Read Ebook: Mémoires du duc de Rovigo pour servir à l'histoire de l'empereur Napoléon Tome 6 by Savary Anne Jean Marie Ren Duc De Rovigo
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Avant le malheur arriv? ? Vandamme, il voulait marcher lui-m?me par la route de Pirna avec le corps de ce g?n?ral, ceux de Saint-Cyr et de Marmont, qu'il aurait fait suivre par la garde; de cette mani?re, il serait arriv?, avec la plus grande partie de l'arm?e, sur n'importe quel point de l'int?rieur de la Boh?me, longtemps avant la r?union des colonnes ennemies. De plus, il entrait en communication naturelle avec le corps du mar?chal Macdonald, qui ?tait rest? sur le Bober. Si ce mouvement e?t r?ussi, il aurait ?t? bient?t suivi d'un ?v?nement de guerre qui aurait surpass? tout ce que l'empereur avait fait jusqu'alors, et ses ennemis eussent ?prouv? une d?faite d'autant plus grande, que leur nombre les rendait moins mobiles. Mais le temps qu'il fallut pour r?organiser le corps du g?n?ral Vandamme fit perdre des moments pr?cieux que les ennemis mirent ? profit.
La fortune avait cess? de nous ?tre favorable. Le mar?chal Macdonald, qui avait re?u ordre de d?boucher du Bober, et de passer cette rivi?re, ?prouva un ?chec encore plus grave que celui de Vandamme; il fut oblig? de se retirer en d?sordre, ayant perdu beaucoup de monde, ainsi qu'un mat?riel d'artillerie ?norme.
Le mar?chal Oudinot avait re?u ordre de se porter sur Berlin, qui ?tait couvert par le corps du g?n?ral Bulow, lequel venait d'?tre rejoint par les Su?dois, command?s par Bernadotte.
Le mar?chal Oudinot avait avec lui les corps du g?n?ral Bertrand et du g?n?ral Reynier, qui commandait les Saxons: il avait encore d'autres troupes; son corps d?passait quatre-vingt mille hommes; il marcha jusque pr?s de Potsdam. Le g?n?ral Reynier faisait t?te de colonne; il rencontra les ennemis, et les attaqua, ? ce que l'on dit, assez pr?cipitamment, afin d'agir hors de l'influence de son g?n?ral en chef, ce qui ?tait devenu un peu trop ordinaire dans l'arm?e. Mais toujours est-il vrai que le mar?chal Oudinot aurait pu et d? arriver plus t?t sur le champ de bataille. C'?tait ? lui ? emp?cher le g?n?ral Reynier de s'engager seul, ou ? le faire soutenir par ses autres corps, une fois qu'il fut engag?. Au lieu de cela, il ne fit rien; Reynier combattit avec ses seuls Saxons contre tout le corps de Bulow. Ses troupes, voyant qu'elles ?taient inhumainement sacrifi?es sans qu'on s'occup?t ? les appuyer, pli?rent bient?t, et prirent la fuite. On essaya de les rallier, on voulut faire donner les troupes du g?n?ral Bertrand; mais le mouvement ?tait imprim?, la confusion fut bient?t extr?me. Le mar?chal Oudinot ?prouva des pertes consid?rables en tout genre, et fit ? la h?te sa retraite sur l'Elbe, dans la direction de Torgau. Il vint jusque sous le canon de cette place.
Ce funeste ?v?nement, arriv? en m?me temps que celui qu'avait ?prouv? le mar?chal Macdonald, d?rangea totalement les projets de l'empereur. Au lieu de chercher ? profiter des succ?s de la journ?e du 27, il fallut songer ? d?fendre la rive droite de l'Elbe.
L'empereur r?para les pertes du mar?chal Oudinot en le faisant joindre par des troupes que lui conduisit le mar?chal Ney, qui ?tait dans les environs de Wittemberg. Ce mar?chal prit le commandement de tout ce corps, nouvellement r?organis?; il reporta en avant son arm?e, qui n'?tait pas encore remise du coup qu'elle avait essuy?: son mouvement co?ncidait avec celui que l'empereur faisait lui-m?me sur le Bober, o? il s'?tait port? avec la meilleure partie de l'arm?e pour r?parer l'?chec qu'y avait re?u le mar?chal Macdonald.
