Read Ebook: Le Tour du Monde; Voyage d'un naturaliste. Journal des voyages et des voyageurs; 2. sem. 1860 by Various Charton Douard Editor
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Ebook has 97 lines and 29073 words, and 2 pages
Plus heureux pour la botanique, j'ai rapport? cent quatre-vingt-treize plantes, tant cryptogames que phan?rogames; cent de ces derni?res sont des esp?ces nouvelles.
Enfin, le trait le plus saillant de l'histoire naturelle de cet archipel, c'est que les esp?ces des diverses ?les diff?rent entre elles. Le vice-gouverneur m'assura qu'il pouvait distinguer avec certitude au premier coup d'oeil une tortue venant de telle ou telle ?le. Je ne fis pas d'abord grande attention ? ce dire, ne pouvant imaginer que des ?les situ?es en vue les unes des autres, s?par?es par une distance de cinquante ? soixante milles, form?es des m?mes rocs, plac?es sous la m?me latitude, s'?levant ? une hauteur ? peu pr?s ?gale, pussent avoir des h?tes diff?rents. Mais il ne me fut plus permis de douter lorsque, comparant les nombreux sp?cimens d'oiseaux moqueurs tu?s par moi et par plusieurs de mes compagnons dans les diverses ?les, je d?couvris entre eux, ? ma grande surprise, des diff?rences assez tranch?es pour caract?riser des genres distincts. La m?me observation s'appliquait aux reptiles, aux insectes, aux plantes. N?anmoins, tout entour? que j'?tais d'esp?ces nouvelles, les plaines temp?r?es de la Patagonie, les chauds et arides d?serts du Chili septentrional, reparaissaient devant mes yeux, ?voqu?s par le son de voix des oiseaux, par leur plumage, par de l?gers et innombrables d?tails de structure, rappelant les types am?ricains, quoique s?par?s du continent par une mer d?couverte, large de cinq ? six cents milles.
L'archipel Galapagos est donc ? lui seul un petit monde, ou plut?t un satellite de l'Am?rique du Sud, d'o? lui sont venus quelques colons nomades, et qui a donn? son empreinte g?n?rale aux productions indig?nes. Si l'on consid?re la petitesse des ?les, on s'?tonne d'y trouver autant de cr?ations nouvelles, circonscrites dans aussi peu d'?tendue. En voyant chaque hauteur couronn?e de son crat?re et les limites des crat?res de lave encore aussi nettes, on est conduit ? penser qu'? une ?poque r?cente, au point de vue g?ologique, l'Oc?an se d?roulait l? sans entraves; et on se trouve en pr?sence, comme espace et comme temps, de cette myst?rieuse ?nigme, la premi?re apparition d'?tres nouveaux sur la terre. Comment tant de force cr?atrice a-t-elle ?t? d?pens?e pour peupler ces rocs nus et st?riles? Comment cette force a-t-elle agi d'une fa?on diverse, et pourtant analogue, sur des points aussi rapproch?s? Les esp?ces nouvelles ont-elles ?t? cr??es isol?ment? ou sont-ce des vari?t?s de quelques types originaux, cr??s primitivement ou import?s, et que des conditions autres ont modifi??
Trad. par Mlle A. DE MONTGOLFIER.
?le Keeling. -- Aspect merveilleux. -- Flore exigu?. -- Voyage des graines. -- Oiseaux. -- Insectes. -- Sources ? flux et reflux. -- Chasse aux tortues. -- Champs de coraux morts. -- Pierres transport?es par les racines des arbres. -- Grand crabe. -- Corail piquant. -- Poissons se nourrissant de coraux. -- Formation des attoles. -- Profondeur ? laquelle le corail peut vivre. -- Vastes espaces parsem?s d'?les de corail. -- Abaissement de leurs fondations. -- Barri?res. -- Franges de r?cifs. -- Changement des franges en barri?res et des barri?res en attoles.
Les Malais, aujourd'hui libres de nom, le sont personnellement de fait, bien que trait?s en g?n?ral comme esclaves. Leur habituel m?contentement, la versatilit? qui les fait constamment passer d'une ?le ? l'autre, peut-?tre aussi quelque erreur d'administration, rendent l'?tat des choses assez peu florissant. Le cochon est le seul quadrup?de domestique de l'?le, dont tout le commerce, toute la prosp?rit? roulent sur sa principale production v?g?tale, le coco. L'huile extraite des noix s'exporte, les fruits m?mes, envoy?s ? Singapoure et ? l'?le Maurice, servent principalement ? faire du currie. Canards, volailles, cochons, ceux-ci couverts d'un lard ?pais, se nourrissent de coco, et il n'y a pas jusqu'? un colossal crabe de terre qui ne soit pourvu par la nature des moyens d'ouvrir ce fruit et de s'en repa?tre.
