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Read Ebook: Les Cent Jours (2/2) Mémoires pour servir à l'histoire de la vie privée du retour et du règne de Napoléon en 1815. by Fleury De Chaboulon Pierre Alexandre Douard Baron

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Ebook has 733 lines and 71633 words, and 15 pages

de rejet ou d'adoption.

L'id?e de renouveler les antiques assembl?es de la nation, telle que l'Empereur l'avait d'abord con?ue, ?tait sans contredit une id?e grande, g?n?reuses, et singuli?rement propre ? redonner au patriotisme de l'?clat et de l'?nergie; mais, il faut l'avouer aussi, elle ?tait marqu?e au coin de l'audace et de l'imprudence, et pouvait porter ? Napol?on un coup irr?parable. N'?tait-il pas ? craindre, dans la position ?quivoque o? il se trouvait plac?, que les ?lecteurs ayant tout ? redouter des Bourbons et des ?trangers, ne voulussent point accepter une mission aussi p?rilleuse, et que l'assembl?e ne f?t d?serte? N'?tait-il point probable encore, que personne ne briguerait le dangereux honneur de faire partie de la nouvelle repr?sentation nationale, dont le premier acte serait n?cessairement de proscrire ? jamais la dynastie des Bourbons, et de reconna?tre Napol?on, en d?pit des ?trangers, seul et l?gitime souverain de la France?

Cependant, tant il est vrai que l'?v?nement avec Napol?on d?mentait toujours les plus sages conjectures, les ?lecteurs accoururent en foule ? Paris; et les hommes les plus recommandables par leur caract?re ou leur fortune, se mirent sur les rangs pour ?tre d?put?s, et sollicit?rent les suffrages avec autant d'ardeur que si la France e?t ?t? tranquille et heureuse.

Et pourquoi? c'est qu'il s'agissait moins, aux yeux des ?lecteurs et des d?put?s, de la cause d'un homme, que du sort de la patrie: c'est que la crise o? se trouvait la France, loin d'intimider les partisans de la r?volution, r?veilla dans leurs coeurs les sentimens du plus courageux patriotisme.

Et ce que j'appelle ici les partisans de la r?volution, n'?taient point, comme certaines personnes cherchent ? le persuader, ces ?tres sanguinaires fl?tris du titre de jacobin, mais cette masse ?norme de Fran?ais qui, depuis 1789, ont concouru plus ou moins ? la destruction du r?gime f?odal, de ses privil?ges et de ses abus; de ces Fran?ais enfin, qui connaissent le prix de la libert? et de la dignit? de l'homme.

Mais l'assembl?e du Champ de Mai devait ?tre priv?e de son plus bel ornement, de l'Imp?ratrice et de son fils! L'Empereur n'ignorait point que cette princesse ?tait soigneusement surveill?e, et qu'on lui avait arrach?, par surprise et par menaces, le serment de communiquer toutes les lettres qu'elle pourrait recevoir. Il savait aussi qu'elle ?tait mal entour?e; mais il pensa qu'il se devait ? lui-m?me et ? son attachement pour l'Imp?ratrice, d'?puiser tous les moyens de faire cesser sa captivit?. Il tenta d'abord, par plusieurs lettres pleines de sentimens et de dignit?, d'?mouvoir la justice et la sensibilit? de l'Empereur d'Autriche. Les r?clamations, les pri?res ?tant rest?es sans effet, il r?solut de charger un officier de la couronne de se rendre ? Vienne, pour n?gocier ou requ?rir publiquement, au nom de la nature et du droit des gens, la d?livrance de l'Imp?ratrice et de son fils. Il confia cette mission ? M. le comte de Flahaut, l'un de ses aides-de-camp. Personne n'?tait plus en ?tat que cet officier, de la remplir dignement. C'?tait un v?ritable Fran?ais: spirituel, aimable et brave, il ?tait aussi brillant sur un champ de bataille, que dans une conf?rence diplomatique ou dans un salon, et savait plaire en tous lieux par l'agr?ment et la fermet? de son caract?re.

M. de Flahaut partit, et ne put d?passer Stuttgard. Cette disgr?ce convertit en regret douloureux la joie qu'avait d?j? fait na?tre l'esp?rance de revoir le jeune prince et son auguste m?re.

Les peuples qui se trouvaient r?pandus sur leur passage, avaient d'avance pr?par? les moyens de faire ?clater leur amour et leur respect.