Si ces deux mouvements avaient r?ussi, la cons?quence raisonnable qui aurait pu en r?sulter aurait ?t? d'obliger la majeure partie des forces des alli?s qui ?taient en Boh?me, de repasser en Sil?sie pour venir s'opposer ? l'empereur; mais la fortune en ordonna autrement.
Les choses allaient bien sur le Bober o? l'empereur s'?tait port? de sa personne, lorsqu'un nouveau malheur, arriv? au mar?chal Ney, vint encore lui faire abandonner ses premiers projets.
Le mar?chal, ne consultant que son ardeur, marcha droit devant lui sur une tr?s grande profondeur; il fut attaqu? pendant son mouvement, tant en t?te que par son flanc gauche, sur lequel Bulow donna avec ses Prussiens. Il rompit ainsi la ligne d'op?rations du mar?chal Ney, et y mit un tel d?sordre, que toute cette arm?e revint ? la h?te sur l'Elbe, d'o? elle ?tait ? peine partie; elle ?prouva une perte encore plus grande que la premi?re fois. Cet ?v?nement ramena l'empereur sur Dresde, et l'obligea d'abandonner toute esp?ce de plan d'op?rations sur la rive droite de l'Elbe pour concentrer ses troupes sur la rive gauche. Il avait toujours les places situ?es sur le cours de ce fleuve et esp?rait former quelque combinaison nouvelle pour am?liorer une situation de choses que cette suite d'accidents avait successivement aggrav?e. Il se trouvait dans la m?me position que Fr?d?ric dans sa derni?re campagne; mais il ?tait moins heureux que ce grand roi, en ce que l? o? il n'?tait pas en personne, on n'?prouvait que des revers, tandis que Fr?d?ric avait quelques g?n?raux qui savaient gagner des batailles.
Le moral ?tait rentr? dans l'arm?e ennemie qui s'accroissait de tous les revers partiels de la n?tre. L'empereur n'avait plus de troupes ? appeler ? lui, et celles qu'il avait commen?aient ? souffrir des privations de vivres, qui devenaient plus rares ? mesure que le cercle du terrain qu'elles occupaient se r?tr?cissait.
Marche du mar?chal Augereau.--D?fection de la Bavi?re.--Irruption des alli?s en Saxe.--Mouvement de l'empereur.--Bataille de Leipzig.--D?fection des Saxons.--Passage de l'Elster.--Mort du prince Poniatowski.
Depuis la bataille du 27, l'empereur avait song? ? appeler ? lui le peu de troupes fran?aises qui, sous les ordres du mar?chal Augereau, ?taient r?unies ? l'arm?e bavaroise sur les bords de l'Inn. Ces troupes formaient deux petites divisions. Si les succ?s de la bataille gagn?e ? Dresde le 27 rendaient leur pr?sence inutile sur l'Inn, les revers dont elle fut suivie rendaient imp?rieux l'appel de ces troupes ? l'arm?e; sans ces revers, la r?union des deux divisions du mar?chal Augereau ? la grande arm?e e?t ?t? une impr?voyance, parce qu'indubitablement les ennemis auraient ?t? oblig?s de se renforcer de tout le corps autrichien qui ?tait command? par le g?n?ral Frimont dans les environs de Lintz et de Wels aux fronti?res de la Bavi?re. Alors l'arm?e fran?aise et bavaroise combin?e sur l'Inn, devenait inutile. L'arriv?e de cette petite arm?e fit beaucoup de bien, mais n'?tait pas, ? beaucoup pr?s, proportionn?e au besoin que l'on ?prouvait partout de voir para?tre de quoi ranimer les esp?rances.