Le cercle de r?cifs qui forme la lagune est couronn?, dans presque toute son ?tendue, d'une guirlande d'?lots tr?s-?troits, qui, au nord, sous le vent, laissent un passage aux vaisseaux pour p?n?trer ? l'int?rieur du mouillage. D?s l'entr?e, le spectacle est ravissant. L'eau, calme, limpide, transparente, peu profonde, repose sur un lit blanc, uni, fin. Le soleil dardant ses rayons verticaux sur cette immense plaque de cristal, de plusieurs milles de largeur, la fait resplendir du vert le plus ?clatant; des lignes de brisants, frang?es d'une ?blouissante ?cume, la s?parent des noires et lourdes vagues de l'Oc?an, et les festons r?guliers et arrondis des cocotiers, ?pars sur les ?lots, se d?tachant sur la vo?te azur?e du ciel, ach?vent d'encadrer ce miroir d'?meraudes, tachet? ?a et l? par des lignes de vivants coraux.
D?s le lendemain matin, j'?tais sur la rive de l'?le de la Direction, bande d?terre ferme, large ? peine de quelques centaines de m?tres. Une blanche marge calcaire, d'une r?verb?ration fatigante sous cet ardent climat, la s?pare de la lagune; ? l'ext?rieur, elle est d?fendue par un rebord large et plat, en roche de corail solide, qui apaise et arr?te la violence de la haute mer. Sauf quelques sables pr?s de la lagune, le sol n'est qu'une accumulation de fragments de coraux arrondis, et il faut le climat des r?gions intertropicales pour produire une v?g?tation vigoureuse sur ce terrain d?sagr?g?, sec et rocailleux. Rien de plus ?l?gant n?anmoins que les cocotiers, vieux et jeunes, dont les palmes vertes s'unissent au-dessus de f?eriques petits ?lots, qui les encadrent d'un anneau de sable argent?.
La liste des animaux terrestres est plus born?e encore que celle des v?g?taux. Quelques rats ont ?t? apport?s de l'?le Maurice sur un vaisseau naufrag?, et les seuls oiseaux de terre sont une b?casse et un r?le; les ?chassiers, apr?s les palmip?des, sont les premiers colons de ces r?gions lointaines.
Tout ce que j'ai rencontr? en fait de reptiles, c'est un petit l?zard, et, ? part les araign?es, qui sont nombreuses, je n'ai pu recueillir que treize esp?ces d'insectes, dont un col?opt?re; enfin, sous des blocs isol?s de corail pullule seule une petite fourmi. Mais si, de cette terre st?rile, nous reportons nos regards vers la mer, nous y verrons affluer la vie. Il y a de quoi s'enthousiasmer ? contempler le nombre infini d'?tres organiques dont regorgent les mers tropicales; de beaux poissons verts et de mille teintes diverses chatoient dans les creux, dans les grottes, et les couleurs de plusieurs des zoophytes sont admirables.
Les longues et ?troites bandes de terre qui forment les ?lots, s'?l?vent seulement ? la hauteur o? le ressac peut lancer des fragments de coraux, o? le vent peut entasser des sables calcaires. Au dehors un rebord de corail plat et solide brise la premi?re violence des flots, qui, autrement, balayeraient ces ?cueils et tout ce qu'ils produisent. Ici l'Oc?an et la terre semblent se disputer l'empire: si celle-ci commence ? prendre pied, les citoyens de l'onde maintiennent leurs droits ant?rieurs. De tous c?t?s l'on voit diverses esp?ces du crabe ermite promener sur leur dos la coquille d?rob?e ? la plage voisine: d'innombrables hirondelles de mer, des fr?gates, des fous, fixent sur vous leurs yeux stupides et col?res, planent dans l'air, surchargent les branches des arbres, infestent les bois de leurs nids. Parmi cette population ail?e je n'ai distingu? qu'une charmante cr?ature; une mignonne hirondelle de mer, d'un blanc de neige. Vous ?piant de son brillant oeil noir, elle voltige doucement, toujours tout pr?s, et sous cette gracieuse et d?licate enveloppe on serait tent? d'imaginer quelque sylphe l?ger qui vous observe et vous suit.