Le retour de Napol?on avait ?t? c?l?br? par des cris d'enthousiasme qui ressemblaient ? l'ivresse de la victoire; celui de l'Imp?ratrice n'e?t inspir? que de tendres ?motions. Les acclamations mod?r?es par de douces larmes, les routes jonch?es de fleurs, les villageoises par?es de leurs atours et de leur bonheur, auraient donn? ? ce spectacle l'aspect d'une f?te de famille; et Marie-Louise n'e?t point sembl? la fille des C?sars rentrant dans ses ?tats, mais une m?re bien aim?e qui, apr?s une longue et douloureuse absence, est enfin rendue aux voeux de ses enfans.

Son fils, sur la t?te duquel reposaient alors de si hautes destin?es, aurait excit? des transports non moins vifs, non moins touchans. Arrach?, d?s le berceau, ? son tr?ne, ? sa patrie, il n'avait point cess? de reporter ses souvenirs et ses regards vers le sol qui l'avait vu na?tre; une foule de mots hardis et ing?nieux avait r?v?l? ses regrets, ses esp?rances; et ces mots r?p?t?s et appris par coeur, rendaient cet auguste enfant l'objet des pens?es et des affections les plus ch?res.

L'Empereur fut profond?ment afflig? de la d?tention arbitraire de sa femme et de son fils. Il en sentait toute l'importance; plusieurs fois on lui offrit de les enlever; moi-m?me je fus charg?, par un tr?s-grand personnage, de l'entretenir d'une offre de cette nature. Mais il persista obstin?ment ? ne vouloir accueillir aucune proposition. Peut-?tre r?pugnait-il ? sa tendresse ou ? sa fiert?, de confier, aux hasards d'une semblable entreprise, des personnes aussi ch?res, et qu'il ?tait assur? d'obtenir plus dignement de la victoire ou de la paix. Peut-?tre craignait-il de compromettre leurs destin?es, s'il succombait dans la lutte qui allait s'engager entre l'Europe et lui; car, malheureusement, cette lutte si long-tems incertaine, n'?tait plus douteuse, m?me ? ses yeux.

Les ouvertures indirectes faites aux cabinets ?trangers, et celles renouvel?es sous toutes les formes par l'Empereur, par le duc de Vicence, avaient ?chou? compl?tement.

Les efforts tent?s, en faveur de la France, dans le parlement britannique, par les g?n?reux d?fenseurs des droits et de l'ind?pendance des nations, ?taient demeur?s sans succ?s.

M. de Saint-L... et M. de Mont..., revenus de Vienne, avaient annonc? que les alli?s ne se d?partiraient jamais des principes manifest?s dans leurs d?claration et trait? des 13 et 25 mars.

M. de Talleyrand, sur lequel on comptait, convaincu du triomphe des Bourbons, avait refus? de les trahir ou de les abandonner.

M. de Stassard avait ?t? arr?t? ? Lintz et forc? de revenir sur ses pas. Ses d?p?ches, saisies et envoy?es ? l'empereur d'Autriche, avaient ?t? mises sous les yeux des monarques ?trangers; et ces monarques avaient arr?t? unanimement qu'elles ne seraient point prises en consid?ration, et qu'ils adh?raient de nouveau, et plus formellement que jamais, ? leur d?claration.

Les agens que l'Empereur entretenait ? l'?tranger l'avaient instruit que les troupes de toutes les puissances ?taient sous les armes, et que l'on n'attendait que l'arriv?e des Russes pour entrer en campagne.

Tout espoir de conciliation ?tait donc an?anti; les amis de Napol?on commen?aient ? douter de son salut: lui seul contemplait, avec une imperturbable fermet?, les dangers dont il ?tait menac?.

Les ?v?nemens de 1814 lui avaient r?v?l? l'importance de la capitale, et l'on pense bien qu'il ne n?gligea point les moyens de la mettre en ?tat de d?fense. Quand le moment fut venu d'arr?ter d?finitivement les travaux de fortifications qu'il avait d?j? fait ?baucher, M. Fontaine, son architecte favori, ?tait pr?s de lui et voulut se retirer. <> Il se fit apporter la carte des chasses, examina les sinuosit?s du terrain, consulta M. Fontaine sur l'emplacement des redoutes, l'?tablissement des couronnes, triple-couronnes, lunettes, etc., etc., et en moins d'une demi-heure, il con?ut et arr?ta, sous le bon plaisir de son architecte, un plan d?finitif de d?fense qui obtint l'assentiment des ing?nieurs les plus exerc?s.

