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Read Ebook: Adventures in Criticism by Quiller Couch Arthur

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Ebook has 112 lines and 5084 words, and 3 pages

PIERRE MILLE

NASR'EDDINE ET SON ?POUSE

PARIS CALMANN-L?VY, ?DITEURS 3, RUE AUBER, 3

CALMANN-L?VY, ?DITEURS

DU M?ME AUTEUR

Format in-18.

BARNAVAUX ET QUELQUES FEMMES 1 vol. LA BICHE ?CRAS?E 1 -- CAILLOU ET TILI 1 -- LOUISE ET BARNAVAUX 1 -- LE MONARQUE 1 -- SOUS LEUR DICT?E 1 -- SUR LA VASTE TERRE 1 --

Coulommiers. Imp. PAUL BRODARD.

Il a ?t? tir? de cet ouvrage VINGT EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE HOLLANDE tous num?rot?s.

Droits de traduction, de reproduction r?serv?s pour tous les pays.

PR?FACE

Parmi les saints et les savants de son entourage se trouvait Nasr'eddine. On ne sait comment ce tr?s distingu? personnage, lumi?re de la th?ologie et de la jurisprudence, s'est vu peu ? peu transform?, dans la m?moire des peuples, en une sorte de bouffon; mais nous ne saurions nous en ?tonner ? l'exc?s: la m?me aventure ?chut au roi Dagobert. C'est peut-?tre que les peuples conquis, apr?s avoir trembl? sous leurs vainqueurs, s'en vengent en les raillant. En tous cas l'on d?couvre, dans les plus anciennes aventures attribu?es ? Nasr'eddine, la trace de la malignit? persane, et aussi d'une propension persane ? la critique, au schisme, aux h?r?sies sociales et religieuses.

Cet ?l?ment de critique et de malignit? a fait vivre Nasr'eddine jusqu'? nos jours. Car, ? cette heure encore, en Asie Mineure, ? Brousse en particulier, le populaire semble consid?rer que, s'il est mort, du moins c'est il y a quelques jours ? peine, hier seulement, ou m?me aujourd'hui. Par surcro?t, de simple bouffon il s'est transform? en une sorte de h?ros singulier. Il n'a point perdu sa na?vet?; mais son penchant ? l'ironie, son scepticisme th?ologique se sont accrus. Il faut peut-?tre voir l?, chose curieuse, un r?sultat du profond respect que les Turcs d'Asie Mineure gardent ? l'islam. Ils n'oseraient discuter ouvertement un point de dogme: l'id?e m?me, je pense, ne leur en vient pas. Mais d'autre part le doute, l'h?r?sie, le penchant ? l'incr?dulit?, sont dans la nature humaine: et ces fid?les <> alors ne sont pas f?ch?s d'attribuer leurs impulsions d'impi?t? ? un imb?cile. Mais c'est ce qui fait que, peu ? peu, le caract?re traditionnel de Nasr'eddine a chang?: on l'a dou? d'une sorte d'intr?pidit? jusque dans sa faiblesse et dans ses malheurs. Sans cesse il est victime des hommes et surtout des grands, mais il les raille bonnement. Il est aussi victime des femmes, de la sienne en particulier, mais s'y r?signe avec tant de simplicit? qu'on ne sait m?me pas s'il pardonne: c'est qu'il a gard? toute la bont?, toute la bonhomie du paysan turc, l'un des meilleurs parmi les humains.

P. M.

NASR'EDDINE ET SON ?POUSE

O? L'ON VOIT APPARA?TRE NASR'EDDINE ET Z?INEB

Hoss?in, le riche marchand de soie du bazar, salua en passant Ahmed-Hikmet, lieutenant dans l'arm?e ottomane. Celui-ci lui rendit son salut sans morgue, et presque avec d?f?rence:

--La b?n?diction sur toi, Ahmed!

--La b?n?diction sur toi, Hoss?in!

Hoss?in, le marchand de soie, est tr?s jeune, tr?s beau et tr?s pieux. C'est lui qui, ? Brousse, subvient aux frais qu'exigent les c?r?monies des derviches hurleurs, dans la grande maison qu'ils ont lou?e au-dessus du cimeti?re. Il prie plus longtemps qu'un iman, et le je?ne amincit ses os. Voil? pourquoi Ahmed avait mis du respect dans son salam. Mais aussi il avait h?t? le pas, et regard? en se retournant si Hoss?in le suivait des yeux, car il n'e?t pas aim? qu'un homme si vertueux s?t qu'il allait entrer dans le jardin du hodja Nasr'eddine par la porte de derri?re, dans la maison de Nasr'eddine le saint, l'homme sage, juste ? l'heure o? le hodja n'y ?tait point, et que sa femme ?tait seule.