Sur cette m?me ?le se trouvent les puits, o? les vaisseaux s'approvisionnent d'eau douce. Au premier aper?u on s'?tonne d'en voir le niveau descendre et monter suivant le mouvement des mar?es. On est all? jusqu'? imaginer qu'ils se remplissaient d'eau de mer que les sables avaient la vertu de filtrer et de dessaler. Ces puits, ? flux et reflux, sont communs aussi sur quelques-unes des ?les basses des Indes occidentales. Le sable comprim?, ou le corail poreux, boivent l'eau sal?e comme ferait une ?ponge; mais la pluie qui tombe ? la surface descend naturellement jusqu'au niveau de la mer environnante, refoulant un volume ?gal d'eau sal?e. Celle-ci s'?l?ve ou s'abaisse avec la mar?e, la couche sup?rieure d'eau douce suit le mouvement, et pour peu que la masse soit compacte, il n'y a pas m?lange. Il en arrive autrement partout o? le terrain consiste en gros blocs s?par?s par des interstices; l?, si l'on creuse un puits, on arrive ? l'eau saum?tre.
Apr?s d?ner nous e?mes la curieuse repr?sentation d'une petite sc?ne superstitieuse, jou?e par les femmes des Malais. Une ?norme cuill?re de bois, affubl?e de v?tements, et qu'on a fait s?journer dans le s?pulcre d'un mort, devient inspir?e, et danse et gambade ? la pleine lune. Les c?r?monies pr?paratoires termin?es, la cuill?re magique parut, port?e par deux femmes, et commen?a ? se d?mener convulsivement, tandis que femmes et enfants chantaient ? qui mieux mieux. Je trouvai le spectacle grotesque, mais M. Liesk m'affirma que la plupart des Malais croient ces mouvements surnaturels.
La danse n'avait commenc? qu'au lever de la lune, et il y avait plaisir ? la contempler. La placide lumi?re de l'astre nous arrivait ? travers les branches des cocotiers doucement agit?es par la brise du soir. Ces nuits des tropiques sont si d?licieuses qu'elles feraient presque oublier un moment les chers souvenirs de famille et de patrie, auxquels se rattachent les meilleurs sentiments de notre ?me.
Le 6 avril, j'accompagnai le capitaine au fond de la lagune: le chenal y tournoie entre des coraux d?licatement ramifi?s. Nous v?mes plusieurs tortues auxquelles deux barques donnaient la chasse. L'eau peu profonde est si limpide que la tortue, qui y plonge et dispara?t instantan?ment, est presque aussit?t retrouv?e. Le canot ? voile la suit, l'homme, debout ? l'avant, s'?lance sur la carapace, s'attache des deux mains au cou de l'animal, et se laisse emporter jusqu'? ce qu'il soit ma?tre de la tortue ?puis?e. Il ?tait amusant de voir les deux bateaux se devancer l'un l'autre, et les hommes s'?lancer la t?te la premi?re dans l'eau ? la poursuite de leur proie. ? l'archipel des Chagos, sur ce m?me oc?an, les naturels, ? ce que raconte le capitaine Noresby, emploient un odieux moyen pour enlever la carapace ? la tortue vivante. Ils recouvrent de charbons incandescents l'?caill?, qui se retourne et qu'ils arrachent avec un couteau, laissant l'animal regagner la mer, o? au bout de quelque temps, la carapace se reforme, trop mince pour ?tre d'aucun usage, tandis que la pauvre cr?ature se tra?ne toujours languissante et malade apr?s cette barbare ex?cution.
Arriv?s au bout de la lagune, nous travers?mes l'?troit ?lot, pour voir, du c?t? du vent, la large mer se briser sur la c?te. Je ne puis dire pourquoi, ni ? quel point ce spectacle me para?t imposant: ces ?l?gants cocotiers, ces lignes de verdoyants buissons, cette marge plate, infranchissable barri?re, sem?e de blocs ?pars, enfin cette frange de vagues ?cumantes, qui se ruent alentour des r?cifs. L'Oc?an, comme un invincible et tout-puissant ennemi, lance ses flots, et il est repouss?, vaincu, par les moyens les plus simples. Ce n'est pas qu'il ?pargne les roches de corail, dont les gigantesques fragments jet?s sur la plage proclament sa puissance; il n'accorde ni paix ni tr?ve; la longue houle, enfl?e par le doux mais incessant travail des vents aliz?s, soufflant toujours d'une m?me direction sur cet espace immense, soul?ve des vagues presque aussi hautes que celles qu'accumulent les temp?tes de nos zones temp?r?es; on reste convaincu ? voir leur incessante rage, que l'?le du roc le plus dur, de porphyre, de granit, de quartz, serait d?molie par cette irr?sistible force, tandis que ces humbles rives demeurent victorieuses. Un autre pouvoir a pris part ? la lutte. La force organique s'empare un ? un des atomes de carbonate de chaux et les s?pare de la bouillonnante ?cume, pour les unir dans une sym?trique structure. Qu'importe que la temp?te arrache par milliers d'?normes blocs de rochers! que peut-elle contre le travail incessant de myriades d'architectes ? l'oeuvre nuit et jour? Nous voyons ici le corps mou et g?latineux d'un polype vaincre, par l'action des lois vitales, l'immense pouvoir m?canique des vagues de l'Oc?an auxquelles ne r?sisteraient, ni l'art de l'homme, ni les ouvrages inanim?s de la nature.
