Read Ebook: Mémoires du duc de Rovigo pour servir à l'histoire de l'empereur Napoléon Tome 6 by Savary Anne Jean Marie Ren Duc De Rovigo
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ne compagnie.
Madame de Sta?l traite mal l'empereur; mais elle ne l'atteint pas, tandis qu'elle prouve avoir ?t? la plus malheureuse femme du monde de se voir d?daign?e par celui qu'elle aurait voulu servir. Elle aurait effectivement tir? un bien meilleur parti pour sa gloire de tous les mat?riaux qu'une autre conduite de sa part e?t pu mettre ? sa disposition, que des basses calomnies auxquelles elle n'a pas craint de descendre.
Puisque je viens de parler du g?n?ral Moreau, c'est le cas de dire qu'en cette occasion l'empereur fut si mal servi par ses agents diplomatiques, que le g?n?ral Moreau ?tait d?j? arriv? ? Berlin sous un nom suppos?, lorsqu'il m'?crivit de Dresde pour que je cherchasse ? approfondir quel ?tait ce personnage myst?rieux qui ?tait arriv? ? Berlin.
Je lui r?pondis courrier par courrier que c'?tait le g?n?ral Moreau, et que je lui avais envoy? quelque temps auparavant l'avis de son d?part d'Am?rique, qui m'avait ?t? apport? par un b?timent am?ricain entr? dans les ports de France.
L'empereur n'avait point lu mon rapport; et, lorsque le second lui parvint, l'armistice de Dresde ?tait d?nonc?. Ce qui me porte ? croire que l'id?e d'envoyer chercher Moreau avait le but que je suppose ? l'empereur de Russie, c'est qu'en se reportant ? la situation dans laquelle ?taient alors les affaires des Russes , il n'est pas d?raisonnable de penser que le r?veil du trouble et de l'anarchie en France ?tait le maximum des succ?s que l'empereur Alexandre pouvait se flatter d'obtenir pour op?rer une diversion qui lui ?tait si n?cessaire dans ce moment-l?. Il ?tait bien loin encore, ? cette ?poque, d'envisager comme possible tout ce qu'il vit depuis par lui-m?me apr?s son entr?e ? Paris.
On doit se rappeler qu'? l'?poque o? Moreau ?tait ? l'arm?e alli?e, M. le comte d'Artois se rendit d'Angleterre, par mer, dans la Baltique, et que Bernadotte lui refusa de le laisser descendre ? terre: il s'en retourna en Angleterre. Bernadotte ne lui avait refus? le passage que parce qu'il voulait ?tre favorable au g?n?ral Moreau. Jusqu'alors on n'avait pas os? admettre la supposition que les souverains alli?s projetaient la chute de l'empire, en sorte qu'on n'avait pas de raison de s'expliquer le voyage du comte d'Artois, qui n'?tait vraisemblablement venu se pr?senter ? l'arm?e alli?e que parce qu'il savait que ce principe de subversion avait ?t? adopt?.
Je dirai, en suivant l'ordre que je me suis prescrit, toutes les raisons que j'ai ? l'appui de mon opinion. Je les ai prises dans la conversation qu'eut avec l'empereur de Russie feu le g?n?ral Reynier, qui avait ?t? fait prisonnier ? Leipzig et ?chang? ? Troyes, o? l'empereur Alexandre lui donna son audience de cong?.
La bataille de Vittoria produisit partout l'effet le plus nuisible ? nos int?r?ts; elle embarrassait notre position ? Prague, et achevait d'?branler la confiance de ceux de nos alli?s qui nous ?taient encore fid?les.
Le mar?chal Soult va prendre le commandement de l'arm?e d'Espagne.--L'imp?ratrice se rend pr?s de l'empereur ? Mayence.--Je demande ? l'accompagner.--Mes motifs.--R?ponse de l'empereur.--M. de Cazes.--Reprise des hostilit?s.--Le g?n?ral Jomini.
