Read Ebook: Souvenirs d'une actrice (1/3) by Fusil Louise
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Ebook has 437 lines and 37927 words, and 9 pages
t pr?s de moi un jeune officier qui me parlait toujours, m'ennuyait beaucoup, et auquel je r?pondais avec distraction. Enfin ne pouvant plus r?sister ? mon impatience, je fus demander ? M. de Cazal?s quand ce prince arriverait.--Eh! mais, vous causez avec lui depuis que vous ?tes descendue, me dit-il. Ce malencontreux officier ?tait un prince de la maison de Rohan, qui voyage avec son gouverneur. On s'est joliment moqu? de moi; il ne manquait que vous pour m'achever, madame. Malgr? cela, il me tarde bien de vous revoir, car c'est vous qui animez tout, et je ne puis vous dire maintenant qu'un triste adieu.
? la m?me.
? la m?me.
< <<--Oserais-je vous demander, madame, si c'est le jour ou le lendemain du mariage? <<--C'est le jour de la signature du contrat, monsieur. <<--Et il y a un bal? <<--Mais comme vous le voyez. < < < < Je me marie.--Fusil part pour Marseille.--Les chanteurs et les chanteuses ? cette ?poque.--Progr?s de la musique.--Le chanteur Garat.--Madame Marr?t.--Une soir?e musicale chez Piccini--La voix de madame Piccini ? l'?ge de 75 ans--Mon d?part pour Bruxelles.--La soeur de Marie-Antoinette.--La r?volution en Belgique.--?v?nements d'Anvers en 1790; atrocit?s.--Je vais ? Gand--Je chante l'hymne des patriotes belges--Mon retour ? Anvers.--J'arrive ? Bruxelles.--Les miracles, de la Vierge-Noire. Comme je ne parle gu?res de moi que lorsque cela met en sc?ne quelques personnages marquants, et que mon mariage int?resse peu le public, je dirai seulement que j'?pousai Fusil ? Toulouse. Nous ?tions bien jeunes l'un et l'autre, et mon p?re avait grandement raison, lorsqu'il h?sitait ? y consentir. Fusil regretta bient?t l'ind?pendance de la vie de gar?on. Comme j'avais re?u des propositions brillantes de la Belgique, pour les concerts, il fut d'avis que je devais les accepter, attendu que, ne jouant pas encore la com?die, je ne pouvais rien faire ? Marseille, o? il ?tait engag?; il partit donc pour cette ville, et me laissa chez mon p?re jusqu'au temps o? je devais me rendre ? Bruxelles. Les chanteuses de cette ?poque ?taient moins pay?es qu'? pr?sent; cependant celles de la bonne ?cole ?taient fort recherch?es. Gluck, Saccini, Piccini, avaient op?r? une r?volution dans la musique. Les m?thode italienne et allemande commen?aient ? faire d'autant plus de progr?s, que le th??tre de Monsieur, o? l'on avait fait venir des chanteurs italiens, ?tait en grande faveur: c'est ? cette ?cole que se sont form?s Garat, Martin, mesdames Scio, Rosine. C'est aussi cette ?cole italienne et allemande qui nous a donn? M?hul, Gossec, Lesueur et Bo?eldieu; ils eussent ?t? de grands compositeurs dans tous les temps, parce qu'ils avaient du g?nie; mais ils ont form? leur m?lodie, et leur instrumentation d'apr?s ces grands mod?les. Madame Saint-Huberty est la premi?re pour laquelle Piccini ait ?crit un air chant? ? l'Op?ra. Ceux qui s'imaginent que dans ce temps-l? on chantait comme Lain?, se trompent fort; nous nous moquions de sa voix criarde et cadenc?e, qui n'e?t pas ?t? support?e par le public, sans la chaleur et l'entra?nement de son ex?cution. C'?tait sans contredit un excellent acteur, mais un ridicule chanteur. La?s, Ch?ron, Chardini, madame Ch?ron, se faisaient d?j? distinguer par une meilleure m?thode. Depuis ce temps, la musique a