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Read Ebook: Souvenirs d'un sexagénaire Tome I by Arnault A V Antoine Vincent

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Ebook has 187 lines and 29916 words, and 4 pages

Puisque je suis sur l'article Vig?e, encore une petite anecdote o? il figure aussi plaisamment au moins que dans celle qu'on vient de lire, et apr?s je n'en parlerai plus que s?rieusement, si j'ai encore occasion d'en parler.

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<> dit mon jardinier, qui derechef nettoya la place. Il avait devin?. ? dater de ce jour, la plaisanterie se renouvelait d?s que j'avais les talons tourn?s. L'on ne pouvait ni entrer, ni sortir, sans regarder ? ses pieds. On prendrait de l'humeur ? moins. <>

<>

Regnauld, ? qui je racontai le fait, non pas sans rire, se chargea, non pas sans rire, d'en parler ? Courtin, alors procureur-g?n?ral. Ce magistrat convint avec nous, non pas sans rire aussi, qu'une pareille cause rentrait dans la cat?gorie des causes grasses, et que, comme le carnaval ?tait pass?, il fallait en ajourner l'instruction et en remettre le jugement au prochain Mardi-gras, si la partie ne se d?sistait pas.

Florian, qu'il rencontrait dans une autre maison que celle dont il est ici question, lui joua quelquefois ce tour, sans trop s'en douter.

Puisque j'ai nomm? Florian, qu'on me permette de lui consacrer un petit article; cela ne nous ?loignera pas pour long-temps de Mlle Cont?t, chez laquelle je me suis toujours empress? de revenir.

J'ai dit qu'il excellait ? railler, j'ajouterai qu'il excellait aussi ? contrefaire: ces deux facult?s se tiennent. Cette derni?re tendance explique le go?t ou plut?t la passion qui le portait ? jouer la com?die, et surtout le personnage d'Arlequin, qui n'est au fait qu'une caricature, et qu'il jouait ? merveille: cette passion ?tait une esp?ce de folie. Les succ?s qu'il avait obtenus pr?tant un attrait de plus ? celui qu'avait d?j? pour lui ce dangereux amusement, il pensa un moment ? en faire son unique occupation, et voulait, en se faisant passer pour mort, se procurer la libert? d'exercer sous le masque une profession que les convenances sociales et les pr?jug?s de sa famille ne lui permettaient pas d'exercer ? visage d?couvert. Son fol amour pour Mme Gonthier, actrice qui jouait dans ses arlequinades, et ? laquelle il aurait pu dire ainsi en public ce qu'il se d?pitait de lui faire dire par un autre, le fortifiait dans ce projet. Je ne sais qui l'emp?cha de le mettre ? ex?cution; quelque infid?lit? de sa Colombine, peut-?tre: ? quelque chose malheur est bon.

L'?me de Florian n'?tait pas des plus fortes. Incarc?r?, sous le r?gime de la terreur, malgr? les pr?cautions qu'il avait prises pour se mettre ? l'abri de toute pers?cution, il passa dans des transes continuelles le temps de sa longue d?tention, moins courageux que quantit? de femmes, ou pas plus h?ro?que que M. de Larive, son camarade de prison, qui s'y montrait brave moins comme C?sar que comme Arlequin.

Elle avait une facilit? singuli?re pour saisir les ridicules et pour en donner: aussi ?tait-il dangereux de l'avoir pour ennemie; mais, en revanche, il ?tait heureux de l'avoir pour amie. Il n'y avait pas de sacrifices dont elle ne f?t capable en amiti?; j'en parle par exp?rience, et je le prouverai en son lieu.

D?passant, ou plut?t rompant la digue que l'Assembl?e constituante avait cru lui opposer, la r?volution cependant continuait sa marche; en vain une opposition g?n?reuse, dans laquelle se signalait le courageux et spirituel Stanislas Girardin, s'obstinait-elle ? retenir la France dans les limites de la monarchie; ob?issant au mouvement qu'une faction violente lui imprimait, elle se pr?cipitait dans l'ab?me de la r?publique.