Une nu?e d'ouvriers couvrit bient?t les alentours de Paris; mais, pour augmenter l'effet que devait produire en France et ? l'?tranger la fortification de cette ville, Napol?on fit insinuer ? la garde nationale d'y travailler. Aussit?t, des d?tachemens de l?gions, accompagn?s d'une foule de citoyens et de f?d?r?s des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, se port?rent ? Montmartre, ? Vincennes, et proc?d?rent, en chantant, ? l'ouverture des tranch?es. Les grenadiers de la garde ne voulurent pas rester oisifs, et vinrent, leur musique en t?te, prendre part aux travaux. L'Empereur, accompagn? seulement de quelques officiers de sa maison, allait souvent encourager le z?le des travailleurs. Sa pr?sence et ses paroles enflammaient leur imagination; ils croyaient voir les Thermopyles, dans chaque passage ? fortifier; et, nouveaux Spartiates, ils juraient, avec enthousiasme, de les d?fendre jusqu'? la mort.

Les f?d?r?s ne s'en tinrent point ? ces d?monstrations si souvent st?riles; ils demand?rent des armes, et s'offens?rent du retard qu'on apportait ? leur en donner. Ils se plaignirent non moins vivement, de n'avoir point encore ?t? pass?s en revue par l'Empereur.

L'Empereur, pour les apaiser, s'empressa de leur annoncer qu'il les admettrait avec plaisir ? d?filer devant lui le premier jour de parade.

Les chefs de la conf?d?ration lui adress?rent un discours, o? l'on remarqua principalement les passages suivans:

Vous ?tes, Sire, l'homme de la nation, le d?fenseur de la patrie; nous attendons de vous une glorieuse ind?pendance et une sage libert?. Vous nous assurerez ces deux biens pr?cieux; vous consacrerez ? jamais les droits du peuple; vous r?gnerez par la constitution et les lois: nous venons vous offrir nos bras, notre courage, et notre sang pour le salut de la capitale.

Ah! Sire, que n'avions-nous des armes au moment o? les rois ?trangers, enhardis par la trahison, s'avanc?rent jusques sous les murs de Paris!... nous versions des larmes de rage en voyant nos bras inutiles ? la cause commune;... nous sommes presque tous d'anciens d?fenseurs de la patrie: la patrie doit remettre avec confiance des armes ? ceux qui ont vers? leur sang pour elle. Donnez-nous des armes en son nom... Nous ne sommes les instrumens d'aucun parti, les agens d'aucune faction... Citoyens, nous ob?issons ? nos magistrats et aux lois; soldats, nous ob?issons ? nos chefs...

L'Empereur leur r?pondit en ces termes:

Soldats, f?d?r?s des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau: Je suis revenu seul, parce que je comptais sur le peuple des villes, les habitans des campagnes et les soldats de l'arm?e, dont je connaissais l'attachement ? l'honneur national. Vous avez tous justifi? ma confiance. J'accepte votre offre. Je vous donnerai des armes, je vous donnerai pour vous guider des officiers couverts d'honorables blessures, et accoutum?s ? voir fuir l'ennemi devant eux. Vos bras robustes et faits aux p?nibles travaux, sont plus propres que tous autres au maniement des armes. Quant au courage, vous ?tes Fran?ais; vous serez les ?claireurs de la garde nationale. Je serai sans inqui?tude pour la capitale, lorsque la garde nationale et vous vous serez charg? de sa d?fense; et s'il est vrai, que les ?trangers persistent dans le projet impie d'attenter ? notre ind?pendance et ? notre honneur, je pourrai profiter de la victoire sans ?tre arr?t? par aucune sollicitude.

Soldats, f?d?r?s! s'il est des hommes dans les hautes classes de la soci?t? qui ayent d?shonor? le nom Fran?ais; l'amour de la patrie et le sentiment d'honneur national, se sont conserv?s tout entiers dans le peuple des villes, les habitans des campagnes et les soldats de L'arm?e. Je suis bien aise de vous voir. J'ai confiance en vous: vive la nation!