L'empereur envoya en toute h?te le mar?chal Soult, qu'il avait pr?s de lui, prendre le commandement des troupes qui revenaient avec le roi d'Espagne. ? cette occasion, il chargea le duc de Feltre d'?crire ? ce prince pour le pr?venir de cette disposition, afin qu'il f?t aucune difficult? de remettre le commandement de l'arm?e au mar?chal contre lequel on le savait personnellement indispos? depuis l'occupation de l'Andalousie.
Le mar?chal Soult arriva ? Paris avec la rapidit? d'un trait, ne s'y arr?ta que quelques heures pour prendre connaissance des ressources que le ministre de la guerre pouvait mettre ? sa disposition, et courut prendre le commandement de l'arm?e, qui ?tait ? peu pr?s sous les murs de Bayonne, o? elle vint s'?tablir presque aussit?t. Le mois de juillet ?tait ?coul?, et on ne voyait pas encore les conf?rences de Prague suivies de quelque r?sultat; on n'osait plus se flatter de voir finir la guerre, et on aurait pu dire avec justesse que l'impatience publique s'?tait fait un calus qui la rendait insensible au mal.
Les esp?rances de paix achev?rent de s'?vanouir, lorsque l'on vit que l'empereur appelait l'imp?ratrice ? Mayence, au lieu d'annoncer qu'il allait lui-m?me revenir ? Paris; elle partit effectivement pour cette ville, o? elle ne resta que tr?s peu de jours avec l'empereur, qui n'y fut accompagn? que par le g?n?ral Drouot.
J'avais saisi cette occasion de donner ? l'empereur une marque de d?vouement ? sa personne, en lui demandant la permission d'aller le voir ? Mayence. Je voulais l'entretenir de tout ce que je remarquais, et qui n'?tait pas de nature ? faire la mati?re de rapports ?crits; j'insistai vivement pour obtenir ce que je d?sirais, en lui observant que je regardais cela comme si n?cessaire, que j'avais pris des mesures pour que mon administration n'en souffr?t point, et que mes dispositions ?taient faites pour ?tre en chemin une heure apr?s avoir re?u sa permission, que je le priais de me faire transmettre par le t?l?graphe.
Je n'avais pas d'autres projets que de l'entretenir de tous les dangers que je pr?voyais, et du besoin que l'on avait de la paix; je ne voulais que lui parler de ce qu'il avait fait lui-m?me dans tant d'autres circonstances contre ces m?mes ennemis, en s'arr?tant ? propos, et le supplier de ne pas leur fournir l'occasion de satisfaire tous leurs ressentiments ? la fois. J'aurais ?t? in?puisable dans toutes les raisons que j'aurais prises au dedans et au dehors pour faire conclure la paix, m?me ? tout prix, parce que je sentais vivement le besoin que l'on en avait, et je ne me serais laiss? rebuter par aucune consid?ration, parce que je n'aurais ?t? dirig? par aucun projet d'ambition; d'ailleurs je savais que l'empereur voulait la paix, il m'avait m?me fait l'honneur de me l'?crire; il n'y avait que sur les sacrifices qu'il ?tait difficile, aussi n'?tait-ce que sur ce point que je m'attendais ? le trouver d?termin? ? ne pas c?der. Peu m'importaient ses r?pugnances, j'en aurais triomph?, parce que le besoin de la paix une fois reconnu, les sacrifices pour l'obtenir n'?taient rien; je lui aurais cit? ses propres ennemis, qui recouvraient aujourd'hui tous ceux qu'ils avaient faits depuis quinze ans. L'habilet? ne devait consister en ce moment qu'? c?der, parce que la force physique que l'on pouvait perdre, n'?tait rien en comparaison de la puissance morale que l'on recouvrait en ramenant la tranquillit?. Je n'aurais pas promen? les regards de l'empereur sur un champ de bataille gagn?e, mais j'eusse mis sans cesse devant ses yeux les d?tails et le tableau d'un revers, qui ne pouvait ?tre que proportionn? aux efforts qu'il ferait sans doute pour le pr?venir. L'empereur me r?pondit qu'il m'aurait fait venir ? Mayence, s'il avait eu un peu plus de temps ? y rester; mais qu'il ?tait trop tard, puisqu'il devait en partir le lendemain ou le surlendemain; il ajoutait des choses obligeantes ? sa lettre, mais elles ne diminu?rent pas le chagrin que me fit ?prouver la r?solution que je ne voyais que trop que l'on avait prise.
