Read Ebook: The Part Borne by the Dutch in the Discovery of Australia 1606-1765 by Heeres J E Jan Ernst
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page
Ebook has 730 lines and 61655 words, and 15 pages
Editor: Madame Henri Carette
COLLECTION POUR LES JEUNES FILLES COURONN?E PAR L'ACAD?MIE FRAN?AISE
M?MOIRES DE Mme LA COMTESSE DE GENLIS
ALBIN MICHEL, ?DITEUR PARIS--22, RUE HUYGHENS, 22--PARIS
DU M?ME AUTEUR
COLLECTION POUR LES JEUNES FILLES
Madame Campan 1 vol. Madame de Staal-Delaunay 1 vol. La Duchesse d'Abrant?s 1 vol. Mademoiselle de Montpensier 1 vol. Madame la Comtesse de Genlis 1 vol. Madame Roland 1 vol. Madame Vig?e le Brun 1 vol. Madame de Motteville 1 vol. Madame de La Fayette 1 vol. Madame la Comtesse d'Aulnoy 1 vol. George Sand.--Histoire de ma Vie 1 vol. Mademoiselle Cochelet.--M?moires sur la Reine Hortense 1 vol. Madame la Baronne d'Oberkirch 1 vol. Madame la Marquise de Cr?qui 1 vol. Madame de la Rochejaquelein 1 vol.
Souvenirs intimes de la Cour des Tuileries
E. GREVIN--IMPRIMERIE DE LAGNY
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Aucune femme, peut-?tre, et bien peu d'?crivains ont produit une oeuvre aussi consid?rable que madame la comtesse de Genlis. Abordant tous les genres, avec une aisance singuli?re, sinon avec un ?gal bonheur, le roman, la po?sie, la critique, l'histoire, la p?dagogie, le th??tre ont tour ? tour tent? cette imagination brillante qui, pendant plus d'un demi-si?cle, avec une f?condit? in?puisable, a tout ? la fois int?ress? et passionn? ses contemporains. Avec des dons heureux, le go?t de l'?tude et de r?els talents, on a lieu de s'?tonner que la comtesse de Genlis, parmi tant d'ouvrages, n'ait pas produit une de ces oeuvres dont l'?clat consacre une renomm?e. Madame de S?vign?, par ses lettres, madame de Lafayette, avec un petit roman, madame de Sta?l, dans ses grands ?crits, ont illustr? leur ?poque. Les oeuvres de madame de Genlis furent accueillies avec faveur. Elle eut les sourires du succ?s; et pourtant la critique la plus am?re, la plus violente, s'est exerc?e aux d?pens de la femme et de l'?crivain. Ambitieuse et frivole sous des dehors aust?res, madame de Genlis est bien la personnification d'une ?poque o? l'affectation des grands principes et de la vertu abritaient trop souvent certaines d?faillances morales. Avec un esprit plus affin?, plus de d?licatesse dans les go?ts, plus de fermet? dans les principes, elle aurait pu ?tre une personne tout ? fait remarquable. Mais on ne trouve pas chez elle cette v?ritable ?l?vation du caract?re qui domine dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, et c'est l? peut-?tre qu'il faut chercher la cause de ce qu'il y a eu d'incomplet dans la vie et dans les ouvrages de cette femme distingu?e dont la figure restera au second plan.
