bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: A Forest Hearth: A Romance of Indiana in the Thirties by Major Charles

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 1454 lines and 95154 words, and 30 pages

Dans le moment on appela ma compagne; elle nous dit qu'elle allait voir ce qu'on lui voulait et qu'elle ne tarderait pas ? revenir. Son fr?re profita de cet instant pour s'expliquer plus clairement; il ne me tint pas de grands discours, mais ils signifiaient beaucoup. Quoique le compliment ne f?t pas absolument poli, il me parut si naturel que je m'en souviens avec plaisir. Nous autres femmes, nous sommes plus flatt?es d'un discours o? la nature parle toute seule, quelque peu mesur?es qu'en soient les expressions, que de ces galanteries fades que le coeur d?savoue et que le vent emporte. Revenons au compliment de Verland; le voici: <> Je fus si ?tourdie de ses paroles et de l'action dont il les dit, que je demeurai immobile, de fa?on qu'il eut le temps de passer la main au travers de la grille, de me prendre les t?tons, de me les manier, et de me dire encore d'autres douceurs de la m?me force avant que je fusse revenue de ma surprise; et quand j'en revins, je me trouvai si peu en ?tat d'arr?ter ses transports, que sa soeur le surprit dans cette occupation; elle fit le lutin, me dit des injures, en dit ? son fr?re, et je ne le revis plus.

Tout le couvent sut bient?t mon aventure: on chuchotait, on me regardait, on riait, on parlait, on se raillait. Je m'en inqui?tais fort peu, pourvu que le murmure ne pass?t pas les pensionnaires. J'?tais s?re de la discr?tion des jolies, mais je ne l'?tais pas trop de celle des laides. Celles-ci, qui ?taient s?res de n'avoir jamais de pareilles occasions de p?cher, cri?rent au scandale, bas d'abord, puis haut, et si haut que les vieilles le surent. J'en avais ri au commencement; je tremblai alors, et j'avais bien raison de trembler, car les m?res discr?tes assembl?rent le conseil pour d?lib?rer entre elles sur ce que l'on ferait ? une effront?e qui se laissait toucher les t?tons, crime irr?missible aux yeux d'une bande de vieilles momies qui n'avaient plus que des t?tasses ? jeter sur l'?paule. On trouva le cas grave: tout autre que moi e?t ?t? renvoy?e. Que je l'aurais souhait?! Mais je devais apporter une bonne dot. Ma m?re les les avait assur?es que je prendrais le voile: on me m?nagea, et le r?sultat du conseil fut qu'on me ch?tierait. On se mit en devoir de le faire: je l'avais pr?vu. Je m'?tais cantonn?e dans ma chambre: on for?a ma porte, on m'attaqua. Je mordis l'une, j'?gratignais l'autre, donnai des coups de pied, d?chirai des guimpes, arrachai des bonnets; enfin, je me d?fendis si bien que mes ennemies renonc?rent ? leur entreprise. Elles n'emport?rent de leur action que la honte d'avoir fait voir que six m?res n'avaient pu r?duire une jeune fille: j'?tais une lionne dans ce moment.

La rage et le soin de ma d?fense m'avaient jusqu'alors enti?rement occup?e. Je ne songeai qu'? donner le d?menti aux vieilles, mais je devins bient?t aussi faible que j'?tais hardie et vigoureuse auparavant. La col?re fit place au d?sespoir. Moins flatt?e du plaisir de me voir en s?ret? que p?n?tr?e de l'affront qu'on avait voulu me faire, mon visage ?tait baign? de larmes. Comment repara?tre dans le couvent? disais-je; je vais ?tre moqu?e: peu me plaindront, toutes me fuiront. Ah! me voil? couverte de honte! mais je veux aller trouver ma m?re, poursuivis-je; elle pourra me bl?mer, mais peut-?tre me pardonnera-t-elle. Un gar?on m'a... Eh bien, o? est donc le grand crime? Y ai-je consenti? C'est ainsi que je raisonnais. Oui, continuai-je, je vais la trouver. Je me levai de dessus mon lit ? ce dessein, et j'y aurais ?t?, si, en faisant un pas pour ouvrir la porte, je n'eusse march? sur quelque chose qui roula et me fit tomber.

