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Read Ebook: L'oeuvre des conteurs allemands: mémoires d'une chanteuse allemande traduit pour la première fois en français avec des fragments inédits by Anonymous Apollinaire Guillaume Editor

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Ebook has 568 lines and 65286 words, and 12 pages

u'une novice, plus facile ? tromper.

L'?diteur est convaincu que, par la publication de ces lettres, il ne manque pas ? la morale et ne corrompt pas les moeurs, malgr? l'opinion contraire de quelques p?dants trop mesquins.

L'?DITEUR.

PREMI?RE PARTIE

PR?SENTATION

Pourquoi devrais-je vous cacher quelque chose? Vous avez toujours ?t? un ami v?ritable et d?sint?ress?. Dans les plus difficiles situations de ma vie, vous m'avez rendu des services si importants que je puis bien me confier compl?tement ? vous.

D'ailleurs, votre d?sir ne me surprend pas!

Dans nos conversations d'autrefois, j'ai souvent remarqu? que vous aviez un grand penchant ? scruter et ? reconna?tre les ressorts secrets qui, chez nous, femmes, sont les motifs de tant d'actions que les hommes, m?me les plus spirituels, sont embarrass?s d'expliquer.

Les circonstances nous ont maintenant s?par?s et nous ne nous reverrons probablement jamais. Je pense toujours avec beaucoup de gratitude que vous m'avez secourue durant mon grand malheur. Dans tout ce que vous avez fait pour moi, dans tout ce que vous m'avez d?fendu ou procur?, vous ne pensiez jamais ? votre int?r?t, vous n'?tiez pr?occup? que de mon plus grand bien. Il ne d?pendait que de vous d'obtenir toutes les marques de faveur qu'un homme peut d?sirer, vous connaissiez mon temp?rament, et j'avais un faible pour vous.

Quand j'eus bien r?fl?chi ? ce que vous me demandiez et surtout quand je me fus rappel? toutes les qualit?s de l'homme qui s'adressait ? moi, votre id?e commen?a ? m'amuser. J'essayai alors de r?diger quelques-unes de mes exp?riences. Certaines choses qui exigent une sinc?rit? absolue et qu'il n'est justement pas coutume d'exprimer me faisaient encore h?siter. Mais je me fis effort, pensant vous faire plaisir, et je me laissai envahir par le souvenir des heures heureuses que j'ai go?t?es. Au fond, je n'en regrette qu'une seule, celle dont les suites malheureuses me firent recourir ? votre amiti? ? toute ?preuve pour ne pas succomber. Apr?s cette premi?re h?sitation, j'?prouvais une violente jouissance en relatant tout ce que j'ai v?cu personnellement et ce que d'autres femmes ont ressenti. Mon sang s'agitait de la plus agr?able fa?on ? mesure que je songeais aux plus petits d?tails. C'?tait comme un arri?re-go?t des volupt?s que j'ai go?t?es et dont je n'ai pas honte, ainsi que vous le savez bien.

Nos relations ont ?t? si famili?res que je serais ridicule de vouloir me montrer dans une fausse lumi?re; mais, except? vous et le malheureux qui m'a si mis?rablement tromp?e, personne ne me conna?t. Gr?ce ? mon bon sens pratique, j'ai toujours r?ussi ? cacher mon ?tre intime. Cela tient ? un encha?nement de causes extraordinaires plut?t qu'? mon propre m?rite.

Dans le cercle de mes connaissances, j'ai le renom d'?tre une femme vertueuse et soi-disant froide. Et, au contraire, peu de jeunes femmes ont tant joui de leur corps jusqu'? leur trente-sixi?me ann?e. ? quoi bon cette longue pr?face? Je vous envoie ce que j'ai ?crit ces derniers jours; vous jugerez par vous-m?me jusqu'? quel point j'ai ?t? sinc?re. J'ai essay? de r?pondre ? votre premi?re question et j'ai pu me convaincre de votre assertion: que le caract?re sexuel et ?thique se forme d'apr?s les circonstances particuli?res dans lesquelles les myst?res voil?s de l'amour lui sont r?v?l?s. Je crois que cela a aussi ?t? mon cas.

Je vais continuer ces confessions avec acharnement et z?le; pourtant, vous ne recevrez pas une seconde lettre avant d'avoir r?pondu ? la pr?sente. En attendant, cette ?criture ?quivoque m'amuse beaucoup plus que je ne l'aurais cru.