N?anmoins, par ces d?faillances m?me, elle offre un attrait caract?ristique aux esprits curieux de remonter aux sources du pass?. Pour nous servir d'une expression toute moderne dont on use beaucoup depuis quelque temps, madame la comtesse de Genlis est bien <
Tandis que les vieillards montrent un front rajeuni par les artifices de la toilette, on s?me la neige sur des chevelures de vingt ans. L'ennui s'est appesanti sur cette soci?t? si noble, si aristocratique qui n'a conserv? de son antique splendeur que la frivolit?. La pompe des cours, les lois de l'?tiquette pesaient comme un fl?au ? des cerveaux l?gers et provoquaient une r?action violente. Si quelques personnages respectaient encore les pr?jug?s d'antan, la plupart en riaient, et les gens de cour, acceptant moralement la fusion des classes, admettaient des gens de roture ? leur intimit?. Les princesses allaient d'elles-m?mes au devant de l'abdication. Affectant des go?ts champ?tres et louant les moeurs simples des bonnes gens, on les voyait en habit de basin traire des vaches enrubann?es dans des chaumi?res pomponn?es comme des boudoirs. Les grandes dames rejetaient leur parure et sous le casaquin des servantes elles couraient les bals de barri?re pour y danser le rigodon avec des laquais et chanter des refrains grivois devant un saladier de vin chaud.
Jolie, fine et gracieuse, madame de Genlis, dont la physionomie devait pr?ter un charme piquant ? de tels travestissements, nous raconte un trait de ce genre comme un des agr?ables souvenirs de sa vie de jeune femme. Apr?s avoir quintessenci? sur les d?licatesses du sentiment et promen? de m?lancoliques r?veries ? travers les m?andres de la carte du tendre, on ?tait descendu ? la curiosit? des jouissances grossi?res.
?tait-ce un sentiment semblable qui faisait accourir la comtesse ? Paris le 14 juillet 1789 pour assister, en compagnie des jeunes princes, ses ?l?ves, ? la prise de la Bastille.
Tandis que l'aristocratie faisait ainsi bon march? de ses privil?ges, les classes inf?rieures aspiraient ? les d?truire.
L'incons?quence et une inconcevable l?g?ret? semblent avoir pr?lud? aux ?v?nements qui allaient amener le renversement de l'ancienne monarchie, et tout para?t n'avoir ?t? dans le principe qu'un entra?nement de la mode. Au fond chacun tenait ? ses pr?rogatives. On peut se demander, en lisant l'histoire, si les grands abandons aristocratiques qui s'immol?rent sur l'autel de la patrie furent tous sinc?res. Les pr?jug?s de la naissance et de l'?ducation, affermis par d'antiques coutumes, ?taient si fortement enracin?s dans les coeurs que les id?es ?galitaires ne devaient pas avoir un sens tr?s net pour une partie de la nation dont la sup?riorit? s'appuyait sur des usages s?culaires. Les d?chirements qui suivirent ne furent-ils pas encore plut?t une lutte de race, qu'une lutte de caste.
Un des grands reproches faits ? madame de Genlis est d'avoir embrass? les id?es nouvelles. A Versailles on lui en tenait rigueur, et la reine Marie-Antoinette la traita toujours avec une certaine hauteur.
Au moment o? ?clatait la R?volution, la confiance intime du duc d'Orl?ans lui avait offert le moyen de se distinguer d'une fa?on bien particuli?re en lui confiant l'?ducation des trois princes ses fils.
--Vous serez leur gouverneur, avait dit le prince.
--Je vis l?, nous dit-elle, le moyen de faire une chose grande et singuli?re, et j'acceptai.
En effet, madame de Genlis dirigea seule, et ? travers les ?v?nements les plus tragiques, l'?ducation du jeune duc de Chartres, celui qui devint plus tard le roi Louis-Philippe, de ses deux fr?res et de la princesse leur soeur, madame Ad?la?de. Avec un d?vouement que rien n'alt?re, une pers?v?rance et une fermet? tr?s remarquables, madame de Genlis montra dans ces fonctions les rares qualit?s d'?ducatrice qui, d?s l'enfance, s'?taient r?v?l?es en elle.
Lorsqu'? l'?ge de sept ans, elle faisait r?citer, de la terrasse du vieux ch?teau de Saint-Aubin, les pi?ces de vers que sa gouvernante lui enseignait, aux enfants du village venus pour couper des joncs, elle pr?ludait ? l'?ducation des princes du sang.
