vint apporter aux adversaires de l'intervention un argument de plus. J'en trouve le texte dans une d?p?che de M. Rayneval du 13 juin 1835: <>

<>

Le duc de Broglie avait raison de poser ainsi la question: outre la guerre civile entre le parti de la reine Isabelle et celui de l'infant don Carlos, il y avait lutte entre M. Martinez de la Rosa et M. Arguelles, entre le statut royal et la constitution de 1812, c'est-?-dire au sein du parti et du gouvernement de la reine Isabelle elle-m?me. Nous pouvions avoir et nous avions, sur les m?rites politiques des partis qui, sous le m?me sceptre, se disputaient ainsi le pouvoir, une opinion tr?s-arr?t?e; nous reconnaissions, dans les id?es et les pratiques du parti radical, le d?plorable empire de l'esprit r?volutionnaire, de ses th?ories et de ses passions; nous souhaitions le succ?s du parti mod?r?; nous voulions le seconder de notre influence; en lui refusant l'intervention officielle et directe qu'il nous demandait, nous lui offr?mes tous les secours indirects qui se pouvaient imaginer, la translation en Espagne de la l?gion ?trang?re, l'autorisation de recruter en France une l?gion libre, des avances d'armes et de munitions de guerre; mais ni le trait? de la quadruple alliance ne nous commandait, ni les principes du droit public europ?en et les int?r?ts fran?ais ne nous permettaient d'aller au del?, et de mettre au service de ce parti en Espagne les soldats et les tr?sors de la France. Apr?s le refus de l'intervention, la lutte int?rieure du gouvernement espagnol eut le r?sultat qu'il ?tait ais? de pr?voir; M. Martinez de la Rosa tomba, et pendant trois mois son coll?gue, M. de Toreno, devenu son successeur, essaya de gouverner encore au nom du parti mod?r?; mais ses concessions et ses tentatives de r?sistance furent ?galement vaines; les ?meutes populaires, les d?sordres r?volutionnaires, les massacres de moines et les insurrections au cri de: <> redoubl?rent de violence; M. de Toreno tomba ? son tour; et au mois de f?vrier 1836, lorsqu'en France, le cabinet du 11 octobre 1832 se disloqua ? propos de la conversion des rentes, le parti radical, repr?sent? alors par M. Mendizabal et ses amis, ?tait, en Espagne, en possession du pouvoir.

Je comprends les tentations de la politique des grandes aventures, et le plaisir passionn? que des esprits g?n?reux peuvent prendre ? poursuivre, ? tout prix, le succ?s d'un dessein m?l? de doute et de mal, mais hardi et peut-?tre plein d'avenir. Il est doux de se livrer ainsi ? toute sa pens?e, de frapper l'imagination des hommes, et de se croire, en changeant violemment la face du monde, le ministre de la Providence. Mais ce n'est point l? la politique des gouvernements sains, ni des peuples libres, ni des honn?tes gens; celle-ci a pour loi le respect du droit, de tous les droits, le soin des int?r?ts r?guliers et permanents des peuples, et quelque scrupule comme quelque patience dans l'emploi des moyens. Quand nous f?mes, apr?s 1830, appel?s ? agir dans les affaires de l'Europe, nous n'?tions point indiff?rents ? l'?tat et aux voeux des nations europ?ennes; nous n'ignorions point qu'il y avait l? bien des plaies ? gu?rir, bien des besoins l?gitimes ? satisfaire. Nous aussi nous avions, en fait de r?formes europ?ennes, nos ambitions et nos sympathies; et bien des souvenirs puissants, bien des apparences s?duisantes nous poussaient ? leur donner cours. Mais nous ne pouvions nous lancer dans ces entreprises sans y avoir, d'abord pour alli? et bient?t pour ma?tre, l'esprit r?volutionnaire, cet empoisonneur des plus belles esp?rances humaines. Nous ?tions de plus convaincus que l'appel ? la force n'?tait pas le bon moyen d'accomplir les r?formes et les progr?s vraiment salutaires que l'Europe appelait de ses voeux. Ce fut notre r?solution de pratiquer une politique assez nouvelle dans les relations des ?tats, la politique des esprits sens?s et des honn?tes gens. Les ma?tres d'un grand et puissant g?nie n'ont pas manqu? au monde; ils ont d?ploy?, en le gouvernant, des facult?s sup?rieures et chang? avec ?clat la taille et la face des ?tats; mais il y a eu, dans leurs entreprises, tant de conceptions superficielles et d?mesur?es, tant de combinaisons arbitraires, tant d'ignorance des faits sociaux et de leurs lois naturelles, tant de volont?s ?go?stes et capricieuses que de justes doutes se sont ?lev?s, apr?s eux, sur le m?rite d?finitif de ce qu'ils avaient pens? et fait, et qu'on a pu avec raison se demander s'ils avaient servi ou ?gar? les peuples dont ils avaient mani? les destin?es: Charles-Quint, Richelieu, Pierre le Grand ont conquis et m?ritent l'admiration de l'histoire; et pourtant, ? mesure que le grand jour de l'histoire s'est lev? sur eux, la valeur r?elle de leurs pens?es et de leurs oeuvres a paru de plus en plus incertaine, et a ?t? de jour en jour plus contest?e. Que d'objections et de reproches ne leur adresse-t-on pas aujourd'hui! Que d'erreurs, de lacunes, de cons?quences funestes ne d?couvre-t-on pas dans leurs oeuvres! Que de mal m?l? aux succ?s qui ont fait leur gloire! Nous avions ? coeur d'?viter un tel m?lange; nous voulions porter plus de discr?tion dans nos entreprises, les juger nous-m?mes avec plus d'exigence, et ne rien tenter qui ne p?t supporter un examen s?v?re et une longue ?preuve. Je conviens que, pour les spectateurs comme pour les acteurs, il y a, dans cette politique, moins de s?ductions que dans celle des grands hommes ordinaires, et qu'en s'interdisant les distractions impr?voyantes et les charlataneries populaires, on aggrave, dans le pr?sent du moins, les difficult?s, d?j? si grandes, du gouvernement des ?tats. Mais, pour faire en ce monde un bien certain et durable, il faut savoir compter sur le droit, la libert? et le temps. Cette confiance a ?t?, au dehors comme au dedans, la base de notre conduite. Je n'y ai nul regret, m?me apr?s nos revers.