Je voulus voir ce qui pouvait m'avoir fait faire cette chute: je cherchai, je trouvai. Figure-toi ce que je devins ? la vue d'une machine qui repr?sentait au naturel une chose dont mon imagination m'avait souvent fait la peinture: un vit!--Un vit! eh! qu'est-ce que cela? demandai-je ? la soeur.--Ah! me dit-elle, il ne tiendra qu'? toi de ne pas rester longtemps dans cette ignorance. Jolie comme tu es, que d'aimables cavaliers se trouveront heureux de pouvoir t'instruire! Mais ils n'en auront pas la gloire: c'est ? moi qu'elle est r?serv?e. Un vit, ma ch?re Suzon, est le membre d'un homme; on l'appelle le membre par excellence, parce qu'il est le roi de tous les autres. Ah! qu'il m?rite bien ce nom! Mais si les femmes lui rendaient la justice qu'il m?rite, elles l'appelleraient leur dieu, oui, c'en est un; le con est son domaine, le plaisir est son ?l?ment, il va le chercher dans les replis les plus cach?s; il p?n?tre, il s'y plonge, il le go?te, il le fait go?ter; il y na?t, il y vit, il y meurt et rena?t aussit?t pour le go?ter encore. Mais ce n'est pas ? lui seul qu'il doit tout son m?rite. Soumis aux lois de l'imagination et de la vue, sans elles il ne peut rien; il est mou, l?che, petit, et n'ose se montrer; avec elles, fier, ardent, imp?tueux, il menace, s'?lance, brise, renverse tout ce qui ose lui faire r?sistance.--Attendez, dis-je ? la soeur en l'interrompant, vous oubliez que vous parlez ? une novice; mes id?es se perdent dans votre ?loge; je sens que j'adorerai quelque jour ce dieu dont vous parlez; mais il est encore ?tranger pour moi; avant d'aimer il faut conna?tre; proportionnez vos expressions ? la faiblesse de mes connaissances; expliquez-moi d'une mani?re simple tout ce que vous venez de me dire.--Je le veux bien, me r?pondit la soeur. Le vit est mou, l?che et petit quand il est dans l'inaction, c'est-?-dire quand les hommes ne sont pas excit?s ou par la vue d'une femme ou par les id?es qui leur en viennent; mais offrons-nous ? leurs yeux, d?couvrons la gorge, laissons voir nos t?tons, montrons-leur une taille fine, une jambe d?gag?e,--les gr?ces d'un joli visage ne sont pas toujours n?cessaires,--un rien les frappe, leur imagination travaille; elle s'exerce, elle p?n?tre toutes les parties de notre corps; elle se fait les plus beaux portraits, donne de la fermet? ? des t?tons qui souvent n'en ont gu?re, se repr?sente un sein app?tissant, un ventre blanc et poli, des cuisses rondes et potel?es, fermes, une petite motte rebondie, un petit conin entour? de tous les charmes de la jeunesse: ils pensent alors qu'ils go?teraient des d?lices inexprimables s'ils pouvaient y mettre leur vit. Dans ce moment le vit devient gros, s'allonge, se durcit; plus il est gros, plus il est long, plus il est dur plus il fait de plaisir ? une femme parce qu'il remplit davantage, frotte bien plus fort, entre bien plus avant, procure des d?lices, des ?lancements qui vous ravissent.--Ah! dis-je ? Monique, que ne vous dois-je pas! Je sais ? pr?sent le moyen de plaire, et je ne manquerai pas, dans l'occasion, de me d?couvrir la gorge, de montrer mes t?tons.--Prends-y garde! me dit la soeur; ce n'est pas le vrai moyen de plaire, il faut plus d'art que tu ne penses. Les hommes sont bizarres dans leurs d?sirs; ils seraient f?ch?s de devoir ? notre facilit? des plaisirs qu'ils ne peuvent pourtant pas go?ter sans nous; leur jalousie les indispose contre tout ce qui ne vient pas d'eux-m?mes; ils veulent qu'on ne leur pr?sente les objets que couvert d'une gaze l?g?re, qui laisse quelque chose ? faire ? leur imagination, et les femmes n'y perdent rien: elles peuvent se reposer sur l'imagination des hommes du soin de peindre leurs charmes; lib?rale pour ce qui la flatte, elle ne les peindra pas ? leur d?savantage. Tu ne sais pas que c'est cette peinture que les hommes se font qui fait na?tre leurs d?sirs ou l'amour,--c'est la m?me chose,--car quand on dit: Monsieur de... est amoureux de madame..., c'est la m?me chose que si l'on disait: Monsieur de... a vu madame...; sa vue a excit? des d?sirs dans son coeur; il br?le d'envie de lui mettre son vit dans le con. Voil? v?ritablement ce que cela veut dire; mais comme la biens?ance exige qu'on ne dise pas ces choses-l? on est convenu de dire: Monsieur de... est amoureux.