march? avec le si?cle, et augment? ses progr?s. Lorsqu'on est dans la bonne voie, il n'y a plus qu'? suivre; les moyens peuvent manquer avec l'?ge, mais le go?t est toujours le m?me: nous l'avons vu pour Garat, pour Martin, nous le voyons pour Ponchard. Garat avait une organisation telle, qu'il chantait d?j? admirablement avant d'?tre bon musicien. C'?tait le chanteur de la reine; il ex?cutait souvent des morceaux avec elle. On conna?t toute l'originalit? de Garat, et combien il ?tait toujours artiste avant tout. Un jour qu'on lui rappelait ses soir?es de musique ? la cour, quelqu'un lui dit: <<--N'avez-vous pas chant? tel morceau avec la reine?... <<--Ah oui! r?pondit-il, d'un air attendri, pauvre princesse!... comme elle chantait faux!...>> C'est lui qui le premier a d?velopp?, dans toute leur ?tendue, les beaux moyens de madame Mainvielle-Fodor, qui est venue ? Paris apr?s madame Barrilli, admirable chanteuse qui l'e?t ?t? dans tous les temps. Madame Piccini avait 75 ans, elle ?tait d'une laideur plus que permise m?me ? cet ?ge; bossue, le col court, un embonpoint tr?s-prononc?, et par-dessus tous ces avantages, elle avait une toilette qui aurait pu la faire prendre pour la cuisini?re de son mari; ce qu'elle ?tait bien un peu par le fait, car sans cesse occup?e de son m?nage, on ne la voyait jamais dans le salon, ni dans la salle d'?tude. Mari?e fort jeune, comme toutes les Italiennes, elle avait eu un si grand nombre d'enfants, qu'ils en ?taient d?j? ? la troisi?me g?n?ration. Madame Piccini ?ta le tablier dans lequel elle avait des cornichons qu'elle allait mettre au vinaigre, et s'approcha du piano de son mari. Lorsqu'elle commen?a le solo, il s'?chappa de cette masse informe des sons si frais, si suaves, que pas une de ses filles, de ses petites-filles, ni de nous, n'eussent pu en faire entendre de semblables. Nous rest?mes en extase; de temps en temps je mettais ma main sur mes yeux, pour compl?ter l'illusion. Il me semblait entendre le chant des vierges de Sion. Elle continua ainsi toute la soir?e. <<--Eh bien! nous dit Piccini, que dites-vous de ma vieille sybille?... <<--Qu'elle serait, r?pondis-je, bien capable de faire croire ? ses oracles.>> Il ?tait log? dans la maison d'un fermier-g?n?ral, sur la place Vend?me; c'?tait alors un luxe de ces messieurs d'offrir une noble hospitalit? aux grands compositeurs. Piccini est mort dans un ?tat voisin de la mis?re. Il habitait alors l'h?tel d'Angevilliers o? on lui avait accord? une retraite comme ? divers artistes, peintres, gens de lettres, etc.: c'est l? qu'il est mort. Il a compos? jusqu'au dernier moment de sa vie; son lit ?tait couvert de feuilles de musique. On donna au b?n?fice de sa famille une repr?sentation de l'un de ses op?ras. Il y avait bien peu de monde: dans un autre temps la salle eut ?t? remplie. Il en est arriv? autant pour la fille de Mol?. Les affaires absorbaient tout, et si l'on s'occupait parfois des arts, ce n'?tait plus que pour se distraire des malheurs du temps. ... Commen?ons d'abord par chasser la princesse. Le public lui fit application de ce vers, et il partit un applaudissement g?n?ral. Je vis le lendemain le prince de Ligne que j'avais connu ? Paris. <<--Vous arrivez dans un mauvais moment, me dit-il. Je suis f?ch? d'avoir engag? Fistum ? vous faire venir, nous partirons demain pour La Haye. En effet la r?volution fit de rapides progr?s. Je fus d'abord ? Anvers. En traversant la place de Mer o? je