Read Ebook: Hero-Myths & Legends of the British Race by Ebbutt M I Maud Isabel
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Ebook has 377 lines and 11614 words, and 8 pages
Cette pens?e lui fit du bien; non parce qu'elle s'y complut, mais au contraire parce qu'elle la r?prouva bient?t, comme une irr?v?rence dont elle se sentit coupable: la notion de sa faute l'amena promptement ? conclure qu'il y avait p?ril ? penser toute seule, et elle r?solut de s'en r?f?rer toute aux conseils de son directeur.
Elle s'en retournait vers lui, presque chaque matin; le r?v?rend, alors, travaillait de son mieux ? calmer les scrupules de sa p?nitente, lui assurait que le Seigneur nous conduit dans ses voies par des ?preuves auxquelles nous devons nous soumettre, et lui recommandait la patience, la douceur, l'am?nit?, l'ob?issance: ce mot r?voltait la fiert? d'H?l?ne; le Chanoine en proposa un autre, et d?sormais il ne conseilla plus que la r?signation.
Quant ? l'?poux, bien sain, quelque peu sot, content de tout, m?me de lui, invitant des amis et saluant les dames, allant de son automobile au Cercle et du Cercle au lit conjugal, il savourait le pr?sent et attendait l'avenir.
Vainement, sur ses premi?res cartes de visite, elle avait joint, au nom roturier des Bonnavent, l'illustre nom de ses propres anc?tres: le pauvre gar?on n'y avait rien gagn?, et rustre il demeurait, malgr? son million et son air jovial. Tel du moins il apparaissait ? son aristocratique ?pouse: l'h?riti?re des preux ne voyait en lui qu'un homme de la race destin?e ? produire les fermiers ou les fournisseurs; on e?t dit qu'elle le tol?rait dans sa maison, ? la mani?re d'un parent pauvre recueilli par condescendance, d'un majordome inamovible, chef des domestiques, interm?diaire entre la dame et les serviteurs. Elle ne parvenait pas ? s'accoutumer aux familiarit?s de cet intrus, et ses manques de tact, son oubli des convenances, des distances, la torturaient sans cesse. Non seulement elle ne le tutoya jamais et l'id?e ne lui en serait pas venue, mais elle souffrait comme d'un affront, chaque fois qu'il la tutoyait, en public ou en t?te-?-t?te. Pour un peu, elle e?t souhait? qu'il lui parl?t ? la troisi?me personne, et quand le solide gaillard s'approchait de cette ?pouse pour lui t?moigner sa tendresse, quand elle sentait venir vers sa poitrine presque nue une main de serf enrichi, elle souffrait pour ses a?eux presque autant que pour sa pudeur. Mais elle se r?p?tait alors les exhortations du Chanoine, et, soumise au devoir, elle fermait les yeux, avec une r?pugnance visible, acceptait son martyre comme une p?nitence, et disait sa pri?re en attendant la fin.
--Elle se formera! Les femmes, c'est comme le vin: ?a ne se fait qu'avec le temps.
H?l?ne ne se faisait pas.
S?che, froide, elle gardait la rancoeur de la premi?re nuit; m?me ce fut en elle une recrudescence d'horreur, quand un soir elle crut, pendant sa pri?re d'absence, percevoir au fond de son ?tre le trouble stup?fiant d'un plaisir qui naissait.
Elle s'indigna contre elle-m?me, et pleura de honte.
--Suis-je donc tomb?e si bas, Seigneur, par ma promiscuit? avec l'ordure, et suis-je donc coupable pour avoir ob?i, puisque vous me ch?tiez, Seigneur, par cette humiliation nouvelle?
H?l?ne se confessa, d?s le matin venu, et sans doute Dieu lui pardonna son p?ch?, car aussit?t elle re?ut avis d'une maternit? prochaine.
Eug?ne Bonnavent se r?signa sous la boutade, pendant une semaine enti?re; au bout de huit jours, il tenta de renouveler l'offense; mais son audace n'eut d'autre r?sultat que d'installer, au coeur de la pieuse dame, une aversion d?finitive.
Donc, quatre mois apr?s son mariage, Eug?ne Bonnavent prit une ma?tresse, et les trois arrondissements furent d'accord pour s'apitoyer sur l'?pouse tromp?e. La piti? publique alla m?me jusqu'? souffrir que Madame Bonnavent ignor?t ses malheurs, pendant toute la dur?e de sa grossesse. Mais apr?s les relevailles, on lui laissa conna?tre la v?rit? enti?re.