Elle inaugura un syst?me tout nouveau dans lequel on trouve la trace des th?ories de Jean-Jacques Rousseau, si fort en vogue ? cette ?poque. Avec une prodigieuse activit? ses ?l?ves menaient de front l'?tude des langues vivantes, l'histoire, la g?ographie, les math?matiques, les sciences naturelles et les divers m?tiers que peut exercer un homme.
Les jeunes princes menuisaient, tournaient, faisaient des treillages et des chapeaux. Le jardinage leur ?tait familier et, outre tous les exercices du corps, ils cultivaient divers talents. <
Quand vinrent les ?preuves de l'?migration, madame de Genlis put se f?liciter, ? bon droit, de leur avoir appris < se servir seuls, ? m?priser toute esp?ce de mollesse, ? coucher habituellement sur un lit de bois recouvert d'une simple natte de sparterie, ? braver le soleil, la pluie et le froid, ? s'accoutumer ? la fatigue en faisant journellement de violents exercices et quatre ou cinq lieues avec des semelles de plomb.>>
Il est curieux de lire, dans ses notes, ses observations sur le jeune duc de Chartres alors ?g? de huit ans: <
On retrouve dans ce l?ger croquis les principaux traits de caract?re d'un souverain dont la jeunesse acheva de se former ? l'?cole du malheur.
L'adversit? ne d?tacha pas madame de Genlis de ses ?l?ves. Son attachement pour mademoiselle d'Orl?ans, la princesse Ad?la?de, appara?t au milieu des rigueurs de l'exil, doublement cruelles pour les enfants de Philippe ?galit?, que la haine des ?migr?s poursuivait dans leur retraite. Madame de Genlis se montre pleine de pr?sence d'esprit et de fermet? pour soustraire la jeune princesse aux dangers qui la menacent de toute part et qu'elle veut partager. Elle l'entoure de sollicitude et continue son ?ducation ? travers les vicissitudes de ses voyages en Angleterre, en Belgique, en Suisse. Apr?s la fuite de Tournai, madame de Genlis, il est vrai, press?e par la g?ne et se voyant poursuivie, prend la r?solution de partir seule en laissant mademoiselle d'Orl?ans aux soins de son fr?re. Mais au moment d'accomplir ce dessein le courage lui manque; et elle efface cette heure de d?faillance par les plus tendres soins, ne se croyant libre de disposer d'elle-m?me qu'apr?s avoir remis la princesse entre les mains de sa tante, madame la princesse de Conti. Apr?s avoir joui durant de longues ann?es des privil?ges d'une ?troite intimit? avec la duchesse d'Orl?ans, la m?re des jeunes princes qui lui ?taient confi?s, madame de Genlis eut des d?m?l?s p?nibles avec cette vertueuse princesse qui ?levait des griefs trop r?els contre la gouvernante de ses fils.
Madame de Genlis ne craignit pas alors de braver l'autorit? maternelle en usant de l'extraordinaire ascendant qu'elle avait sur l'esprit du duc d'Orl?ans et de ses ?l?ves. C'est l? un des ?pisodes les plus regrettables de sa vie. Apr?s la p?riode r?volutionnaire elle revint en France o? ses biens ayant ?t? confisqu?s comme ceux de la plupart des ?migr?s, elle dut continuer ? tirer parti de ses talents d'?crivain qui l'avaient fait vivre ? l'?tranger.
