Read Ebook: Le magasin d'antiquités Tome I by Dickens Charles Des Essarts Alfred Translator
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Ebook has 2119 lines and 117684 words, and 43 pages
< -- Bonsoir, Kit, dit l'enfant, les yeux brillants de gaiet? et d'amiti?. -- Bonsoir, miss Nell, r?pondit le jeune gar?on. -- Et remerciez ce gentleman, reprit le vieillard; sans ses bons soins, j'aurais pu perdre cette nuit ma petite-fille. -- Non, non, ma?tre, s'?cria Kit, pas possible, pas possible. -- Comment? -- Je l'aurais retrouv?e, ma?tre, je l'aurais retrouv?e. Je parie que je l'aurais retrouv?e et aussi vite que qui que ce soit, pourvu qu'elle f?t encore sur la terre. Ha! ha! ha!>> Ouvrant de nouveau sa large bouche en m?me temps qu'il fermait les yeux et poussait un ?clat de rire d'une voix de stentor, Kit gagna la porte ? reculons en continuant de crier. Une fois hors de la chambre, il ne fut pas long ? d?camper. Apr?s son d?part, et tandis que l'enfant ?tait occup?e ? desservir, le vieillard dit: < -- Je n'en puis douter, dis-je, apr?s ce que j'ai vu. Mais permettez-moi de vous adresser une question. -- Volontiers, monsieur; qu'est-ce? -- Cette charmante enfant, avec tant de beaut? et d'intelligence, n'a-t-elle que vous au monde pour prendre soin d'elle? pas d'autre compagnie? d'autre guide? -- Non, non, dit-il, me regardant en face avec anxi?t?; non, et elle n'a pas besoin d'en avoir d'autre. -- Ne craignez-vous pas de vous m?prendre sur les n?cessit?s de son ?ducation et de son ?ge? Je suis certain de vos excellentes intentions; mais vous-m?me, ?tes-vous bien certain de pouvoir remplir une mission comme celle-l?? Je suis un vieillard ainsi que vous; vieillard, je m'int?resse ? ce qui est jeune et plein d'avenir. Avouez-le, dans tout ce que j'ai vu cette nuit de vous et de cette petite cr?ature, n'y a-t-il pas quelque chose qui peut m?ler de l'inqui?tude ? cet int?r?t?>> Mon h?te garda d'abord le silence, puis il r?pondit: < En le voyant dans ce paroxysme d'exaltation f?brile, je me mis en devoir de reprendre un pardessus que j'avais d?pos? en entrant dans la chambre, r?solu ? ne rien dire de plus. Je vis avec ?tonnement la petite fille qui se tenait patiemment debout, avec un manteau sur le bras, et ? la main un chapeau et une canne. < -- Non, r?pondit-elle tranquillement, c'est ? mon grand-p?re. -- Mais il ne sort pas ? minuit... -- Pardon, il va sortir, dit-elle en souriant. -- Mais vous? Qu'est-ce que vous devenez pendant ce temps-l?, ch?re petite? -- Moi? Je reste ici naturellement. C'est comme cela tous les soirs.>> Je regardai le vieillard avec surprise: mais il ?tait ou feignait d'?tre occup? du soin de s'arranger pour sortir. Mon regard se reporta de lui sur cette douce et fr?le enfant. Toute seule! dans ce lieu sombre; seule, toute une longue et triste nuit! Elle ne parut pas s'apercevoir de ma stup?faction; mais elle aida gaiement le vieillard ? mettre son manteau: lorsqu'il fut pr?t, elle prit un flambeau pour nous ?clairer. Voyant que nous ne la suivions pas assez vite, elle se retourna le sourire aux l?vres et nous attendit. La cause de mon h?sitation n'avait pas ?chapp? au vieillard; l'expression de sa physionomie le prouvait; mais il se borna ? m'inviter, en inclinant la t?te, ? passer devant lui, et il garda le silence. Il ne me restait qu'? ob?ir. Lorsque nous e?mes franchi la porte, l'enfant posa son flambeau ? terre, me souhaita le bonsoir et leva vers moi son visage pour m'embrasser. Puis elle s'?lan?a vers le vieillard, qui la serra dans ses bras et appela sur elle les b?n?dictions de Dieu. < -- Non, certes, s'?cria-t-elle avec ardeur; je suis si heureuse de prier! -- Oui, je le sais, cela te fait du bien et cela doit ?tre. Mille b?n?dictions! Demain matin, de bonne heure, je serai ici. -- Vous n'aurez pas besoin de sonner deux fois. La sonnette m'?veille, m?me au beau milieu d'un r?ve.