DISLOCATION DU PARTI DE GOUVERNEMENT.

J'ai aim? le pouvoir, et pourtant je n'en suis jamais sorti sans ?prouver un sentiment de bien-?tre et presque de joie, comme un ?colier laborieux qui entre en vacances, ou comme un homme qui respire ? l'aise en se d?chargeant d'un pesant fardeau. Une profonde tristesse me saisit quand, le 22 f?vrier 1836, je rentrai dans cette petite maison o? je ne ramenais pas celle qui, nagu?re, la remplissait de bonheur; mais c'?tait notre maison; elle ?tait pleine de chers souvenirs, et j'y retrouvais le repos et la libert?, grand charme, apr?s des ann?es de travail et de combat. C'est le privil?ge du coeur humain d'admettre au m?me instant les sentiments les plus contraires sans se soucier du d?saccord et de l'incons?quence.

J'avais une autre satisfaction, plus superficielle, mais point indiff?rente. Le public nous approuvait, mes amis et moi, d'?tre sortis du pouvoir pour n'avoir pas voulu y accepter un ?chec et une situation embarrass?e. La r?duction des rentes ?tait fort impopulaire dans Paris; c'?tait l'opposition et le tiers-parti qui en avaient fait adopter la proposition dans la Chambre des d?put?s; derri?re les d?bats, on soup?onnait une intrigue. Les apparences de l'intrigue viennent vite ? la suite du succ?s, quand m?me l'intrigue ne l'a pas d?termin?, et il est p?rilleux de s'?lever par une d?faite qu'on a partag?e. Des marques g?n?rales d'estime et de sympathie venaient nous chercher dans notre retraite: je restais chez moi les jeudis soir; l'ambassadrice d'Angleterre, lady Granville, et sa ni?ce, la duchesse de Sutherland, eurent peine un jour ? p?n?trer dans le petit salon o? ma m?re recevait les visiteurs avec une gravit? simple et passionn?e qui inspirait l'int?r?t en commandant le respect. Ceux-l? m?me de nos amis qui regrettaient notre r?solution, en reconnaissaient le bon effet pour nous-m?mes: <>

Je cite sans embarras ces paroles amies: je cesserais d'?crire ces M?moires si je me sentais embarrass? ? dire ce qui me para?t vrai et propre ? donner une id?e juste des temps et des situations.

J'?tais de l'avis de M. de Barante avant qu'il me le donn?t, persuad? que M. Thiers s'appliquerait ? maintenir la politique que nous avions pratiqu?e ensemble, et d?cid? ? ne rien faire qui p?t l'embarrasser. Pendant la dur?e de cette session, du mois de f?vrier au mois de juillet 1836, je ne pris part que trois fois aux d?bats, et dans des occasions o? je ne pouvais m'en dispenser; mais il n'est pas au pouvoir des hommes de supprimer les cons?quences des faits; et dans les gouvernements libres, il n'y a point d'habilet? ni de prudence qui puisse emp?cher la v?rit? de se faire jour; il fut bient?t ?vident que tout le cabinet du 11 octobre 1832 ?tait n?cessaire au maintien de sa politique, et que sa dislocation entra?nerait celle du parti de gouvernement qui s'?tait ralli? sous son drapeau.

Ce fut sur la question des fonds secrets demand?s par le nouveau cabinet que s'?leva le premier grand d?bat. Nous ?tions, mes amis et moi, bien r?solus ? les voter sans objection, ce que nous f?mes en effet; mais les nouveaux amis de M. Thiers, les hommes de l'ancienne opposition, soit du c?t? gauche, soit du tiers parti, tinrent ? dire, les uns qu'ils ne voteraient pas les fonds secrets tant que la politique qu'ils avaient combattue ne serait pas effectivement modifi?e, les autres que, s'ils les votaient, c'est qu'ils comptaient sur cette modification, la jugeant naturelle et in?vitable. Les uns t?moignaient leur crainte que le nouveau cabinet ne f?t que continuer l'ancien, les autres leur espoir qu'?tant autre il agirait autrement; les uns et les autres se r?pandaient en doutes, en commentaires, en comparaisons, en retours sur le pass?, en demandes d'explications sur l'avenir; le d?bat n'?tait, ? vrai dire, qu'une s?rie d'attaques un peu contenues contre la politique de r?sistance et d'avances caressantes ? la politique de concession. Au milieu de ces lueurs incertaines, je pris la parole, non pour discuter les fonds secrets, non pour ajouter mes doutes ? tous ces doutes contraires, mais pour remettre en plein jour la politique que nous avions soutenue, mes amis et moi, depuis 1830, et pour tirer, non d'aucune pol?mique personnelle, mais du v?ridique tableau des faits, la d?monstration de la n?cessit? pratique de cette politique comme de sa l?gitimit? morale, dans l'?tat de notre pays: <>

La Chambre s'?mut ? ces paroles; M. Odilon Barrot me r?pondit, avec mesure et dignit?, mais non sans que l'embarras des nouvelles alliances per??t dans son discours, car il se d?clara d?cid? ? persister dans son opposition ? la politique que le nouveau cabinet, auquel il se montrait favorable, se d?clarait d?cid? ? maintenir. Deux des nouveaux ministres, M. de Montalivet. et M. Sauzet, prirent seuls part au d?bat. M. Thiers garda le silence; il avait trop de tact politique pour ne pas sentir le besoin des situations simples, et il ne lui plaisait pas de se d?ployer dans le r?le compliqu? qu'il venait d'accepter. Les gouvernements libres am?nent, entre les partis et les personnes, bien des manoeuvres et des m?tamorphoses; mais ils les rendent difficiles et pesantes au moment m?me o? ils les am?nent, et pour les acteurs m?me qui r?ussissent ? les accomplir.