La premi?re partie est d'un vif int?r?t, pleine de fra?cheur et de vivacit?. Elle nous fait conna?tre mille traits singuliers sur les habitudes, les go?ts de son temps. La p?riode de l'Empire et de la Restauration n'est pas toute ? l'honneur du caract?re de la comtesse, et la forme alourdie, des redites fastidieuses font tort ? l'?crivain. Ce n'est qu'une critique fatigante des ?v?nements, des personnages de l'?poque, que madame de Genlis divise pour nous les peindre en amis et en ennemis personnels, sans aucun souci de la v?rit?. On peut donc regretter pour la r?putation litt?raire de la comtesse de Genlis que ses M?moires ne se soient pas arr?t?s ? la p?riode de l'?migration. Madame de Genlis ?crivit jusqu'? la fin de sa vie, mais les ann?es ne lui pr?t?rent pas les charmes solides que l'exp?rience communique ? un ?crivain sinc?re et convaincu. Ayant rapport? de l'?migration ces gr?ces mondaines qui ?taient le privil?ge des femmes de cour, elle avait su grouper autour d'elle un cercle choisi. Bien qu'entach?e de la manie de critiquer et de r?genter qu'elle conserva toujours, sa conversation ?tait anim?e et fort agr?ablement sem?e d'anecdotes piquantes. Le naturel et la simplicit? avaient ?t? alt?r?s d?s l'enfance par une ?ducation plus brillante que solide, et c'est l'excuse que l'on peut donner ? une extraordinaire vanit? et ? la pr?tention universelle de tout redresser, le langage aussi bien que la taille et les principes des enfants qu'elle affectait de ch?rir, comme tous ceux qui l'approchaient.
Ses relations avec ses anciens ?l?ves, les princes d'Orl?ans, avaient conserv? les apparences d'une courtoisie m?l?e de respect, bien que depuis la R?volution toute intimit? par?t avoir cess?. Cependant madame de Genlis dut ?prouver les sentiments d'un l?gitime orgueil en voyant Louis-Philippe monter sur le tr?ne et de si hautes destin?es s'ouvrir pour un prince dont elle avait presque exclusivement form? l'esprit et le coeur pendant ses jeunes ann?es.
Mais ses volumineuses productions, ses innombrables trait?s sur la religion, les arts, la philosophie, l'histoire, les voyages, la morale, sa correspondance politique restent enfouis dans l'oubli.
Madame de Genlis mourut en 1834, sous le gouvernement de Juillet, ? l'?ge de 84 ans. Ses derni?res ann?es avaient ?t? fort tourment?es par des embarras de fortune; cependant elle conserva jusqu'? la fin de sa vie beaucoup de gr?ce et d'enjouement, et, survivant ? la plupart de ses contemporaines, elle fut une des derni?res femmes de cour que notre si?cle a pu conna?tre.
CARETTE, n?e BOUVET.
M?MOIRES
MME LA COMTESSE DE GENLIS
Presque tous mes contemporains ont laiss? des m?moires contenant l'histoire de leur vie enti?re, ou du moins celle d'une longue suite d'ann?es. J'ai lu tous ces m?moires; ils parlent du temps o? j'ai v?cu, des choses qui se sont pass?es sous mes yeux, et dont j'avais moi-m?me recueilli les d?tails dans un journal particulier auquel j'ai travaill?, sans interruption, tous les soirs, pendant quinze ans.
J'ai d? croire, ayant pass? une grande partie de ma vie ? la cour et dans le plus grand monde, que je pourrais donner un tableau fid?le d'une soci?t? ?teinte ou dispers?e, et d'un si?cle non seulement ?coul?, mais effac? du souvenir de ceux qui existent aujourd'hui. Enfin, j'ai pens? que ma vie litt?raire n'?tait pas d?nu?e de tout int?r?t, et qu'il serait assez curieux d'y voir comment une personne qui a tant aim? la solitude, la paix et les beaux arts, et dont le caract?re ?tait naturellement doux, timide et r?serv?, a pu se r?soudre ? faire tant de bruit, ? se mettre si souvent en sc?ne et ? s'engager dans des guerres interminables.
