Read Ebook: Création et rédemption deuxième partie: La fille du marquis by Dumas Alexandre
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Ebook has 4526 lines and 124388 words, and 91 pages
CR?ATION ET R?DEMPTION
LA FILLE DU MARQUIS
PAR
ALEXANDRE DUMAS
NOUVELLE ?DITION
PARIS MICHEL L?VY FR?RES, ?DITEURS RUE AUBER, 3, PLACE DE L'OP?RA
LIBRAIRIE NOUVELLE BOULEVARD DES ITALIENS, 15, AU COIN DE LA RUE DE GRAMMONT
Droits de reproduction et de traduction r?serv?s
TABLE
TOME I
TOME II
CR?ATION ET R?DEMPTION
LA FILLE DU MARQUIS
TOME I
LES VOLONTAIRES DE 93
Le 4 juin 1793, sortaient de Paris, par la barri?re de la Villette, deux voitures conduites en poste, l'une ? quatre chevaux, l'autre ? deux chevaux.
C'?tait un luxe assez extraordinaire, par le temps qui courait, que deux voitures de poste, pour qu'on ne les laiss?t point sortir de Paris sans explication.
Aussi de la seconde voiture, qui ?tait une esp?ce de cal?che d?couverte, ce qui indiquait au reste que les trois personnes qui l'occupaient n'avaient rien ? craindre des investigations de la police, descendit un homme de quarante-cinq ? quarante-six ans, tout v?tu de noir et portant, chose extraordinaire ? cette ?poque, une culotte courte et une cravate blanche.
Aussi, sa pr?sence excita-t-elle la curiosit? du poste tout entier, qui se pressa autour de lui, sans s'inqui?ter des deux autres voyageurs rest?s dans la voiture et qui portaient l'un le costume de sergent des volontaires et l'autre celui d'un homme du peuple, c'est-?-dire le bonnet rouge et la carmagnole.
Mais ? peine l'homme v?tu de noir eut-il montr? ses papiers, que le cercle qui s'?tait en quelque sorte nou? autour de lui se desserra et qu'apr?s un coup d'oeil jet? pour la forme sur la premi?re voiture, en soulevant la b?che rouge qui la couvrait, permission lui fut accord?e de continuer sa route.
Dans cet homme v?tu de noir, on a reconnu M. de Paris, lequel s'en allait ? Ch?lons, avec le second de ses aides, nomm? Legros, et le fils d'un de ses amis, nomm? L?on Milcent, sergent des volontaires, conduire une belle guillotine toute neuve qu'avaient r?clam?e les maratistes du d?partement de la Marne, et qu'allait inaugurer et peut-?tre mettre en mouvement le bourreau de Paris en personne.
Son second aide, gar?on tr?s-exp?riment?, resterait jusqu'? ce que le bourreau de Ch?lons f?t bien au courant. Quant au fils de son ami, le sergent de volontaires, il ?tait en destination de Sarrelouis, dont on renfor?ait la garnison, nos revers en Belgique faisant craindre une seconde invasion de la Champagne.
Il devait rallier sur la route une vingtaine de volontaires allant dans le m?me but ? Sarrelouis.
Tous ces papiers et tous ces ordres ?taient ?man?s de la commune, souverain pouvoir pour le moment, et ?taient sign?s: Pache, maire, et Henriot, g?n?ral.
On lui avait en outre, sans discussion aucune, donn? une feuille de route pour le citoyen L?on Milcent, qui avait d?j? fait la premi?re campagne de 1792, et, la campagne finie, ?tait rentr? dans ses foyers, mais qui, au nouvel appel de la patrie, s'empressait de courir ? la fronti?re.
Tout ?tait vrai, except? l'identit? de L?on Milcent, qui, comme mes lecteurs l'ont d?j? devin?, n'?tait autre que Jacques M?rey.
M. de Paris s'?tait charg? non-seulement de faire sortir le fugitif de Paris, mais encore de le conduire ? Ch?lons, d'o?, avec une bonne feuille de route et la connaissance qu'il avait des localit?s, il gagnerait facilement la fronti?re.
Le lendemain, vers midi, les deux voitures entraient ? Ch?lons.