Son d?part livra la Bavi?re aux intrigues qui l'agitaient. Le g?n?ral de Wrede se trouva affranchi de toute contrainte, jeta l'effroi partout, et bient?t la nouvelle de nos d?sastres, qui y arriva promptement, d?termina ce pays ? suivre le parti que lui commandait notre mauvaise fortune. Je reviendrai sur ce point tout ? l'heure.
L'empereur ?tait avec toute son arm?e sur la rive gauche de l'Elbe, mena?ant toujours de porter l'offensive sur la rive droite, lorsque toute la grande arm?e ennemie sortit une seconde fois de la Boh?me, o? on avait ?t? oblig? de la laisser se r?organiser, au lieu d'aller la disperser comme cela avait ?t? le premier plan de l'empereur.
Elle entra en Saxe, et vint, par l'int?rieur de ce pays, occuper toutes les communications que l'empereur pouvait avoir avec la Saale et Leipzig; elle s'?tendait beaucoup par sa gauche pour donner la main au corps de Bernadotte, qui, apr?s avoir battu le mar?chal Ney, avait pass? l'Elbe un peu au-dessus de Magdebourg. La grande arm?e ennemie ex?cuta cette marche en ?vitant toute esp?ce d'action entre elle et l'arm?e que commandait l'empereur. Si ce prince ?tait rest? sur les bords de l'Elbe, l'arm?e ennemie e?t effectu? son mouvement sans coup f?rir, et l'e?t infailliblement affam? dans son camp, en le resserrant successivement, et en ?vitant les batailles, ce qu'elle pouvait faire, puisque ses derri?res ?taient libres.
L'empereur, pour d?jouer ce projet, quitta les bords de l'Elbe et vint se placer en avant de Leipzig, ayant l'Elster ? dos, et comme il ne cherchait qu'une bataille g?n?rale, ? la suite de laquelle il voulait reprendre tous les projets qu'il avait apr?s celle de Dresde, il laissa le corps du g?n?ral Saint-Cyr ? Dresde, ainsi que de bonnes garnisons dans Torgau et Wittemberg.
? la guerre, les plus vastes combinaisons sont tax?es d'extravagances, lorsqu'elles ne sont pas couronn?es par le succ?s; il faut r?ussir, c'est l? la condition indispensable. Mais quelle que soit la s?v?rit? du jugement de l'histoire sur les ?v?nements de cette ?poque, il est juste de dire que, si cette c?l?bre bataille de Leipzig avait ?t? gagn?e par l'empereur comme l'avait ?t? celle de Dresde, rien ne s'opposait ? ce qu'il remarch?t vivement sur cette place, ou sur un des autres points qu'il occupait sur l'Elbe, selon la direction que l'arm?e ennemie aurait donn?e ? sa retraite. Plac? par cette manoeuvre sur la corde de l'arc que les ennemis auraient eu ? parcourir pour arriver ? un appui qui ne pouvait se trouver qu'en Boh?me, rien, dis-je, ne s'opposait ? ce que l'empereur y arriv?t avant eux, et ne r?par?t par un coup d'?clat tous les malheurs de cette campagne. Si cela ?tait arriv? ainsi, on aurait manqu? d'expressions pour le louer, et il n'y a nul doute qu'avec l'arm?e d'Austerlitz et l'esp?ce de troupes qu'il eut jusqu'au fatal hiver de 1812, il e?t vu son audacieuse conception couronn?e du succ?s qu'elle m?ritait. Quant ? moi qui l'ai servi dans les glorieuses ann?es de sa carri?re, je ne me permets de bl?mer son entreprise ? Leipzig que parce qu'il jouait sa derni?re ressource; je voyais bien ce qu'il pouvait gagner, mais je ne le trouvais pas proportionn? ? ce qu'il courait le risque de perdre, surtout ayant des troupes m?diocres, et ayant d?j? appris la guerre ? ses ennemis. N?anmoins beaucoup de consid?rations, ?taient en sa faveur.
