Read Ebook: L'art de payer ses dettes et de satisfaire ses créanciers sans débourser un sou by Saint Hilaire Emile Marco De
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Ebook has 247 lines and 24667 words, and 5 pages
Dans l'espace de huit ans, il fit, perdit, refit et mangea quatre fois sa fortune; enfin, un jour il avoua ? mon p?re qu'il ne poss?dait pas, pour le moment, un louis, tout en lui proposant d'en parier mille, qu'il reviendrait de Spa, o? il comptait aller passer la saison des Eaux, avec cinquante mille francs dans son portefeuille; mon p?re aurait perdu son pari, et mon oncle l'aurait gagn?.
Pendant quinze ans, mon oncle n'eut d'autre existence que celle qu'il tirait de son talent au billard, au piquet, et ? d'autres jeux qu'il n'exer?ait jamais qu'au rendez-vous des Eaux les plus fr?quent?es, ou ? Paris, au pavillon d'Hanovre et dans d'autres ?tablissemens de ce genre. Son bonheur ?tait si constant qu'on ?tait tent? quelquefois de croire qu'il y entrait beaucoup d'adresse; mais la preuve de sa bonne foi ?tait ? la pointe d'une ?p?e o? dans le canon d'un pistolet, et mon oncle l'avait tant de fois administr? avec succ?s qu'il avait fini par convaincre tout le monde sans persuader personne.
Sur la fin de cette ann?e ?tant en ?tat de sortir, il quitta son hospice pour venir partager avec moi ma tr?s-modeste demeure. L?, il se livra tout entier ? cette triste pens?e, qu'il allait ?tre incessamment forc? de faire une banqueroute d?finitive ? ce bas-monde et ? ses cr?anciers. Au fait mon oncle pouvait-il se faire un scrupule de la d?pense d'une cinquantaine de mille francs qu'il avait pr?lev?s chaque ann?e sur ses concitoyens? Non sans doute, aussi vit-il approcher sans effroi le moment fatal. Mais comme il voulait mourir tranquillement, et la conscience pure, il employa les derniers jours de sa vie cosmopolite, ? rechercher ses nombreux cr?anciers, son intention ?tant de leur d?clarer lui-m?me sa p?nible faillite. Ils ?taient au nombre de deux cent vingt-deux. Il les convoqua d?finitivement pour le 19 mai, et le rendez-vous fut indiqu? chez Gillet, restaurateur, ? la porte Maillot, dans le salon de quatre cents couverts. La plupart ignoraient ce que mon oncle leur voulait; mais telle avait toujours ?t? leur estime et leur admiration pour le g?nie inventif dont il leur avait si souvent donn? des preuves palpables aux jours de sa brillante fortune, qu'aucun d'eux ne manqua au rendez-vous.
Mon respectable oncle se fit conduire en fiacre, car n'ayant pas m?me la force de marcher, il lui aurait ?t? de toute impossibilit? de faire cette course. Arriv? au lieu de la s?ance, il fit pr?parer une esp?ce d'estrade avec une berg?re, dans laquelle il devait s'asseoir pour haranguer son monde, puis un premier rang de chaises tout autour, et un second rang plac? sur les tables qu'il avait fait disposer ? cet effet, se rappelant sans doute la salle de spectacle qu'il avait improvis?e ? Bagn?res, il y avait quarante ans: et lorsque tous ces cr?anciers furent r?unis et plac?s il s'assit au milieu d'eux, avec calme et dignit?, puis commen?ant par s'excuser sur la faiblesse de sa voix, qui depuis sa sortie de l'h?pital ne lui permettait gu?re de se faire entendre tr?s-distinctement, et s'?tre recueilli comme pour rappeler ? sa m?moire de vieux et importans souvenirs, il leur tint ? peu pr?s ce discours:
< < A ce touchant exorde les mouchoirs des deux cent vingt-deux cr?anciers de mon oncle sortirent de leurs poches et se port?rent ? leurs yeux o? semblaient rouler quelques larmes d'attendrissement. Mon oncle respira une prise de tabac et continua. < Tous les yeux des cr?anciers se fixent alors sur un amas de paperasses que mon oncle se serait bien gard? de leur montrer de pr?s. >>Cependant ne craignez pas de recevoir ni 10 p. 100; ni 20 p. 100; ni m?me 40 p. 100 de ce qui vous est si l?gitimement d? . Je suis incapable d'une telle bassesse, cela serait une v?ritable friponnerie; et j'aimerais mieux ne vous rien donner, aussi est-ce ce que j'ai r?solu, et vous ne recevrez pas un sou.