J'?tais en faveur dans la Chambre; mon attitude et mon langage plaisaient ? la majorit?; je maintenais fid?lement ce qu'elle pensait et ce qu'elle avait fait, sans lui donner aucun nouvel effort ? faire, aucune nouvelle lutte ? soutenir; elle saisissait volontiers les occasions de me t?moigner sa sympathie. La commission du budget avait propos?, dans le budget du minist?re de l'instruction publique, divers amendements; elle voulait multiplier, sur certains points, le nombre des chapitres, pour imposer au minist?re les liens d'une sp?cialit? plus rigoureuse; elle demandait que les exemplaires des ouvrages auxquels le minist?re souscrivait pour les encourager, ne pussent ?tre distribu?s qu'? des biblioth?ques ou ? d'autres ?tablissements publics, jamais ? de simples particuliers; on taxait de faveur et d'abus les dons que j'en avais faits ? certaines personnes. Je combattis l'un et l'autre amendements: j'insistai sur l'inconv?nient d'entraver l'administration dans des r?gles trop ?troites, que plus tard des faits impr?vus la mettaient souvent dans la n?cessit? d'enfreindre, ? moins qu'au d?triment de l'int?r?t public, elle ne m?conn?t les faits m?mes et n'en t?nt nul compte. J'entrai dans des d?tails pr?cis sur les distributions individuelles que j'avais faites des ouvrages acquis par souscription, et je r?clamai fortement, au nom des sciences et des lettres m?mes, contre l'interdiction qu'on voulait prononcer. Malgr? les efforts du rapporteur du budget et de ses amis, la Chambre me donna raison et rejeta les deux amendements; mes arguments l'avaient touch?e et elle avait confiance en moi dans ces mati?res; de plus, elle faisait avec plaisir acte de bienveillance envers l'un des plus fid?les repr?sentants de sa politique, et acte d'ind?pendance envers le nouveau cabinet qu'elle soutenait par raison plus que par go?t. Si j'avais encore ?t? ministre, je n'aurais peut-?tre pas obtenu le m?me succ?s.

Le d?bat sur les affaires de l'Alg?rie fut la troisi?me et la derni?re occasion o? je pris la parole dans cette session, et je la pris pour appuyer les demandes d'hommes et d'argent que formait le cabinet. J'avais, d?s l'origine, port? ? cette question un vif int?r?t; quand des doutes s'?taient ?lev?s sur la conservation m?me de notre conqu?te, je les avais repouss?s de tout mon pouvoir; et en 1836, ? l'approche d'une discussion nouvelle, les colons, d?j? ?tablis en Alg?rie, m'?crivirent pour me t?moigner leur confiance et me demander de prendre encore en main leur cause. Je n'avais pas besoin de cette provocation pour r?clamer, dans l'int?r?t de notre ?tablissement, toutes les forces, toutes les mesures n?cessaires ? sa s?ret? et ? sa prosp?rit?; mais ce qui, depuis 1830, s'?tait pass? ? plusieurs reprises en Alg?rie, et ce que je pensais des dispositions du gouverneur g?n?ral en 1836, le mar?chal Clausel, guerrier ?minent bien plus que politique et administrateur pr?voyant, m'inspirait quelque inqui?tude, et je crus devoir m'en expliquer devant la Chambre: <> Je ne sais si M. Thiers vit dans mes paroles quelque chose qui le touchait personnellement, ou s'il se crut oblig? de couvrir le mar?chal Clausel ? qui seul s'adressait mon inqui?tude; quoi qu'il en soit, il me r?pondit sur-le-champ, non sans quelque impatience, me demandant d'expliquer avec plus de pr?cision le sens de mes conseils qu'il appelait des le?ons. Je me d?fendis de ce terme: <> Je rappelai que, pendant que je si?geais dans le cabinet, et au moment m?me o? le gouverneur g?n?ral de l'Alg?rie en avait re?u ses instructions, j'avais exprim? le m?me avis. Le mar?chal Clausel dit, sur la conduite qu'il avait dessein de tenir, quelques paroles mesur?es, et le d?bat n'alla pas plus loin.

La session fut close; aucune occasion publique de dissentiment entre les divers ?l?ments de la majorit? ne se pr?senta plus; mais ?videmment, il n'y avait entre eux plus d'union; les m?fiances, les d?plaisirs, les tiraillements mutuels se d?veloppaient de jour en jour; et bien que contenu, le mal ?tait senti dans le public comme dans les Chambres, au dehors comme au sein du pays: <> M. de Barante avait raison dans son inqui?tude; le grand parti de gouvernement qui s'?tait form? sous les cabinets du 13 mars 1831 et du 11 octobre 1832, et qui avait fait leur force, flottait incertain et disloqu?.