En se retirant de Dresde ? Leipzig, il avait emmen? avec lui le roi de Saxe et sa famille. Les princes qui composaient la conf?d?ration du Rhin ?taient ?branl?s, mais aucun n'avait encore abandonn? son alliance; il recevait au contraire de leur part des assurances d'un constant attachement dans sa mauvaise comme dans sa bonne fortune. En se retirant de la Saxe, il perdait d'abord l'arm?e de ce pays, et avec elle successivement les contingents de tous les autres, dont les arm?es alli?es se seraient grossies, c'est-?-dire que le r?sultat de sa retraite e?t ?gal? les pertes de la bataille sans en entra?ner aucune pour l'ennemi.
Bien plus, s'il s'?tait retir?, tout ce qu'il avait laiss? sur l'Elbe ?tait perdu. Un malheur de la situation de l'empereur, c'est que, parmi tant de guerriers ?prouv?s sur les champs de bataille dans mille occasions difficiles, pas un ne se f?t ?lev? jusqu'aux hautes conceptions ? l'ex?cution desquelles ils ont si noblement concouru.
Pendant qu'apr?s la perte de la bataille de Leipzig, l'empereur ramenait les d?bris de son arm?e vers le Rhin, il y avait dans Dresde trente mille hommes, dans Torgau et Wittemberg, vingt-cinq mille au moins, dix ? douze mille dans Magdebourg, plus de trente mille dans Hambourg. Tout ce monde devint inutile, on n'en tira aucun parti.
Malgr? toutes les consid?rations qui semblaient porter l'empereur ? risquer encore le sort des armes dans une bataille rang?e, l'on ne peut penser, lorsqu'on l'a connu particuli?rement, qu'il ne l'e?t pas ?vit?e, s'il avait ?t? inform?, comme il devait l'?tre, que tout ce qu'il pouvait craindre, soit apr?s l'avoir perdue, soit en se retirant sans la livrer, ?tait d?j? arriv? d'un c?t?, et se pr?parait de l'autre.
Assur?ment, s'il avait su qu'aussit?t le d?part des divisions du mar?chal Augereau des bords de l'Inn, l'arm?e bavaroise avait ouvert des communications avec l'arm?e autrichienne, et que, par suite des f?cheux effets que nos malheurs avaient produits sur les princes conf?d?r?s d'Allemagne, le gouvernement bavarois, oubliant tout ce qu'il devait ? l'empereur, avait sign? presque aussit?t un trait? d'alliance avec l'Autriche; s'il avait su qu'en cons?quence de ce trait?, les trois divisions bavaroises, qui, quelques jours auparavant, ?taient camp?es ? c?t? de celles du mar?chal Augereau, s'?taient aussit?t mises en mouvement avec l'arm?e autrichienne qui leur ?tait oppos?e, pour venir ? marches forc?es lui couper la retraite par la rive gauche du Mein, qu'elles pass?rent ? Asschaffembourg, il e?t sans doute regard? comme inutile de combattre pour pr?venir ce qui ?tait d?j? effectu?. Il fut on ne peut pas plus mal servi, sous ce rapport, pendant toute la campagne.
Il y avait encore dans l'arm?e m?me une division bavaroise, sur laquelle il n'?tait plus permis de compter.
Mais ce qui ne peut s'expliquer, c'est que ses agents diplomatiques lui aient laiss? ignorer que toutes les cours des princes conf?d?r?s se communiquaient d?j? leurs intentions r?ciproques, en sorte que le parti de chacune d'elles ?tait pris; il ne leur fallait que l'occasion d'?clater sans trop se compromettre.
L'arm?e saxonne, qui ?tait camp?e avec la n?tre, ?tait travaill?e sourdement, et montrait les dispositions les plus hostiles; il n'y avait que les Polonais qui fussent in?branlables. Ils restaient ce qu'ils avaient constamment ?t?, toujours pr?ts ? verser leur sang pour celui auquel ils s'?taient attach?s.