>> Ce fut ainsi qu'ils se s?par?rent. L'enfant ouvrit la porte, maintenant prot?g?e par un volet que Kit y avait appliqu?, en sortant, et avec un dernier adieu dont la douceur et la tendresse sont bien souvent revenues ? ma m?moire, elle la tint entr'ouverte jusqu'? ce que nous fussions pass?s. Le vieillard s'arr?ta un moment pour entendre la porte se refermer et les verrous se tirer ? l'int?rieur, ensuite, rassur? ? cet ?gard, il se mit ? marcher ? pas lents. Au coin de la rue, il s'arr?ta. Me regardant avec un certain embarras, il me dit que nous n'allions pas du tout par le m?me chemin et qu'il ?tait oblig? de me quitter. J'avais envie de r?pondre: mais, avec une vivacit? que son ext?rieur ne m'e?t pas permis de supposer, il s'?loigna pr?cipitamment. Je remarquai qu'? plusieurs reprises il tourna la t?te comme pour s'assurer si je ne l'?piais pas ou si je ne le suivais pas ? quelque distance. ? la faveur de l'obscurit? de la nuit, il disparut bient?t ? mes yeux. J'?tais demeur? immobile ? la place m?me o? il m'avait quitt?, sans pouvoir m'en aller et pourtant sans savoir pourquoi je perdais mon temps ? rester l?. Je regardai tout pensif dans la rue d'o? nous venions de sortir, et bient?t je m'acheminai de ce c?t?. Je passai et repassai devant la maison; je m'arr?tais; j'?coutais ? la porte: tout ?tait sombre et silencieux comme la tombe. Cependant je r?dais autour de cette maison sans r?ussir ? m'en arracher, pensant ? tous les dangers qui pouvaient menacer l'enfant: incendie, vol, meurtre m?me, et me figurant qu'il allait arriver quelque malheur si je me retirais. Le bruit d'une porte ou d'une crois?e qu'on fermait dans la rue me ramenait de nouveau devant le logis du marchand de curiosit?s. Je traversais le ruisseau pour regarder la maison et m'assurer que ce n'?tait pas de l? que venait le bruit: mais non, la maison ?tait rest?e noire, froide, sans vie. Il passait peu de monde; la rue ?tait triste et morne; il n'y avait presque que moi. Quelques tra?nards, sortis des th??tres, marchaient ? la h?te, et, de temps en temps, je me jetais de c?t? pour ?viter un ivrogne tapageur qui regagnait sa demeure en chancelant; mais c'?taient des incidents rares et qui m?me cess?rent bient?t tout ? fait. Une heure sonna ? toutes les horloges. Je me remis ? arpenter le terrain, me promettant sans cesse que ce serait la derni?re fois, et chaque fois me manquant de parole, sous quelque nouveau pr?texte, comme je l'avais fait d?j? si souvent. Plus je pensais aux discours, au regard, au maintien du vieillard, moins je parvenais ? me rendre compte de ce que j'avais vu et entendu. Un pressentiment qui me dominait me disait que le but de cette absence nocturne ne pouvait ?tre bon. Je n'avais eu connaissance du fait que par la na?vet? indiscr?te de l'enfant; et bien que le vieillard f?t l?, bien qu'il e?t ?t? t?moin de ma surprise non ?quivoque, il avait gard? un ?trange myst?re sur ce sujet sans me donner un seul mot d'explication. Ces r?flexions ramen?rent plus vivement que jamais ? ma m?moire sa physionomie ?gar?e, ses mani?res distraites, ses regards inquiets et troubl?s. Sa tendresse pour sa petite-fille n'?tait pas incompatible avec les vices les plus odieux; et dans cette tendresse m?me n'y avait- il pas une contradiction ?trange? Sinon, comment cet homme e?t-il pu se r?soudre ? abandonner ainsi son enfant? Cependant, malgr? mes dispositions ? prendre de lui une mauvaise opinion, je ne doutais pas un moment de la r?alit? de son affection; et m?me je ne pouvais pas en admettre le doute, quand je me rappelais ce qui s'?tait pass? entre nous et le son de voix avec lequel il avait appel? sa Nelly. < La t?te remplie de ces id?es et de bien d'autres encore, sur le m?me sujet, je continuai d'arpenter la rue durant deux grandes heures. Enfin une pluie violente se mit ? tomber: accabl? de fatigue, bien que ma curiosit? f?t toujours aussi ?veill?e qu'auparavant, je montai dans la premi?re voiture de place qui vint ? passer et me fis conduire chez moi. Un bon feu p?tillait dans l'?tre; ma lampe brillait: ma pendule me salua comme ? l'ordinaire de son joyeux carillon. Mon logis m'offrait le calme, la chaleur, le bien-?tre, contraste heureux avec l'atmosph?re sombre et triste d'o? je sortais. Je m'assis dans ma berg?re, et, me