Un heureux incident litt?raire fit, ? cette ?poque, diversion, pour moi, aux pr?occupations politiques: un si?ge vint ? vaquer dans l'Acad?mie fran?aise; M. de Tracy mourut le 9 mars 1836; je fus ?lu le 28 avril pour le remplacer. Aucun concurrent ne se pr?senta pour me disputer cet honneur, et sur vingt-neuf acad?miciens pr?sents ? la s?ance, vingt-sept me donn?rent leur voix; il y eut deux billets blancs.

J'eus en revanche, ce m?me jour, une bonne fortune bien sup?rieure ? la douceur un peu banale des compliments acad?miques. L'Acad?mie ?tait pr?sid?e par l'un des esprits les plus ?lev?s et des coeurs les plus g?n?reux qui se soient rencontr?s dans ses rangs, le comte Philippe de S?gur, adonn? comme moi aux ?tudes historiques, et dans la vie politique l'un de mes plus fid?les amis. Il parla de moi dans des termes qu'aujourd'hui encore je ne relis pas sans ressentir vivement le prix et le charme de l'amiti? qui les a inspir?s.

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Quand j'ai sanctionn? votre nomination comme membre de l'Acad?mie des sciences historiques, antiquit?s et belles-lettres de Stockholm, j'ai c?d? ? la spontan?it? de mon ?me en exprimant la satisfaction que j'?prouvais de ce choix. Les personnes qui liront vos ouvrages applaudiront aux paroles que j'ai prononc?es; et moi, monsieur Guizot, je me f?licite de ce que le hasard et ma conviction m'aient fourni l'occasion de faire conna?tre, ? ceux qui se trouvaient en ce moment pr?s de moi, le tribut de l'estime que vous m'avez inspir?e, et qui vous est due ? tant de titres.

Votre bien affectionn?, CHARLES-JEAN.>>

L'ann?e 1836 vit mourir, avec M. de Tracy, plusieurs hommes dont, ? des titres diff?rents, le nom est rest? et restera c?l?bre comme le sien; deux de ses contemporains, l'abb? Siey?s et M. Carnot, et dans notre propre g?n?ration, le grand physicien philosophe M. Amp?re et M. Armand Carrel. Je n'ai pas personnellement connu les deux premiers, et je m'abstiendrai de dire, ? leur sujet, toute ma pens?e; on la trouverait probablement trop s?v?re, aussi bien sur leur esprit que sur les actes de leur vie; les temps de r?volution sont des temps d'idol?trie comme de haine; bien des hommes y jouissent de beaucoup plus de renom qu'ils n'en m?ritent, et y commettent des actions beaucoup plus mauvaises qu'ils ne le sont eux-m?mes; quand on ne les juge que sur le bruit public et les apparences, on court grand risque d'admirer pu?rilement ou de condamner avec une excessive rigueur. Mais j'ai bien connu M. Amp?re et M. Armand Carrel, et en parlant d'eux je suis s?r d'en parler sans pr?vention emprunt?e et selon mon propre jugement. Je n'ai garde de vouloir les peindre et les appr?cier ici tout entiers; mais je tiens ? dire, sur l'un et l'autre, ce qui m'a surtout frapp? en eux, et quel ?tait, ? mon avis, le caract?re essentiel de leur sup?riorit?. M. Amp?re en avait une qui a toujours ?t? et qui semble devenir de plus en plus rare; il portait ? la science un amour na?f et immense, pur de toute pr?occupation personnelle, de vanit? aussi bien que de fortune; c'?tait un spectateur et un scrutateur passionn? de la nature, de ses lois et de ses secrets; et la nature n'?tait pas, pour lui, tout enti?re dans ce qu'il pouvait voir de ses yeux et toucher de ses mains, ni m?me dans les travaux abstraits de son esprit; ce profond g?om?tre, ce physicien inventeur croyait au monde moral aussi bien qu'au monde mat?riel, et ?tudiait l'?me humaine avec autant d'ardeur et de foi que les combinaisons des mol?cules ou des chiffres. Je me rencontrai un jour avec lui et son illustre rival, sir Humphry Davy, qui faisait ? Paris un court s?jour; M. Cuvier et M. Royer-Collard ?taient de la r?union; apr?s s'?tre promen?e en divers sens, la conversation s'arr?ta sur les questions philosophiques, sp?cialement sur les fondements de la psychologie et de la morale; sir Humphry Davy et M. Amp?re y prenaient l'un et l'autre un vif int?r?t; mais sir Humphry ?tait ?videmment anim? du d?sir de se montrer, devant ses savants amis, aussi profond m?taphysicien qu'il ?tait habile chimiste; l'amour-propre avait, au go?t qu'il ?talait pour les recherches philosophiques, une assez grande part. M. Amp?re s'y livrait, au contraire, dans la conversation comme dans son cabinet, avec la passion la plus d?sint?ress?e, uniquement pr?occup? de d?couvrir la v?rit?; puis, quand il croyait l'avoir d?couverte, il ne s'inqui?tait que de la faire comprendre et admettre, pas du tout de se faire admirer. Ame vraiment simple autant que f?cond g?nie, qui cherchait partout la lumi?re, dans les r?gions c?lestes comme dans les terrestres, pour le seul plaisir de la contempler et de la r?pandre.