Les fonctionnaires qui, par ?tat, devaient avoir un oeil vigilant sur ces relations, sont bien ? plaindre d'avoir ?t? abus?s, ou bien coupables de n'avoir pas tout brav?, pour d?couvrir ces p?nibles v?rit?s, et n'avoir pas averti du danger que l'on courait. On avait l'habitude de se retrancher derri?re l'empereur, il ?tait le rem?de et la consolation ? tout; personne ne l'aidait, il fallait qu'il pens?t, devin?t et ag?t pour tous.
Il vit cependant, quelques jours avant la bataille, toutes les chances d?favorables qu'il avait ? la livrer. Mais il n'?tait plus possible de l'?viter; d'une part, l'arm?e ennemie s'?tait tellement avanc?e, qu'une marche de retraite e?t ?t? bien difficile, quoiqu'elle n'e?t jamais ?t? comparable ? la d?faite qui suivit la fatale journ?e de Leipzig: on ne d?range pas ais?ment le plan d'op?rations d'une arm?e enti?re, pour la faire agir dans un sens diam?tralement oppos? ? ce que l'on avait projet?: il e?t fallu pouvoir disposer de quelques jours, pour tenter de retirer au moins ce que l'on avait laiss? sur l'Elbe; et d?j? les heures que la fortune se lassait de nous accorder ?taient compt?es. Je n'?tais pas ? l'arm?e, et n'ai su que sommairement les incidents et les r?sultats de la bataille de Leipzig, dont les suites ont ?t? immenses. L'empereur avait pris position en avant de la place, avec le projet de prendre l'offensive dans l'attaque, aussit?t que les arm?es ennemies se seraient assez approch?es pour lui faciliter l'ex?cution de ses vues, qui demandaient une grande rapidit? de mouvements d?cisifs. Mais ind?pendamment de ce que les incidents dont je viens de parler apport?rent une grande diff?rence entre ce qu'il voulait entreprendre et ce qu'il lui fut possible d'ex?cuter, il eut encore le d?savantage d'?tre pr?venu dans l'attaque.
La veille du jour d?cisif, il y eut un combat extr?mement meurtrier qui acheva la destruction du mar?chal Ney. Les troupes y combattirent avec leur valeur accoutum?e, mais elles ?puis?rent cette dose de moral dont les courages les plus h?ro?ques m?me ont toujours besoin. Enfin dans l'?v?nement qui suivit, elles furent mises dans un ?tat de d?composition complet. L'arm?e fit son devoir, mais elle fut ?cras?e par le nombre, et surtout par une quantit? prodigieuse d'artillerie. Cette m?thode avait ?t? introduite dans les arm?es depuis la guerre de 1809, o? l'esp?ce m?diocre des troupes que nous avions avait oblig? d'y suppl?er par le nombre des pi?ces de canon. L'artillerie fut augment?e au point que, sur le champ de bataille de Wagram, nous e?mes jusqu'? sept cent cinquante-six bouches ? feu, y comprenant les pi?ces de position qui avaient prot?g? le passage du Danube .
Les ennemis, qui, depuis plusieurs ann?es, imitaient l'empereur en tout, avaient aussi accru leurs forces dans cette arme; comme lui, ils avaient pris l'habitude de r?organiser l'artillerie ?trang?re, et de la faire servir sur le champ de bataille, en sorte que celle que les trois puissances d?ploy?rent ? Leipzig surpasse l'imagination.
Le grand usage de cette arme terrible rend en g?n?ral les batailles peu d?cisives; mais lorsqu'elle est appuy?e par une forte cavalerie, comme l'?tait celle que les puissances alli?es d?ploy?rent, elle devient un moyen de victoire assur?, surtout lorsqu'il est question de combattre en force double une arm?e qui a une rivi?re ? dos, comme l'avait l'ann?e fran?aise ? Leipzig.