Votre noble caract?re m'est garant que vous n'allez pas abuser de ma confiance illimit?e.

Que serais-je devenue sans vous, sans votre bonne amiti? et sans vos pr?cieux conseils?

Un pauvre ?tre, mis?rable, solitaire et d?shonor? aux yeux du monde!

Puis, je sais aussi que vous m'aimez un peu, malgr? votre froideur apparente et votre d?sint?ressement.--Saluez, etc., etc.

L'AMOUR CONJUGAL

Mes parents, des gens de bien, mais nullement fortun?s, m'ont donn? une ?ducation exemplaire. Gr?ce ? la vivacit? de mon caract?re, ? ma grande facilit? d'apprendre et ? mon talent musical d?velopp? de tr?s bonne heure, j'?tais l'enfant g?t?e de la maison, la favorite de toutes nos connaissances.

Mon p?re ?tait un homme s?v?re et ma m?re un exemple de vertu f?minine et de bonne tenue. Aussi les honorais-je beaucoup et les aimais-je passionn?ment. Mon p?re ne badinait jamais et, en ma pr?sence, il n'adressait aucune parole tendre ? ma m?re.

Ils ?taient tous les deux tr?s bien faits. Mon p?re avait environ quarante ans, ma m?re trente-quatre.

Je n'aurais jamais cru que sous un ext?rieur si s?rieux et des mani?res si dignes se cachaient tant de sensualit?s secr?tes et un tel app?tit de jouissance.

Un hasard me l'apprit.

J'avais quatorze ans et je suivais l'enseignement religieux pour ma confirmation.

J'aimais notre pasteur d'un amour exalt?, ainsi que toutes mes compagnes.

J'ai souvent remarqu?, depuis, que l'instituteur, et, tout particuli?rement, l'instructeur religieux, est le premier homme qui fait une impression durable dans l'esprit des jeunes filles. Si son sermon est suivi et s'il est un homme en vue dans la commune, toutes ses jeunes ?l?ves s'entichent de lui. Je reviendrai encore sur ce point, qui se trouve sur la liste de vos questions.

J'avais donc quatorze ans, mon corps ?tait compl?tement d?velopp?, jusqu'au signe essentiel de la femme: la fleur p?riodique. Le jour de l'anniversaire de mon p?re approchait. Ma m?re fit tous les pr?paratifs avec amour. De bon matin j'?tais d?j? habill?e de f?te, car mon p?re aimait les belles toilettes. J'avais ?crit une po?sie, vous connaissez mon petit talent po?tique ; j'avais cueilli un gros bouquet.

Mes parents ne faisaient pas chambre commune. Mon p?re travaillait souvent tard dans la nuit et ne voulait pas d?ranger ma m?re; c'est du moins ce qu'il disait.

Plus tard, je reconnus, l? encore, un signe ?vident de leur sage mani?re de vivre. Les ?poux devraient ?viter, autant que possible, le sans-g?ne du laisser-aller journalier. Tous les soins que n?cessitent le lever ou le coucher, le n?glig? et la toilette de nuit sont souvent fort ridicules, ils d?truisent bien des charmes et la vie commune perd de son attrait. Mon p?re ne couchait donc point dans la chambre de ma m?re. Il se levait d'habitude ? sept heures. Au jour de l'anniversaire, ma m?re se leva ? six heures du matin, afin de pr?parer les cadeaux et de couronner le portrait de mon p?re. Vers les sept heures, elle se plaignit d'?tre fatigu?e et dit qu'elle allait se recoucher pour un instant, jusqu'au r?veil de mon p?re.

