Read Ebook: The Rise of the Democracy by Clayton Joseph
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Ebook has 648 lines and 67154 words, and 13 pages
Les Saint-Simoniens arriv?rent en ?gypte en 1833. Ils y re?urent l'accueil le plus g?n?reux. En ?change, la terre des Pharaons leur doit un essor r?el vers le progr?s; essor qui ne devait aller qu'en grandissant, gr?ce ? la constante volont? des plus remarquables disciples du P?re Enfantin. Lambert, Fournel, Bruneau, Busco, devaient laisser l?-bas un nom imp?rissable. Il n'est pas jusqu'aux femmes saint-simoniennes dont l'oeuvre, toute de d?vouement et d'apostolat, n'ait laiss? des traces qui, cinquante ans plus tard, demeuraient encore. N'oublions pas que c'est ? l'exemple de l'une d'elles, Suzanne Voilquin, que l'?gypte dut ses premi?res sages-femmes, ses premi?res infirmi?res dipl?m?es. Jusque-l?, le soin des enfants et des m?res restait confi? aux plus stupides matrones, prises dans les derniers rangs du peuple.
Amp?re, qui visita l'?gypte en 1844, ne peut s'emp?cher de t?moigner sa surprise en constatant l'influence dont jouissent nos compatriotes, tant au Caire qu'? Alexandrie. Il nous dit que partout l'on serait heureux de rencontrer des hommes tels que le Dr Ablot, MM. Perron et Linant. Parlant de la maison de ce dernier, il d?clare avoir trouv? <
Chez Soliman-Pacha, Amp?re retrouva un billard fran?ais et des journaux de Paris... Chez le Dr Clot-bey, il eut la joie d'admirer une superbe collection d'antiquit?s ?gyptiennes... et, sans doute, notre savant compatriote lui fit la lecture de quelque chapitre de ce remarquable ouvrage qui restera le plus parfait monument des ?tudes sur l'?gypte. D'ailleurs, Clot-bey, comme les autres, repr?sentait une ?lite; chacun d'eux portait en soi la valeur de plusieurs hommes. Xavier Marmier, venu deux ans avant Amp?re, ne nous dit-il pas que le chimiste Perron se distrayait de ses heures de cours ? la nouvelle ?cole de m?decine du Caire, par l'?tude approfondie de l'arabe, dont les manuscrits lui donnaient les renseignements les plus pr?cieux sur la litt?rature et la science au temps des Khalifes...
Durant les ann?es qui s?parent le r?gne de Mohamed-Aly de celui de son petit-fils Isma?l-Pacha, c'est encore les savants, les ing?nieurs, les officiers et les m?decins fran?ais qui concourent ? la civilisation et ? la prosp?rit? de l'?gypte: ?cole de m?decine, ?cole de droit, ?cole d'agriculture, des beaux-arts, des arts et m?tiers, Institut, cr??s et dirig?s par nos d?vou?s compatriotes. La construction et l'inauguration du canal de Suez vont parfaire notre gloire et augmenter, s'il est possible, notre influence en ?gypte.
Sous le r?gne d'Abbas, comme sous celui de son successeur Sa?d, les Fran?ais, accourus chaque jour plus nombreux, augmentent le prestige de notre pays en cette terre ?gyptienne o? les souverains eux-m?mes leur t?moignent une confiance absolue. Nous ne sommes pas un peuple colonisateur, et notre sol nous offre par lui-m?me assez de ressources pour que, rarement, l'id?e nous vienne d'aller demander ailleurs le pain quotidien. Ceux qui, alors, prirent la mer pour se rendre sur les rives du Delta, ne s'exilaient point d'eux-m?mes, tous ils faisaient partie de l'?lite choisie et appel?e par les vice-rois, amis de notre pays. Jusqu'? la chute d'Isma?l-Pacha, les descendants du grand chef de la dynastie ?gyptienne se firent une loi de pratiquer son exemple.
