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Read Ebook: Aventures extraordinaires d'un savant russe; IV. Le désert sidéral by Graffigny H De Henry Le Faure Georges

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Ebook has 3378 lines and 96523 words, and 68 pages

Il arriva cependant un moment o?, le cerveau enfi?vr?, les yeux troubl?s, les membres ankylos?s par une si longue immobilit?, Ossipoff s'?cria, en pointant son doigt osseux vers l'espace ?toil? qu'il apercevait ? travers le hublot.

--Et cependant, il est l?... je le sais... je le sens!...

Il ajouta, avec un accent constern?, comme s'il se rendait compte de l'invraisemblable chiffre que ses l?vres balbutiaient.

--1780 millions de lieues du Soleil!...

C'?tait la distance que devait, d'apr?s ses calculs, suivre la route sid?rale d'Hyp?rion.

Puis, lan?ant, dans un geste plein de rage ses deux poings crisp?s vers l'infini dont il sentait les myst?res lui ?chapper, il poussa un cri, dans lequel s'exhalait l'aveu de son impuissance.

--Et pourtant, r?p?ta-t-il, Babinet, Forbes et Todd n'ont pu se tromper tous les trois!... et rien!... toujours rien!

Une id?e subite traversa sa cervelle, et, soudainement accabl?, il se laissa tomber sur un escabeau, o? il demeura comme ?cras?, les coudes sur les genoux, la t?te entre les mains, fourrageant rageusement de ses doigts ses cheveux gris.

L'id?e lui ?tait venue que ce monde, ? la d?couverte duquel il courait, entra?nant tra?treusement avec lui ses compagnons inconscients de sa trahison, que ce monde de l'existence duquel il ?tait certain, il ne le rencontrerait pas.

Mais, pour l'instant, Hyp?rion ?tait peut-?tre, devait m?me ?tre assur?ment, sur un autre point de son orbite; qui sait si, avec la mauvaise chance qui le poursuivait depuis longtemps, Ossipoff ne tournait pas diam?tralement le dos ? la plan?te vers laquelle il croyait se diriger.

S'il en ?tait ainsi, ? quoi bon avoir fait ce qu'il avait fait? il avait manqu? ? son serment, il avait compromis l'existence de tous les voyageurs que le wagon de lithium enfermait dans ses flancs, il avait bris? le bonheur de sa fille, car Gontran de Flammermont ne pardonnerait certainement pas ? celui qui devait ?tre son beau-p?re, la trahison dont il s'?tait rendu coupable.

Et tout cela, pour n'en savoir pas plus qu'il n'en savait ? son d?part de la Terre! n'y avait-il pas l? de quoi affoler une cervelle mieux ?quilibr?e que celle du vieillard.

Une main qui se posa sur son ?paule l'arracha ? ses p?nibles m?ditations; il se leva d'un geste brusque, et recula instinctivement d'un pas, en voyant devant lui Fricoulet qui le regardait d'un air narquois.

--Eh bien! papa Ossipoff, dit railleusement l'ing?nieur, le <> s'est bien pass??

--Ah! c'est vous, monsieur Fricoulet! balbutia le savant.

--C'est moi, oui; mais aurais-je par hasard quelque chose d'anormal dans le visage que vous me consid?rez avec un air si ahuri?

Et, partant d'un ?clat de rire, il ajouta:

--Je vois ce que c'est: au lieu de faire votre quart, vous avez fait un somme, et j'ai interrompu un r?ve peut-?tre fort agr?able.

Le premier mouvement d'Ossipoff fut de protester ?nergiquement contre une supposition qui, pour lui, si f?ru de science, ?tait presque une injure: dormir! lui! alors que la nature ?tait l?, avec ses insondables myst?res qui, depuis si longtemps, provoquaient son ardente curiosit?!

Mais, ob?issant ? son instinct, sans r?fl?chir que par son mensonge il n'arriverait qu'? retarder de quelques instants le moment o? la v?rit? ?claterait ? tous les yeux, il d?tourna la t?te, baissant les yeux et balbutiant d'un air embarrass?:

--Quelle heure est-il donc?