Dans l'affaire qui avait eu lieu la veille ou l'avant-veille, on avait fait prisonnier le g?n?ral autrichien Meerfeldt; l'empereur le re?ut au bivouac, eut avec lui un long entretien, et le renvoya avec des propositions pacifiques. Il ?tait trop tard, les ennemis avaient la conscience de leurs forces; ils voyaient que la fortune nous avait tout-?-fait abandonn?s. Ils ne pouvaient plus craindre un revers, particuli?rement les Russes, dans les bras desquels toutes les puissances d'Allemagne s'?taient jet?es; une victoire leur livrait le monde, tandis qu'une bataille perdue n'entra?nait que des r?sultats m?diocres, attendu la disproportion du nombre qu'il y avait entre eux et nous.
Il n'y a nul doute que si l'empereur avait eu avec lui les corps qu'il avait laiss?s sur l'Elbe, il aurait abandonn? l'Allemagne. Il a fallu qu'une suite d'incidents f?cheux le missent dans la n?cessit? de jouer le tout pour le tout, ce qu'il n'a jamais fait depuis les belles ?poques de sa gloire.
Les ennemis attaqu?rent l'arm?e en avant de Leipzig, je crois, le 18 octobre; le feu fut meurtrier. On fit de part et d'autre des prodiges de valeur. Ils devaient surprendre davantage de la part des troupes fran?aises, dont les plus vieux corps ?taient les cohortes de gardes nationaux, qui avaient ?t? mobilis?es et mises en campagne depuis le mois de mars. La cavalerie n'?tait non plus compos?e que de recrues; les hommes et les chevaux ?taient aussi neufs les uns que les autres; il n'y avait que l'artillerie qui f?t en bon ?tat. Quel que f?t n?anmoins l'appui qu'elle tirait de cette arme, l'arm?e n'e?t pas r?sist? quelques heures ? une attaque aussi vigoureuse sans la pr?sence de l'empereur, qui se reproduisait partout.
Les ennemis ?taient si nombreux, qu'ils apercevaient ? peine les pertes qu'ils essuyaient. Leurs masses nous pressaient dans tous les sens; la victoire ne pouvait leur ?chapper. Elle aurait cependant ?t? plus ind?cise sans la d?fection des Saxons. Au milieu de la bataille, ces troupes s'?branl?rent, march?rent ? l'ennemi, comme si elles eussent voulu l'attaquer, et, faisant tout ? coup volte-face, elles ouvrirent un feu violent d'artillerie et de mousqueterie sur les colonnes ? c?t? desquelles elles combattaient quelques instants auparavant. Je ne sais ? quelle page de l'histoire il faudrait remonter pour trouver un semblable trait. Cet ?v?nement apporta tout ? coup une grande diff?rence dans nos affaires, qui d?j? allaient mal. C'est ici le moment de rappeler qu'avant la bataille, l'empereur avait renvoy? la division bavaroise qui ?tait avec lui; il parla aux officiers en des termes qui sortiront difficilement de leur m?moire. Il leur dit que <
Le passage des Saxons dans l'arm?e ennemie obligea l'empereur ? des mouvements qu'il n'aurait pas faits, surtout au milieu d'une action aussi chaude. Ces mouvements jet?rent le d?sordre parmi les troupes, dans un moment o? on ne pouvait d?sirer trop de calme et de ce silence froid qui peut rem?dier ? tout quand une bataille se d?cide. Il fallut bient?t songer ? la retraite, qui s'ex?cutait d?j? par suite de l'?puisement des forces physiques et morales des troupes, qui combattaient depuis le matin avec un d?savantage marqu?.
Les ennemis s'en aper?urent bient?t. Leurs attaques n'en devinrent que plus vives; il n'y avait plus que par le pont de Leipzig que la retraite pouvait s'effectuer, et l'on ne con?oit pas que l'?tat-major de l'arm?e e?t n?glig? de faire construire plusieurs ponts: la chose aurait ?t? d'autant plus facile, qu'une ville comme Leipzig offrait plus de mat?riaux et d'ouvriers qu'il n'en fallait, si ceux de l'arm?e n'avaient pas ?t? suffisants.