Nous ne retourn?mes ? bord qu'assez tard, ?tant rest?s dans la lagune ? examiner les champs de corail et la coquille g?ante du chama qui retient, jusqu'? la mort du mollusque, la main assez hardie pour s'aventurer sous son ?caille. Je fus surpris de voir, presque en t?te de la lagune, un large espace, d'environ deux kilom?tres carr?s, couvert de coraux, ? branches d?licates, tous morts et putr?fi?s bien que debout. Je finis cependant par m'expliquer ce fait. La plus courte exposition ? l'air, sous les rayons du soleil, suffit pour tuer ces zoophytes; aussi la limite de leur croissance s'arr?te-t-elle ? la hauteur des plus basses mar?es du printemps: or, selon quelques vieilles cartes, l'?le qui s'allonge du c?t? du vent ?tait jadis divis?e par de larges canaux, ainsi que l'attestent les arbres, plus jeunes aux places de jonction. Lors du premier ?tat du r?cif, chaque forte brise, lan?ant un plus grand volume d'eau sur la barri?re, tendait ? exhausser le niveau de la lagune. Maintenant, au contraire, non-seulement l'eau n'est plus accrue par les courants ext?rieurs, mais elle est repouss?e par la force du vent. De l? vient, comme la chose a ?t? observ?e, qu'en t?te de la lagune, la mar?e ne s'?l?ve pas autant par les fortes brises que durant le calme. Cette diff?rence de niveau, quoique peu consid?rable, a entra?n? la mort des coraux parvenus ? leurs derni?res limites.
? quelques milles de Keeling, M. Ross a trouv?, enfouie sur la c?te ext?rieure d'un petit attole, dont la lagune est presque enti?rement remplie de boue de corail, une diorite, un fragment de pierre verte arrondi et plus gros qu'une t?te d'homme. Le capitaine et ceux qui l'accompagnaient ont ?t? ?galement surpris de la trouvaille, conserv?e depuis comme curiosit?. En effet, dans ces parages o? l'on ne rencontre pas une particule qui ne soit calcaire, le fait devient surprenant. L'?le n'a ?t? que fort peu visit?e, un naufrage juste ? cette place est chose improbable; faute de meilleure explication, j'en suis venu ? croire que ce caillou, engag? dans les racines d'un arbre apport? par la mer et jet? ? la c?te, s'?tait enterr? ? cet endroit. J'ai vu, avec plaisir, mon hypoth?se confirm?e par Chamisso, le naturaliste distingu? qui accompagnait Kotzebue. Il dit que les habitants de l'archipel de Radak, groupe d'attoles dans le milieu de l'oc?an Pacifique, cherchent des pierres pour aiguiser leurs outils dans les racines des arbres ?chou?s sur la plage. Il est ?vident qu'il n'est pas exceptionnel d'en trouver, puisque les lois attribuent la propri?t? de ces pierres aux chefs, et infligent un ch?timent ? quiconque tenterait d'en d?rober. L'?loignement de toute terre qui n'est pas l'oeuvre des madr?pores, est attest? par la valeur m?me qu'attachent au moindre caillou les habitants, qui sont pourtant de hardis navigateurs.
J'allai un autre jour visiter l'?le de West, l'une des plus fertiles, o? les cocotiers s'entourent de jeunes plants vigoureux, qui fleurissent ? leur ombre, et dont les longs rameaux se recourbent et s'arrondissent en berceaux gracieux. Pour conna?tre le charme de ces ravissants bocages, il faut s'?tre assis l?, et y avoir savour? le breuvage frais et d?licieux qu'offre le lait de coco. Une large baie du sable le plus pur, le plus blanc, d'un niveau parfait, et que l'eau ne recouvre qu'aux grandes mar?es, allonge de petites anses dans les bois touffus de l'?le; ce champ, qui a l'?clat d'un lac, et au-dessus duquel se balancent les tiges souples et les ombres mobiles des cocotiers, est de l'aspect le plus singulier et le plus agr?able.