>> Ici mon oncle se mouche, boit une gorg?e d'eau sucr?e, et reprend aussit?t avec calme et confiance: < J'ignore encore si vous aurez dans la suite ? vous louer de ma d?couverte. Mais je me suis toujours fait un devoir, jusqu'aux derniers momens de mon existence politique et sociale, de manoeuvrer mes emprunts quelquefois forc?s, et ce, je ne crains pas de l'avouer, de mani?re qu'au jour de mon d?c?s, les sommes que j'ai per?ues se trouvassent r?parties sur un grand nombre de t?tes, et toujours de pr?f?rence sur les plus riches. >>Mais, Messieurs, qu'est-ce que cette perte, en comparaison de celles que vous fera ?prouver immanquablement le mis?rable syst?me de finance, qui vous a ?t? derni?rement pr?sent?. , une v?ritable bagatelle en comparaison des immenses avantages dont le nouveau syst?me de cr?dit, d'emprunt et d'amortissement que je viens de vous d?voiler, pourra vous faire jouir ? l'avenir. J'ai charg? mon neveu de le d?velopper, de le r?diger et de le faire imprimer pour le bien commun de tous et comme devant apporter ? l'?tat une nouvelle source de prosp?rit? d?couverte par mon exemple. >>H?! Messieurs, si je voulais m'?tendre sur le bien que je vous ai fait et que je suis encore ? m?me de vous faire, il me serait facile de prouver que vous ?tes encore mes d?biteurs, mais je pr?f?re ne s?parer de vous avec la consolante id?e que nous sommes ensemble parfaitement quittes.>> < Mon oncle, apr?s ces mots, se laissa aller sur la berg?re, accabl? par les efforts qu'il venait de faire pour prouver ? ses cr?anciers d'une mani?re si non victorieuse, du moins positive, qu'ils devaient encore s'estimer heureux qu'il ne leur d?t pas davantage. Il est vrai que la fin, si inattendue, de ce discours, produisit dans l'assembl?e un m?lange de sentimens oppos?s. Les uns voulaient l'?trangler, les autres n'?taient mus que par des sentimens d'extase et d'admiration. Apr?s qu'il eut repris ses sens, et qu'il eut aper?u le faisceau de billets et de papiers timbr?s qu'on venait de d?poser d'un commun accord ? ses pieds, il ne put r?sister au saisissement que la joie de les revoir amass?s lui causa tout-?-coup. Faisant un nouvel effort sur lui-m?me, il souleva ce troph?e de ses mains d?faillantes, comme pour le montrer ? l'univers, et rassemblant toutes ses forces, il s'?cria: < La perte inattendue d'un homme de bien est un des plus tristes ?v?nemens qui puisse affliger la soci?t? et ses cr?anciers lorsqu'il en a. Celle de mon oncle fut principalement appr?ci?e par un marbrier entrepreneur de monument fun?bres. Aussi, avec une ?loquence qui ne part que du coeur, s'empressa-t-il d'?mettre un voeu, celui de faire une petite souscription pour lui ?lever un modeste tombeau et perp?tuer ainsi le souvenir d'un homme de g?nie. L'un et l'autre furent ? l'instant r?alis?s, et mon bien bon oncle fut enterr? au cimeti?re du Mont-Parnasse, que pour ainsi dire il ?trenna de sa personne le 22 de mai 1823. Tous ses cr?anciers l'accompagn?rent jusqu'? sa derni?re demeure. Peu de jours apr?s, une pierre tumulaire couvrit sa d?pouille mortelle, sur laquelle on est tous les jours ? m?me de lire cette simple mais touchante inscription, inspir?e autant par la reconnaissance que par une juste admiration, elle fut grav?e en caract?res lapidaires par la main m?me du vertueux marbrier: CI-G?T L'INVENTEUR DE L'ART DE PAYER SES DETTES ET DE SATISFAIRE SES CR?ANCIERS SANS D?BOURSER UN SOL. 22 MAI 1823. APHORISMES, Axiomes et Pens?es neuves Plus on doit, plus on a de cr?dit; moins on a de cr?anciers, moins on a de ressources. Quiconque ne fait pas de cr?dit doit infailliblement faire banqueroute, parce que plus on fait de cr?dit plus on d?bite, plus on d?bite plus on fait d'affaires, plus on fait d'affaires plus on gagne d'argent. Faire des dettes chez les gens qui n'ont pas assez, c'est accro?tre le d?sordre, multiplier les infortunes. Devoir aux gens qui ont trop, c'est, au contraire, compenser les mis?res, et tendre au r?tablissement de l'?quilibre social. Quiconque a des principes doit payer ses dettes lorsqu'il en a, soit d'une mani?re ou d'une autre, c'est-?