? cette question, qui r?pondait de plus p?remptoire fa?on que ne l'eussent pu faire tous les aveux du monde, ? sa supposition, Fricoulet donna libre cours ? son hilarit?: le p?re Ossipoff, surpris en flagrant d?lit d'inattention astronomique! le p?re Ossipoff dormant pr?s de son t?lescope alors que des merveilles stellaires s'offraient ? son observation! voil? qui frisait l'invraisemblance.

Durant quelques secondes, il demeura comme p?trifi?, bouche b?e et les yeux ?carquill?s.

La t?te du savant s'?tait courb?e davantage encore, et ses ?paules semblaient comme ?cras?es sous le poids d'un fardeau qui se f?t subitement abattu sur lui; et cette attitude confirmait de plus en plus Fricoulet dans son id?e premi?re.

Cependant, les ?clats de rire de l'ing?nieur, rebondissant en ?clats sonores contre les parois m?talliques du wagon de lithium, avaient tir? de leur sommeil les autres voyageurs et, tandis que S?l?na apparaissait d'un c?t?, par une autre porte entraient, l'un derri?re l'autre, Gontran et Farenheit.

Il tira sa montre, consulta le cadran et, tandis qu'un ?clair joyeux brillait dans sa prunelle grise, il ajouta, s'adressant ? Gontran:

--Si vos calculs sont exacts, mon cher savant, je crois que je ne tarderai pas ? fouler du pied le trottoir de la Cinqui?me Avenue.

Il avait prononc? ces mots d'une voix br?ve et s?che, affectant de prendre un ton d'autant plus indign? qu'Ossipoff ?coutait, et qu'il ne voulait pas avoir l'air, devant lui, de supporter qu'on m?t en doute ses connaissances scientifiques.

Tout en parlant, il coulait un regard attendri sur S?l?na, qui rougissait l?g?rement, tandis que Fricoulet avait toutes les peines du monde ? tenir son s?rieux.

Ce fut bien pis encore, lorsque, pour donner plus de force ? la r?ponse qu'il venait de faire ? l'Am?ricain, Gontran ?carta doucement Ossipoff pour prendre sa place au t?lescope: derri?re lui, les voyageurs se group?rent. Fricoulet, dissimulant imparfaitement le sourire que la com?die de son ami mettait sur ses l?vres, Farenheit, anxieux de savoir si la consultation des astres allait confirmer les heureux pronostics de M. de Flammermont, S?l?na, toute radieuse ? la perspective de voir enfin se terminer l'amoureux roman dont le d?nouement tra?nait depuis si longtemps.

Quant ? Ossipoff, retir? dans un coin, il suivait, non sans angoisse, les transformations par lesquelles passait le visage de son futur gendre.

Celui-ci, sans quitter de l'oeil l'objectif, dit tout ? coup:

--Eh bien! mon cher monsieur Farenheit, je puis maintenant vous affirmer que mes calculs ?taient justes... ou, du moins, non, ils ?taient faux...

--...Oui, faux, r?p?ta le jeune homme, car mes pr?visions se trouvent fort au-dessous de la v?rit?.

--Qu'est-ce que tu chantes l?? demanda tout bas Fricoulet en se penchant vers son ami, et en cherchant ? l'?carter pour prendre sa place et voir sur quel ph?nom?ne astronomique Gontran se basait pour parler ainsi.

Mais le jeune diplomate ?tait bien trop int?ress?, para?t-il, par le spectacle qui s'offrait ? lui, pour c?der ? la pression de Fricoulet, et, l'oeil toujours riv? ? l'oculaire, il poursuivit, parlant lentement, l'attention attir?e par un point fix?, l?-bas, dans l'infini:

--Oui, depuis hier, il me semble que nous avons fait un chemin de tous les diables... et, si nous continuons de ce train...

Il s'arr?ta, demeura quelques secondes silencieux, et sans s'en apercevoir, r?fl?chissant tout haut.