Le prince de Neufch?tel dit avoir donn? des ordres; l'artillerie et le g?nie soutiennent n'en avoir pas re?u. Oubli ou n?gligence, les cons?quences n'en furent pas moins d?sastreuses.
Presque toute la gauche et une partie du centre ?taient d?j? retir?es, et avaient repass? l'Elster, lorsque l'empereur le repassa lui-m?me. Il recommanda ? l'officier d'artillerie qui ?tait de garde au pont, o? l'on avait pr?par? des artifices pour le d?truire, de ne pas s'absenter, et de ne mettre le feu que lorsque les derni?res troupes seraient en s?ret?.
Les corps s'?coul?rent d'abord sans incident f?cheux; mais le d?sordre ?tait tel que personne ne pouvait dire si sa colonne ?tait ou n'?tait pas la derni?re. Les tirailleurs ennemis avan?aient; on se pressait sur le pont, la confusion ?tait au comble.
L'officier, ne sachant pas quel ?tait l'?tat des choses sur la rive ennemie, court ? un officier-g?n?ral pour s'en assurer. La foule le porte au loin, il ne peut revenir sur ses pas; ses artilleurs, qui voient d?boucher des Allemands, des cosaques, mettent le feu aux artifices; le pont s'?croule, et le corps de droite, qui contenait les masses ennemies, est coup?.
Le bruit de ce malheureux ?v?nement lui arriva bient?t. Il se mit ? son tour en d?sordre, et vint chercher un passage ? travers champs et marais. Ce fut l? le comble du d?sastre: les troupes furent prises en entier, et avec elles les g?n?raux Lauriston et Reynier. Le prince Joseph Poniatowski, qui venait d'?tre fait mar?chal de France, gagnait en ce moment les bords de l'Elster; il ?tait bless?, mais ne consultant que son courage, il se jeta ? cheval dans la rivi?re, o? il p?rit malheureusement. On n'?tait pas plus brave que ce prince; imp?tueux, magnanime, plein d'am?nit?, il fut aussi regrett? du parti qu'il servait qu'estim? de celui qu'il avait combattu.
Ainsi finit cette fatale journ?e de Leipzig, qui fit perdre ? la France une belle et nombreuse arm?e et tous ses alli?s.
Position du roi de Saxe.--Part que Bernadotte prend ? la d?fection des Saxons.--?tat de l'opinion.--Mesures diverses.--Murat, ses intrigues et son d?part.--Le g?n?ral de Wrede.--Bataille de Hanau.--Irruption des cosaques ? Cassel.--Arriv?e de nos troupes ? Mayence.--D?plorable ?tat des choses et de l'opinion.
Le roi de Saxe ?tait rest? dans Leipzig; l'empereur alla lui dire adieu, et lui t?moigna de sinc?res regrets de ce qu'il l'enveloppait dans sa mauvaise fortune. La position de ce prince ?tait d'autant plus mauvaise, qu'il se trouvait expos? ? tous les ressentiments des puissances qui avaient tenu une conduite moins estimable que la sienne. Son arm?e passa de nos rangs dans ceux des ennemis, mais ce ne fut ni par son ordre ni avec sa participation. On se servit cependant de son nom pour la s?duire; on lui dit que le roi ?tait entr? dans l'alliance contre la France, et on l'enleva. Il n'y avait sorte de petits moyens de cette esp?ce que la Russie ne m?t en jeu pour d?truire l'influence de la France sur les arm?es des princes d'Allemagne. Mais celui de tous les coalis?s qui abusa le plus de ces indignes moyens, fut Bernadotte. Il avait command? les Saxons pendant qu'il combattait dans nos rangs, il se servit des relations que cette circonstance lui avait donn?es parmi eux pour les ?garer; correspondances, proclamations, s?ductions de toute esp?ce, rien ne fut ?pargn?.