Femme singuli?re que celle-l?, pour ne pas dire monstrueuse! Comment aurait-elle exprim? des sentimens qu'elle ne connut jamais! C'?taient d'?tranges passions que les siennes! On a parl? de ses amours: ils ont travers? ceux de plus d'un pauvre gar?on, bien qu'elle ne les disput?t pas ? leurs ma?tresses. La pr?sence des jeunes gens dans les coulisses, les soins qu'ils rendaient aux jolies femmes dont la sc?ne fran?aise ?tait orn?e alors, lui d?plaisaient sensiblement, sans cependant qu'elle r?clam?t ces soins pour elle. S'arrogeant le pouvoir du censeur, ne voulut-elle pas un jour, dans l'int?r?t de l'art et des moeurs, disait-elle, interdire l'entr?e des coulisses ? tous les auteurs, except? celui dont la pi?ce se jouait! C'est ce que me signifia un gar?on de th??tre, en me barrant le passage. <> et je passai.

Mlle Raucourt, illustr?e par quarante ans de d?vergondage, fut pourtant, lors de la premi?re restauration, l'objet des faveurs d'une cour qui ne parlait que de r?g?n?rer les moeurs! <> disais-je ? un dispensateur des faveurs royales, homme aussi d?vot que moral.--Sans principes, c'est possible; mais elle a de si bonnes opinions!>>

Mlle Raucourt except?e, les principaux acteurs s'acquitt?rent de leurs r?les de la mani?re la plus satisfaisante, Saint-Prix surtout: c'est lui qui ?tait charg? du r?le de Brutus; il s'y montra acteur consomm?.

Ajoutons toutefois que Fleury, qui, par complaisance, avait accept? un r?le dans cette trag?die, y fut mauvais; mais personne ne le lui reprocha: il avait promis d'y ?tre mauvais, il a tenu parole.

Journ?e du 20 juin.--D'Espr?mesnil assassin?.--Il est sauv? par l'acteur Micalef.--Mot de d'Espr?mesnil ? P?tion.--Je suis conduit avec lui ? l'Abbaye.--F?te de la pairie en danger.

Les ignobles attentats qui signal?rent l'agression du 20 juin sont trop connus pour que je les retrace ici; je n'en pourrais parler d'ailleurs que sur la foi d'autrui. J'ai bien vu d?filer, en longue et ?paisse colonne, les hordes d?guenill?es qui envahirent les Tuileries, mais je n'ai pas eu la tentation de les suivre; l'horreur ?touffait en moi la curiosit?. Qu'aurai-je ?t? chercher l?? un spectacle qui e?t accru ma st?rile indignation? Quand je vis l'audace des ennemis du tr?ne et la pusillanimit? de ses amis, je tins la royaut? pour d?truite; elle le fut en effet d?s le jour o? on viola impun?ment son sanctuaire. Ce jour-l?, les grenouilles saut?rent ? loisir sur le soliveau; ce jour-l?, les grenouilles devinrent des hydres.

Les amis de l'ordre, et parmi eux se trouvait un grand nombre de r?volutionnaires d?sabus?s, protest?rent le lendemain contre ces attentats. Ils demand?rent, par une p?tition rev?tue de vingt mille signatures, qu'il f?t inform? contre ses auteurs; mais cette d?marche, ? laquelle je m'associai huit ou dix fois, car j'ai bien mis mon nom chez dix notaires diff?rens, cette d?marche n'eut d'autre effet que de les compromettre par la suite.

En vain le g?n?ral Lafayette vient-il appuyer, au nom de l'arm?e, la r?clamation des honn?tes gens, on ne lui r?pond que par des cris de proscription. Entretenue par les d?clamations des journaux, la fermentation n'en devint que plus violente, et elle s'accrut encore par l'arriv?e des d?putations que les d?partemens envoyaient ? la f?d?ration provoqu?e par la d?claration de guerre que la Prusse et l'Autriche venaient de faire ? la France. Ces d?putations, tir?es de la classe la plus infime de la population d?partementale, donnaient pour alli?e ? la canaille de Paris toute la canaille de la France.

Depuis l'arriv?e des f?d?r?s, peu de jours se passaient sans d?sordres. En sortant des orgies qu'on leur pr?parait dans tous les cabarets de Paris, les brigands qui, sous le nom de Marseillais, avaient asservi la capitale, demandaient hautement l'abolition de la royaut?. Malheur ? tout homme d'opinion contraire qui se trouvait sur leur passage; assailli par ces mis?rables, d?s qu'il leur ?tait d?sign?, il courait risque d'expirer sous leurs sabres, si la garde nationale ne se faisait pas sabrer pour le secourir.