Dieu sait d'o? me vint cette id?e, mais je pensai qu'il serait tr?s gentil de surprendre mon papa dans la chambre de ma m?re et de lui pr?senter l? mes bons voeux. Je l'avais entendu tousser dans sa chambre. Il s'?tait donc d?j? lev? et allait bient?t venir. Pendant que ma m?re donnait les derniers ordres ? la servante, je me faufilai dans sa chambre ? coucher et je me cachai derri?re la porte vitr?e d'une alc?ve qui nous servait de garde-robe. Fi?re et heureuse de mon plan, je me tenais sans souffle derri?re la porte vitr?e, quand ma m?re entra. Elle se d?shabilla rapidement jusqu'? la chemise et se lava soigneusement. Je voyais pour la premi?re fois le beau corps de ma m?re. Elle inclina un grand miroir qui ?tait au pied du lit pr?s du lavabo et se coucha les yeux fix?s sur la porte. Je compris alors l'ind?licatesse que j'avais commise; j'aurais voulu me sauver de l'alc?ve. Un pressentiment me disait qu'il allait se passer devant mes yeux des choses qu'une jeune fille n'ose pas voir. Je retenais mon souffle et tremblais de tous mes membres. Tout ? coup, la porte s'ouvrit, mon p?re entra, v?tu, ainsi que tous les matins, d'une ?l?gante robe de chambre. ? peine la porte eut-elle boug? que ma m?re ferma imm?diatement les yeux et fit semblant de dormir. Mon p?re s'approcha du lit et contempla ma m?re endormie avec l'expression du plus grand amour. Puis il alla pousser le verrou. Je tremblais de plus en plus, j'aurais voulu dispara?tre sous terre. Mon p?re enleva lentement ses cale?ons. Il ?tait maintenant en chemise sous sa robe. Il s'approcha du lit et releva avec pr?caution la l?g?re couverture. Je le sais bien maintenant, ce n'est pas par hasard, ainsi que je le croyais na?vement alors, que ma m?re ?tait l?, les jambes ouvertes, une jambe repli?e et l'autre ?tendue. Je voyais pour la premi?re fois un autre corps de femme, mais plein, en belle floraison, et je pensais avec honte au mien encore si verdelet. La chemise ?tait retrouss?e, un sein blanc et rond d?bordait des dentelles.

J'ai connu plus tard bien peu de femmes qui auraient os? se pr?senter ainsi ? leur mari ou ? leur amant.

En g?n?ral, le corps de la femme est vite d?form? apr?s les vingt ans.

Mon p?re buvait ce spectacle des yeux. Puis il se pencha sur l'endormie, et entama une litanie de caresses lentes de la plus grande d?licatesse. Ma m?re soupirait, puis elle releva comme en dormant l'autre jambe et elle se mit ? faire d'?tranges mouvements des hanches. Le sang me monta au visage; j'avais honte; je voulais d?tourner les yeux, mais je ne le pouvais pas. Mon p?re ayant alors acc?l?r? et appuy? ses baisers, ma m?re ouvrit les yeux, comme si elle venait de se r?veiller en sursaut, et elle dit avec un profond soupir:

--Est-ce toi, mon cher mari? Je r?vais justement de toi. Comme tu me r?veilles d'une fa?on agr?able! Mille et mille bons voeux pour ton anniversaire!

--Le plus beau, tu me le portes en me permettant de te surprendre. Comme tu es belle aujourd'hui! Tu aurais d? te voir!

--Mais aussi, me surprendre ? l'improviste! As-tu pouss? le verrou?

--Sois sans crainte. Mais si tu veux r?ellement me souhaiter du bien, laisse-toi faire, ma jolie ch?rie. Tu es aussi fra?che et parfum?e qu'une rose pleine de ros?e.

--Je te permets tout, mon ange. Mais ne veux-tu pas attendre jusqu'au soir?

--Tu n'aurais pas d? t'exposer d'une fa?on si enivrante. Tiens, tu peux te convaincre ais?ment que je ne puis plus attendre!

Et ses baisers ne voulaient point finir. Cependant, sa main devenait de plus en plus amoureuse et caressante, et ma m?re r?pondait de son mieux ? ses attaques. Les baisers devenaient plus ardents. Mon p?re lui baisait le cou, les seins, il lui su?ait les petits boutons roses, la caressait avec ardeur, lui disant de tendres mots d'amour qui interrompaient parfois la douce caresse de ses l?vres, et ma m?re lui r?pondait sur le m?me ton. Comme il me tournait le dos, je ne pouvais pas voir ce qu'il faisait, mais je concluais des l?g?res exclamations de ma m?re qu'elle ressentait un plaisir extraordinaire. Ses yeux se noy?rent, ses seins tremblaient, tout son corps tressaillait. Elle soupirait par saccades:

<> Et puis ce furent des onomatop?es voluptueuses!

Chacune de ces paroles s'est fix?e dans ma m?moire. Combien de fois les ai-je r?p?t?es en pens?es! Ce qu'elles m'ont fait r?fl?chir et r?ver! Il me semble que je les entends encore sonner dans mes oreilles.