Mais la prodigalit? du vice-roi n'avait pas ?t? sans entamer fortement les finances du pays. Tewick-Pacha, fils et successeur d'Isma?l, en montant sur ce tr?ne d'o? son p?re venait de descendre par la volont? des puissances europ?ennes, recueillait une succession particuli?rement difficile. La surveillance p?nible dont il devenait l'objet, la douceur un peu molle d'un caract?re inhabile ? secouer le joug qu'il devait subir, enfin la mis?re croissante du peuple, le d?sordre d'une arm?e mal guid?e, surtout point pay?e, tout cela rendit alors la situation des Fran?ais assez critique en ?gypte. Les ?v?nements de 1882 que je vais essayer de d?crire devaient achever de ruiner notre influence, ravissant du m?me coup ? nos malheureux compatriotes les b?n?fices de pr?s d'un si?cle de patience, de travail et d'efforts.
EN ?GYPTE R?VOLT?E
Le 11 juin 1882, les partisans d'Arabi Pacha, exasp?r?s de voir leurs r?clamations repouss?es, port?rent leur fureur sur les Europ?ens, qui n'?taient pour rien dans l'affaire.
Pour se montrer ?quitable, il faut expliquer que la rixe terrible dont les suites devaient exercer une si prodigieuse influence sur les destin?es de l'?gypte, commen?a par une altercation entre un cocher indig?ne et un Europ?en, Maltais d'origine, fr?re du valet de chambre du consul d'Angleterre, M. Cockson.
Le cocher, qui depuis plusieurs heures voiturait son client, se vit allouer pour sa peine la somme d?risoire d'une piastre .
Le Maltais, par prudence, s'?tait fait d?poser devant le caf? Gavvat-el-G?zaz, situ? rue des Soeurs. Ce caf?, appel? par les Europ?ens <
Par ce beau dimanche d'?t?, l'?tablissement regorgeait de monde. La chose ne tra?na pas. Le Maltais, probablement ivre, se rua sur le malheureux autom?don et, arrachant du comptoir le large couteau qui y demeurait suspendu ? l'aide d'une ficelle, il en frappa si violemment l'indig?ne que la mort fut instantan?e.
En quelques minutes, Grecs, Maltais, ?gyptiens, se jetant les uns sur les autres, livr?rent une v?ritable bataille. Du caf?, l'?meute gagna aussit?t la rue. Bient?t, la ville enti?re sembla peupl?e d'hommes en folie.
L'appel fatidique ne fut que trop entendu.
Les yeux hors des orbites, la face convuls?e, ils accouraient arm?s de pieds de tables, de d?bris de chaises, de broches et de fers de lit, tous objets d?rob?s aux caf?s europ?ens et aux rez-de-chauss?e du voisinage.
Mais bient?t, ces armes l?g?res ne suffirent plus.
Entre temps les Grecs s'empressaient de charger leurs revolvers.
Et la tuerie commen?a.
Ceux qui, comme moi, ont entendu les cris d'angoisse, les hurlements des femmes du peuple et les r?les d'agonie des bless?s, ne sauraient oublier les affres ?pouvantables de ce jour-l?. Durant la nuit, les plaintes des victimes que l'on ?gorgeait presque sous nos fen?tres, arrivaient jusqu'? nous, accompagn?s par le rythme lugubre des flots battant les pilotis du th??tre Rossini que nous dominions.
L'historique des jours qui suivirent nous entra?nerait trop loin. Mais il est impossible de passer sous silence le bombardement d'Alexandrie par l'escadre anglaise sous les ordres de l'amiral sir Beauchamp Seymour. Cet acte inattendu, et ex?cut? sans d?claration de guerre pr?alable, eut lieu le 11 juillet. Il d?truisit pour plusieurs millions de propri?t?s et tua un grand nombre d'habitants.