N?anmoins, malgr? sa promesse, l'Empereur, sous le pr?texte que le nombre des fusils n'?tait point suffisant, ne fit donner des armes qu'aux f?d?r?s de service; en sorte qu'elles passaient journellement de mains en mains, et ne restaient par cons?quent en la possession de personne. Plusieurs motifs lui firent prendre cette pr?caution. Il voulait conserver ? la garde nationale une sup?riorit? qu'elle aurait perdue, si la totalit? des f?d?r?s e?t ?t? arm?e. Il craignait ensuite que les r?publicains qu'il regardait toujours comme ses ennemis implacables, ne s'emparassent de l'esprit des f?d?r?s et ne parvinssent, au nom de la libert?, ? leur faire tourner contre lui les armes qu'il leur aurait donn?es. Pr?vention funeste! qui lui fit placer sa force autre part que dans le peuple, et lui ravit par cons?quent son plus ferme soutien.

Au moment o? la population de Paris t?moignait ? l'Empereur et ? la patrie le plus fid?le d?vouement, le tocsin de l'insurrection retentissait dans les campagnes de la Vend?e.

D?s le 1er mai, quelques sympt?mes d'agitation avaient ?t? remarqu?s dans le Boccage. Le brave et infortun? Travot par fermet?, par persuasion, ?tait parvenu ? r?tablir l'ordre; et tout paraissait tranquille, lorsque des ?missaires de l'Angleterre vinrent de nouveau rallumer l'incendie.

MM. Auguste de la Roche-Jaquelin, d'Autichamp, Suzannet, Sapineau, Daudign?, et quelques autres chefs de la Vend?e, se r?unirent. La guerre civile fut r?solue. Le 15 mai, jour convenu, le tocsin se fit entendre; des proclamations ?nergiques appel?rent aux armes les habitans de l'Anjou, de la Vend?e, du Poitou; et l'on parvint ? rassembler une masse confuse de sept ? huit mille paysans.

Les agens Anglais avaient annonc? que le marquis Louis de la Roche-Jaquelin apportait aux provinces de l'Ouest des armes, des munitions, et de l'argent. Les insurg?s se port?rent aussit?t ? Croix-de-Vic pour favoriser son d?barquement. Quelques douaniers r?unis ? la h?te, s'y oppos?rent, mais vainement: la Roche-Jaquelin triomphant remit, entre les mains des malheureux Vend?ens, les funestes pr?sens de l'Angleterre.

La nouvelle de ce soul?vement que des rapports inexacts avaient consid?rablement exag?r?, parvint ? l'Empereur dans la nuit du 17. Il m'appela pr?s de son lit, me fit mettre sur la carte les positions des Fran?ais et des insurg?s, et me dicta ses volont?s.

Il prescrivit ? une partie des troupes stationn?es dans les divisions limitrophes, de se porter en toute h?te sur Niort et sur Poitiers, au g?n?ral Brayer de se rendre en poste ? Angers, avec deux r?gimens de la jeune garde; au g?n?ral Travot de rappeler ses d?tachemens et de se concentrer jusqu'? nouvel ordre; des officiers d'ordonnance exp?riment?s furent charg?s d'aller reconna?tre le terrain; et le g?n?ral Corbineau dont l'Empereur connaissait les talens, la mod?ration et la fermet?, fut envoy? sur les lieux pour apaiser la r?volte, ou pr?sider en cas de besoin aux op?rations militaires. Toutes ces dispositions arr?t?es, l'Empereur referma tranquillement les yeux; car la facult? de go?ter ? volont? les douceurs du sommeil, ?tait une des pr?rogatives que lui avait accord? la nature.

Des d?p?ches t?l?graphiques apport?rent bient?t des d?tails plus circonstanci?s et plus rassurans. On sut que les paysans, auxquels on avait donn? l'ordre de fournir seulement quatre hommes par paroisse, avaient montr? de l'h?sitation et de la mauvaise volont?, et que les chefs avaient eu beaucoup de peine ? rassembler quatre ? cinq mille hommes, compos?s en grande partie de vagabonds et d'ouvriers sans ouvrage. On sut enfin que le g?n?ral Travot, ayant ?t? instruit du d?barquement et de la route qu'avait suivi le convoi, s'?tait mis ? la poursuite des insurg?s, les avait atteints en avant de St.-Gilles, leur avait tu? trois cents hommes, et s'?tait empar? de la majeure partie des armes et des munitions.

Il transmit l'ordre au g?n?ral Lamarque qu'il venait d'investir de la direction supr?me de cette guerre, de favoriser de tout son pouvoir les n?gociations de M. de Malartic; il lui prescrivit en m?me tems de d?clarer formellement ? la Roche-Jaquelin et aux autres chefs des insurg?s, que s'ils persistaient ? continuer la guerre civile, il ne leur serait plus fait de quartier, et que leurs maisons et leurs propri?t?s seraient saccag?es et incendi?es.