Je naquis le vingt-cinq janvier de l'ann?e mil sept cent quarante-six, dans une petite terre en Bourgogne, pr?s d'Autun, et qu'on appelle Champc?ri, par corruption, dit-on, de Champ de C?r?s, nom primitif de cette terre. Je vins au monde si petite et si faible, qu'il ne fut pas possible de m'emmailloter; et peu d'instants apr?s ma naissance, je fus au moment de perdre la vie. On m'avait mise dans un oreiller de plumes dont, pour me tenir chaud, on avait attach? avec une ?pingle les deux c?t?s repli?s sur moi: on me posa, arrang?e ainsi, dans le salon, sur un fauteuil. Le bailli du lieu, qui ?tait presque aveugle, vint pour faire son compliment ? mon p?re; et comme, suivant l'usage de province, il ?cartait avec soin les grands pans de son habit pour s'asseoir, on s'aper?ut qu'il allait s'?tablir sur le fauteuil o? j'?tais; on se jeta sur lui pour le faire changer de place; et l'on m'emp?cha ainsi d'?tre ?cras?e. On me donna une nourrice qui me nourrit au ch?teau; elle me nourrit avec du vin m?l? d'eau et d'un peu de mie de pain de seigle, pass?e dans un tamis, sans me donner jamais une seule goutte d'aucun lait. Cette singuli?re nourriture, qu'on appelle, en Bourgogne, de la miaul?e, r?ussit parfaitement: avec l'apparence de la d?licatesse, je pris une tr?s bonne sant?. J'?prouvai dans mon enfance une suite d'accidents f?cheux. A dix-huit mois je me jetai dans un ?tang, on eut beaucoup de peine ? me rep?cher; ? cinq ans je fis une chute, j'eus une grande blessure ? la t?te: comme elle rendit plus d'une palette de sang, on ne me fit pas saigner; un d?p?t se forma dans la t?te, il per?a par l'oreille au bout de quarante jours; et, contre toute esp?rance, je fus sauv?e. Peu de temps apr?s, je tombai dans le brasier d'une chemin?e; mon visage ne porta point, mais j'ai conserv? toute ma vie deux marques de br?lures sur le corps. Ainsi fut en danger tant de fois, d?s ses premi?res ann?es, cette vie qui devait ?tre si orageuse!
Mon ?ducation a ?t? si extraordinaire, que je ne puis m'emp?cher d'en rendre compte ici. Mon p?re vendit la terre de Champc?ri. Il poss?dait une maison ? Cosne, il alla s'y ?tablir, et y passa trois ans. Le souvenir de cette maison, de son superbe jardin et de sa belle terrasse sur la Loire est rest? ineffa?ablement grav? dans ma m?moire. Plus tard, mon p?re acheta le marquisat de Saint-Aubin, terre charmante par sa situation, son ?tendue et ses droits honorifiques et seigneuriaux. Je n'ai jamais pens? sans attendrissement ? ce lieu, qui m'a ?t? si cher. Combien, ? l'instant o? j'?cris, il m'est plus doux de me retracer les promenades et les jeux de mon heureuse enfance, que la pompe et l'?clat des palais o? j'ai v?cu depuis!... Toutes ces cours si florissantes alors sont an?anties! tous les projets qu'on y formait avec tant d'assurance n'?taient que des chim?res. Versailles tombe en ruines, les d?licieux jardins de Chantilly, de Villers-Cotterets, de Sceaux, de l'Ile-Adam, sont d?truits; j'y chercherais en vain les traces de cette fragile grandeur que j'y admirais jadis; mais je retrouverais les rivages de la Loire aussi riants, les prairies de Saint-Aubin aussi remplies de violettes et de muguets, et ses bois plus ?lev?s et plus beaux. Tandis que, dans les r?volutions sanglantes, les palais, les colonnes de marbre, les statues de bronze, les villes m?me disparaissent en un instant, la simple fleur des champs, bravant tous ces orages, cro?t, brille et se multiplie toujours.
Le ch?teau de Saint-Aubin ressemblait ? ceux qu'a d?peints depuis madame Radcliff. Il ?tait antique et d?labr?, il avait de vieilles tours, des cours immenses.