--C'est uniquement pour te voir, ensorceleuse! Uniquement pour te voir, et t'apporter ces quelques grains d'ambre, dit-il quelques instants plus tard ? Z?ineb. Je ne te regarde pas, mon ?me! Je ne suis pas venu pour toi, ma ma?tresse!

Et Z?ineb r?pondit, la d?vergond?e:

--Je le sais, mon oeil! Aussi tu vas t'en aller tout de suite, tout de suite! Car mon ?poux le hodja--que le ciel lui soit comme la dalle d'une tombe, et la terre comme une fosse--ne restera plus longtemps ? la mosqu?e. Mais va, pars sans crainte, encourage tes forces, ? mon amour! et pr?pare tes reins. Aussit?t que je verrai le moment, aujourd'hui peut-?tre, je te ferai pr?venir par Zoharah, ma nourrice, Zoharah, notre messag?re.

--Z?ineb!... fit Ahmed, h?sitant.

--Parle, ma prunelle!

--Z?ineb, continua-t-il, est-ce que le R?tributeur ne nous punira point? Ton mari est un si grand saint!

--Lui? dit-elle. C'est un m?cr?ant, je te le r?p?te. C'est un impie, c'est un hypocrite! Le saint Livre, il le conna?t. Les commentaires, il les conna?t; la loi, la jurisprudence, il les conna?t. Mais c'est un damn? qui ne croit ? rien. Un jour la foudre tombera sur cette maison.

--O ma colombe, r?pondit Ahmed, s'il en est ainsi, tant mieux: le p?ch? est moins grand... Par ailleurs, je vais t?cher d'arranger quelque chose, oui, quelque chose qui pourrait l'?loigner ce soir.

--Invente! Perp?tre! Imagine! Construis! ? mon genni!

Or, il est vrai que le hodja Nasr'eddine dissimulait sous sa grande sagesse un esprit devenu indiff?rent ? la Foi. C'est peut-?tre qu'il avait trop ?tudi?, apr?s avoir pass? les premi?res ann?es de sa vie ? ne rien savoir, et d?sirer savoir. C'est peut-?tre qu'il avait, m?me alors, dans sa jeunesse, trop fr?quent? les Persans, ces h?r?tiques. C'est peut-?tre qu'il vivait ? Brousse, tout simplement. O Brousse! nid dans les branchages, maisons aux toits jaunes, telles, oui, telles des topazes serties dans une mer d'?meraude; ville verte abritant la mosqu?e verte; Olympe bithynien, ?poux des nu?es, p?re des ruisseaux; plaines grasses, oliviers, m?riers, bl?s m?rs, sources sans nombre, vasques moussues des fontaines, on est trop heureux pr?s de vous! Vous faites trop aimer la vie terrestre, on n'en d?sire plus d'autre, on ne sait plus s'il en est une autre. Est-ce qu'elle vaudrait celle-ci? Allah a fait la mis?re, il a fait la douleur, les pachas qui vident les poches et remplissent les prisons, les brigands qui coupent les oreilles et ravissent les troupeaux, les d?serts sans puits, les rocs infertiles, pour qu'on ait besoin de lui, pour qu'on se dise: <> Mais dans un moment de pitoyable oubli, il a fait Brousse: on ne peut ?tre mieux qu'? Brousse. Voil?, depuis quarante ans, les pens?es que, sous son turban vert, nourrissait le hodja Nasr'eddine; et, en ?grenant son chapelet, il se disait: <> Mais il oubliait de m?diter sur les quatre-vingt-dix-neuf attributs d'Allah, que repr?sentent les boules de ce chapelet.

Nasr'eddine rentra dans sa demeure peu de temps apr?s qu'Ahmed Hikmet en ?tait parti. Sa face, ? son habitude, ?tait tout empreinte d'une d?licieuse b?nignit?. Et il dit ? son ?pouse Z?ineb:

--Que cette journ?e est belle! Que la lumi?re est calme, pure, claire et caressante! Y a-t-il rien de meilleur au monde et de plus hospitalier que ce platane, ces cypr?s et ce vieux buis dans notre jardin?... Femme, tu feras, pour ce soir, un pilaf, un bon plat de pilaf, avec du riz de premi?re qualit?, de l'excellent beurre et le safran le plus parfum?. Nous le mangerons ensemble, et puis la nuit viendra. La nuit est bonne, aussi. La nuit est pleine de volupt?s.

Il annon?a ce d?sir parce que, s'il aimait les choses de la nature, il ?tait de plus port? sur sa bouche. Boulboul, le rossignol, chante bien, mais il est aussi tr?s gourmand.

--Je ferai ce pilaf, s'il pla?t ? Dieu, dit Z?ineb.

En disant cela, elle s'exprimait en bonne musulmane. Il ne faut jamais d?cider qu'on fera une chose sans ajouter: <> Car Dieu est le ma?tre. Croire qu'on peut se passer de lui est un grand p?ch?.