Du c?t? de l'?gypte, l'artillerie ?tait sans d?fense. <
Pendant le bombardement, toutes les autorit?s locales ayant disparu, la ville se trouva compl?tement abandonn?e aux pillards et aux incendiaires, ramassis de toute la lie de la population alexandrine. Les B?douins, camp?s ? Ramleh, avaient re?u ordre de faire la police de la ville. Ils se content?rent de piller les magasins, apr?s avoir d?fonc? les devantures et, leur convoitise satisfaite, ils mirent le feu ? ce qui restait. Les prisons, ouvertes par force, avaient aussi vomi sur la voie publique tout leur lot de malfaiteurs, qui se ru?rent au sac des habitations et des boutiques.
Les rues, o? gisaient p?le-m?le les cadavres des victimes et les restes calcin?s des meubles et des charpentes, livraient passage ? d'innombrables charrettes sur lesquelles des familles apeur?es avaient pris place, fuyant la cit? maudite. Durant trois jours, l'exode continua. Le vice-roi s'?tait enferm? dans son palais de Ramleh. Les grands harems, depuis longtemps, avaient fui au Caire.
Les Europ?ens, sagement conseill?s par leurs consuls, recevaient l'hospitalit? ? bord des grands paquebots ancr?s au large, o? les compagnies leur faisaient payer un franc un modeste verre d'eau. Mais le plus grand nombre avait gagn? des rives plus cl?mentes. Sur ordre, la flotte fran?aise, qui d'abord avait mouill? dans la rade, ?tait partie pour Beyrouth, au grand d?sespoir des rares Fran?ais qui avaient mis en elle tout leur espoir. Cette poign?e de Fran?ais, demeur?s ? Alexandrie malgr? toutes les menaces, constituait une r?union d'hommes r?solus. Si les autres colons avaient suivi leur exemple, la ville e?t sans doute ?chapp? au d?sastre. Il suffit de quelques bras ?nergiques tenant en main les armes dont ils n'eurent d'ailleurs pas ? faire usage, pour sauver le Cr?dit lyonnais, dont la porte ne fut m?me pas forc?e.
Il est regrettable qu'? ce moment les consuls et les fonctionnaires, sur les injonctions de leurs gouvernements respectifs, aient cru devoir donner l'exemple de l'exode. Autrement, bien des malheurs eussent pu ?tre ?vit?s.
Cependant l'Europe, au re?u de ces ?v?nements m?morables pour l'?gypte, demeurait indiff?rente.
Quelques semaines plus tard, Arabi-Pacha, embarqu? sur l'ordre des Anglais, faisait route vers Ceylan. On lui accordait une pension, g?n?reuse pour l'?poque: 12 000 francs, avec facult? de jouir de ses rentes personnelles, et d'emmener une partie de son harem et de ses serviteurs, cependant que les na?fs, dont le seul crime avait ?t? de le soutenir dans sa r?volte, recevaient comme prix de leur complaisance le ch?timent supr?me.
Les ?meutiers d'Alexandrie furent punis les premiers; ces malheureux furent oblig?s de creuser eux-m?mes leurs propres tombes sur la place des Consuls, ? Alexandrie, o? ils reposent encore, tandis que sur leurs t?tes horrifi?es se dressaient d'innombrables potences.
Depuis, la place fun?bre a ?t? transform?e en jardin public. Des pelouses vertes, des arbres touffus o? s'?battent des milliers d'oiseaux, mettent la joie de la nature en ce coin charmant, o? toutes les rues du c?t? Est aboutissent ? la mer. Cette mer, que l'azur immuable du ciel ?gyptien rend ?ternellement bleue, ajoute au d?cor un charme nouveau, dont les touristes ne se lassent point. Les hauts immeubles, de construction moderne, bordant la place, ach?vent de donner ? cet endroit de la ville un cachet d'?l?gance dont les Alexandrins sont tr?s fiers.
Pour moi, dont la jeunesse fut frapp?e si abominablement par le terrible spectacle des jours sanglants, la place des Consuls demeurera toujours <
C'est un lieu commun de r?p?ter aujourd'hui, apr?s tant d'autres, qu'un seul homme en France comprit alors l'extr?me port?e de la trag?die qui se d?roulait en ?gypte. J'ai nomm? Gambetta. Il ne cessa pas de lutter contre ce qu'il appelait une abdication. Mais la plupart des d?put?s du moment n'entendaient rien ? la question, pourtant si grosse de cons?quences. En r?alit?, ceux qui par leurs connaissances ou leur intuition personnelle pouvaient pr?voir l'avenir, sacrifi?rent leur conviction ? leur popularit?.