devais loger, j'aper?ois des canons braqu?s, et personne sur cette place. Je ne rencontrais aucun habitant; il semblait que la ville f?t d?serte. Cet appareil de guerre m'effraya beaucoup, comme on le peut croire. Cependant on m'assura que ce n'?tait que par pr?caution que l'on avait plac? ces canons, et que dans aucun temps on ne voyait beaucoup de monde dans les rues. Les fen?tres ayant vue sur la place ?taient ferm?es, et l'on n'habitait que la partie de la maison qui donnait sur les cours et sur les jardins. Cela donnait ? cette place un aspect extr?mement triste. Le lendemain, ayant entendu un grand mouvement, je me mis ? la fen?tre et j'aper?us de loin une procession, suivie d'une nombreuse population que je n'aurais jamais soup?onn?e dans la ville. La r?volution de la Belgique ne ressemblait pas ? la n?tre; le principal motif en ?tait la religion. Les pr?tres ?taient ? la t?te du mouvement et faisaient des processions pour remercier Dieu apr?s la victoire. Les familles qui avaient des craintes ?taient renferm?es dans la citadelle sous la protection de la garnison. Pendant ce temps-l?, le peuple pillait leurs maisons. Il faut convenir cependant que ces pillages n'?taient pas des vols. On faisait un immense bloc de tous les objets que l'on jetait par les fen?tres et l'on y mettait le feu. Souvent m?me, il arrivait que l'on vous proposait ? voix basse de faire l'acquisition d'un bijou ou de tout autre objet de prix; mais si l'on c?dait ? cette amorce, malheur vous en arrivait. Au m?me instant, les cris de vive Van-der-Noot se firent entendre, et la pauvre Denise fut oblig?e de passer ? son cou, la cha?ne et le portrait, qui, par sa largeur, ne ressemblait pas mal ? l'armet de Mambrin. Chaque fois qu'elle se trouvait en face du parterre, on redoublait les cris. Quelques jours apr?s mon arriv?e, je re?us une invitation de me rendre ? Gand, pour y chanter l'hymne des patriotes belges. Des Belges g?missants, ? Libert? ch?rie, M?re de la patrie, Prot?ge tes enfants. ? nos tristes regards, Pour nous forger des cha?nes, Les l?gions romaines, S'offrent de toutes parts. Sous le joug des C?sars, Lorsqu'Albion succombe, Nous fuirons dans la tombe Avant d'orner son char. --Sauvez au moins ma m?re! lui crie la plus jeune. Cette malheureuse femme ?tait ?vanouie dans les bras de ses enfants. Les soldats se pr?cipitaient pour la frapper. --Je n'y puis rien, r?pond l'officier en s'?loignant. Cette cruelle r?ponse redoubla l'audace et la fureur de ces mis?rables. Il faut tirer le rideau sur de semblables ?v?nements. Je partis pour Anvers, o? il s'en pr?parait d'autres, qui n'?taient pas plus rassurant. Il y avait dans la citadelle, qui domine la ville, une tr?s forte garnison; tous les proscrits s'y ?taient renferm?s. On commen?ait ? y manquer de vivres, et cette garnison mena?ait de tirer ? boulets rouges, si on ne laissait passer des secours. ? chaque instant on placardait des ?crite sur les arbres de la promenade, sur les murailles des maisons, et avec une longue-vue il ?tait facile de s'apercevoir qu'ils se disposaient ? ex?cuter leur menace. Comme il ?tait dangereux de les r?duire ? la derni?re extr?mit?, on laissa donc entrer des provisions; et je profitai de l'ouverture de cette porte pour sortir de la ville. Je pris la barque de Bruges pour aller ? Bruxelles. Ce charmant petit voyage, le paysage pittoresque et tranquille qui s'offrait ? moi, rafra?chit et reposa mon imagination tourment?e par