Il lui recommanda aussi de presser le plus vivement possible les bandes de la Vend?e, afin de ne leur laisser d'autre espoir de salut qu'une prompte soumission. Mais cette recommandation ?tait superflue. D?j? le g?n?ral Travot, par des attaques impr?vues, des marches savantes, des succ?s toujours croissans, ?tait parvenu ? porter le trouble et l'effroi dans l'?me des insurg?s, et ils cherchaient moins ? le combattre qu'? l'?viter.

En op?rant le mouvement de concentration qui lui avait ?t? prescrit, ce g?n?ral se rencontra la nuit et par hasard, ? Aisenay, avec l'arm?e royale. Les Vend?ens, surpris, se crurent perdus. Quelques coups de fusils jet?rent dans leurs rangs le d?sordre et l'?pouvante; ils se pr?cipit?rent les uns sur les autres, et se d?band?rent si compl?tement que MM. de Sapineau et Suzannet se trouv?rent plusieurs jours sans soldats. M. d'Autichamp, quoiqu'?loign? du lieu du combat, ?prouva le m?me sort. Ses troupes l'abandonn?rent avec autant de facilit?, qu'il avait eu de peine ? les r?unir.

Cette d?fection n'?tait point le seul effet de la terreur que l'arm?e imp?riale devait naturellement inspirer ? de malheureux paysans; elle tenait encore ? plusieurs autres circonstances. D'abord, elle r?sultait du peu de confiance des insurg?s dans l'exp?rience et la capacit? de leur g?n?ral en chef le marquis de la Roche-Jaquelin. Ils rendaient justice ? sa belle bravoure, mais il s'?tait perdu dans leur esprit en les compromettant sans cesse par de fausses manoeuvres, et en voulant les assujettir ? un service r?gulier, incompatible avec leurs habitudes domestiques et leur mani?re de faire la guerre. Elle provenait ensuite de la division qui s'?tait introduite, d?s le d?but de la guerre, parmi leurs g?n?raux. Le marquis de la Roche-Jaquelin, ardent et ambitieux, s'?tait arrog? le commandement supr?me; et les vieux fondateurs de l'arm?e royale, les d'Autichamp, les Suzannet, les Sapineau, n'ob?issaient qu'? regret aux ordres imp?rieux d'un jeune officier, jusques-l? sans service et sans r?putation.

Mais la cause premi?re, la cause fondamentale de la mollesse ou de l'inertie des Vend?ens, ?tait plus encore le changement survenu depuis le couronnement de Napol?on dans l'?tat politique et militaire de la France: ils savaient que le tems o? ils faisaient peur aux bleus et s'emparaient ? coups de b?ton de leur artillerie, ?tait pass?. Ils savaient que le tems de la terreur, de l'anarchie, ?tait fini pour toujours, et qu'ils n'avaient plus ? redouter ni les abus, ni les exc?s, ni les crimes qui avaient provoqu? et entretenu leur premi?re insurrection. Quant ? l'attachement qu'ils avaient h?rit? de leurs p?res pour la famille des Bourbons, cet attachement, sans ?tre banni de leurs coeurs, ?tait balanc? par la crainte de voir rena?tre les malheurs et les d?vastations de l'ancienne guerre civile, par l'inqui?tude que leur inspirait la renaissance du double despotisme des pr?tres et des nobles, et peut-?tre encore par le souvenir des bienfaits de Napol?on. C'?tait lui qui leur avait rendu leurs ?glises et leurs ministres, qui avait relev? les ruines de leurs habitations d?sol?es, et qui les avait affranchis ? la fois des exactions r?volutionnaires et des brigandages de la chouannerie.

L'Empereur, ne doutant point de la fin prochaine et de l'heureuse issue de cette guerre, l'annon?a hautement en audience publique. <>

Les nouvelles qu'il re?ut du roi de Naples furent bien loin de lui inspirer la m?me satisfaction.

Ce prince, comme je l'ai dit pr?c?demment, apr?s avoir remport? plusieurs avantages assez brillans, s'?tait avanc? jusqu'aux portes de Plaisance, et se disposait ? marcher sur Milan, ? travers le territoire Pi?montais, lorsque lord Bentink lui fit notifier que l'Angleterre se d?clarerait contre lui, s'il ne respectait point les ?tats du roi de Sardaigne. Joachim, craignant une diversion des Anglais sur Naples, consentit ? changer de direction. Les Autrichiens eurent le tems d'accourir, et Milan fut sauv?.