H?l?ne en fut plus ?mue qu'elle n'aurait pens? devoir l'?tre, et son d?plaisir ne manqua pas de lui occasionner une surprise: quel que f?t son m?contentement, elle n'imagina point de l'attribuer ? la jalousie, car elle ignorait l'existence de ce sentiment, et m?me la signification de ce vocable. Elle pensa seulement qu'on lui infligeait une avanie de plus, avanie publique, et elle offrit sa peine au Seigneur, en expiation de ses fautes.
Pour le surplus, elle se r?jouit d'avoir dor?navant un pr?texte qui l'autorisait ? refuser son corps aux devoirs d'incongruit?.
Comme il sied ? une nature droite et sans complaisance, qui aime les situations nettes et qui pr?tend faire porter ? chacun la responsabilit? de ses fautes, elle provoqua une explication entre elle et son mari. Tr?s froidement, elle lui d?clara qu'elle connaissait sa conduite, et ne daigna point la lui reprocher; mais elle l'informa que dor?navant il n'?tait plus qu'un ?tranger, et qu'elle se consid?rait comme veuve. Le mari, honteux, essaya, par son humilit?, d'att?nuer les choses, mais il parlait ? une statue. Pendant qu'il s'excusait, la statue se retira avec dignit?.
Le gros gar?on resta en plan, sur ses phrases inachev?es. Il fit une moue, hocha la t?te, mit les mains dans ses poches; mais comme, au fond, tout cela lui importait peu, il en prit son parti, et vogue la gal?re!
--Chacun de son c?t?! C'est peut-?tre le mieux.
M. Bonnavent v?cut au dehors, et Mademoiselle de Romell de Candeleus, son ?pouse, purifi?e du mariage pass? par la maternit? pr?sente, rentra, comme apr?s un voyage au loin, dans le recueillement heureux de sa jeunesse.
Des attaches mondaines, elle ne connaissait plus que son r?le de m?re; encore devait-elle s'efforcer pour donner des marques de tendresse ? cet enfant du r?prouv? qui ressemblait trop ? son p?re, et qui, vivant souvenir du cauchemar, portait au front la tache originelle: il ne fallut rien moins que le bapt?me pour que sa m?re l'agr??t, ? l'exemple du R?dempteur, et l'enfant de sa chair n'eut gr?ce devant elle que comme un chr?tien dont le Ciel lui commettait la garde.
L'enfant mourut bient?t. La m?re ressentit un chagrin noble et sans violence.
--Dieu l'avait donn?, Dieu l'a repris.
Bonnavent pleurait. Il montra le d?sespoir aigu et d?plac? d'un mat?rialiste qui ne sait pas d'o? nous viennent les coups, et qui entre en r?bellion contre le Ciel.
H?l?ne ne lui sut aucun gr? de sa douleur, et ce deuil ne les rapprocha point. Au contraire, elle per?ut l? un d?cret de la Providence qui avait voulu, en brisant ce fr?le lien, ratifier la s?paration de deux ?tres mal assortis.
Elle fut d?finitivement la veuve autant que l'orpheline; seule d?sormais sur la terre, elle fit de l'?glise sa v?ritable maison, et le confessionnal fut l'unique endroit o? l'on parle.
Des ann?es pass?rent ainsi. Repli?e sur elle-m?me et concentrant son ?me, Madame H?l?ne, v?tue de noir, devenait maigre avec des yeux ardents, et sa religion s'exaltait jusqu'au mysticisme.
Ses nerfs, tendus dans la solitude, se crispaient, amenant les nuits d'insomnie, et des visions la hant?rent. Trop pieuse pour concevoir et surtout pour admettre que l'?me est susceptible de se m?dicamenter par l'hygi?ne, elle garda pour la confession le secret de ses troubles, de ses r?ves et de ses extases.
Cependant, le vieux Chanoine ?tait mort.
Un pr?tre b?arnais, violent, ?pre, d'?loquence chaude et rude, l'avait remplac?, et sa parole terrorisait les coeurs d?vots. Son arriv?e dans le pays ayant co?ncid? avec l'ouverture du Car?me, ses premiers sermons avaient ?merveill? la ville, et les sceptiques eux-m?mes voulurent l'entendre: les membres de la magistrature et du barreau furent unanimes ? reconna?tre son talent, et ceux qui pensaient bien lui donn?rent du g?nie.