En sortant du ch?teau, on se trouvait sur le bord de la Loire; et sur l'autre rive, vis-?-vis le ch?teau, ?tait situ?e la fameuse abbaye de Sept-Fonts, dont mon p?re ?tait aussi seigneur, ce qui ?tablissait de grandes relations entre lui et les religieux de cet ordre. Nous allions quelquefois d?ner dans cette abbaye. Je savais que dans l'int?rieur de leur maison les religieux gardaient un silence ?ternel.
J'?tais ?lev?e avec mon fr?re, plus jeune que moi de quinze mois; je l'aimais tendrement; ? l'exception d'une heure de lecture, nous pouvions jouer ensemble toute la journ?e. Nous passions une partie du jour dans les cours, le soir nous jouions dans le salon. Mon p?re, trouvant nos jeux trop bruyants, imagina de nous proposer de jouer aux p?res de Sept-Fonts au lieu de jouer ? madame. Cela nous parut charmant. Nous substitu?mes ? nos cris la plus paisible pantomime; et le silence qu'on nous aurait vainement recommand? de toute autre mani?re, fut gard? avec autant de plaisir que d'exactitude.
J'avais six ans lorsqu'on envoya mon fr?re ? Paris, pour le mettre dans la fameuse pension du Roule de M. Bertaud. C'est lui qui inventa la mani?re d'apprendre ? lire en six semaines sans ?peler, avec des bo?tes de fiches. Deux ou trois mois apr?s le d?part de mon fr?re, ma m?re fit un voyage ? Paris et m'emmena avec elle. Je ne fus pas ?merveill?e de Paris, et dans les premiers jours surtout je regrettai am?rement Saint-Aubin. On me fit arracher deux dents; on me donna un corps de baleine qui me serrait ? l'exc?s; on m'emprisonna les pieds dans des souliers ?troits, avec lesquels je ne pouvais marcher; on me mit trois ou quatre mille papillotes sur la t?te; on me fit porter, pour la premi?re fois, un panier; et, pour m'?ter mon air provincial, on me donna un collier de fer; en outre, comme je louchais un peu de temps en temps, on m'attachait sur le visage tous les matins, d?s mon r?veil, des b?sicles que je gardais quatre heures. Enfin, je fus bien surprise quand on me dit qu'on allait me donner un ma?tre pour m'apprendre ? marcher. On ajouta ? tout cela de me d?fendre de courir, de sauter et de questionner. Tous ces supplices me firent une telle impression, que je ne les ai jamais oubli?s.
Nous all?mes passer une partie de l'?t? dans une charmante maison ? Etioles, chez M. Le Normand, fermier g?n?ral des postes, mari de madame de Pompadour.
J'avais quitt? mon panier en arrivant ? Etioles, pour prendre ce qu'on appelait un habit de marmotte ou de Savoyarde: c'?tait un petit juste de taffetas brun avec un jupon court de la m?me ?toffe, garni de deux ou trois rangs de rubans couleur de rose cousus ? plat, et pour coiffure un fichu de gaze nou? sous le menton.
Sur la fin du voyage, on donna une grande f?te au ma?tre de la maison, et l'on m'y fit jouer le personnage all?gorique de l'Amiti?. J'avais un bel habit, je chantai avec beaucoup de succ?s un mauvais couplet, que je n'ai jamais oubli?, tant cette journ?e me parut glorieuse. Apr?s ce voyage, ma m?re, ma tante, ma cousine et moi, nous part?mes ensemble dans une immense berline, et nous all?mes ? Lyon, car on devait nous faire recevoir, ma cousine et moi, chanoinesses du chapitre noble d'Alix.
Ce chapitre formait, par ses immenses b?timents, un coup d'oeil singulier. Il ?tait compos? d'une grande quantit? de jolies petites maisons toutes pareilles, et toutes ayant un petit jardin.
Apr?s un s?jour de dix semaines ? Alix, nous part?mes; je pleurai am?rement en quittant ces aimables chanoinesses.
Add to tbrJar First Page Next Page