J'ai parl? du birgos, crabe nourri de noix de coco, et qui, tr?s-commun sur toute la surface de ces ?les, y parvient ? une monstrueuse grosseur. S'il n'est pas de la tribu des pagures voleurs, il se rapproche fort de cette esp?ce. Ses deux pattes de devant sont termin?es par de fortes et pesantes tenailles; la derni?re paire est munie de pinces plus faibles et beaucoup plus ?troites. Je n'aurais pas cru possible que ce crustac? ouvr?t une noix de coco recouverte de toutes ses enveloppes; mais M. Liesk m'assura l'avoir souvent pris sur le fait.
L'animal d?chire d'abord l'enveloppe, fibre ? fibre, toujours vers l'extr?mit? o? se trouvent trois petits yeux; il se met ensuite ? marteler de ses rudes tenailles, frappant sur le m?me creux jusqu'? ce qu'une ouverture soit faite. Tournant alors sur lui-m?me, il extrait de la noix, ? l'aide de ses pinces post?rieures fort minces, toute la substance blanche albumineuse. C'est un des plus curieux exemples d'instinct dont j'aie ou? parler; on n'e?t jamais imagin? qu'il entr?t dans le plan de la nature d'?tablir des rapports entre la structure du crabe et celle du coco. Le birgos, qui passe le jour ? terre, se rend, dit-on, toutes les nuits ? la mer, sans doute pour humecter ses branchies, et ses petits vivent quelque temps sur la c?te o? ils ?closent. Ces crabes habitent de profonds terriers sous les racines des arbres; ils y accumulent des quantit?s surprenantes de fibres de cocos ?pluch?es, qui leur servent de lit. Les Malais s'emparent de ces masses fibreuses qu'ils emploient en fa?on de c?bles. Les birgos sont excellents ? manger, et sous la queue des plus gros on trouve une masse de graisse qui, fondue, donne un quart de bouteille d'huile tr?s-limpide. On a pr?tendu que ce crabe grimpait au haut des cocotiers pour en d?rober les fruits. Je doute que cela soit possible. Sur le pandanus, la chose deviendrait plus ais?e; mais M. Liesk m'a affirm? que, dans ces ?les, le birgos se contente des cocos tomb?s ? terre.
Le capitaine Moresby m'apprend que ce crabe habite aussi les ?les de Chagos et de S?chelles, bien qu'on ne le trouve pas dans l'archipel voisin des Maldives. Il abondait jadis ? l'?le Maurice, o? l'on n'en voit presque plus. Dans l'oc?an Pacifique, cette esp?ce, ou une d'habitudes semblables, habite une seule ?le de corail au nord du groupe de la Soci?t?. En preuve de l'?tonnante force des pinces de ce crustac?, le capitaine me raconta qu'ayant voulu en confiner un dans une ?paisse bo?te ? biscuit en fer-blanc, dont il avait solidement assujetti le dessus avec du fil de fer, le prisonnier parvint ? s'?vader en retournant les bords du couvercle, laissant le solide m?tal travers? de petits trous faits comme avec un emporte-pi?ce.
? ma grande surprise, j'ai d?couvert que deux esp?ces de corail du genre millepore avaient le pouvoir de piquer. Leurs branches ou armures, au lieu d'?tre visqueuses au sortir de l'eau, sont rudes au toucher, et exhalent une forte et d?sagr?able odeur. Frott?es ou appuy?es contre l'?pid?mie de la peau, au visage, au bras, elles occasionnent une sensation analogue ? celle que donne l'ortie, ou plut?t la physalie de Portugal. Plusieurs animaux de cette classe, l'aplysie des ?les du Cap-Vert, une actin?e ou an?mone de mer, une coralline flexible alli?e aux sertulaires, poss?dent ce moyen d'attaque ou de d?fense, et, dans la mer des Indes, on trouve jusqu'? une algue piquante.
Deux esp?ces de poissons du genre scare, communs ici, se nourrissent uniquement des polypes du corail; tous deux sont d'un splendide moir? vert et bleu: l'un ne quitte pas la lagune, l'autre les brisants ext?rieurs. M. Liesk en a vu des bancs entiers brouter, avec leurs fortes m?choires, les sommit?s des branches de corail. J'ai ouvert un de ces poissons et j'ai trouv? les intestins dilat?s, pleins d'une substance jaun?tre calcaire et d'une boue sableuse. La d?go?tante et gluante holothurie, dont se r?galent les Chinois, se repa?t aussi de coraux et l'appareil osseux de l'int?rieur de son corps semble parfaitement adapt? ? cette nourriture.
