Read Ebook: L'enfer (2 of 2) La Divine Comédie - Traduit par Rivarol by Dante Alighieri Rivarol Antoine Translator
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Ebook has 579 lines and 34752 words, and 12 pages
folle tendresse pour ses fils ambitieux n'a que trop fait voir quel sang coulait dans mes veines; mon avare main enfouissait pour eux des tr?sors dans le monde, et creusait pour moi cette fosse dans l'ab?me. L?-bas, sous ma t?te, gisent mes devanciers en crimes et en puissance; ils ont tous pass? par ce triste d?troit; et moi-m?me, quand celui que tu m'as sembl? d'?tre arrivera, je tomberai comme eux dans ces vastes catacombes. Boniface me remplacera; mais ses pieds br?leront moins longtemps que les miens; sa t?te renvers?e flottera moins longtemps sous la vo?te s?pulcrale; car l'occident va bient?t vomir un autre pontife, d'oeuvres plus iniques . Pasteur sans amour et sans foi, nouveau Jason des Machab?es , il sera l'ouvrage et l'instrument d'un prince ?tranger, et c'est lui qui fermera la fosse sur Boniface et sur moi.
Il achevait ? peine; et moi qui ne pus retenir un z?le trop amer peut-?tre, je m'?criai:
Ainsi parlait ma bouche avec amertume; et, soit repentir ou d?sespoir, les pieds du fant?me et ses genoux fr?missants se heurtaient sans rel?che.
Cependant mon guide avait ?cout? d'une oreille satisfaite ces dures v?rit?s; et bient?t, me soulevant et me portant dans ses bras, il suivit le premier sentier qui remontait sur les roches d'un nouveau pont. Du haut de sa vo?te hardie, o? la biche l?g?re n'e?t pas gravi sans effroi, nous embrass?mes d'un coup d'oeil l'ample sein de la quatri?me vall?e.
NOTES
Simon le magicien voulut acheter des ap?tres le don des miracles, bien qu'il eut lui-m?me de fort beaux secrets. On a appel? depuis simoniaques tous ceux qui ont trafiqu? des choses spirituelles.
Les anciens fonts baptismaux de Florence ?taient, comme le dit l'auteur, perc?s de trous ronds, dans lesquels, sans doute, les pr?tres plongeaient les enfants qu'ils baptisaient. Je me figure que ce marbre perc? de trous, et qui recouvrait les fonts, ?tait comme une table fort mince, puisque le po?te raconte, en parenth?se, qu'il fut un jour oblig? de briser une de ces ouvertures pour d?gager un enfant qui s'y noyait; sur quoi ses ennemis l'accus?rent d'irr?ligion. On n'a point traduit les trois vers qui contiennent ce fait, parce qu'ils coupaient d?sagr?ablement et ralentissaient la rapidit? de cette description. J'ai lu quelque part que les fonts baptismaux de Saint-Marc ? Venise avaient eu la m?me forme. Les fourneaux de nos cuisines peuvent, je crois, en donner quelque id?e. Il est f?cheux de rencontrer dans un po?te des comparaisons tir?es d'objets qui n'existent plus, parce qu'alors on est oblig? d'en chercher d'autres pour expliquer les siennes.
Ce supplice des ?mes fich?es dans leur trou, la t?te en bas , rappelle ce vers de Perse:
Autrefois on enterrait vifs les assassins, en le jetant la t?te en bas dans une fosse. Le confesseur ?tait forc? ? l'attitude que Dante lui donne ici, pour entendre les derni?res paroles du patient.
C'est de Cl?ment V dont nous avons d?j? parl? qu'il s'agit ici. Il ?tait le sujet et la cr?ature de Philippe le Bel, et c'est de concert avec ce prince qu'il d?truisit l'ordre des Templiers. On sait que ce pontife transporta le si?ge ? Avignon pour se d?rober aux troubles dont la ville de Rome ?tait d?chir?e. Il a ?t? fort maltrait? par tous les historiens d'Italie.
Ce Jason ?tait fr?re d'Onias. Il obtint le grand pontificat de J?rusalem ? prix d'or, par la protection d'Antiochus, roi de Syrie.
Saint Mathias fut choisi ? la place de Judas, pour compl?ter le nombre de douze. Il n'est peut-?tre pas inutile de dire que cet ap?tre fut tir? au sort.
Application de l'Apocalypse. L'Eglise a perdu son ?clat, quand son chef a perdu ses vertus. On dit que les sept t?tes repr?sentent les sept sacrements; et les dix cornes ou rayons, le d?calogue.
CHANT XX
ARGUMENT
Quatri?me vall?e o? sont punis ceux qui se m?lent de pr?dire l'avenir. Entretien sur l'origine de Mantoue.--Astrologues, sorciers et sorci?res.
Je touche au vingti?me repos de ma douloureuse carri?re; mais des supplices nouveaux demandent encore de nouveaux chants.
D?j? mes yeux plongeaient sur une terre tremp?e des larmes que les ombres y versent en silence: elles marchent avec d?tresse, en suivant les d?tours de la vall?e, comme, dans nos campagnes, la foule religieuse passe en invoquant l'assembl?e des saints .