Il y eut un moment d'arr?t. Ma m?re restait immobile, les yeux clos, le corps d?tendu, dans l'attitude d'un soldat bless? qui ne peut plus suivre l'arm?e victorieuse. Je n'avais plus devant moi mon p?re s?v?re, ni ma m?re vertueuse et digne. Je voyais un couple d'?tres ne connaissant plus aucune convention, se jeter ?blouis, ivres, dans une jouissance ardente que je ne connaissais pas. Mon p?re resta un instant immobile, puis il s'assit sur le bord du lit. Ses yeux br?lants avaient une expression sauvage, ils ne pouvaient se d?tourner du point de leur convoitise. Ma m?re g?missait voluptueusement. Durant ce spectacle, le souffle me manquait, je faillis ?touffer, mon coeur battait trop fort. Mille pens?es s'?veill?rent dans ma t?te, et j'?tais inqui?te, car je ne savais comment quitter ma cachette. Mon incertitude ne dura cependant point, car ce que je venais de voir n'?tait qu'un pr?lude. Tout de suite je devais en voir assez en une seule fois pour ne plus avoir besoin de le?on ult?rieure.

Mon p?re s'?tait assis ? c?t? de ma m?re ?tendue. Il tournait maintenant le visage vers moi. Il devait avoir chaud, car tout ? coup il enleva chemise et robe de chambre pour ne reprendre que sa robe.

Je pleurais presque, tant la curiosit? m'excitait.

Comme cela ?tait autrement fait que chez les petits gar?ons et aux statues! Je me souviens tr?s bien que j'en avais peur et que, pourtant, un frisson d?licieux me coulait dans le dos. Mon p?re n'y prenait pas garde, il fixait toujours ses yeux sur ma m?re, il semblait ma?triser sa propre ardeur comme s'il cherchait ? ne pas effaroucher la victime qu'il allait sacrifier sur l'autel o?, r?sign?e, elle attendait le sacrificateur.

Je tremblais de plus en plus fort, et comme s'il allait m'arriver quelque chose, je crispais violemment tout mon ?tre.

Je savais d?j?, par les racontars de mes amies, que ces deux parties expos?es pour la premi?re fois ? ma vue s'appartenaient. Mais comment ?tait-ce possible? Je ne le pouvais pas comprendre, parce qu'il me paraissait que leur grandeur ?tait disproportionn?e. Apr?s une pause de quelques instants, mon p?re saisit la main br?lante de ma m?re et la porta passionn?ment ? ses l?vres. Ma m?re se laissa faire avec une sorte de r?signation b?ate, et s'agitant p?niblement elle ouvrit les yeux, sourit langoureusement, puis se pendit avec une telle passion aux l?vres de mon p?re que je compris aussit?t n'avoir assist? qu'aux pr?liminaires innocents de ce qui allait se passer. Ils ne parlaient pas. Mais apr?s avoir ?chang? les plus br?lants baisers, ils se d?firent tout ? coup de ces voiles que la civilisation et le climat imposent ? la frileuse humanit?.

Puis ma m?re se renversa sur un tas de coussins, comme pour prendre un long repos, et je remarquai qu'elle s'agitait de-ci de-l?; enfin elle trouva la position la plus favorable pour pouvoir se contempler ais?ment dans le miroir qu'elle avait dress? au pied du lit avant l'arriv?e de mon p?re. Mon p?re ne le remarqua point, car il regardait moins le beau visage rayonnant de ma m?re que le radieux spectacle offert par tout son ?tre. Elle avait trouv? maintenant la position qu'elle cherchait et mon p?re s'agenouilla devant elle et se dirigea, nouveau Mo?se, vers la terre promise, ou, nouveau Colomb, vers les Indes d?sir?es, ou, nouveau Montgolfier, vers le ciel qu'il voulait atteindre, ou, Dante d'un nouveau Virgile, vers l'enfer passionn?, et elle-m?me poussait des roucoulements enivr?s. Puis elle dit:

--Aime-moi avec une grande douceur, mon cher homme, pour que notre f?licit? soit sans cesse la m?me. Aujourd'hui, demain et toujours, m?me jusque dans la plus extr?me vieillesse et encore, si c'est possible apr?s la mort qui ne pourra point s?parer deux coeurs aussi tendrement unis que les n?tres.

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