renversant sur ses larges coussins, je me repr?sentai l'enfant dans son lit: seule, sans gardien, sans protection, except? celle des anges, et cependant dormant d'un sommeil paisible. Je ne pouvais d?tacher ma pens?e de cette cr?ature si jeune, tout esprit, toute d?licate, une vraie petite f?e, passant de longues et sinistres nuits dans un lieu si peu fait pour elle. Nous avons tellement l'habitude de nous laisser ?mouvoir par les objets ext?rieurs et d'en recevoir des sensations que la r?flexion devrait suffire ? nous donner, mais qui nous ?chappent souvent sans ces aides visibles et palpables, que peut-?tre n'aurais-je pas ?t? envahi tout entier comme je l'?tais par cet unique sujet de mes pens?es sans les monceaux de choses fantastiques que j'avais vues p?le-m?le dans le magasin du marchand de curiosit?s. Pr?sentes ? mon esprit, unies ? l'enfant, l'entourant, pour ainsi dire, ne formant qu'un avec elle, elles me faisaient toucher au doigt sa position. Sans aucun effort d'imagination, je revoyais d'autant mieux son image, entour?e comme elle l'?tait, de tous ces objets ?trangers ? sa nature, qu'ils ?taient moins en harmonie avec les go?ts de son sexe et de son ?ge. Si ces secours m'avaient manqu?, si j'avais d? me repr?senter Nelly dans un appartement ordinaire o? il n'y e?t rien de bizarre, rien d'inaccoutum?, il est bien pr?sumable que sa solitude ?trange m'e?t moins vivement impressionn?. Dans ce cadre, elle formait pour moi une sorte d'all?gorie, et avec tout ce qui l'entourait, elle excitait si puissamment mon int?r?t que, malgr? tous mes efforts, je ne pouvais la chasser de ma m?moire et de mes pens?es. < Ici je m'arr?tai; car le th?me m'e?t men? loin, et d?j? je voyais s'ouvrir devant moi une r?gion dans laquelle je me sentais m?diocrement dispos? ? p?n?trer. Je reconnus que ce n'?taient que des r?vasseries, et je pris le parti d'aller me coucher pour trouver dans mon lit le repos et l'oubli. Mais, toute la nuit, soit ?veill?, soit endormi, les m?mes id?es revinrent ? mon esprit, les m?mes images rest?rent en possession de mon cerveau. Toujours, toujours j'avais en face de moi la boutique aux sombres parois; les armures et les cottes de mailles toutes vides avec leur tournure de spectres silencieux; les figures de bois et de pierre, sournoises et grima?antes; la poussi?re, la rouille, le ver vivant dans le ch?ne qu'il ronge; et, seule au milieu de ces antiquit?s, de ces ruines, de cette laideur du pass?, la belle enfant dans son doux sommeil, souriant au sein de ses r?ves l?gers et radieux. Durant pr?s d'une semaine, je combattis le d?sir qui me poussait ? revoir le lieu que j'avais quitt? sous les impressions dont j'ai esquiss? le tableau. Enfin je m'y d?cidai, et r?solu ? me pr?senter cette fois en plein jour, je m'acheminai, d?s le commencement d'une apr?s-midi, vers la demeure du vieillard. Je d?passai la maison et fis plusieurs tours dans la rue avec cette esp?ce d'h?sitation bien naturelle chez un homme qui sait que sa visite n'est pas attendue et qui n'est pas bien s?r qu'elle soit agr?able. Cependant, comme la porte de la boutique ?tait ferm?e, et comme rien n'indiquait que je dusse ?tre reconnu des gens qui s'y trouvaient, si je me bornais purement et simplement ? passer et repasser devant la porte, je ne tardai pas ? surmonter mon irr?solution et je me trouvai chez le marchand de curiosit?s. Le vieillard se tenait dans l'arri?re-boutique, en compagnie d'une autre personne. Tous deux semblaient avoir ?chang? des paroles vives; leur voix, qui ?tait mont?e ? un diapason tr?s-?lev?, cessa de retentir aussit?t qu'ils m'aper?urent. Le vieillard s'empressa de venir ? moi, et, d'un accent plein d'?motion, me dit qu'il ?tait charm? de me voir. Il ajouta: < Et, montrant l'homme que j'avais trouv? avec lui: < -- Bah! dit l'autre; c'est vous plut?t qui, si vous le pouviez, livreriez ma t?te par un faux serment; nous savons bien cela.>> Avant de parler ainsi, le jeune homme s'?tait tourn? vers moi et m'avait regard? fixement en fron?ant les sourcils.
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