M. de Cazes, instruit que l'empereur devait venir jusqu'? Mayence, s'?tait h?t? de s'y rendre pour le solliciter en faveur d'un fonctionnaire dont il ?tait parent, et qui se trouvait gravement compromis. Avant de quitter Paris, il s'?tait muni de deux lettres, l'une de l'archi-chancelier, l'autre de moi pour appuyer sa demande. L'empereur le re?ut et lui donna sur sa cassette 250,000 francs pour arranger des affaires qui, quoique ?trang?res ? M. de Cazes, l'avaient d?termin? ? aller jusqu'? Mayence. L'empereur, toujours bon et g?n?reux, ne s'en tint pas l?, il m'?crivit d'employer toute mon influence ? faciliter ? M. de Cazes la conclusion des affaires d?sagr?ables dans lesquelles il allait s'engager. Je lui permis en cons?quence de s'?tablir dans un de mes bureaux, d'o? il envoyait lui-m?me mes propres agents chercher les personnes avec lesquelles il avait ? traiter. Il fit tant et si bien, que la somme que l'empereur lui avait donn?e suffit ? tout. Je ne fus pas ?tranger au succ?s qu'il obtint, et j'aime ? penser qu'il en a conserv? le souvenir.
L'imp?ratrice revint ? Paris ? peu pr?s en m?me temps que l'empereur rentrait ? Dresde, et l'armistice fut rompu le 17 ao?t, d'apr?s les conditions sous lesquelles il avait ?t? conclu, c'est-?-dire qu'il ne fut point renouvel?, et que les hostilit?s furent permises. La destin?e n'avait pas voulu que l'on d?tourn?t les ?v?nements qui en peu de temps ont achev? notre destruction; la fin des grandes choses s'approchait, il n'y eut plus de moyens de conjurer l'orage qui ?tait pr?t ? fondre sur nous.
Voil? donc l'armistice d?nonc?, et en m?me temps la notification de l'Autriche envoy?e ? l'empereur, par laquelle elle d?clarait que, dans l'intention de h?ter la fin de la guerre, elle portait le poids de ses armes du c?t? des alli?s, qui re?urent par cette r?union un surcro?t de forces de plus de deux cent mille hommes, tandis que l'empereur n'en recevait pas un. Malgr? cette prodigieuse disproportion de troupes entre lui et ses ennemis, on verra combien peu il s'en est fallu qu'il ne sort?t victorieux de sa position, et que, si, au lieu d'avoir une arm?e compos?e de soldats aussi jeunes, il en avait eu une de l'esp?ce de ceux d'Austerlitz, il aurait ?tonn? les si?cles ? venir par ce qu'on lui aurait vu ex?cuter de prodigieux. Mais d?j? les officiers-g?n?raux de l'arm?e ?taient atteints d'un d?go?t qui ne se laissait que trop apercevoir.
Sans doute aucun des lieutenants de l'empereur n'a pu l'?galer, et aucun sans doute n'a eu la pr?tention qu'on le pens?t; aussi n'est-ce pas avec lui qu'il faudrait les mettre en parall?le. Mais qu'on les compare aux hommes de guerre de l'histoire, Ney, Mass?na, Soult, Lannes, Davout, Suchet, Macdonald, et tant d'autres g?n?raux que je pourrais citer, soutiendront la comparaison avec avantage.
Pourquoi donc avec tant d'hommes habiles les revers se sont-ils succ?d?? ne s'?tait-il donc form? ? la plus grande ?cole de guerre qui fut jamais, aucun homme capable d'embrasser l'ensemble des op?rations d'une arm?e dont les corps avaient ? agir dans plusieurs directions? N?anmoins qu'on me permette de le dire, et en cela je ne crois point diminuer la juste renomm?e de nos g?n?raux, mais avec l'empereur ils ont perdu leur ?clat, comme ces diamants qui, loin de la lumi?re, ne jettent plus de feux.