--Voyons?... ce n'est ni Uranus, ni Saturne, ni Jupiter... ils sont loin derri?re nous... Mars?... hum! autant que je puis me rappeler, son disque ne brille pas d'un semblable ?clat;... oui... oui, c'est V?nus assur?ment, ce ne peut ?tre que V?nus. Mais, sapristi, ce que je voudrais bien savoir, c'est o? est pass?e la Terre?

Fricoulet, ? ces mots, fit un haut-le-corps prodigieux, et approchant ses l?vres de l'oreille de son ami, ? cause d'Ossipoff, toujours immobile dans son coin.

Ce disant, il repoussait amicalement Gontran et s'asseyait ? son tour devant le t?lescope, sans remarquer la soudaine p?leur qui avait envahi le visage d'Ossipoff.

Et, abandonnant les mains de la jeune fille, il se jeta sur celles de Gontran qu'il secoua avec une ?nergie forcen?e.

Puis il fut pris d'un subit attendrissement ? la pens?e qu'il allait revoir, plus t?t qu'il ne s'y attendait, New-York, l'Excentric-Club, et les actionnaires de la <> et, avant que son interlocuteur e?t pu se soustraire ? son ?treinte, il le prenait dans ses bras et le serrait, ? l'?touffer, sur sa poitrine, balbutiant.

--Vous ?tes notre sauveur! mon jeune et digne ami!... que toutes les b?n?dictions du ciel s'?croulent sur votre t?te!

Et, lorsque le jeune homme eut ?chapp? ? l'embrassade de l'Am?ricain, ce fut pour subir les douces pressions de mains de S?l?na qui lui dit, en l'enveloppant d'un regard plein de tendresse, dans lequel se lisait l'ivresse de l'imminence du bonheur, tant de fois recul? et si proche d?j?.

--Ah! Gontran!... mon cher Gontran!...

Mais, l'attendrissement de la jeune fille, la satisfaction de Gontran et l'exhub?rant emballement de Farenheit s'?vanouirent comme par enchantement; et, d'une seconde ? l'autre, les visages si radieux s'assombrirent.

--Saperlotte! venait de s'?crier tout ? coup Fricoulet en faisant, sur l'escabeau qui lui servait de si?ge, un bond prodigieux.

Et, sur ses traits subitement contract?s, se lisaient une telle stupeur, un tel ahurissement, et en m?me temps une telle anxi?t?, que tous les trois comprirent qu'une nouvelle d?sastreuse allait sortir de la bouche de l'ing?nieur.

--?a! V?nus! se d?cida enfin ? dire celui-ci qui cherchait vainement ? masquer sous son ton de sempiternelle blague l'angoisse qui l'?treignait, je veux que le diable me croque si ?a a jamais ressembl? ? V?nus!...

? cette d?claration r?pondit une triple exclamation qui trahissait la surprise de Gontran, la douleur de S?l?na et la col?re de Farenheit; tous les trois entouraient Fricoulet, pench?s vers lui, cherchant ? deviner, d'apr?s l'expression de sa physionomie, comment il leur fallait traduire les paroles qu'il venait de prononcer, et ils ?taient tellement absorb?s, que ni les uns, ni les autres ne remarqu?rent la silencieuse disparition d'Ossipoff.--Celui-ci, aussit?t l'exclamation pouss?e par l'ing?nieur, avait senti perler, sur son front, une sueur froide, tandis qu'il lui semblait que ses jambes flageolantes allaient se d?rober sous lui: c'est que l'instant de l'explication ?tait arriv?, explication d'autant plus redoutable et d'autant plus p?nible qu'il lui fallait avouer non seulement sa trahison, mais son erreur; et il ne savait au juste ce qu'il redoutait le plus, de la fureur de l'Am?ricain, ou des sarcasmes m?prisants de Gontran et de Fricoulet; aussi, profitant de ce que l'attention g?n?rale ?tait fix?e sur l'ing?nieur, il s'esquiva sans bruit et gagna sa cabine dans laquelle il s'enferma ? double tour.

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