L? toutes relations finissaient entre Jacques M?rey et M. de Paris. M. de Paris l'exigea, et donna le conseil ? Jacques M?rey de se pr?senter imm?diatement ? la municipalit? pour s'informer s'il y avait ? Ch?lons et dans les environs des volontaires ? destination de Sarrelouis.
Il y en avait onze ? Ch?lons, sept ou huit dans les environs, et l'on devait en rejoindre cinq ou six encore avant d'arriver ? Sarrelouis.
Jacques M?rey ?tait trop au-dessus des pr?jug?s, et en outre il devait trop ? M. de Paris pour ne pas lui faire, en le quittant, les remerciements les plus sinc?res et les plus reconnaissants.
Le d?part des volontaires fut fix? au surlendemain, et ordre fut donn? ? ceux qui habitaient les environs de la ville de se trouver ? neuf heures du matin sur la grande place. Apr?s avoir fraternis? par un repas lac?d?monien avec la garde nationale, nos dix-huit ou vingt volontaires se mettraient en route.
Bien entendu que Jacques M?rey fut le premier sous les armes. Son grade de sergent d'ailleurs lui imposait l'obligation d'?tre exact.
La garde nationale, de son c?t?, compos?e d'une soixantaine d'hommes, avait veill? aux pr?paratifs du repas. Une longue table, pouvant r?unir cent convives, ?tait dress?e sur la place de la Libert?. Les couverts en plus ?taient pour les membres de la municipalit? qui feraient ? la garde nationale et aux volontaires l'honneur de partager leur repas.
? dix heures tout le monde ?tait ? table.
Le repas fut gai et bruyant. ? Ch?lons, c'est-?-dire dans la capitale de la Champagne, les repas, lorsqu'ils tirent ? leur fin surtout, ressemblent ? un feu de peloton ? volont?; seulement les bouteilles de sillery, d'a?, de mo?t, remplacent les fusils. Ce qui fait que les morts et les bless?s qui restent sur le champ de bataille en sont quittes pour y dormir une heure ou deux. Apr?s quoi ils vont ? leurs affaires comme s'il ne leur ?tait arriv? aucun accident.
Au milieu du feu de la mousqueterie champenoise, beaucoup de toasts furent port?s, auxquels il fut fait honneur, m?me par L?on Milcent. D'abord les toasts ? la nation, ? la r?publique, ? la Convention, pass?rent avec un formidable cort?ge de bravos; puis vinrent les toasts ? Danton, ? Robespierre, ? Saint-Just.
Ces trois toasts furent acclam?s par tous, m?me par notre sergent de volontaires. Jacques M?rey ?tait trop intelligent pour ne pas voir ? travers les nuages que les haines politiques jettent sur les r?putations, quels grands citoyens et quels profonds patriotes c'?taient que Robespierre et que Saint-Just.
Quant ? Danton, si l'on n'avait pas port? un toast ? son honneur, Jacques M?rey l'e?t port? lui-m?me.
Un enthousiaste porta un toast ? Marat; les applaudissements furent mod?r?s, mais tout le monde se leva.
Jacques M?rey se leva comme les autres, mais ne tendit pas son verre, mais ne but pas.
Un fanatique remarqua cette froideur du sergent; il but ? la mort des girondins.
Un frisson courut parmi les convives. Ils se lev?rent, mais sans applaudir.
Jacques M?rey resta assis.
--Eh! sergent, cria celui qui avait port? le toast, ?tes-vous clou? ? votre place, par hasard?
Jacques M?rey se leva.
--Citoyen, dit-il, combattant pour la libert? depuis cinq ans, je croyais avoir conquis au moins celle de rester sur ma chaise quand cela me plaisait.
--Mais pourquoi restes-tu sur ta chaise? pourquoi ne bois-tu pas ? la mort des tra?tres?
--Parce que je quitte Paris, las de voir des concitoyens s'?gorger les uns les autres, et que je vais ? la fronti?re pour y tuer le plus de Prussiens que je pourrai. ? la place du toast propos?, je porterai donc celui-ci:
< la vie et ? la fraternit? de tous les hommes de grand coeur et de bonne volont?, et ? la mort de tout ennemi fran?ais ou ?tranger portant les armes contre la France!>>
Le toast du sergent fut accueilli par des bravos unanimes, et Jacques M?rey profita de l'enthousiasme qu'il avait excit?, il fit signe qu'il voulait parler encore.
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