Les troupes commenc?rent ? se r?unir; le corps du mar?chal Ney ?tait ? Liegnitz, et il commen?ait son mouvement de concentration, lorsque le g?n?ral Jomini, qui ?tait chef de l'?tat-major de ce corps d'arm?e, passa ? l'arm?e ennemie. Il justifia par cette d?sertion tous les soup?ons que l'on avait eus de ses rapports avec l'aide-de-camp de l'empereur de Russie, rapports dont il a ?t? question au commencement du volume pr?c?dent.
Il est ? pr?sumer que le g?n?ral Jomini, qui ?tait Suisse, et au service de France, avait jug? l'empereur comme devant succomber contre autant d'ennemis, et qu'alors se trouvant sans ?tat, il avait pr?f?r? saisir l'occasion d'une nouvelle fortune, qui lui semblait aussi assur?e que la premi?re lui avait paru l'?tre, au moment o? il s'y ?tait attach?.
S'il a eu quelques motifs particuliers pour prendre ce parti, je ne les ai point connus.
Le corps du mar?chal Oudinot, qui ?tait dans la direction de Glogau, se concentra et prit sa direction par Cotbus, Enbenau et Cossen; il avait avec lui le corps saxon command? par le g?n?ral Reynier, et celui du g?n?ral Bertrand; le tout faisait un total de plus de quatre-vingt mille hommes, qui devaient marcher sur Berlin, et attaquer le corps ennemi qui ?tait command? par Bernadotte, arriv? depuis peu avec ses Su?dois; il avait avec lui le corps du g?n?ral prussien Bulow, et beaucoup de milices de cette nation avec quelques troupes russes.
On ?valuait ce corps ? une centaine de mille hommes; il ?tait post? ? quelques lieues en avant de Potsdam.
Le corps du mar?chal Macdonald se concentra dans les environs du Loewemberg en Sil?sie, sur le Bober; il avait avec lui le corps du g?n?ral Lauriston.
Les corps des mar?chaux Marmont et Mortier se concentr?rent dans les environs de Dresde, ainsi que le corps organis? avec des troupes nouvellement arriv?es, et qui ?taient command?es par le mar?chal Gouvion-Saint-Cyr, aussi nouvellement arriv? ? l'arm?e.
Le mar?chal Augereau avait ?t? envoy? avec une seule division en Bavi?re pour soutenir le corps bavarois qui s'?tait organis? dans l'Inn-Firteld, apr?s la d?claration de guerre des Autrichiens, ? laquelle on s'?tait attendu .
Je ne me souviens pas o? ?tait le mar?chal
Victor, je crois qu'il ?tait sur la rive gauche de l'Elbe, dans la direction de Vittenberg ou de Torgau, mais il se r?unit aussi ? Dresde. Le g?n?ral Vandamme commandait le corps du mar?chal Davout, qui avait ?t? envoy? ? Hambourg comme gouverneur g?n?ral, et o? l'empereur avait de grands projets; le mar?chal Davout avait avec lui les troupes danoises, et de nombreux d?tachements de conscrits venus de France, dont il fit un magnifique corps d'arm?e.
Depuis la nouvelle occupation de Hambourg par nos troupes, on avait mis cette portion de territoire hors du r?gime constitutionnel; on s'est beaucoup ?lev? contre cette mesure, mais l'on n'a pas consid?r? qu'elle ne fut prise que pour retenir les peuples de ces contr?es dans l'ob?issance, et arr?ter des projets d'insurrection.
L'empereur avait le projet d'ouvrir les hostilit?s en p?n?trant par la Sil?sie en Boh?me, o? les trois arm?es combin?es ?taient amoncel?es, et formaient une multitude si consid?rable, qu'il fallait un grand talent et une grande habitude du m?canisme des masses pour ?tre en ?tat de d?ployer tous les moyens qu'offraient celles de cette arm?e.
Les militaires, de quelque nation qu'ils soient, qui ont fait la guerre d'Italie, ainsi que celles de 1805 et de 1807, doivent convenir que, si l'empereur avait eu en Saxe une arm?e compos?e de soldats aguerris et rompus ? la marche, comme l'?taient ceux qui l'ont suivi dans ses immortelles campagnes, il e?t dispers? toutes les arm?es autrichienne, russe et prussienne, en tr?s peu de temps. Il les aurait oblig?es ? manoeuvrer sans cesse, et ? cette partie-l? les Fran?ais auraient infailliblement ?t? les plus forts; malheureusement il n'avait que des soldats peu exerc?s, et nullement form?s ? la marche, aussi la fortune l'abandonna-t-elle bien vite.