Sur ces entrefaites, un corps d'arm?e napolitain, qui avait p?n?tr? en Toscane et chass? devant lui le g?n?ral Nugent, fut surpris et forc? de se retirer pr?cipitamment sur Florence.

Ce revers inattendu, et les renforts consid?rables que les Autrichiens re?urent, d?termin?rent Joachim ? r?trograder: il se retira pied ? pied sur Ancone.

Les Anglais, neutres jusqu'alors, se d?clar?rent contre lui, et s'alli?rent ? l'Autriche et aux Siciliens. Joachim, menac?, press? de tous c?t?s, concentra ses forces. Une bataille g?n?rale fut livr?e ? Tolentino. Les Napolitains, anim?s par la pr?sence et la valeur de leur roi, attaqu?rent vivement le g?n?ral Bianchi, et tout leur pr?sageait la victoire, quand l'arriv?e du g?n?ral Neipperg, ? la t?te de troupes fra?ches, changea la face des affaires. L'arm?e napolitaine, rompue, abandonna le champ de bataille et s'enfuit ? Macerata.

Un second combat aussi malheureux eut lieu ? Caprano, et la prise de cette ville, par les Autrichiens, leur ouvrit l'entr?e du royaume de Naples, tandis que le corps du g?n?ral Nugent, qui s'?tait dirig? de Florence sur Rome, p?n?trait par une autre route sur le territoire napolitain.

Le bruit de la d?faite et de la mort du roi, l'approche des arm?es autrichiennes et leurs proclamations, excit?rent une s?dition ? Naples. Les Lazzaronis, apr?s avoir assassin? quelques Fran?ais et massacr? le ministre de la police, se port?rent au Palais-Royal, dans le dessein d'?gorger la reine. Cette princesse, digne du sang qui coulait dans ses veines, ne s'effraya point de leurs cris et de leurs menaces; elle leur tint t?te courageusement, et les for?a de rentrer dans l'ob?issance.

Joachim, rest? debout au milieu des d?bris de son arm?e, soutenait, avec une constance h?ro?que, les efforts de ses ennemis; r?solu de p?rir les armes ? la main, il s'?lan?ait sur les bataillons, et portait, dans leur sein, l'?pouvante et la mort. Mais sa valeur ne pouvait qu'illustrer sa chute. Toujours repouss?, toujours invuln?rable, il abandonna l'espoir de vaincre ou de se faire tuer. Il revint ? Naples, dans la nuit du 19 au 20 mars; la reine parut indign?e de le voir. <> Il partit aussit?t, pour ne point tomber au pouvoir des Autrichiens, et vint se r?fugier en France. La reine, malgr? les dangers qui mena?aient sa vie, voulut rester ? Naples, jusqu'? ce que le sort de l'arm?e et le sien eussent ?t? d?cid?s. Le trait? sign?, elle se retira ? bord d'un b?timent anglais, et se fit conduire ? Trieste.

La catastrophe du roi fit sur l'esprit superstitieux de Napol?on, la plus profonde impression; mais elle n'inspira aux Fran?ais que peu de regrets et point de crainte. Je dis point de crainte, car la nation s'?tait familiaris?e avec l'id?e de la guerre. Le patriotisme et l'?nergie dont elle se sentait anim?e, lui inspiraient une telle confiance, qu'elle se croyait assez forte pour se passer de l'appui des Napolitains et lutter seule contre la coalition. Elle se rappelait la campagne de 1814; et si, ? cette ?poque, Napol?on, avec soixante mille soldats, avait battu et tenu en ?chec les arm?es victorieuses de l'?tranger, que ne devait-elle point esp?rer aujourd'hui, que l'arm?e, forte de trois cents mille combattans, ne serait, au besoin, que l'avant-garde de la France? Les royalistes et leurs journaux, en r?p?tant les manifestes de Gand et de Vienne, en ?num?rant les arm?es ?trang?res, en exag?rant nos dangers, ?taient bien parvenus ? amollir quelques ?mes et ? ?branler leurs opinions; mais les sentimens de la masse nationale n'avaient rien perdu de leur vigueur et de leur ?nergie. Chaque jour, de nouvelles offrandes ?taient d?pos?es sur l'autel de la patrie; et chaque jour se formaient, sous le nom de lanciers, de partisans, de f?d?r?s, de chasseurs des montagnes, de tirailleurs, de nouveaux corps de volontaires aussi nombreux que redoutables.

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