--Il ira loin, celui-l?!
Cet homme de trente-cinq ans ?tait large d'?paules, haut de taille; il avait le teint brun, le front blanc, le nez droit, les yeux profonds, la bouche hautaine; il marchait avec majest?; on le sentait d?daigneux, s?r de lui, et n? pour le commandement.
H?l?ne lui pr?senta sa conscience.
Elle avait peur de lui, quand elle s'agenouilla pour la premi?re fois au confessionnal, pr?s de cette grille derri?re laquelle fr?missait, au fond des t?n?bres, une ?me trop puissante pour compatir aux mis?res des femmes. Mais sa surprise n'en fut que plus rassurante, lorsqu'elle entendit la grande voix du pr?dicateur se faire douce et fraternelle: il lui sembla que le noble esprit se baissait vers elle pour la comprendre, et la pauvre femme ?coutait les mots d'apaisement qui tombaient en murmure, dans l'ombre, du haut de la bouche inspir?e.
Une suave qui?tude p?n?tra tout son ?tre; elle sortit du confessionnal avec une sensation pareille ? celle qu'on ?prouve au retour de la Sainte-Table: elle marchait, all?g?e, toute neuve, le coeur ?panoui; une lumi?re paisible baignait ses pens?es, et le monde lui parut meilleur.
On e?t dit que la nature elle-m?me s'?clairait de cette f?te int?rieure. C'?tait un matin de printemps, un jeudi. H?l?ne se promena dans son jardin, ce qu'elle faisait rarement, et cueillit des fleurs, ce qu'elle ne faisait jamais. Plusieurs fois, elle s'arr?ta pour respirer largement, avec la joie inconnue jusqu'alors de sentir qu'elle respirait.
Elle regarda le ciel, o? passaient de fins nuages blancs, et elle les vit.
Il lui parut que des choses s'?veillaient autour d'elle, changeant de formes ou de couleurs. Elle calcula qu'elle aurait trente ans bient?t, et, sans savoir de quoi elle se trouvait heureuse, elle remercia Dieu de l'avoir mise en ce bas monde.
On put, ? partir de ce jour, constater que Madame Bonnavent devenait une autre femme. On la vit moins s?v?re, plus affable, presque gaie. La ville fut unanime ? reconna?tre qu'elle gagnait beaucoup, au moral, au physique.
Depuis qu'un pr?tre jeune dirigeait sa conscience, elle rajeunissait. Son ?me catholique, faite ? la fois pour l'ob?issance et l'exaltation, ?tait comme un miroir o? les images se grossissent: aussi longtemps qu'un vieux chanoine y avait refl?t? sa qui?tude s?nile, elle ?tait rest?e morne, terne, et plus impassible encore que le vieillard; mais en s'approchant d'une flamme, elle fr?mit toute, et s'illumina.
L'abb? Gilbert, du premier coup d'oeil, avait aper?u les ressources profondes de cette nature, encore ignor?e d'elle-m?me, et qui n'avait v?cu ni pour elle, ni pour autrui; il s'?tait pris de piti? pour une existence st?rile, que la religion congelait, et son esprit dominateur n'h?sitait point ? r?prouver la froide influence des nonnes et du chanoine, qui s'?taient succ?d? pour r?duire ? l'inertie l'?me ardente et riche d'une femme. La t?che d'?teindre une cr?ature lui apparaissait comme un crime sacerdotal et comme une offense envers Dieu. Il pensait: <
Dans cette certitude, il r?solut de r?parer lentement l'homicide de ses devanciers, de ranimer l'?me engourdie qu'il venait de d?couvrir, de l'appeler ? la vie, ? la lumi?re, ? la chaleur, de la r?g?n?rer, de la recr?er, de la remettre au monde et telle que Dieu l'avait faite.
Il crut que la t?che serait d?licate et ardue, ? cause du bouleversement qu'il allait apporter dans les id?es de sa p?nitente. Mais il eut la surprise d'?tre compris d?s qu'il parlait.