Le 17 juillet, comme il traversait la terrasse des Tuileries, d'Espr?mesnil est reconnu par ces forcen?s; des injures qu'ils lui prodiguent, ils en viennent bient?t aux voies de fait. La foule qui se presse autour de lui l'entra?ne par les cheveux jusqu'au Palais-Royal. L?, vingt glaives se croisent sur sa t?te; vingt assassins se disputaient le plaisir de le frapper: cet empressement le sauva, les uns, parant les coups que portaient les autres. Quoique atteint de plusieurs blessures graves, il attendait encore le coup mortel, quand une patrouille de garde nationale, command?e par Micalef, acteur de l'Op?ra-Comique, accourt, le d?livre non sans partager ses p?rils, et le porte au corps-de-garde le plus proche, celui de la Tr?sorerie.

J'?tais pour lors au Th??tre-Fran?ais, ignorant ce qui se passait, et attendant que l'on commen??t le spectacle. Comme je jasais avec Mlle Devienne, dans le cabinet de laquelle je me trouvais, et qui s'appr?tait pour la repr?sentation, arrive Belmont, cet acteur qui jouait les paysans avec tant de naturel; sa figure ?tait toute renvers?e. <> et il me raconte la chose dans toute son horreur, malgr? tout ce que fait pour l'en emp?cher la jolie soubrette qui en ?tait d?j? instruite, et qui, connaissant mon attachement pour d'Espr?mesnil, m'avait gard? le secret, et m'amusait de peur que je ne vinsse ? le d?couvrir. M'?chapper de ce cabinet, malgr? les supplications de cette aimable femme et les efforts que Belmont fait pour me retenir, traverser les vestibules malgr? l'opposition des agens du th??tre ? qui, par int?r?t pour moi, on avait recommand? de ne me pas laisser sortir, tout cela fut l'affaire d'un moment; les ?cartant des mains et des coudes, je m'?lance dans la rue, et me voil?, sans chapeau, franchissant, au pas de course, l'intervalle du th??tre ? la Tr?sorerie.

Ce poste ?tait facile ? d?fendre; une haie de militaires en fermait tous les abords. Elle s'ouvrit, non sans difficult?, ? ma pri?re, qui m'attira plus d'un sarcasme, et je rejoignis enfin le malheureux d'Espr?mesnil, qui, contre toute probabilit?, respirait encore. Mais dans quel ?tat, grand Dieu! couvert de boue et de sang, de contusions et de plaies, et n'ayant pour v?tement que la houppelande du portier, sur le lit duquel il ?tait ?tendu.

Saisi d'un spasme des plus violens, ? ce propos o? il voyait peut-?tre une pr?diction, ? ce spectacle o? le pr?sent lui montrait l'avenir, P?tion se retira apr?s avoir donn? ordre de transf?rer son ancien coll?gue ? l'Abbaye Saint-Germain, non pour l'y constituer prisonnier, mais pour tromper la fureur du peuple, et pour mettre ce proscrit sous la protection des soldats qui gardaient cette prison. Il n'y avait, au fait, pas d'autre moyen de le sauver pour le moment que de laisser croire aux assassins que la victime qu'on leur d?robait ?tait r?serv?e pour le bourreau.

Les consolations que je m'?tais empress? de lui apporter ne furent pas les seules que d'Espr?mesnil re?ut en cette circonstance. En fait de piti? et de courage, il est rare que les hommes les plus actifs ne soient pas rivalis?s par des femmes. ? peine ?tais-je arriv?, qu'une de ses ni?ces, Mme Buffaut, qui depuis est devenue ma soeur, vint me rejoindre au chevet de son grabat. Quand la translation e?t ?t? d?cid?e, elle le remit entre mes mains, et ne nous quitta qu'apr?s nous avoir vus monter dans le fiacre o?, nous traitant en criminels pour prot?ger notre innocence, on nous menait en prison pour assurer notre libert?. Une garde nombreuse devan?ait, suivait, entourait notre voiture, devant et derri?re laquelle roulaient plusieurs pi?ces de canon; mais ces colonnes, qui emp?chaient la populace d'approcher, n'emp?chaient pas les vocif?rations d'arriver ? nos oreilles ? travers le bruit dont le pav? retentissait sous les roues de l'artillerie. Applaudissant aux pr?cautions prises contre elle, parce qu'elle les croyait prises contre nous, cette populace nous accablait d'injures; traitant le malheur comme le crime, elle faisait surtout des voeux pour que notre s?jour en prison ne f?t pas long, et ce n'?tait pas par piti?. D'Espr?mesnil souriait ? ces expressions d'une rage impuissante; quant ? moi, rassur? sur son danger, je riais de l'erreur stupide dont se repaissaient ces cannibales.