Il ne laissa sur la rive gauche de l'Elbe que le corps du mar?chal Saint-Cyr, qui se pla?a ? Pirna pour couvrir Dresde, que l'on avait fortifi? par six bonnes redoutes.
Pendant qu'il faisait marcher le corps du mar?chal Oudinot sur Berlin, il se porta avec le reste de son arm?e, par Dresde et Bautzen, sur le Bober; mais ? peine ?tait-il arriv? ? Loewemberg, qu'il eut connaissance du mouvement qu'avaient fait les arm?es ennemies, elles ?taient pass?es de Sil?sie en Boh?me, par Schweidnitz, et avaient pris la route de Teplitz et de Peterswald, pour se porter sur Dresde, par la rive gauche de l'Elbe. Le mar?chal Saint-Cyr, qui ?tait ? Pirna, s'?tait retir? dans la ville, dont il garnissait l'enceinte. L'empereur ramena toute l'arm?e sur Dresde, ? marches forc?es, except? le corps de Macdonald, qu'il laissa sur le Bober. Le 26 ao?t, il parut ? Dresde au moment m?me o? les ennemis for?aient les redoutes dont il avait entour? la ville.
Il ?tait temps que l'arm?e arriv?t. Elle d?boucha, attaqua sur-le-champ, reprit les redoutes qui avaient ?t? emport?es, et se d?ploya en avant de Dresde. Ce fut la jeune garde qui frappa ce coup de vigueur. L'arm?e se pla?a le soir, ainsi que pendant la nuit du 26 au 27 ao?t, de la mani?re suivante: son aile droite, o? se trouvaient les corps des mar?chaux Ney et Victor, ?tait ? la droite de Dresde, adoss?e ? l'Elbe, et ayant en r?serve toute la garde ainsi que la cavalerie. Dresde formait le centre de la position. L'aile gauche avait la route de Pirna en avant de son front, appuyant la droite ? Dresde. Cette aile gauche ?tait compos?e des corps de Vandamme et de Saint-Cyr, et, je crois, du mar?chal Marmont.
L'arm?e ennemie formait la circonvallation parfaite; les Russes ainsi que les Prussiens composaient sa droite, la gauche ?tait presque enti?rement form?e d'Autrichiens.
Bataille de Dresde.--Mort du g?n?ral Moreau.--Retraite des alli?s.--?chec du corps de Vandamme.--Ce g?n?ral est fait prisonnier.--Revers.--L'empereur est forc? de changer ses premi?res combinaisons.--La fortune cesse de nous ?tre favorable.
Le 27 ao?t, l'empereur fit commencer l'attaque par son aile droite, o? j'ai dit qu'?tait plac?e toute sa cavalerie. Il fit d?border l'extr?me gauche des Autrichiens, et en suivant la ligne de circonvallation que formait cette immense arm?e ennemie, il combattit avec des forces sup?rieures chacune de ses parties, sans que les masses ?normes par lesquelles elles auraient pu ?tre secourues, se missent en mouvement. Le bonheur voulut encore que le temps, qui ?tait couvert, amen?t un orage qui versa des torrents de pluies, au point que le feu de la mousqueterie ne prenait pas. On profita de cette circonstance pour faire charger toutes les masses ennemies par notre cavalerie, qui n'?tait presque compos?e que de tr?s jeunes gens. Elle les rompit et fit autant de prisonniers que l'on en avait fait dans nos plus brillantes batailles.
C'est dans cette journ?e que le g?n?ral Moreau, qui suivait l'empereur Alexandre, eut les deux cuisses emport?es d'un coup de canon. On a pr?tendu que cet accident lui ?tait arriv? en portant un ordre de l'empereur de Russie, mais je n'ai pas entendu deux versions semblables ? ce sujet.