C'est dans la matin?e du 12 avril que nous sommes sortis des lagunes pour passer ? l'?le de France. Je suis heureux d'avoir visit? les attoles; ces formations sont une des merveilles du monde. D'apr?s les sondages du capitaine Fitz-Roy, qui, avec une ligne de plus de six mille pieds de longueur, ne trouvait plus de fond ? une demi-lieue du rivage, l'?le semblerait ?tre form?e par une haute montagne sous-marine, dont les flancs ? pic sont plus escarp?s que ceux du c?ne volcanique le plus abrupt. Le sommet, arrondi en soucoupe, a pr?s de dix milles de diam?tre, et, de cette masse ?norme, pas un fragment, pas un atome qui ne porte l'empreinte de la composition organique. Qu'est-ce que la dimension des pyramides et des plus gigantesques ruines ? c?t? de ces montagnes de pierre, accumul?es par l'action seule de plusieurs esp?ces de si menus, de si d?licats petits animaux?
Les premiers voyageurs imagin?rent que les polypes du corail b?tissaient d'instinct ces grands cercles, pour se prot?ger dans la lagune int?rieure. Mais les esp?ces massives, dont la croissance, aux bords externes, garantit seule l'existence des r?cifs, ne peuvent vivre dans les eaux tranquilles de l'int?rieur de l'attole, o? d'autres coraux d?licatement ramifi?s s'?panouissent. L'hypoth?se exigerait donc que des esp?ces, de famille et de genre distincts, se fussent concert?es ensemble pour un int?r?t commun; or, il n'y a pas d'exemple dans toute la nature d'une telle combinaison. La th?orie la plus g?n?ralement admise ensuite fut que les attoles sont fond?s sur des crat?res sous-marins; ce ? quoi s'opposent ?galement la forme, l'?tendue de quelques-uns de ces ?cueils, le nombre, le rapprochement, la position relative des autres. Une troisi?me opinion, plus sp?cieuse, fut avanc?e par Chamisso. Selon lui, la croissance des coraux ?tant d'autant plus vigoureuse qu'ils sont plus expos?s au flux et au reflux de la haute mer, ceux du bord ext?rieur s'?lancent toujours les premiers de la fondation commune, et d?terminent ainsi la structure circulaire du r?cif. Ici, comme dans la th?orie des crat?res, une importante consid?ration est n?glig?e: ces zoophytes ne peuvent vivre et construire au-dessous de trente m?tres de profondeur; sur quelles bases auraient-ils donc fond? leurs solides ?difices?
On ne saurait admettre que, dans ces insondables et vastes mers, ? de si grandes distances de tout continent, l? o? les eaux sont si limpides, les sables, se disposant par masses ? flancs escarp?s, se soient group?s ?a et l?, ou allong?s en lignes de plusieurs centaines de lieues, pour pr?parer des fondements aux polypiers. Il est tout aussi improbable que des forces expansives aient soulev?, ? travers ces espaces immenses, d'innombrables bancs de rochers, afin de les placer juste ? la distance o? les polypes peuvent s'?tablir, c'est-?-dire de vingt ? trente m?tres au-dessous de la surface des eaux. Si donc les fondations sur lesquelles les coraux ?lev?rent les attoles ne sont pas des d?p?ts de sable, si, pour atteindre la hauteur voulue, le sol n'a pu se rehausser, il a fallu qu'il s'abaiss?t. C'est l'unique solution probable. Ainsi donc, montagne apr?s montagne, ?les apr?s ?les, sont lentement descendues sous les vagues, offrant successivement de nouvelles bases ? l'?tablissement des coraux. J'oserais d?fier d'expliquer autrement les faits; toutes les ?les ?tant ? fleur d'eau, toutes b?ties par les polypes du corail, il a fallu ? toutes une base ?tablie ? la m?me profondeur.
Avant de nous occuper de la singuli?re formation des attoles, voyons un peu ce que sont les barri?res de coraux. Quelques-unes s'?tendent en droite ligne devant les rivages d'un continent ou d'une grande ?le, d'autres en environnent de plus petites; toutes sont s?par?es de la terre par un large canal assez profond, et analogue aux lagunes de l'int?rieur des attoles; structure vraiment curieuse!