D'Espr?mesnil, que ce transport avait extr?mement fatigu?, se coucha. Comme il n'y avait l? personne pour le soigner, je me chargeai de le veiller. La fi?vre ne s'?tait pas encore d?clar?e; mais l'agitation, que tant d'?motions violentes avaient provoqu?e et entretenue, ne lui permettait pas de fermer l'oeil. Je ne dormais pas non plus. Pendant la dur?e de cette longue et douloureuse insomnie, que de confidences je re?us de lui! Ses regrets sur le pass?, ses inqui?tudes pour l'avenir, il m'avouait tout. Comme il g?missait de la d?plorable situation o? se trouvait la France! Et cette situation avait ?t? provoqu?e par les interminables querelles du parlement et du roi! et personne plus que lui n'avait anim? le parlement dans sa r?sistance! Voulant raffermir l'?tat, il avait ?branl? la monarchie! voulant tirer la France d'une fondri?re, il l'avait entra?n?e dans un ab?me! Qu'?tait-ce donc que la sagesse humaine? comment r?parer tant de maux? Mille projets se croisaient dans sa t?te. Son id?e dominante ?tait d'?crire au roi; je devais remettre cette lettre. R?ves d'un malade, ils s'?vanouirent avec la nuit. D'Espr?mesnil ne m'en reparla pas depuis.

Le lendemain, d?s le matin, Mme d'Espr?mesnil vint me remplacer. Son chirurgien, qu'elle avait amen?, leva le premier appareil. C'est alors seulement qu'on put juger du nombre et de la gravit? des blessures. Une seule lui parut dangereuse: c'?tait un coup de sabre qui avait entam? profond?ment le sommet de la t?te. La fi?vre commen?ant ? se d?velopper, et le docteur ayant d?clar? qu'il y avait p?ril ? d?placer le malade, il fut convenu qu'il resterait ? l'Abbaye jusqu'? nouvel ordre; et, comme on ne voulait pas se confier ? des ?trangers, que chaque soir un de ses amis viendrait relever les dames qui passeraient le jour aupr?s de lui, les dames s'?tant r?serv? le droit de le garder depuis le lever jusqu'au coucher du soleil.

Je passai plusieurs nuits ? son chevet, et il y avait m?rite ? moi, car personne n'?tait plus dormeur que moi, et puis plus de distractions, plus de conversations, plus de confidences. Accabl? par la fi?vre, d'Espr?mesnil ?tait tomb? dans un ?tat de somnolence qui dura plusieurs jours, pendant lesquels il ne donnait preuve de vie que par les g?missemens inarticul?s que lui arrachait la douleur.

Au bout de douze ou quinze jours, ces sympt?mes alarmans disparurent. On s'occupait de lui chercher un asile hors de chez lui, car le porter chez lui, c'e?t ?t? le rendre aux assassins, quand, sur un propos de la Vaquerie, concierge de l'Abbaye, Mme d'Espr?mesnil craignit que la sortie de son mari n'?prouv?t des difficult?s, et que la chambre qui lui avait jusqu'alors servi d'h?pital ne f?t une prison. Le bruit courait que des ordres avaient ?t? donn?s ? cet effet, depuis qu'il avait ?t? mis sous la protection des ge?liers. Comme on disait que c'?tait ? la r?quisition du maire de Paris, elle me pria de m'en assurer. Je pris la voie la plus courte: je m'adressai au maire de Paris lui-m?me, ? M. P?tion. C'est la seule fois que je me trouvai en rapport avec ce magistrat, si on peut donner ce nom ? l'homme qui, charg? de maintenir l'ordre dans Paris, y entretenait le trouble, y organisait le d?sordre. Je fus introduit sans difficult? dans son salon, o? je n'attendis pas long-temps. Il vint m'y trouver, non pas en simarre, comme le pr?v?t des marchands, mais en robe de chambre de molleton, comme Mlle Raucourt. Apr?s lui avoir dit ce qui m'amenait, j'ajoutai, non sans quelque chaleur, que d'Espr?mesnil ne pouvait ?tre retenu qu'ill?galement ? l'Abbaye, qui lui avait ?t? ouverte comme refuge: <>

Sur cette r?ponse, on se h?ta de tirer d'Espr?mesnil de dessous les verrous, qui, d'un moment ? l'autre, pouvaient devenir moins complaisans, et on le transporta pr?s des Invalides, ? l'h?tel Besenval, que le vicomte de S?gur avait mis ? sa disposition: install? l? sous un nom ?tranger, il y fut soign? exclusivement par sa famille et par ses gens jusqu'? son entier r?tablissement. C'?tait au commencement du mois d'ao?t.