Je profitai, ? cette ?poque, de mon loisir politique pour satisfaire un d?sir form? depuis longtemps en acqu?rant en Normandie, au milieu de la population qui me t?moignait, depuis sept ans, tant de confiance et de sympathie, une habitation qui p?t devenir mon lieu de vacance tant que je serais engag? dans l'ar?ne, et de retraite quand j'en sortirais sans retour. Un de mes amis de Lisieux me mena voir, ? trois lieues de la ville, l'abbaye et la ferme du Val-Richer, alors ? vendre. Il ne restait de l'ancien monast?re que la maison de l'abb?, point ancienne elle-m?me, car elle avait ?t? reconstruite vers le milieu du si?cle dernier; l'?glise attenante ? l'abbaye et les b?timents claustraux qui en d?pendaient avaient ?t? d?truits pendant la R?volution; la maison, solide et spacieuse, ?tait au dedans tr?s-imparfaitement termin?e et d?j? fort d?labr?e; des murs, restes des anciennes constructions, de vieux pommiers plant?s ?? et l?, des cultures potag?res, de petits lavoirs pour les usages domestiques l'entouraient de toutes parts et jusque sous les fen?tres; tout avait l'air grossi?rement rustique et un peu abandonn?. Point de route pour arriver l?; on n'y pouvait venir qu'? cheval, ou en obtenant de la complaisance des voisins le passage ? travers leurs champs. Mais le lieu me plut: la maison, situ?e ? mi-c?te, dominait une vall?e ?troite, solitaire, silencieuse; point de village, pas un toit en vue; des pr?s tr?s-verts; des bois touffus, sem?s de grands arbres; un cours d'eau serpentant dans la vall?e; une source vive et abondante ? c?t? de la maison m?me; un paysage pittoresque sans ?tre rare, ? la fois agreste et riant. Je me promis d'arranger commod?ment la maison, d'abattre des murs, de faire des plantations, des pelouses, des talus, des all?es, des perc?es, des massifs, d'obtenir que l'administration ouvr?t des chemins dont le pays avait besoin au moins autant que moi, et j'achetai le Val-Richer.

C'?tait fort loin, en 1836, d'?tre d?j? un ?tablissement; non-seulement l'?tat des lieux m?mes ne l'e?t pas permis, mais l'?tat des affaires publiques et l'avenir prochain qui se laissait entrevoir rendaient peu probable que je restasse hors de l'ar?ne politique et que je pusse faire ? la campagne un long s?jour. Au moment o? je m'occupais de l'acquisition du Val-Richer, le minist?re de M. Thiers chancelait, et les observateurs un peu exerc?s pressentaient d?j? sa chute et son successeur.

M. Thiers ?tait arriv? au pouvoir avec la faveur du Roi, et accept? de bonne gr?ce, je dirais presque avec bon vouloir, par les cabinets ?trangers et leurs repr?sentants ? Paris. Son brillant, fertile et flexible esprit, la facilit? de son caract?re, l'animation et l'abandon de sa conversation, rendaient les relations avec lui aussi agr?ables que commodes, et presque tous les diplomates, notamment les ambassadeurs d'Autriche et de Russie et le ministre de Prusse, s'y port?rent avec cet empressement et cette complaisance qui ressemblent ? une bienveillance s?rieusement pr?m?dit?e. L'ambassadeur d'Angleterre, lord Granville, fut plus r?serv?; il gardait au duc de Broglie une amiti? fid?le et regrettait sa retraite. Je ne pense pas que M. Thiers se m?pr?t sur la valeur de ces apparences; mais il s'y plaisait, et ce qui pla?t influe toujours un peu; Ce fut bient?t une id?e fort r?pandue que l'alliance franco-anglaise se refroidissait, et que le gouvernement du roi Louis-Philippe se tournait vers les grandes puissances du continent. La conjecture ?tait fort exag?r?e et superficielle: M. Thiers a, je pense, toujours attach? ? l'intimit? de la France et de l'Angleterre la m?me importance; seulement, il croyait trouver, en 1836, dans les autres cabinets europ?ens, surtout ? Vienne, des dispositions plus favorables, et il y r?pondait ? son tour, se promettant d'en profiter pour le prince qu'il servait et pour son propre cr?dit.

Mais quelque soin qu'on pr?t de part et d'autre pour la prolonger et l'exploiter, cette lune de miel diplomatique dura peu et fut sans r?sultats. Divers incidents en troubl?rent ou en abr?g?rent le cours. En France, en Belgique, en Suisse, les men?es r?volutionnaires des r?fugi?s politiques contre leurs anciens gouvernements continuaient; elles amen?rent l'occupation temporaire de la r?publique de Cracovie par les trois puissances du Nord, et de fortes d?marches europ?ennes aupr?s du gouvernement f?d?ral de la Suisse pour en obtenir l'expulsion des conspirateurs. Dans l'une et l'autre affaire, M. Thiers se joignit au prince de Metternich, soit par une claire adh?sion, soit par une action positive. Il ne fit en cela rien que de conforme aux r?gles du droit public et aux int?r?ts l?gitimes de l'ordre europ?en; mais cette politique, ? laquelle le cabinet anglais demeura ?tranger, excita dans l'opposition en France de bruyantes col?res, cr?a en Suisse de d?sagr?ables embarras, et ne valut pas au gouvernement du roi Louis-Philippe le retour qu'il en avait esp?r?. Ce fut ? cette ?poque que M. le duc d'Orl?ans et M. le duc de Nemours firent en Allemagne le voyage projet? et pr?par? sous le cabinet pr?c?dent; ils re?urent partout, ? Vienne comme ? Berlin, et de la part des populations comme des gouvernements, le plus favorable accueil; mais les n?gociations officieusement entam?es pour le mariage de M. le duc d'Orl?ans avec l'archiduchesse Marie-Th?r?se, fille de l'archiduc Charles, demeur?rent sans succ?s; l'archiduc ne s'y montra point contraire; l'ambassadeur de France ? Vienne, M. de Sainte-Aulaire, qui avait d?conseill? la tentative, s'employa avec autant de tact que de z?le pour la faire r?ussir; mais les pr?ventions malveillantes de l'empereur d'Autriche, de sa famille et de sa cour, contre le gouvernement issu de la r?volution de 1830, furent les plus fortes; et malgr? la r?serve gard?e des deux parts, cette entreprise diplomatique, dont M. Thiers s'?tait probablement promis, pour son minist?re et pour lui-m?me, de l'?clat et de l'avenir, devint pour lui l'occasion, aux Tuileries, d'un m?compte et en Europe d'un ?chec.