-dire avec de l'argent ou sans argent. Un cr?ancier mal ?lev?, f?roce m?me, qui ne r?pond que des sottises aux raisons que vous lui all?guez lorsqu'elles sont bonnes, tout en ne lui donnant que cela, vous remet, sans s'en douter, une quittance en bonne forme de la somme dont vous pouvez lui ?tre redevable. SAVOIR: Je laisse au lecteur le choix d'embrasser celui qui lui para?tra pr?f?rable, ne pouvant opter pour un parti neutre ou mixte , parce que, dans notre acception, il ne peut en exister. La splendeur d'un ?tat ?tant toujours en proportion de la masse de ses dettes relativement aux individus, raisonnez par analogie? Il est ?vident que le monde ne se compose que de gens qui ont trop et de gens qui n'ont pas assez; c'est ? vous de t?cher de r?tablir l'?quilibre en ce qui vous concerne. Il vaut mieux devoir 100,000 fr. ?-la-fois ? une seule et m?me personne que 1,000 fr. ? mille personnes ?-la-fois. Le nombre d'individus embarrass?s parce qu'ils ont trop d'argent, dont ils ne savent que faire, est ?gal au nombre d'individus embarrass?s parce qu'ils ne savent que faire pour avoir un peu d'argent. Parmi ceux qui ont d?, il n'y a que ceux qui ont commenc? de payer que l'on ait mis ? Sainte-P?lagie; on se garderait bien d'y mettre celui qui, devant depuis long-temps, n'a encore rien pay?. Il n'existe au monde que deux fl?aux, dont toutes les puissances de la terre ne sauraient vous garantir, ce sont la peste et les huissiers. Se donner la mort parce qu'on ne peut payer ses dettes, et qu'on en a cependant l'intention, est, de tous les moyens ? employer, le plus sot. S'il est vrai qu'on se doive ? ses cr?anciers, on doit vivre pour eux, et non pas mourir. PREMI?RE LE?ON. Des Dettes. Tous ceux qui peuvent s'obliger peuvent contracter des dettes; d'o? il suit que, par un argument en sens contraire, ceux qui ne peuvent pas s'obliger valablement ne peuvent contracter des dettes. Ainsi les mineurs non ?mancip?s, les fils qui n'ont point atteint leur majorit?, les femmes en puissance de maris ne peuvent contracter aucunes dettes, sans l'autorisation de ceux sous la puissance desquels ils sont, c'est-?-dire de leurs curateurs ou tuteurs, de leurs p?res ou de leurs maris. On peut contracter des dettes verbalement et par toutes sortes d'actes, comme par billets ou obligations, sentence ou jugement. Les causes pour lesquelles on peut contracter des dettes sont tous les objets pour lesquels on peut s'obliger, comme logement, nourriture, habillement, location, pr?t, avances, etc., etc. Notre jurisprudence reconna?t vingt-six natures de dettes qu'elle a qualifi?es comme ci-dessous, et que mon oncle interpr?te ou explique de cette mani?re. SAVOIR: Un homme qui a des principes ne peut d?cemment accepter un argent qu'on lui pr?terait, sur sa signature, ? plus de 48 pour % par an, par la raison que l'administration toute philantropique du Mont-de-Pi?t?, qui ne pr?te que sur un gage valant au moins cinq fois la valeur de ce qu'elle vous avance, se contente de moiti?, c'est-?-dire 24 pour % par an; ? la v?rit? tous frais compris, et sans avoir ? craindre la prise de corps, ce qui n'est pas peu de chose. J'en parlerai dans ma neuvi?me le?on. De l'Amortissement. En principe, vous devez t?cher de vous faire, de tous vos cr?anciers, des amis qui vous aiment v?ritablement, et vous le prouvent en continuant de vous faire cr?dit. Faites en sorte qu'ils soient plus que tous autres int?ress?s ? la conservation de vos jours, qu'ils s'inqui?tent si vous avez un rhume, ne serait-il que de cerveau, et qu'ils tremblent s'il vous arrive une fluxion de poitrine. Si par hasard vous vous avisiez de les payer, ou seulement de leur donner un ? compte en argent, vous les d?sint?resseriez compl?tement, et vous les verriez changer leur tendre sollicitude contre une profonde indiff?rence. S'il vous arrivait de leur faire un r?glement, un billet, un engagement quelconque, rencontrant un de vos intimes amis, ou se trouvant dans un endroit o? il serait question de vous, ils ne demanderaient pas seulement de vos nouvelles. L'argent que vous pourriez leur donner en fait tout ? coup des ?tres froids ou indiff?rens. Tout ce que je puis vous passer dans cette circonstance, c'est de leur promettre purement et simplement, sans d?signation de terme fixe; de cette mani?re vous entretiendrez chez eux ces affections douces qui font le charme de la vie, et augmentent encore le cr?dit qu'on peut avoir. Il est une v?rit? incontestable que mon oncle a omise dans ses pens?es d?tach?es; c'est qu'il vaut mieux ?tre sans le sou que sans cr?dit.>
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