A vrai dire, il avait esp?r? beaucoup du cr?dit que la parole d'un pr?tre trouve au fond des ?mes chr?tiennes, toujours pr?tes ? r?sonner comme un ?cho. Mais l'influence d?passa tout espoir. Sa pens?e entrait dans cet esprit comme si rien n'y e?t ?t? mis autrefois; il s'y avan?ait en t?tonnant et ne rencontrait que le vide; ainsi que la clart? du soleil dans une maison close et qu'on ouvre, il p?n?trait partout, et ne r?veillait que de l'ombre. Cette orpheline qui, du berceau au couvent, du couvent au mariage, avait v?cu trente ans de solitude sans rien apprendre de la famille, ni de l'amiti?, ni de l'amour, ?tait neuve ? tous les ?mois int?rieurs. Le pr?tre constata bient?t que de Dieu m?me la pauvre d?vote n'avait point connaissance, sinon par des formules de cat?chisme, et qu'elle n'en avait point l'amour, mais seulement le culte superstitieux.
Il ?claira les mots, il vivifia les sentences. Apr?s les textes, il fut le Verbe: les phrases apprises sortaient des limbes, au son de sa voix, pour devenir des id?es qui vibraient, et les choses mortes s'anim?rent; les pr?ceptes que maintes fois la pieuse femme avait r?p?t?s dans ses pri?res tout ? coup chantaient en elle avec un sens r?v?lateur, par cela seul qu'il les prof?rait. Le Seigneur, dont elle avait ador? les statues, apparut dans son humanit? divine, et elle l'entendit, et elle le vit, et elle pleura d'angoisse sur ses douleurs voulues, balbutiant des mots qui consolent, tendant les mains pour aider, marchant l?, pr?s de la Vierge et de la Madeleine, m?l?e aux saintes Femmes, et Femme pour la premi?re fois!
Le vicaire suivait avec complaisance les progr?s de son oeuvre, et il en ?tait heureux sans vanit?: qui ne se passionnerait pour les destin?es qu'il transforme? Une tendresse d'auteur l'attachait ? sa cr?ature, et, bien que la p?nitente f?t tout juste de cinq ans moins ?g?e que le pr?tre, il aimait en elle l'enfant de son esprit.
H?l?ne, avec avidit?, s'assimilait la pens?e du ma?tre: cette esseul?e, qui, pour la premi?re fois, venait de communier avec une ?me vivante, se livrait toute, dans la joie de s'ouvrir et de recevoir. Elle aspirait, elle buvait, elle absorbait. Par un instinct de femme, enfin satisfait, elle tendait son ?me ? la f?condation, comme d'autres tendent leurs corps...
Au sortir du confessionnal, elle rentrait chez elle avec lenteur, craignant les secousses de son pas, ?vitant les gestes, fuyant les rencontres, appr?hendant tout ce qui pouvait exposer le tr?sor qu'elle emportait en elle: et le verbe, en fr?missant, s'irradiait au fond de son cerveau et de ses nerfs. La voix de l'ap?tre ?tait devenue sa vie, le fleuve de vie qui r?chauffait le sang de ses veines, courait en elle et l'inondait de son flot. L'abb? Gilbert, ? ses yeux, ?tait plus qu'un homme, et d?j? aussi plus qu'un pr?tre: ?manation directe du Sauveur, l'envoy? sp?cial, un don du ciel, le pourvoyeur de gr?ce entre la Providence et la P?cheresse, et, par mission d'en haut, celui qui sait, celui qui peut, celui qui daigne, un r?dempteur!
Malgr? ce caract?re hi?ratique, elle ne l'adorait pas; elle ne se permettait m?me pas de l'aimer: dire qu'elle le v?n?rait, ce serait trop peu dire puisqu'une chaleur d'enthousiasme se m?lait ? sa d?f?rence; et ce serait trop dire aussi, puisqu'elle le sentait, en d?pit de sa propre indignit?, tout proche d'elle et presque ? elle...
N'?tait-elle pas devenue, pour lui, un peu, et peu ? peu, l'?me qu'on distingue entre toutes, la disciple choisie? Elle se flattait de devenir plus tard une amie, une confidente, un peu la soeur cadette, rien qu'un peu... Un grand orgueil, ? cette pens?e, lui gonflait le coeur.
Il lui parlait, en effet, comme ? nulle autre! Il avait pour elle des regards affectueux qui r?confortent les timides, et, sous la ti?deur de cette sympathie tut?laire, elle se sentait plus s?re, heureuse, meilleure, d?livr?e!
De quel danger la sauvait-il donc? A quelle d?tresse l'avait-il arrach?e? Elle ne savait pas, mais elle avait la sensation d'?tre sauv?e, et sa confiance l'?panouissait.
Enfin, un jour, l'abb? Gilbert lui fit honneur d'une visite.
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