A l'int?rieur, et pendant que les princes ?taient encore en voyage, un sinistre incident, l'attentat de l'assassin Alibaud, jeta le cabinet dans un grand trouble. Le 25 juin, comme le Roi, accompagn? de la Reine et de madame Ad?la?de, passait sous le guichet des Tuileries pour retourner ? Neuilly, le bout d'une canne se posa sur la porti?re de la voiture; un coup de fusil partit; la voiture fut pleine de fum?e; la balle alla se loger au-dessus de la porti?re oppos?e; la bourre resta dans les cheveux du Roi. Il s'inclinait en ce moment pour saluer la garde nationale qui lui portait les armes; cette circonstance fit son salut. L'?motion fut g?n?rale et profonde; ? quoi servaient donc les essais de conciliation des partis, les paroles d'amnistie, toutes les perspectives de la politique de concession? N'?tait-on entr? dans des voies nouvelles que pour y rencontrer les m?mes crimes et les m?mes p?rils avec le m?compte de plus?

On a dit qu'? la suite de cet attentat, le d?sir ?tait venu de relever le drapeau de la politique de r?sistance, que des ouvertures avaient ?t? faites pour rappeler dans le cabinet ses plus d?cid?s repr?sentants, que j'avais eu, ? ce sujet, une entrevue avec M. Thiers, que le minist?re des finances avait ?t? offert ? M. Duch?tel, que nous nous ?tions refus?s ? ces propositions, que j'avais m?me quitt? Paris pour n'en plus entendre parler. Rien n'?tait vrai dans ces assertions, sinon le bruit qui s'en r?pandit et qui r?v?lait le trouble dont les esprits furent alors saisis. On se promet tour ? tour, des politiques diverses, plus qu'elles ne peuvent accomplir; la politique de r?sistance n'avait pas pr?venu Fieschi; la politique de concession ne pr?vint pas Alibaud; il y a des coups qu'aucune main humaine n'est s?re de d?tourner, et ce n'est pas ? de tels incidents que se mesure le m?rite des maximes et des conduites de gouvernement. Ce qui frappa justement le public dans cette circonstance, ce fut la vanit? des confiances et des promesses du tiers-parti; le cabinet en fut sensiblement affaibli; mais c'?tait devant d'autres ?v?nements et par d'autres causes qu'il devait succomber.

Au moment o? il s'?tait form?, il avait trouv? le gouvernement espagnol en mauvaise veine et pour l'Espagne elle-m?me, et pour ses rapports avec la France. Au mois de septembre 1835, le dernier repr?sentant du parti mod?r?, le comte de Toreno, ?tait tomb?, et il avait eu pour successeur l'un des plus ?tourdis comme des plus hardis parmi les chefs du parti radical, M. Mendizabal. L'Espagne entra alors dans la voie qui devait aboutir au r?tablissement r?volutionnaire de la constitution de 1812 et ? la pr?pond?rance diplomatique de l'Angleterre, jadis l'alli?e et le soutien des auteurs de cette oeuvre essentiellement anarchique, soit qu'elle d?t r?gir une r?publique ou une monarchie: <> ? peine en possession du pouvoir, M. Mendizabal prit en effet ouvertement l'attitude d'ami particulier, je ne veux pas dire de prot?g? de l'Angleterre; non-seulement il repoussa toute id?e d'intervention fran?aise, d?clarant qu'il saurait suffire, avec les seules forces espagnoles, ? la r?pression de l'insurrection carliste; mais il alla jusqu'? t?moigner pour la France une malveillance indiscr?te: <> Cette ostentation anti-fran?aise ne dura pas longtemps; M. Mendizabal s'aper?ut qu'elle lui nuisait fort en Espagne, dans le pays comme dans les Cort?s, et aussi mobile que pr?somptueux, il changea brusquement d'attitude et de langage: <> Cette bruyante conversion, impos?e par la n?cessit?, ?tait plus apparente que r?elle; au fond, c'?tait toujours sur l'Angleterre que s'appuyait M. Mendizabal, pr?t, pour s'assurer cet appui, aux concessions que le cabinet anglais pouvait d?sirer. Le 4 d?cembre 1835, M. de Rayneval ?crivit au duc de Broglie: <> La r?ponse avait devanc? la demande; averti de son c?t? de la n?gociation engag?e ? Madrid, le duc de Broglie avait, d?s le 28 novembre, prescrit ? M. de Rayneval de rappeler ? M. Mendizabal que tous les trait?s assuraient, en Espagne, ? la France le traitement de la nation la plus favoris?e; l'ambassadeur devait bien expliquer au ministre espagnol que ce n'?tait pas ? l'?galit? nominale de traitement que nous pr?tendions, mais ? une ?galit? r?elle, par des ?quivalents propres ? satisfaire le commerce fran?ais; M. de Rayneval avait enfin ? d?clarer que, si des arrangements commerciaux ?taient conclus entre l'Angleterre et l'Espagne dont la France f?t exclue, le trait? de la quadruple alliance recevrait par l? une atteinte que l'Espagne ne tarderait peut-?tre pas ? regretter. Cette d?claration, solennellement renouvel?e les 12 et 19 d?cembre, arr?ta la n?gociation entam?e; mais la situation g?n?rale en fut plut?t aggrav?e que chang?e; M. Mendizabal regarda plus que jamais l'Angleterre comme son appui, et le cabinet anglais M. Mendizabal et ses amis comme le ministre et le parti de qui la politique anglaise avait en Espagne le plus ? esp?rer.