tant de craintes et de tableaux effrayants. On ?tait dans la joie ? Bruxelles. La Vierge-Noire y faisait des miracles en faveur de la r?volution. Elle est en grande v?n?ration en Belgique. Plac?e pr?s de la ville de Bruxelles, dans un endroit ?cart?, entour? d'arbres touffus, elle re?oit sans cesse les invocations d'une population fervente. La Vierge-Noire venait de manifester sa protection pour Van-der-Noot, le Lafayette du Brabant. Un soir, on avait aper?u dans sa main droite un papier, que l'on supposa devoir ?tre d'une grande importance. Un des magistrats de la ville se pr?senta pour le recevoir; mais la Vierge retira son bras. On appela un membre du clerg?, qui eut tout aussi peu de succ?s; mais lorsqu'elle aper?ut Van-der-Noot, elle avan?a gracieusement la main et lui remit ce papier, qui ne devait ?tre confi? qu'? lui, et assurer le succ?s de son entreprise. Il se prosterna avec un saint respect, ainsi que ceux qui l'entouraient. Il fut reconduit par la foule aux cris de vive Van-der-Noot! Mon retour en France.--Une f?te chez le vicomte de Rouhaut.--La marquise de Chambonas.--M. de Genlis.--M. de Vauquelin.--M. Millin, chanteur et antiquaire.--Mon herbier.--Le langage des fleurs.--Les petites-ma?tresses. Les troubles de la Belgique h?t?rent mon retour en France. Je devais m'arr?ter ? Amiens o? m'attendaient MM. Saint-Georges et Lamothe; j'avais contract? avec eux un engagement pour les concerts de la semaine-sainte. Mon mari qui ?tait ? Paris vint au-devant de moi. Nous nous arr?t?mes ? Amiens, o? il allait donner des repr?sentations pendant la quinzaine de P?ques. Le vicomte de Rouhaut poss?dait une belle terre entre Abbeville et Amiens. Il vint me voir et me pria de me charger d'un petit r?le dans une pi?ce compos?e pour la f?te de la marquise de Chambonas, qui ?tait encore convalescente d'une maladie dangereuse. C'?tait une beaut? brillante de la soci?t? d'alors. Elle ?tait bonne et aimable; aussi tout le monde l'aimait. Comme cette f?te ?tait une surprise qu'on lui m?nageait, il ne fallait pas qu'elle se dout?t de la pr?sence des personnes qui devaient en faire partie. Pour ce motif, on m'avait log?e dans un joli pavillon pr?s du jardin o? le th??tre ?tait construit. Nous nous rassembl?mes pour la r?p?tition, car tout le monde savait d?j? ses r?les, ou ? peu pr?s du moins. Je ne connaissais pas alors M. Millin; je crus que c'?tait un de nos beaux chanteurs de soci?t?, le coryph?e des amateurs, et j'?tais impatiente de le voir arriver, lorsqu'on s'?cria: < --Ah! ne vous g?nez pas, me dit-il, madame, riez tout ? votre aise; c'est toujours l'effet que produit ma voix lorsqu'on l'entend pour la premi?re fois. Je m'excusai de mon mieux et la r?p?tition continua. M. Millin jouait un r?le de bailly et je jugeai promptement qu'il ?tait aussi mauvais acteur que mauvais chanteur. --Quel est donc cet original? demandai-je ? M. de Vauquelin. --Comment, me dit-il, mais c'est un savant, un antiquaire, un naturaliste, un botaniste, un homme du plus grand m?rite. --Pourquoi donc chante-t-il si mal? --Voil? bien une question de femme! Parce qu'il est antiquaire, il doit bien chanter! --Non, mais il ne devrait pas chanter du tout, car il est bien dr?le. --Vous le trouverez bien plus dr?le encore, quand vous le conna?trez mieux. Il est fort gai, nullement p?dant, et surtout fort galant avec les dames. Toutes les jolies femmes en raffolent.
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