Je consid?rais ces malheureux; mais, parcourant d'un regard leurs traits divers, je m'aper?us, avec une surprise m?l?e d'horreur, que les troncs et les visages ne s'accordaient point entre eux: chaque coupable, oppos? ? lui-m?me, pr?sentait d'un seul aspect son front et son dos, et semblait reculer et s'avancer ? la fois. Tel n'est point encore le paralytique, dont la t?te, tourn?e par la contrainte du mal, ne peut revenir sur son pivot nerveux.
Lecteur, si mes vers ne sont point un vain son pour ton ?me attendrie juge toi-m?me comment j'aurais pu contempler d'un oeil sec l'effigie de notre humanit? si tristement d?figur?e, et supporter le spectacle de ces infortun?s, versant ? jamais des larmes qui n'arrosent plus leurs poitrines!
Appuy? sur les durs rochers qui s'?levaient autour de moi, je les inondais de mes pleurs, quand mon guide me dit:
--Eh quoi! ne serais-tu donc aussi qu'une ?me vulgaire? On est sans piti? pour des maux sans mesure. Ne sont-ils pas assez criminels, ceux qui os?rent ?tre les ?mules d'un Dieu? Rel?ve-toi, et regarde celui que la terre d?roba tout ? coup ? la vue des Th?bains, qui lui criaient : <
--Ma?tre, r?pondis-je, les oracles de la v?rit? reposent sur vos l?vres; et les lueurs de l'humaine raison n'?blouiront plus un esprit ?clair? par vous. Daignez maintenant m'apprendre s'il est encore dans cette foule une ombre digne de nos regards?
Le sage prit ainsi la parole:
--Celui dont tu vois la barbe ?paisse ombrager les ?paules florissait jadis, quand la Gr?ce, veuve de tant de h?ros, n'offrit plus qu'? des enfants le lait de ses mamelles: il fut coll?gue de Calchas; et ce sont eux qui frapp?rent le c?ble, et donn?rent en Aulide le signal du d?part. On le nommait Euripyle , et ce nom consacre un de mes vers: tu le sais, puisque mon po?me entier vit dans ta m?moire. L'ombre qui te pr?sente une si fr?le stature fut Michel Scot ; et certes il connut bien tous les secrets de la fallacieuse astrologie. Vois Guido Bonatti ; vois Asdent , qui voudrait n'avoir pas d?sert? ses ateliers; mais son remords est tardif. Vois enfin ces femmes sacril?ges qui laiss?rent le fuseau pour souiller leurs mains de l'impie attouchement des herbes magiques et des simulacres enchant?s. Mais h?tons-nous, car d?j? la lune se penche dans la mer de S?ville, et blanchit la zone o? se confondent les deux h?misph?res : hier elle offrait ? l'orient son disque entier; et tu l'invoquas sans doute plus d'une fois dans les t?n?bres de la for?t.
Ainsi parlait mon guide, sans cesser d'avancer.
NOTES
SUR LE VINGTI?ME CHANT
Allusion aux processions et aux litanies des Rogations.
Carrare, ville d'Italie dont le marbre est fort connu.
On peut voir dans Virgile m?me ce qu'il dit de l'origine de Mantoue et de la f?e Manto . Nous ajouterons seulement que ce fut pour ?chapper ? la tyrannie de Cr?on que Manto s'enfuit de Th?bes, et vint en Italie.
Ces trois dioc?ses ont effectivement leurs limites au centre du lac, dans la petite ?le Saint-Georges, qui d?pend des trois ?v?ch?s.
Ceci prouve qu'en effet on consultait le sort lorsqu'il s'agissait de donner un nom ? une ville.
Le comte Albert Casalodi s'?tait rendu ma?tre de Mantoue; mais Pinamont Bonacossi, s'apercevant que le peuple n'aimait pas les nobles, conseilla ? Albert de les chasser de la ville. Le comte suivit ce conseil, et se priva de ses d?fenseurs naturels. Alors Pinamont, aid? de la faveur du peuple, chassa les Casalodi, et s'empara de la ville, qui avait ainsi perdu un grand nombre de familles. Au reste, cette longue histoire de Mantoue ne valait pas les compliments que Dante fait ici ? son guide.
Astrologue n? ? Forli, s'?tait attach? au comte Guidon, qui ne marchait jamais contre l'ennemi, et ne donnait aucune bataille qu'il ne l'e?t consult?. Il nous reste quelques ouvrages de Scot et de Bonatti, qui sont devenus tr?s-rares.
Asdent ?tait un cordonnier de Parme. Quoiqu'il f?t sans lettres, il se mit ? pr?dire l'avenir, et annon?a la d?faite de Fr?d?ric sous les murs de cette ville.
S?ville est ? l'horizon occidental de l'Europe: la lune venait donc de se coucher; il y a donc une nuit de pass?e, et quelques moments de plus, puisque Virgile dit ? Dante: <Add to tbrJar First Page Next Page