Charm?e de tout ce que la soeur me disait, je m'impatientais de ne pas savoir le reste de son histoire. Je la pressai de continuer.--Volontiers, me dit-elle; nous nous sommes un peu arr?t?es, mais ce d?tail ?tait n?cessaire pour ton instruction. Revenons ? la surprise que me causa la vue de cette machine ing?nieuse que je venais de ramasser.

J'avais mille fois ou? parler de godmich?: je savais que c'?tait avec cet instrument que nos bonnes m?res se consolaient des rigueurs du c?libat. Cette machine imite le vit; elle est destin?e ? en faire les fonctions; elle est creuse et s'emplit de lait chaud, pour rendre la ressemblance plus parfaite, et suppl?er par ce lait artificiel ? celui que la nature fait couler du membre d'un homme. Quand celles qui s'en servent se sont mises, par un frottement r?it?r?, dans la situation d'avoir quelque chose de plus, elles l?chent un petit ressort: le lait part et les inonde. Elles trompent ainsi leurs d?sirs par une imposture dont la douceur leur fait oublier celle de la r?alit?.

Je jugeai que l'agitation avait fait tomber ce pr?cieux bijou de la poche de quelqu'une des m?res qui m'?taient venues attaquer. Je n'?tais pourtant pas s?re que ce f?t v?ritablement un godmich?; mais mon coeur me le disait. Cette vue dissipa toute ma douleur: je ne pensai plus qu'? ce que je tenais dans ma main, et je voulus sur-le-champ en faire l'essai. Sa grosseur m'effrayait ? la v?rit?, mais elle m'animait. Mes craintes c?d?rent bient?t ? l'ardeur que sa vue m'inspirait. Une douce chaleur, avant-coureur du plaisir que j'allai go?ter se r?pandit par tout mon corps; il tremblait de l'?motion o? j'?tais, et je poussais de longs soupirs.

Crainte de surprise, je commen?ai par fermer la porte; et, sans quitter les yeux de dessus le godmich?, je me d?shabillai avec toute l'ardeur d'une jeune mari?e que l'on va mettre dans le lit nuptial. L'id?e du secret qui devait ensevelir les plaisirs dont j'allais m'enivrer leur donnait une pointe de vivacit? qui m'enchantait. Je me jetai sur mon lit, mon cher godmich? ? la main; mais, ma ch?re Suzon, quelle fut ma douleur quand je vis que je ne pouvais pas le faire entrer! Je me d?sesp?rai, je fis des efforts capables de d?chirer mon pauvre petit conin. Je l'entr'ouvrais, et, appuyant le godmich? dessus, je me faisais un mal insupportable. Je ne me rebutais pas. Je crus que si je me frottais avec de la pommade, cela m'ouvrirait davantage. J'en mis; j'?tais en sang, et ce sang m?l? avec la pommade et ce que la fureur o? j'?tais faisait sortir de mon con avec un plaisir qui me transportait, aurait sans doute ouvert le passage, si l'instrument n'e?t ?t? d'une grosseur prodigieuse. Je voyais le plaisir pr?s de moi, et je n'y pouvais atteindre. J'?tais forcen?e, je redoublais mes efforts, mais inutilement, le godmich? maudit rebondissait et ne me laissait que la douleur. Ah! m'?criai-je, si Verland ?tait ici, l'e?t-il encore plus gros, je me sens assez de courage pour le souffrir. Oui, je le souffrirais, je le seconderais, d?t-il me d?chirer, duss?-je en mourir; je mourrais contente, pourvu qu'il me le m?t. S'il me faisait de la douleur, reprenais-je, que les plaisirs qu'il me donnerait rendraient cette douleur bien douce! Je le tiendrais dans mes bras, je le serrerais ?troitement, il me serrerait de m?me; je collerais sur sa bouche vermeille des baisers enflamm?s; je les prodiguerais sur ses yeux, ses beaux yeux noirs pleins de feux; il me tiendrait dans ses bras; quelle volupt?! Il r?pondrait ? mes transports par des transports aussi vifs; j'en ferais mon idole! Oui, je l'adorerais: un beau gar?on comme lui m?rite de l'?tre. Nos ?mes se confondraient; elles s'uniraient sur nos l?vres br?lantes. Ah! cher Verland, pourquoi n'es-tu pas ici? Quelles d?lices! L'amour en inventerait pour nous, je me livrerais ? tout ce que la passion m'inspirerait. Mais, h?las! reprenais-je, pourquoi m'abuser par une si douce illusion? Je suis seule, h?las! je suis seule, et, pour comble de douleur, je tiens dans mes mains une ombre, une apparence de plaisir, qui ne sert qu'? augmenter mon d?sespoir, qui m'inspire des d?sirs sans pouvoir les satisfaire. Instrument maudit, continuai-je, en apostrophant le godmich? et en le jetant au milieu de la chambre avec rage, va faire les d?lices d'une malheureuse ? qui tu peux servir; tu ne feras jamais les miennes: mon doigt vaut mille fois mieux que toi! J'y eus aussit?t recours et me donnai tant de plaisir, que j'oubliai la perte ceux que je m'?tais promis d'avoir avec le godmich?. Je tombai ?puis?e de lassitude et m'endormis en pensant ? Verland.