La promulgation de ce d?cret se fit, avec la plus imposante solennit?, le 11 juillet. D'heure en heure le canon tira pendant toute la journ?e. Accompagn?s d'un cort?ge nombreux, des officiers municipaux parcouraient les rues au bruit d'une musique militaire, qui de temps en temps se taisait pour laisser entendre la proclamation par laquelle ils appelaient les citoyens ? la d?fense des fronti?res.

Dans toutes les places publiques, sur des ?chafauds dress?s ? cet effet, ?taient ?tablies des tentes orn?es de drapeaux, o? des v?t?rans inscrivaient les noms des citoyens qui s'enr?laient au service de l'?tat. Cet appareil produisit un enthousiasme prodigieux: avec les bataillons qu'il cr?a, sortirent de la capitale la plupart de ces hommes qui, ? peine r?put?s alors pour soldats, devaient quelques mois apr?s prendre place parmi les g?n?raux et vaincre leurs anciens.

Je suis employ? ? la fabrication des assignats.--Journ?e du 10 ao?t.--Aventures particuli?res.--Massacres de septembre.--Anecdotes.--Je fuis de Paris.

Je me retournai d'un autre c?t?. On organisait alors des bureaux pour la confection des assignats. M. Delaitre, nagu?re intendant de la liste civile, ?tait un des chefs pr?pos?s ? cette fabrication, qui exigeait un nombre consid?rable d'employ?s. Il m'y fit donner une place peu importante, mais qui me convenait fort, en ce qu'elle ne me prenait pas plus de trois heures par jour, et que j'avais la facult? de m'y faire remplacer quand je le jugeais ? propos, ce qui s'accordait ? merveille avec mes habitudes peu s?dentaires.

? parler franchement, je partageais assez l'opinion des gens qui des ?v?nemens de la guerre attendaient le r?tablissement de l'ordre. Sans croire qu'? l'entr?e des princes fran?ais sur notre territoire la population enti?re se mettrait ? genoux, il me semblait impossible qu'elle les arr?t?t long-temps, et que la lib?ration du roi ne f?t pas la cons?quence de leurs infaillibles succ?s.

Les r?ponses que ces bonnes gens firent ? mes questions me confirm?rent dans cette id?e, quoiqu'ils ne me donnassent aucun d?tail. Ils savaient bien qu'on se battait, qu'on s'?gorgeait au ch?teau, mais ils n'en savaient pas davantage, les barri?res ?tant ferm?es depuis le matin. <> Le cocher fut de cet avis.

Comme on m'avait pr?venu qu'un poste de garde nationale gardait la barri?re des Champs-?lys?es, et qu'on nous questionnerait: <>

Nous arrivons ? la barri?re. <> Un caporal et quatre hommes viennent me demander mon passeport; heureusement avais-je song? ? prendre celui que j'avais obtenu, comme patriote, sur le t?moignage de mon boulanger et de mon apothicaire, ? ma section: je l'exhibe. On me demande ? qui la voiture: <> r?pondis-je, conform?ment ? la convention. Je me croyais tir? d'affaire, quand le caporal, qui en me quittant ?tait all? interroger le cocher, revient et me dit: <> r?partis-je, en affectant une s?curit? que je n'avais pas.

Le peuple de tout temps fut l'appui du grand homme.

L'auteur d'un pareil vers peut-il ?tre un aristocrate?--C'est vrai, disent ceux des gardes nationaux qui ?taient habill?s, car tous ne l'?taient pas.--Je vous r?ponds de lui,>> ajouta le commandant. Puis, me conduisant dehors: <> et m'embrassant de nouveau, il ordonna au factionnaire de laisser sortir cet excellent citoyen.

