Read Ebook: Aventures extraordinaires d'un savant russe; II. Le Soleil et les petites planètes by Graffigny H De Henry Le Faure Georges Cayron J Illustrator Henriot Illustrator Vallet L Louis Illustrator
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Ebook has 5093 lines and 111319 words, and 102 pages
Puis il fouilla dans l'une des nombreuses poches dont ses v?tements ?taient munis, et en tira un petit bougeoir qu'il alluma; ? la lueur vacillante de ce lumignon, la salle prit aussit?t un aspect sinistre et fun?bre; des ombres monstrueuses s'accrochaient aux saillies des parois, faisant para?tre plus petits encore les trois Terriens, rassembl?s dans une encoignure.
--Fichtre! grommela Fricoulet, il ne fait pas gai ici!
Il secoua brusquement les ?paules pour chasser le voile de tristesse qui mena?ait de l'envelopper ainsi qu'un linceul; puis, s'approchant de M. de Flammermont qui s'?tait laiss? tomber sur une couchette et demeurait immobile, la t?te pench?e sur la poitrine, les yeux fix?s sur le sol, engourdi dans une torpeur d?sesp?r?e, il lui posa la main sur l'?paule.
Le jeune comte tressaillit, releva la t?te et regarda son ami, avec, sur la physionomie, la stupeur premi?re de l'homme que l'on arrache brusquement au sommeil.
--Voyons! Gontran, dit l'ing?nieur, voyons!... sois homme! que diable!... en v?rit?, j'ai honte de te voir abattu ainsi.
M. de Flammermont haussa les ?paules dans un geste accabl? et murmura ce seul mot d'une voix navr?e:
--S?l?na!
Pour le coup, Fricoulet s'impatienta et, frappant du pied:
--Eh! s'?cria-t-il, quand tu demeureras l?, immobile, inerte comme un crat?re, ? te d?soler et ? appeler S?l?na!... crois-tu, par hasard, que c'est l? ce qui te la rendra?
--Me la rendre! murmura Gontran; h?las!... elle est perdue!... perdue ? jamais...
Et, apr?s un moment, il poursuivit avec amertume:
--Ah! pourquoi ce gredin ne m'a-t-il pas tu? comme Farenheit? au moins, c'en serait fini de la souffrance.
Fricoulet leva les bras au ciel.
--Voil?! exclama-t-il, du parfait ?go?sme ou je ne m'y connais pas!... eh bien! et nous! est-ce que nous ne comptons pas un peu aussi dans ton affection!... moi, particuli?rement, est-ce que je n'ai pas un peu droit ? ce que tu ne fasses pas si bon march? de ton existence?
Il se tut et reprit:
--Car, ce bonheur dont la perte te d?sesp?re, est-ce que jamais tu aurais pu m?me le toucher du bout du doigt, si je ne t'avais fait la courte ?chelle pour te permettre d'y atteindre?...
--O? veux-tu en venir? demanda M. de Flammermont.
--? ceci, tout simplement: c'est qu'il pouvait arriver, pour ton amour et tes intentions matrimoniales, quelque chose de plus f?cheux que l'enl?vement de Mlle S?l?na.
Le jeune comte fixait sur son ami des yeux que l'ahurissement agrandissait.
--Je comprends de moins en moins, balbutia-t-il.
--Il faut que la douleur t'obscurcisse les id?es. Comment! ce que je te dis ne te para?t pas lucide, lumineux? Admets cependant qu'au lieu d'enlever ta fianc?e, ce coquin de Sharp soit parti tout seul.
? cette supposition, Gontran poussa un soupir navrant.
--H?las! dit-il.
--Seulement, poursuivit l'ing?nieur, admets aussi qu'au lieu de tuer, avant son d?part, ce pauvre sir Farenheit, ce soit moi que Sharp ait abattu.
Il se tut, puis se croisant les bras:
--Crois-tu que S?l?na n'aurait pas ?t?, alors, bien plus perdue pour toi qu'elle ne l'est actuellement? ah! mon pauvre ami! c'est pour le coup que le brave M. Ossipoff se f?t aper?u de la nullit? scientifique de son futur gendre.
--Eh! riposta M. de Flammermont, que m'importe maintenant l'opinion de M. Ossipoff? je n'avais consenti ? jouer cette com?die que par amour pour sa fille... mon bonheur est perdu ? jamais...
L'ing?nieur l'interrompit d'un geste bref.
--Perdu, dit-il, et pourquoi cela?
Gontran, comme m? par un ressort, se redressa.
--Que signifie? balbutia-t-il d'une voix tremblante.
--Que je consid?re ton bonheur comme compromis, mais non perdu.
Le comte lui saisit les mains.
--Parle, fit-il avec angoisse, aurais-tu quelque espoir... quelque projet?...
--De l'espoir! non; mais, en tout cas, je n'ai aucune d?sesp?rance: je suis furieux, j'enrage, j'?tranglerais Sharp avec une jouissance infinie; mais, en ce qui concerne Mlle Ossipoff, si j'?tais ? ta place, je ne me d?solerais qu'apr?s avoir retrouv? son cadavre.
--Le retrouver, murmura Gontran, penses-tu que cela soit possible?
--Eh! riposta l'ing?nieur avec un haussement d'?paules plein de fatuit?, peut-il y avoir quelque chose d'impossible ? des hommes comme nous?
Et, tout heureux de voir Gontran sorti de la torpeur premi?re dans laquelle l'avait plong? la disparition de sa fianc?e, il s'?cria:
Un g?missement retentit derri?re l'ing?nieur et la voix douloureuse d'Ossipoff se fit entendre:
--H?las! il ne s'agit pas, pour nous, de lutter contre l'Infini, mais bien contre notre propre nature. Que parlez-vous, M. Fricoulet, de courir ? la poursuite de Sharp, alors que, dans quelques heures, nous ne serons plus que des cadavres?
Le jeune ing?nieur ne put retenir un mouvement de surprise.
--Comment, fit-il, vous aussi, vous vous laissez abattre?
Puis tout ? coup se redressant, il s'?cria d'une voix vibrante, enthousiasm? par la difficult? m?me des obstacles qu'il s'agissait de vaincre:
--Eh bien! puisque vous son p?re, vous son fianc?, vous l'abandonnez, c'est moi qui irai au secours de Mlle S?l?na.
Gontran saisit la main de son ami et la serra ?nergiquement.
--Dispose de moi, Fricoulet, pronon?a-t-il d'une voix ferme; ce que tu me diras de faire, je le ferai; partout o? tu iras, j'irai, car en v?rit?, j'ai honte de mon abattement et de ma d?sesp?rance!
--Mais, insens?s que vous ?tes, exclama le vieillard, ne songez-vous donc pas qu'en s'emparant de notre obus, ce mis?rable nous a ravi, non pas seulement le moyen de quitter le sol lunaire, mais encore le moyen d'y pouvoir subsister?
Gontran devint tout p?le.
--Que voulez-vous dire? balbutia-t-il.
--Que nous n'avons plus qu'? mourir de faim; il ne nous reste plus ni vivres, ni eau, ni air...
--Allons donc! riposta M. de Flammermont, les S?l?nites trouvent bien moyen de vivre.
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