Ce n'est pas la mort du g?n?ral Moreau qui mit du d?sordre dans l'arm?e ennemie, elle ne contraria qu'une partie des projets de l'empereur de Russie, qui substitua bient?t une autre id?e ? celle qu'il avait eue en appelant le g?n?ral Moreau pr?s de lui.
Nous avions si bien profit? du moment de l'orage pour nous ?tendre et prendre une position qui non seulement d?bordait la gauche des ennemis, mais qui de plus nous permettait de c?toyer toute leur ligne par derri?re, qu'ils furent oblig?s de changer leur position; c'est alors que le d?sordre se mit parmi leurs innombrables colonnes. Elles prirent le mouvement qu'on leur faisait faire pour un mouvement de retraite qui, du reste, paraissait command? par le revers qu'elles venaient d'essuyer.
Les chemins, naturellement mauvais dans ce pays, ?taient devenus impraticables; la pluie avait surtout g?t? les traverses. Les diff?rentes colonnes ennemies ?taient trop ?loign?es du d?fil? de Peterswald dont nous ?tions ma?tres, et notre cavalerie les suivait de si pr?s qu'elle ne leur laissa pour rentrer en Boh?me que des d?fil?s p?nibles et jusqu'alors peu pratiqu?s. Les alli?s perdirent un mat?riel ?norme en voitures de toute esp?ce, et un personnel consid?rable, puisque nous compt?mes trente-deux ou trente-trois mille prisonniers de guerre. Jusque-l? tout allait ? merveille.
Lorsque l'arm?e ennemie fit son mouvement de retraite, les corps qui composaient sa droite ?taient trop ?loign?s des d?fil?s de la Boh?me pour qu'ils pussent y arriver sans tomber dans les mains de notre cavalerie qui c?toyait d?j? l'arm?e ennemie en la remontant derri?re sa gauche; mais ils ?taient assez pr?s du d?fil? de Pirna pour qu'il ne f?t pas d?raisonnable, de la part du g?n?ral ennemi, de leur ordonner de se retirer par ce point. Il n'y en eut que deux qui purent y arriver: le premier ?tait compos? de Russes sous les ordres du g?n?ral Osterman-Tolstoi, qui tenait l'extr?me droite de l'arm?e ennemie; le deuxi?me ?tait compos? de Prussiens sous les ordres du g?n?ral Kleist, qui ?tait ? la gauche de celui du premier.
L'empereur, en voyant le mouvement r?trograde des arm?es ennemies, avait bien pens? qu'une bonne partie de leurs troupes, c'est-?-dire leur droite, ne pouvait rentrer en Boh?me que par Peterswald. Il avait en cons?quence ordonn? le mouvement suivant. Son extr?me gauche ?tait, comme l'on sait, compos?e du corps de Vandamme. Il avait ? sa droite le mar?chal Saint-Cyr, et celui-ci ? la sienne le mar?chal Marmont, qui s'appuyait sur Dresde. Ces trois corps avaient l'Elbe derri?re, et la route de Pirna ? Dresde devant eux.
L'empereur ordonna ? ces trois corps de marcher par leur gauche et de suivre la route de Pirna. Le g?n?ral Vandamme se trouvait ainsi en t?te; il ?tait suivi par le mar?chal Saint-Cyr, qui lui-m?me l'?tait par le mar?chal Marmont.