Par exemple, ? l'?le de Bola-Bola , la barri?re de r?cifs s'est convertie en terre; mais la ligne blanche d'?normes brisants, sem?s ?a et l? de petits ?lots bas, isol?s, couronn?s de cocotiers, s?pare les sombres vagues de l'Oc?an de la placide surface du canal int?rieur, dont les claires eaux baignent le plus souvent une bordure de terres d'alluvion par?es des plus splendides productions des tropiques. Ce ruban diapr? de vives couleurs s'?tend au pied des sauvages et abruptes montagnes centrales.
Ces ceintures de coraux, sont de longueurs diverses. Celle qui fait face ? la Nouvelle-Cal?donie d'un c?t?, et la cerne aux deux bouts, n'a pas moins de cent trente ? cent quarante lieues. Chaque r?cif , encl?t une, deux ou plusieurs ?les rocheuses de diff?rentes hauteurs; l'un d'eux en renferme environ une douzaine.
La profondeur du canal n'est pas moins variable; en moyenne, elle est de dix ? trente brasses, mais peut aller jusqu'? cinquante-six. ? l'int?rieur, c'est le plus souvent en pente douce que le r?cif s'allonge sous le canal-lagune; rarement, il s'y plonge, comme un mur vertical de deux ? trois cents pieds. ? l'ext?rieur, de m?me que dans les attoles, le roc escarp?, monte invariablement ? pic, du fond de la mer. ?trange construction! nous voyons une ?le, s'?levant comme un ch?teau fort sur une haute montagne sous-marine, prot?g?e par un gigantesque rempart de rochers de corail, toujours escarp? au dehors, parfois au dedans, dont le sommet se termine par une large plate-forme, et dont la base est, de distance en distance, perc?e de br?ches, qui ouvrent aux plus grands vaisseaux l'acc?s de ses larges foss?s.
Du reste, en tout ce qui concerne le r?cif de corail en lui-m?me, nulle diff?rence de forme, de contours, de disposition entre une barri?re et un attole. Comme le remarque fort bien le g?ographe Balbi: une ?le, entour?e d'une barri?re de coraux, n'est autre chose qu'un attole, qui, au centre de sa lagune, voit s'?lever une autre terre; supprimez celle-ci et l'attole est parfait.
Nous arrivons aux franges de r?cifs dont s'entourent les ?les et les continents d?s qu'ils ne sont pas bord?s d'un sol d'alluvion. Lorsque le terrain s'enfonce brusquement sous l'eau, ces r?cifs, de peu de largeur, ?loign?s ? peine de quelques m?tres de la rive qu'ils contournent, forment alentour seulement une frange, un ?troit ruban. Si la plage descend sous l'eau en pente douce, le r?cif s'?tendra plus loin: quelquefois il s'?cartera ? plus d'un ou deux kilom?tres du rivage; alors on pourra s'assurer ? l'aide de la sonde, qu'au dehors du r?cif la pente du fond s'est prolong?e, jamais le corail ne s'?tablissant plus bas qu'? trente m?tres au-dessous du niveau de la mer. Entre ce genre de r?cif, ceux des barri?res, ceux des attoles, il n'existe pas de diff?rence essentielle; seulement, comme les franges ont moins de largeur, elles ont form? moins d'?lots. La croissance des coraux, toujours plus ?nergique au dehors, le rejet des s?diments constamment ? l'int?rieur, ?l?vent davantage le bord externe du r?cif, et, entre son ar?te et le rivage, coule, sur un fond de sable, un canal de quelques pieds de profondeur.
Nulle th?orie sur la formation des coraux, ? moins qu'elle n'explique les barri?res, les franges et les attoles, ne saurait ?tre satisfaisante. Nous avons ?t? amen?s ? croire ? l'abaissement de vastes espaces parsem?s d'?les, lesquelles ne s'?l?vent pas au-dessus de la hauteur o? le vent et les vagues peuvent jeter des d?bris, et qui cependant sont construites par des zoophytes, auxquels, pour asseoir leurs ?difices, il faut des bases d'une profondeur limit?e. Supposons qu'une ?le frang?e de r?cifs s'enfonce insensiblement ou de quelques pieds ? la fois, les masses de coraux vivants que baigne le ressac de la haute mer, stimul?s par le violent choc des vagues du large, qui leur apportent leur nourriture, auront bient?t regagn? la surface. L'eau cependant continuant d'empi?ter peu ? peu sur la rive, et l'?le s'abaissant de plus en plus, de plus en plus r?tr?cie, l'espace entre elle et le r?cif s'?largira constamment, et le canal ainsi agrandi, sera plus ou moins profond, ? raison de l'abaissement du terrain, de l'accumulation de s?diment, et de la croissance des coraux ? branches d?licates, les seuls qui puissent vivre dans ces lagunes. Voil? comment les terres, se reculant des r?cifs qui leur servaient de franges, ceux-l? conservent, tout en s'en trouvant ?cart?s, la forme des rivages qui leur ont servi de moules: voil? comment la frange des r?cifs devient une barri?re, distante parfois de quinze lieues des rives qu'elle environne.
