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Read Ebook: L'amour au pays bleu by France Hector

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Ebook has 1404 lines and 52203 words, and 29 pages

Derri?re les molles ondulations bleues qui festonnaient le rideau du couchant, le ciel flamboyait comme une gigantesque Sodome, empourprant des ardents reflets de ses fournaises les hautes cr?tes de l'Orient.

Des formes ind?cises travers?rent brusquement le chemin, et de grandes chauves-souris, s'?lan?ant des crevasses, tournoyaient autour de nos t?tes.

Parfois deux ?tincelles ardentes luisaient dans un noir fourr?, et des ?paisseurs des broussailles se levaient de vagues fr?missements.

Nous allions dans cette solitude peupl?e d'invisibles, dans ce silence coup? de bruissements. J'?coutais machinalement le pas de nos chevaux frappant le sol pierreux d'un pied fatigu? et lourd, et la note gr?le des h?tes du marais qui arrivait, par intervalle, du fond de la vall?e, lorsque la voix du spahis ?clata gaiement dans cette tristesse:

De Skikdad ? Constantine, De Constantine ? Bathna, Quelle est donc la plus mutine Des filleules de Fathma? C'est Kreira! C'est Kreira! C'est Kreira, la jolie fille, C'est la rose de Ouargla!

C'?tait un de ces po?mes lascifs que les Arabes affectionnent et chantent dans le chemin monotone, quand, pendant de longues heures, la plaine succ?de ? la plaine et que l'oeil n'a pour se reposer des teintes grises du sol br?l? que le bleu de l'horizon fuyant sans cesse devant lui.

A peine au bas de la montagne, je sommeillais, l'oreille caress?e par le chant et le corps berc? par le mouvement du cheval, lorsque, dans les profondeurs silencieuses, il me sembla entendre des accents de d?tresse.

--Tais-toi! dis-je ? Salah.

Je ne m'?tais pas tromp?; une seconde fois la voix retentit grave, douloureuse, lamentable. Nul mot n'arrivait distinct, mais la note d?sol?e d?chirait lugubrement la nuit.

Puis tout se tut; un silence profond s'?tendit dans la plaine. On e?t dit que les fauves et les reptiles, l'arm?e des r?deurs nocturnes, ?coutaient.

--As-tu entendu?

--Oui, r?pondit le spahis.

Et il continua:

Dans ses seins quand je me plonge, L'oeil perdu au paradis, Je m'enivre, sans mensonge, Des caresses des houris, Par Kreira! Par Kreira! Par Kreira, la jolie fille, Par la rose de Ouargla!

--Tais-toi donc! r?p?tai-je indign?. Quelqu'un appelle au secours.

Nous allions, et plus d'une heure s'?tait ?coul?e, que ma pens?e, encore arr?t?e l?-bas o? j'avais entendu le cri lugubre, s'y cramponnait et ne voulait plus revenir. Salah continuait ses couplets avec une infatigable ardeur, mais soudain il se tut.

La voix venait de retentir plus rapproch?e, et nous entend?mes distinctement, par trois fois, ce nom jet? comme un sanglot:

--Afsia! Afsia! Afsia!

L'appel d?chirant remuait douloureusement le coeur. Il sembla pour un moment avoir touch? celui du spahis, per?ant comme une vrille la rude ?corce de soldat, car il arr?ta son cheval.

La t?te envelopp?e du capuchon pointu, les burnous serr?s au corps, il restait inclin?, immobile et pensif.

--Qu'est-ce donc? lui demandai-je, lorsque, pour la troisi?me fois, les accents d?sesp?r?s furent ?teints; qui appelle ainsi, ? pareille heure et dans ce d?sert?

--Rien qui puisse t'inqui?ter, me r?pondit-il en riant. C'est Sidi-Messaoud qui demande sa fianc?e.

Et il reprit le chant d'amour:

Ses l?vres sont une coupe O? je bois la volupt?. Et sur sa divine croupe J'irais dans l'?ternit? Sur Kreira! Sur Kreira! Sur Kreira, la jolie fille, Sur la rose de Ouargla!

Je ne pus rien tirer de lui, et pendant mon passage au Ksour les hommes de Djenarah ?vit?rent de me r?pondre; puis, devant les incidents si multiples de la vie d'un soldat d'Afrique, ce souvenir s'effa?a.

Le thaleb avait ouvert boutique ? quelques pas de notre porte; l?, il louait sa plume et son style aux amants illettr?s, calligraphiait d'une main magistrale des versets du Koran, posait des ventouses et vendait des amulettes. C'est dire qu'il ?tait ? la fois ?crivain public, barbier, chirurgien et quelque peu sorcier.