La t?te de cette colonne ne put arriver au d?fil? de Peterswald, que lorsque le corps russe du g?n?ral Tolstoi l'eut pass?; mais le g?n?ral Vandamme, ne pouvant se persuader qu'il ne serait pas suivi, ne balan?a pas ? p?n?trer dans le d?fil?, et ? suivre le corps du g?n?ral russe. Malheureusement, en descendant ainsi en Boh?me, il ne fit pas garder le d?fil? de Peterswald, qu'il laissait derri?re lui; ? la v?rit?, il comptait sur la marche du mar?chal Saint-Cyr et du mar?chal Marmont qu'il dit avoir pr?venus du mouvement qu'il faisait en avant. Mais n'importe qui a failli dans cette occasion, le fait est que Vandamme ne fut pas soutenu, et que le d?fil? ?tant ainsi rest? libre, le corps du g?n?ral Kleist qui suivait celui du g?n?ral Osterman, passa, sans se douter de cette circonstance , entre le corps du mar?chal Saint-Cyr et celui du g?n?ral Vandamme, qui se trouvait ainsi en avant de lui. On entendit bient?t le bruit du canon; c'?tait le g?n?ral Vandamme qui ?tait aux prises avec le g?n?ral Osterman, et qui, pendant le plus fort de l'action, vit d?boucher derri?re lui des troupes qu'il prit d'abord pour celles du mar?chal Saint-Cyr, mais par lesquelles il ne tarda pas ? ?tre attaqu?. Ne pouvant s'expliquer comment cela avait pu arriver, il fit ses dispositions pour se d?fendre en avant et en arri?re, ce qui l'affaiblit sur tous les points ? la fois. Le moral de ses jeunes soldats n'?tait pas ? la hauteur d'une position aussi difficile; il les forma vainement en carr?; il fut enfonc?, perdit son artillerie avec sept ou huit mille prisonniers parmi lesquels il ?tait lui-m?me. Le reste s'?parpilla, gagna les bords de l'Elbe ? la faveur des bois, et rejoignit l'arm?e.
On marcha tant que l'on put au bruit du canon du g?n?ral Vandamme; mais on ne put pas arriver avant sa d?faite, et voil? comment le corps prussien du g?n?ral Kleist, qui aurait d? ?tre pris, d?cida la dispersion de celui de Vandamme; chose qui ne serait pas arriv?e, si, au lieu de descendre en Boh?me, ce g?n?ral ?tait rest? au d?fil? de Peterswald, o? il aurait intercept? les Prussiens, ou si, lorsqu'il eut fait son mouvement, le mar?chal Saint-Cyr f?t venu le remplacer.
Lorsqu'on vint annoncer cet ?v?nement ? l'empereur, il ?tait ? Dresde, tourment? par des coliques violentes que lui avait occasionn?es la pluie froide qu'il avait re?ue sur le corps pendant toute la bataille du 27. Il en eut de l'humeur, mais le mal ?tait sans rem?de; il ordonna ? son aide-de-camp, le comte de Lobau, de prendre le commandement des d?bris du corps du g?n?ral Vandamme. On rassembla quinze ? vingt mille hommes; on les r?arma, on les ?quipa, et en tr?s peu, de temps, ce corps se trouva remis, au moral, de la perte qu'il avait ?prouv?e. Elle n'aurait eu qu'un bien faible effet sur le reste de la campagne sans deux ?v?nements qui la suivirent coup sur coup.
La bataille de Dresde avait eu des effets si surprenants, que l'empereur avait song? ? leur donner toute la suite que rendait possible le vaste plan sur lequel les op?rations des alli?s paraissaient bas?es. Les masses ?normes de leurs troupes rentraient en Boh?me par des chemins d?j? difficiles, et g?t?s par le mauvais temps.
Elles ne pouvaient y arriver qu'en d?sordre, et, avant que toute cette multitude e?t ?t? ralli?e et reform?e d'apr?s un nouveau plan, l'initiative des mouvements ne pouvait lui ?tre contest?e.
Avant le malheur arriv? ? Vandamme, il voulait marcher lui-m?me par la route de Pirna avec le corps de ce g?n?ral, ceux de Saint-Cyr et de Marmont, qu'il aurait fait suivre par la garde; de cette mani?re, il serait arriv?, avec la plus grande partie de l'arm?e, sur n'importe quel point de l'int?rieur de la Boh?me, longtemps avant la r?union des colonnes ennemies. De plus, il entrait en communication naturelle avec le corps du mar?chal Macdonald, qui ?tait rest? sur le Bober. Si ce mouvement e?t r?ussi, il aurait ?t? bient?t suivi d'un ?v?nement de guerre qui aurait surpass? tout ce que l'empereur avait fait jusqu'alors, et ses ennemis eussent ?prouv? une d?faite d'autant plus grande, que leur nombre les rendait moins mobiles. Mais le temps qu'il fallut pour r?organiser le corps du g?n?ral Vandamme fit perdre des moments pr?cieux que les ennemis mirent ? profit.
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