Si au lieu d'?le, c'est un continent qui s'abaisse, le r?sultat est le m?me sur une plus vaste ?chelle. Les montagnes deviennent peu ? peu des ?lots, encercl?s au loin par la barri?re qui, lorsque ces pinacles eux-m?mes disparaissent, devient un attole, environnant une lagune immense.
En tirant perpendiculairement de l'ar?te saillante des nouveaux r?cifs, une ligne qui arrive aux fondements de rochers qui supportaient l'ancienne frange, on verra que cette ligne d?passe la petite limite ? laquelle les coraux peuvent vivre, juste du nombre de pieds dont les terres sont descendues: les petits architectes, ? mesure que s'abaissaient la fondation primitive, ayant b?ti sur la base form?e par les premiers coraux et par leurs fragments consolid?s.
Trad. par Mme SW. BELLOC.
BIOGRAPHIE.
BRUN-ROLLET
Brun-Rollet , voyageur en Afrique, sur le nom et les travaux duquel les derniers voyages entrepris aux sources du Nil ont ramen? l'attention du public, est n? dans la petite ville de Saint-Jean de Maurienne en 1810. La France peut donc le r?clamer pour un de ses enfants. Pauvre ? son entr?e dans la vie, il ne re?ut que l'?ducation des pauvres, et il dut refaire lui-m?me plus tard toutes ses ?tudes. Il fut aid? dans cette t?che par ses relations avec M. Belley, archev?que de Chamb?ry. Naturellement port? ? l'enthousiasme, il prit en d?go?t la vie ?troite impos?e ? son pays; il n'aspira plus qu'? ?migrer sous un autre ciel, et, n'ayant pas assez de ressources pour aller ? Paris, il saisit une occasion qui se pr?senta d'aller tenter la fortune plus loin et partit pour l'?gypte.
Il essuya dans cette exploration de telles fatigues, que sa constitution, ?prouv?e cependant par de longues ann?es de s?jour dans les r?gions du haut Nil, ne put y r?sister. Rentr? malade ? Khartoum, il y mourut le 27 septembre 1857, inscrivant ainsi un nom de plus sur le martyrologe de la g?ographie africaine.
GRAVURES.
CARTES ET PLANS.
Carte de la Sicile, par M. A. Vuillemin. 3 Carte de la Perse, par M. A. Vuillemin. 19 Carte des grandes et petites Antilles, par M. A. Vuillemin. 51 Carte du haut T?l?mark , d'apr?s M. Paul Riant. 67 Carte de la presqu'?le de Bergen, d'apr?s M. Paul Riant. 83 Carte de la Chalcidique, par M. A. Vuillemin. 115 Partie du gouvernement d'Yakoutsk, par Piadischeff. 167 Carte de l'Australie, par M. A. Vuillemin. 187 Carte des voyages du docteur Henri Barth en Afrique d'apr?s M. de Lanoye. 195 Voyage du docteur Barth , par M. A. Vuillemin. 234 Carte du cours inf?rieur de l'Irawady comprenant les possessions britanniques et la partie sud du royaume d'Ava, d'apr?s le capitaine H. Yule. 260 Plan d'Amarapoura et de sa banlieue, d'apr?s les relev?s du major Grant Allan. 280 Carte du cours sup?rieur de l'Irawady et partie nord du royaume d'Ava, d'apr?s le cap. Yule. 296 Carte du voyage de Burton et Speke aux grands lacs de l'Afrique orientale . 307 Carte du voyage de Burton et Speke aux grands lacs de l'Afrique orientale . 338 Carte de l'?le de Cuba, par M. A. Vuillemin. 355 Carte du Dauphin? , par M. A. Vuillemin. 371 Carte du Dauphin? , par M. A. Vuillemin. 404
ERRATA.
La note qui commence la page 139 donne la date du voyage et avertit les lecteurs que le texte a ?t? publi? en anglais.
IMPRIMERIE G?N?RALE DE CH. LAHURE Rue de Fleurus, 9, ? Paris.
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