M. Thiers ?tait ? peine entr? au pouvoir lorsqu'une proposition lui vint de Londres qui dut lui causer quelque surprise: le cabinet anglais, qui n'avait pas voulu de l'intervention quand le parti mod?r? et M. Martinez de la Rosa gouvernaient l'Espagne, en prit lui-m?me l'initiative quand M. Mendizabal fut ministre; le 14 mars 1836, lord Palmerston annon?a au g?n?ral Sebastiani <> Lord Palmerston, au nom du gouvernement anglais, invitait en m?me temps la France ? seconder les mesures maritimes de l'Angleterre en occupant le port du Passage, Fontarabie et la vall?e du Bastan: <>

A l'arriv?e de cette proposition, M. Thiers, se regardant comme un peu li? par la r?solution qu'avait prise nagu?re le cabinet pr?c?dent contre l'intervention fran?aise en Espagne, la repoussa formellement, non sans regret, comme il le dit lui-m?me quelques mois plus tard dans le d?bat dont cette question devint l'objet, mais avec pleine raison, ? mon avis; je trouve, dans une d?p?che que lui adressa le 31 mars M. de Rayneval des d?tails qui ne permettent gu?re de se m?prendre sur le motif et le caract?re v?ritables de la d?marche anglaise: <>

Dans un tel ?tat des esprits ? Madrid, ? Londres et ? Paris, le refus de l'intervention, prononc? dans les termes et avec les r?serves qu'y apportait M. Thiers, n'?tait qu'un ajournement de la question; net et positif pour le pr?sent, il ne se bornait pas ? maintenir, pour l'avenir, la libert? qu'un gouvernement sens? doit toujours conserver; il laissait clairement entrevoir les pressentiments et les chances d'une r?solution contraire: <>

Peu de chefs ?taient aussi ?nergiques et r?ussissaient aussi bien ? r?primer les ?meutes que le g?n?ral Quesada qui n'y devait pas toujours r?ussir. Arrivant coup sur coup ? Paris, ces nouvelles preuves du triste ?tat de l'Espagne y suscit?rent dans le gouvernement les impressions et les intentions les plus contraires; les adversaires et les partisans de l'intervention, le roi Louis-Philippe et M. Thiers, y trouvaient ?galement des raisons d?cisives ? l'appui de leur politique. Selon M. Thiers, la guerre civile ?tait la cause de tous les maux de l'Espagne; c'?tait l'insurrection carliste qui fomentait les terreurs et les passions r?volutionnaires; que la guerre civile f?t ?touff?e, l'Espagne deviendrait gouvernable. Puisque le gouvernement de la reine Isabelle n'?tait pas en ?tat d'?touffer la guerre civile, c'?tait ? la France d'accomplir cette oeuvre. Par le trait? de la quadruple alliance elle s'y ?tait engag?e. D'ailleurs l'int?r?t fran?ais le commandait aussi bien que l'int?r?t espagnol; la France de 1830 ne pouvait souffrir en Espagne le triomphe de don Carlos. Dans l'opinion du roi Louis-Philippe, au contraire, plus la guerre civile et l'anarchie se montraient opini?tres en Espagne, moins la France devait se charger d'aller elle-m?me y mettre fin; quels que fussent au premier moment ses succ?s, elle entreprendrait l? une oeuvre impossible; ni l'insurrection carliste, ni l'anarchie n'?taient en Espagne des accidents superficiels, momentan?s, faciles ? dompter; l'une et l'autre avaient dans les traditions, les moeurs, les passions espagnoles, des racines profondes, et pendant longtemps elles rena?traient sans cesse, bien plus vives encore quand ce seraient des ?trangers qui tenteraient de les r?primer. Ce ne serait donc pas dans une courte exp?dition de guerre, mais dans une longue occupation et dans une ?troite association avec le gouvernement de l'Espagne que la France se trouverait engag?e. Loin de prescrire une telle conduite, l'int?r?t fran?ais l'interdisait absolument; la France avait assez ? faire de fonder, chez elle-m?me, l'ordre et la libert?; elle n'avait, pour son propre compte, rien ? redouter de l'insurrection carliste en Espagne qui, dans aucun cas, ne serait en ?tat de rien tenter contre nous. D'ailleurs, malgr? ses succ?s du moment, il ?tait tr?s-probable que cette insurrection ne r?ussirait pas, et qu'? travers des chances diverses, de tristes ?preuves et de longs efforts, le gouvernement constitutionnel de la reine Isabelle finirait par triompher; mais c'?tait ? l'Espagne ? atteindre ce but, car elle seule le pouvait; la France devait l'y aider, non s'en charger elle-m?me. Le trait? de la quadruple alliance ne nous pla?ait point dans une telle n?cessit?; nous avions d?j? accompli, et au del?, par les secours indirects que nous avions pr?t?s et que nous pr?tions toujours ? la reine d'Espagne, les obligations que nous avions contract?es. Nous n'avions nul besoin, comme la Restauration en 1823, d'aller faire, au del? des Pyr?n?es, nos preuves de hardiesse politique et de la fid?lit? de notre arm?e; si nous entrions dans une intervention directe et ?tendue, semblable ? celle de cette ?poque, nous nous condamnerions, soit ? nous retirer bient?t en laissant l'Espagne en proie ? toutes ses discordes, soit ? prendre, pour un temps ind?fini, la responsabilit? de son gouvernement et de son avenir. Le Roi ne devait ni ne voulait imposer ? la France un tel fardeau.