--Eh non, non! fit le hodja en secouant la t?te. Tu feras ce pilaf parce que cela me pla?t, et non parce qu'il pla?t ? Dieu. Et je le mangerai, sans plus.

--O m?cr?ant! insista Z?ineb, ne dis pas de choses pareilles, toi qu'on r?v?re comme un saint homme! Je ferai ce pilaf s'il pla?t ? Dieu, et tu le mangeras s'il pla?t ? Dieu. Voil? ce qu'il convient de dire.

--Je refuse, r?pliqua le hodja, de mettre Allah dans cette affaire. Je suis convaincu qu'il a d'autres occupations.

--Fils de Che?tan, cria Z?ineb, hypocrite, r?prouv?! O toi, qui vas br?ler, torche de r?sine, brigand!

--O toi, r?pliqua Nasr'eddine, plus tenace qu'une tique sur un mouton, plus criarde qu'un essieu de charrette, une vieille porte, un troupeau d'oies! plus bavarde qu'un Fran?ais! O toi, sempiternelle! As-tu un peu de cervelle dans ton cr?ne plein d'os? Alors, r?fl?chis. Tu as le riz, tu as le beurre, tu as le safran, tu as le charbon, le feu et l'?tre. Et j'ai des dents! Voil? pourquoi j'affirme que je mangerai ce pilaf, qu'il plaise ? Allah, ou qu'il lui d?plaise.

--Entendre, c'est ob?ir, r?pondit Z?ineb. Je ferai le pilaf, mais il t'arrivera malheur.

Nasr'eddine n'en croyait rien. Il fit disposer un tapis sur l'herbe de son jardin et s'assit pour passer le jour ? jouir de la lumi?re et de la fra?cheur tout ? la fois. Le petit bruit de son narghileh, le petit frisson du vent dans les feuilles, l'ombre que faisait parfois un vautour passant au-dessus de lui, suffisaient ? l'occuper. Il reposait ses membres; il reposait son esprit. Les chr?tiens ne savent pas reposer leur esprit en m?me temps que leurs membres: les musulmans ont cette science. Et c'est la plus pr?cieuse, et la plus d?licieuse, et la plus savoureuse, et ainsi la vie coule heureuse, et votre ignorance en est honteuse!

Pourtant le hodja aper?ut des fourmis qui s'en allaient sur la poussi?re, tout affair?es, par un chemin toujours le m?me, comme c'est la coutume des fourmis. Il s'amusa malignement ? leur barrer la route avec une baguette, et la caravane s'arr?ta, interdite et obtuse: c'est une autre habitude des fourmis.

C'est ainsi que ce sceptique hodja s'encourageait dans son impi?t?. Les heures coul?rent. Dans le ciel encore bleu, la lune mit un joli croissant candide; et puis, les nuages d'occident devinrent tout pareils ? des robes de noces: dor?s, paillet?s, argent?s, tram?s de soie verte et galonn?s de rouge; et puis, les oiseaux, dans le platane, se mirent ? piailler,--et le hodja sentit ? l'odeur de l'air, du c?t? de la cuisine, ? la couleur du feu, ? l'?clat d'un plat d'?tain, que le pilaf ?tait cuit dans le chaudron, que le pilaf ?tait sorti du chaudron pour entrer dans le plat d'?tain, enfin que le pilaf ?tait servi et qu'il allait manger le pilaf. Et alors, il croisa ses jambes devant une petite table, et il remercia sa femme en prenant un air aimable, et il se pr?para ? manger ce mets d?lectable, et sa fatuit? ?tait d?plorable!

Mais ce n'?tait pas ainsi qu'en avait d?cid? Allah,--lou? soit l'unique!--car justement au moment qu'il allait, pour la premi?re fois, plonger la cuiller dans le plat... pan, pan, pan! voil? qu'on frappe ? la porte; pan, pan, pan! qui donc est l??

--C'est nous, deux gendarmes, deux zapti?s, qui venons te voir de la part de Son Excellence le gouverneur. Il veut te voir, le gouverneur, il veut te voir tout de suite, saint homme!

--C'est bon, r?pondit Nasr'eddine, c'est bon. J'irai apr?s mon d?ner.

--Non, dirent les zapti?s, non! ?a n'est pas comme ?a. Avant ton d?ner, avant ton d?ner! Tu mangeras chez Son Excellence, ou bien tu ne mangeras pas du tout, nous n'en savons rien. Mais il faut que tu viennes tout de suite.

--Que j'en prenne, dit Nasr'eddine en regardant son pilaf, que j'en prenne au moins une bouch?e, une seule bouch?e!

--Pas un grain de riz. D?p?che, d?p?che!

--Tu vois, infid?le! dit Z?ineb. Maintenant, que Son Excellence te garde tout le reste de ta vie, s'il pla?t ? Dieu!

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