Gambetta vit son minist?re tomber peu apr?s et ne r?colta que des quolibets pour s'?tre prononc? avec tant de chaleur sur des actes qui s'accomplissaient si loin de Paris.
En attendant, l'Angleterre commen?ait tout tranquillement en ?gypte son oeuvre de colonisation.
Il ne m'appartient point de faire de la politique, ? cette place: laissant aux hommes comp?tents le soin de juger, je voudrais seulement narrer ici ce qu'il m'a ?t? donn? de voir, en un pays que je connais parfaitement bien.
Quoi qu'on ait pu dire, la tranquillit? de l'?gypte n'a jamais ?t? que relative. En r?alit?, tout ce que la r?volution de ces derni?res ann?es a pu accomplir date des journ?es de 1882.
Seulement, les ?meutiers de ma jeunesse ont pass? la main ? une g?n?ration tout autre. Alors, la r?volte partait de l'arm?e et du peuple. D'ailleurs, pas plus l'un que l'autre ne se montrait bien conscient de ses droits. Ils r?clamaient une constitution, sans savoir au juste en quoi elle consistait. A l'heure actuelle, le mouvement, dirig? par des hommes de haute culture, a cela de redoutable qu'il englobe la population tout enti?re.
Les ?gyptiens d'aujourd'hui n'ont avec ceux-l? qu'une lointaine parent?.
Un sentiment, inconnu jusqu'? ce Jour, est n? sur l'antique terre: le patriotisme. J'entends inconnu quant ? l'?gypte musulmane, car pour la contr?e des sages Pharaons, on ne saura nier qu'elle v?n?ra ce sentiment bien avant que les Romains l'eussent plac? ? la hauteur d'un v?ritable dogme.
Les sujets d'Am?nophis aimaient ardemment leur sol et le voulaient plus grand que tout.
C'est de ce pass? magnifique, dont l'?tude leur a permis de mesurer la grandeur, qu'arguent aujourd'hui les hommes nouveaux pour r?clamer leur ind?pendance. Et comme, en apprenant mieux l'histoire de leur pays, ils ont compris que la nation la plus forte n'est point la plus isol?e, ils ne souhaitent pas retourner au fanatisme, ni fermer leurs portes aux lumi?res ni aux concours des autres peuples, de confessions diff?rentes. Ils demandent au contraire qu'on leur fasse confiance, et que les ?trangers reviennent en foule apporter aux rives du Nil l'animation de leur pr?sence et l'or de leurs banques. Mais ils veulent surtout ?tre les ma?tres chez eux, ambition naturelle ? tout peuple conscient de sa force et de ses droits.
Ces droits, le premier ?gyptien qui ait eu le courage d'y faire appel, c'est le jeune Mustapha Kamel, patriote convaincu et incomparable orateur.
Dans le magnifique discours prononc? par lui ? Alexandrie, le 3 mars 1896, en pleine occupation anglaise, apr?s avoir expos? avec une clart? remarquable la situation cr??e au pays par la politique britannique, il s'exprimait ainsi au milieu d'une foule enthousiaste:
< < < Je ne puis m'emp?cher de citer encore ce passage d'un autre discours du jeune orateur. < < Cependant, et c'est l? encore que se marque la diff?rence existant entre les hommes d'il y a vingt-cinq ans et ceux d'aujourd'hui, ce m?me Mustapha Kamel n'est pas seulement ?gyptien, il est Musulman, et c'est ce qui fait sa force parmi le peuple. Nous trouvons un peu de sa profession de foi dans cette derni?re phrase. Parlant de l'influence immense exerc?e par Mohamed-Aly sur l'?gypte, il s'?criera: < <
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