Homme juste et jouissant d'une grande r?putation de sagesse, philosophe et lettr?, il avait, de la Mecque, voyag? dans l'Europe. Citateur enthousiaste du Koran, qu'il interpr?tait ? sa fa?on comme les Puritains interpr?tent la Bible, il observait ostensiblement le Ramadan et ne buvait du vin que la nuit.

--Les lois du Proph?te, disait-il, sont faites pour le vulgaire imb?cile. Pour nous, les sages, notre loi, c'est notre conscience. Mais il faut sauvegarder les apparences, ? cause des ignorants. Si le Koran autorisait le vin, toute la canaille se so?lerait.

J'ai dit qu'il vendait des amulettes.

Cette branche d'affaires ?tait la plus lucrative. C'est ? lui qu'on s'adressait de pr?f?rence quand on avait, au lever de la lune, rencontr? un gros crapaud embusqu? au bord du chemin, ou un petit serpent ? demi cach? sous l'herbe, qui vous avait regard? avec des yeux jaunes.

Sur un petit carr? de papier, de toile ou de parchemin de la grandeur et de la forme de nos v?n?r?s scapulaires, est trac?e la formule magique.

On se l'attache d?votement au cou, et pour peu qu'on ait la foi, la gu?rison est certaine.

Il y en a pour tous les maux et tous les mal?fices. Ils pr?servent de la gale ou de la peste, de la mort subite ou des ophtalmies, des femmes malpropres ou du cocuage, des balles ou de la vermine. Tout d?pend du prix qu'on y met.

--Quoi! disais-je, toi qu'on appelle le savant et le sage, n'as-tu pas honte de sp?culer sur l'imb?cillit? publique?

--O mon fils! tu parles bien comme les infid?les, qui jettent de grands mots pour couvrir le vide des pens?es. Est-ce moi qui ai cr?? l'imb?cillit? publique? Non; elle existe, et, comme toute infirmit? humaine, elle doit profiter au savant et au sage. Est-ce le m?decin qui cr?e les fi?vres et les ophtalmies? Non, il en vit. Il vit des poudres qui tuent et des eaux qui rendent borgnes. Moi, je vis de mes amulettes, qui, si elles ne gu?rissent pas de l'imb?cillit?, gu?rissent du mal que cause l'imb?cillit?. Nous sommes tous plus ou moins charlatans, mon fils.

Le m?decin est un charlatan de science, le magistrat un charlatan de morale, le soldat un charlatan de bravoure, le pr?tre un charlatan de vertu. Chacun vit de son ?tat: permets que je vive du mien. Le soleil luit pour tous; mais tant que la foule restera stupide et ignorante, elle sera la proie des habiles.

--Oui, me disait-il, il y aura pour les justes des beaut?s ?ternellement vierges, des sources ?ternellement pures, des ombrages ?ternellement frais; cela ne vaut-il pas mieux que chanter ?ternellement des hymnes. Le fils d'Abdallah ?tait plus pratique que le fils de Meryem. Mais hymnes ou houris, tout cela est bon pour la foule mis?rable.

Tu es fataliste, dis-tu? Mais le fort peut tracer sa voie ? travers la fatalit?.

Et il me cita ces paroles du Livre:

<>

Quelquefois le vulgaire myope, qui ne voit que la surface des choses, dira: Regarde cet homme, il adore ses passions, il fait le mal pour le mal, son coeur est ferm? comme sa main, la mis?re d'autrui est pour lui un b?n?fice, et cependant il est gras, il est florissant, il a un beau v?tement et une belle demeure, il est heureux! Qu'il attende, le vulgaire myope, et ses yeux s'ouvriront, et ? pas de g?ant il verra venir le ch?timent vengeur, le malheur qui guette cette t?te orgueilleuse et la courbera comme celle du coupable en pri?re. Car le Destin, Ma?tre de l'heure, n'attend pas pour punir que la chair se d?tache des os, il frappe celui qui est debout.

--Oh! m'?criai-je, je me souviens. Une fois, non loin de Djenarah, sa voix frappa mon oreille: <> Ce nom m'a longtemps poursuivi.

Et pendant que je racontais il m'?coutait d'un air sombre, m'interrompant par ses exclamations:

Puis il ajouta:

PREMI?RE PARTIE

MERYEM

<>

<>

Telles sont les paroles ?crites dans le Livre, mais je puis te dire ce qui n'est pas ?crit et que r?p?tent ceux d'entre nous, nomm?s les sages.

Entre Dieu et le Proph?te, est un Ma?tre tout-puissant; il fait et d?fait; il ?claire et ?teint.

Les uns l'appellent l'universelle Vie, mais son vrai nom, c'est l'universel Amour.

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