Apr?s l'affaire de Leipzig, qui fut une v?ritable destruction, il ne restait pas d'autre parti ? prendre ? l'empereur que de regagner les bords du Rhin. L'arm?e prit la route d'Erfurth, Gotha, Fulde et Hanau; mais les subsistances manquaient partout. Cette f?cheuse circonstance acheva de mettre le d?sordre dans les troupes; je ne sais comment cela arriva, mais tous les frais qui avaient ?t? faits pour remonter les ?quipages des vivres furent en pure perte. L'arm?e, ne trouvant pas de quoi vivre dans les villages situ?s sur la route qu'elle suivait, se r?pandit dans les terres, o? elle croyait trouver de quoi satisfaire ses besoins. Il r?sulta de l? qu'elle ne pr?sentait plus d'organisation; c'?tait une multitude harcel?e par les troupes l?g?res ennemies, et qui se rapprochait presque par instinct de la fronti?re.
En passant ? Erfurth, l'empereur laissa une garnison dans la place, afin de retarder la poursuite des ennemis, en les obligeant ? aller prendre un d?tour pour venir rejoindre la route de Hanau, o? se dirigeait notre arm?e.
L'on sut bient?t ? Paris la nouvelle de l'?tat d?plorable dans lequel ?taient nos affaires: ce fut pour l'opinion publique un coup de massue qui acheva de d?truire ses esp?rances de repos et de bonheur. On avait su la d?fection de la Bavi?re avant m?me que l'empereur en f?t inform?, et, qui plus est, on avait appris la marche de l'arm?e combin?e de Bavarois et d'Autrichiens sous les ordres du g?n?ral bavarois de Wrede, que l'empereur avait tant affectionn? dans les campagnes pr?c?dentes. Il arriva ? marches forc?es ? Hanau avant nos colonnes, et se pr?parait ? donner le coup de gr?ce ? l'arm?e fran?aise, qui avait si g?n?reusement combattu pour l'ind?pendance de son pays, et qui en m?me temps avait fond? sa gloire et sa fortune particuli?re. Quand on est ingrat, on ne l'est jamais ? demi. Il ne lui suffisait pas d'avoir soulev? son pays contre la France, il voulait donner le coup de mort ? nos d?bris. Les Bavarois devinrent en un jour nos ennemis les plus implacables. Au lieu de combattre pour leur ind?pendance, ils oubli?rent que, si l'empereur e?t voulu les sacrifier ? l'Autriche, il aurait ?teint tous les ressentiments de cette puissance, et aurait, une bonne fois pour toutes, termin? avec elle.
Cette bataille de Leipzig augmentait prodigieusement la puissance morale des alli?s; leurs forces physiques se grossirent encore des arm?es bavaroise, wurtembergeoise, enfin de tous les princes conf?d?r?s du Rhin.
Le ministre de la guerre servait encore l'empereur avec beaucoup de z?le; il jugea le danger que courait l'arm?e, et fit fort sagement marcher sur Francfort tout ce qu'il put rassembler de troupes ? Mayence: en m?me temps, il proposa ? l'imp?ratrice, qui pr?sidait le conseil des ministres, de lever et d'organiser promptement la garde nationale de la Lorraine, de l'Alsace, des bords du Rhin et de la Franche-Comt?. Cette proposition fut adopt?e, mais elle pr?sentait mille difficult?s dans son ex?cution, en ce que les arsenaux ?taient d?pourvus d'armes, qui avaient ?t? envoy?es en Pologne, avant le d?sastreux hiver de 1812, o? elles tomb?rent au pouvoir des ennemis.
On s'aper?ut des embarras qu'on allait avoir pour subvenir aux besoins de l'arm?e. La position qu'avaient prise les Bavarois interceptait les communications de l'empereur avec la France, en sorte que l'on ?tait livr? aux conjectures; et lorsqu'une fois l'on pense en noir, l'imagination ne trouve plus de bornes qui l'arr?tent. La consternation ?tait partout, on ne pr?voyait plus que des malheurs, qui ne tard?rent pas ? arriver.
C'est ici le moment de parler d'une anecdote qui m?rite une place dans l'histoire.
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