Ces conseils ?taient bons; aussi me venaient-ils d'un bon ami, de Theurel, qui, commandant du bataillon de la Halle au Bl?, par un hasard des plus heureux pour moi, ?tait venu occuper le poste o? je le trouvai. Je lui dus la vie, soit parce que, envoy? en prison, il m'e?t ?t? difficile d'y arriver sain et sauf ? travers une populace ivre de sang et non rassasi?e; soit parce que, si j'avais pu y arriver, j'y serais probablement rest? jusqu'au 2 septembre; et l'on sait quel fut, dans cette effroyable journ?e, le sort des prisonniers.

Docile ? ces conseils, je payai le cocher, en lui disant de se tirer d'affaire comme il pourrait, et de faire ? sa t?te, puisqu'il n'avait pas voulu faire ? la mienne; puis, au lieu d'entrer ? Paris, je me jetai dans la grand'rue de Chaillot, o? demeurait Mlle Contat, ? qui j'allai demander des nouvelles.

<> Ses questions se succ?daient avec une inconcevable rapidit?. <> Par un r?cit des plus anim?s, elle m'apprit bient?t ce qui s'?tait pass?, non seulement dans la matin?e, mais pendant l'affreuse nuit qui avait pr?c?d? ce jour plus affreux. <>

Je voulais passer outre; elle s'y opposa: <> Je restai chez elle jusqu'? cinq heures.

Il est ? remarquer que, dans cette terrible journ?e, le massacre ne s'?tendit gu?re au-del? des limites du Carrousel et ne franchit pas la Seine. Partout ailleurs je trouvai la population aussi tranquille que s'il ne s'?tait rien pass?. Dans l'int?rieur de la ville, le peuple montrait ? peine quelque ?tonnement. On dansait dans les guinguettes.

Au Marais, o? je demeurais alors, on n'en ?tait qu'? soup?onner le fait. Comme ? Saint-Germain, on se disait qu'il y avait quelque chose ? Paris, et l'on attendait patiemment que le journal du soir d?t ce que c'?tait. Au reste, il en a ?t? ainsi aux ?poques les plus orageuses de la r?volution, ? ses p?rip?ties les plus tumultueuses: le mal ? l'accomplissement duquel participaient des habitans de tous les quartiers n'agitait pas tous les quartiers; il se concentrait ordinairement autour du local occup? par la l?gislature, ou autour de celui o? si?geait la commune, qui fit long-temps la loi aux l?gislateurs.

Aux assassinats ill?gaux succ?d?rent les assassinats juridiques, et ce ne sont pas les moins odieux. Traduits devant un tribunal sp?cial, les d?fenseurs du roi furent envoy?s ? l'?chafaud. Les prisons cependant se remplissaient de nobles suspects et de pr?tres r?fractaires: c'?tait un avis pour quiconque avait ?t? attach? ? la maison des princes. On m'engageait ? me cacher. Convaincu d?s lors que l'exc?s de m?fiance, comme l'exc?s de confiance, avait ses inconv?niens, je pris un parti mitoyen: sans abandonner ma place ? la fabrication des assignats, je cessai de r?sider ? Paris; j'y venais tous les matins ? l'heure du travail, et, le travail fini, je retournais chez ma m?re, qui s'?tait retir?e ? Maisons pr?s Charenton.

Les anciens passeports ayant ?t? infirm?s, je m'en fis d?livrer un nouveau, moyennant trente sous, par le greffier de la mairie de l'endroit, honn?te tailleur qui m'avait raccommod? un habit, et me certifia domicili? dans sa commune. Gr?ce ? cette pi?ce, je circulai librement dans les circonstances les plus difficiles, comme on le verra.

Le parti qui disputait les profits du 10 ao?t aux Girondins, auteurs de cette r?volution, ne n?gligeait cependant rien pour en aggraver les cons?quences. Dans le but de se saisir de tous les partisans de la cour, la commune de Paris, o? il dominait et qui dominait l'Assembl?e l?gislative, avait ordonn? des visites domiciliaires, par un arr?t? que les l?gislateurs avaient converti en d?cret. Ce d?cret fut aussit?t mis ? ex?cution.

Bien qu'on e?t augment? leur nombre et leur capacit? en convertissant d'anciens couvens en maisons de d?tention, les prisons ?taient encombr?es de pr?venus qu'on y entassait journellement. Que faire de tant de prisonniers? On r?solut de les exterminer en masse et d'un seul coup.

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