On essaya de concilier les deux politiques. Le Roi consentit ? ce que les secours indirects donn?s ? l'Espagne re?ussent une nouvelle extension. On lui exp?dia des armes et des munitions de guerre. La l?gion ?trang?re, d?j? entr?e au service de la reine Isabelle, avait ?t? r?duite par ses campagnes ? deux mille cinq cents hommes; il fut convenu qu'elle serait port?e ? six mille hommes, par un recrutement autoris? en France, mais op?r? au nom du gouvernement espagnol et par ses agents. Un g?n?ral fran?ais de renom devait ?tre appel? ? commander ce corps auquel s'adjoindraient quelques r?giments espagnols, mais qui resterait officiellement sous les ordres du g?n?ral en chef de l'arm?e espagnole. M. Thiers, de son c?t?, parut se contenter de ce d?veloppement de la coop?ration; et M. de Bois-le-Comte que, pr?cis?ment ? cette ?poque, il envoya en mission ? Madrid, o? M. de Rayneval ?tait gravement malade, fut charg? de d?clarer au cabinet espagnol que le gouvernement fran?ais n'irait pas au del?. En rendant compte le 9 ao?t 1836 ? M. Thi?rs de son arriv?e ? Madrid et de sa premi?re entrevue avec M. Isturiz: <>

Il fallait sortir de cette situation qui tenait les esprits incertains, ? Paris dans l'action et ? Madrid dans l'attente; il fallait choisir enfin entre l'appui indirect et limit? et l'intervention directe et compl?te. La discussion recommen?a dans le conseil, de jour en jour plus vive et plus claire. Le Roi crut avoir le droit de se plaindre que, dans l'ex?cution des mesures de secours indirect qu'il avait nagu?re consenties, on e?t d?pass? les limites convenues; le recrutement de la l?gion ?trang?re, qui devait la porter ? six mille hommes, s'?levait d?j?, disait-il, ? huit mille, et ?tait encore pouss? avec ardeur, non par l'interm?diaire du ministre d'Espagne, le g?n?ral Alava, ainsi que cela avait ?t? r?gl?, mais par les aides de camp du ministre de la guerre lui-m?me, le mar?chal Maison, ? qui surtout le Roi s'en prenait de ces secr?tes infractions aux d?cisions du gouvernement. Les questions, les explications, les r?criminations se succ?daient incessamment dans le conseil o? six des ministres se rangeaient ? l'avis de M. Thiers, et un seul, le comte de Montalivet, ? celui du Roi. Les deux politiques ?taient en pr?sence et en crise, toutes deux soutenues avec une conviction sinc?re et forte, et s'appuyant, l'une sur l'urgence des circonstances et le voeu de l'Espagne ?videmment prononc? en faveur de l'intervention, l'autre sur les consid?rations d'avenir et le sentiment de la France qui s'y montrait clairement contraire: <>

Sur ces entrefaites arriva ? Paris la nouvelle que le 12 ao?t, ? Saint-Ildefonse o? r?sidaient alors la jeune reine Isabelle et la Reine r?gente, les deux r?giments de service, l'un des milices provinciales, l'autre de la garde, ?taient entr?s tout ? coup en insurrection, s'?taient port?s sur le palais de la Granja, et avaient bruyamment r?clam? la constitution de 1812. La reine Christine, avec un courage et un sang-froid remarquables, avait vainement oppos? ? la s?dition son influence et sa r?sistance personnelles; en l'absence de toute force effective, il avait fallu c?der; la reine avait enfin autoris? la troupe <> et le 13 ao?t, sur la place de Saint-Ildefonse, soldats et officiers avaient en effet pr?t? ce serment. Le 14, la m?me insurrection ?clata ? Madrid; le g?n?ral Quesada la contint un moment; mais le 15, quand on apprit ? Madrid ce qui venait de se passer ? Saint-Ildefonse, le mouvement devint irr?sistible; le cabinet Isturiz se dispersa; un minist?re nouveau, form? d'anciens partisans de la constitution de 1812, fut impos? ? la Reine r?gente, sous la pr?sidence de M. Calatrava; le 17 ao?t, les deux reines rentr?rent ? Madrid; les Cort?s, qui ?taient sur le point de se r?unir, furent dissoutes, et le 21 ao?t, un d?cret royal convoqua pour le 24 octobre des Cort?s nouvelles, selon le syst?me ?lectoral prescrit par l? constitution de 1812 et pour la remettre en vigueur.

Puisque je viens de parler du g?n?ral Ques?da et de son attitude en face de la s?dition, je veux reproduire ici textuellement ce qu'?crivit le 30 ao?t M. de Bois-le-Comte sur sa mort et son caract?re. C'est le droit des grands coeurs, morts par des violences barbares, que le souvenir de leurs derniers moments soit conserv? avec respect, pour la gloire de leur nom et aussi pour l'instruction des vivants; le sto?cien Thrasea, condamn? par N?ron, disait ? son gendre Helvidius Pr?scus en se faisant ouvrir les veines: <> Nous avons vu les jours o? de pareils exemples ?taient aussi n?cessaires en France qu'? Rome sous N?ron; ces jours sont loin de nous; mais aujourd'hui encore, et ? l'abri des p?rils qui menaceraient la vie, il est bon d'apprendre ? bien garder son honneur: <> R?sign? ? son sort, il se promenait ? grands pas dans la chambre, sans chercher ? se d?rober aux regards, et passant la main dans ses cheveux, selon son geste habituel. Les miliciens n'os?rent l'attaquer corps ? corps; ils lui tir?rent un coup de fusil ? travers les barreaux de la fen?tre; la balle lui entra dans le corps. Il les regarda: <>

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