Je ne me r?veillai le lendemain que fort tard; le sommeil avait amorti mes transports amoureux; mais n'avait rien chang? ? la r?solution que j'avais prise de sortir du couvent. Les m?mes raisons qui m'avaient d?termin?e ? prendre cette r?solution me firent encore sentir avec plus de force la n?cessit? de l'ex?cuter. Je me regardai d?s lors comme libre, et le premier usage que je fis de ma libert? fut de tranquilliser au lit jusqu'? dix heures. La cloche eut beau sonner, je ne parus pas. Je m'applaudissais du d?pit que ma d?sob?issance devrait causer ? nos vieilles. Je me levai ? la fin, je m'habillai; et pour me mettre dans l'obligation de suivre mon dessein, je commen?ai par d?chirer mon voile de pensionnaire, que je regardais comme une marque de servitude. Je me sentis le coeur plus libre: il me semblait que je venais de franchir une barri?re qui jusque-l? s'?tait oppos?e ? ma libert?. Mais comme j'allais et je venais dans ma chambre, ce maudit godmich? se pr?sente encore ? mes yeux. Cette vue me rend immobile; je m'arr?te, je le prends; je vais m'asseoir sur mon lit, je me mets ? consid?rer l'instrument. Qu'il est beau! disais-je en le prenant avec complaisance dans la main, qu'il est long, qu'il est doux! C'est dommage qu'il soit si gros: ? peine ma main peut-elle l'empoigner! Mais il m'est inutile... Non, jamais il ne pourra me servir, continuai-je en levant ma jupe et en essayant de nouveau de le faire entrer dans un endroit qui me faisait encore une douleur cuisante des efforts que j'avais fait la veille. J'y trouvai les m?mes difficult?s, et il fallut encore me contenter de mon doigt. Je travaillai avec tout le courage que la vue de l'instrument m'inspirait, et je poussai les choses au point que les forces me manqu?rent. Je demeurai insensible au plaisir m?me que je me donnais: ma main n'allait plus que machinalement, et mon coeur ne sentait rien. Ce d?go?t momentan? me fit na?tre une id?e qui me flatta beaucoup. Je vais sortir, me dis-je, je n'ai plus rien ? m?nager: sortons avec ?clat; je veux porter cet instrument ? la m?re sup?rieure: nous verrons comment elle soutiendra cette vue.

Je jouissais d'avance, en allant ? l'appartement de la sup?rieure, de la confusion que j'allais lui causer en lui montrant le godmich?. Je la trouvai seule; je l'abordai d'un air libre.--Je sais bien, madame, lui dis-je, qu'apr?s ce qui s'est pass? hier et l'affront que vous avez voulu me faire, je ne peux plus rester avec honneur dans votre couvent. Mais, madame, sans en venir ? de pareilles extr?mit?s, si j'avais fait une faute, et c'est de quoi je ne conviens pas, puisque la violence que l'indigne Verland me faisait m'?tait la libert? de me d?fendre, vous auriez pu vous contenter de me faire une r?primande; quoique je ne l'eusse pas m?rit?e, je l'aurais soufferte et je me serais born?e ? g?mir sans me plaindre, puisque les apparences parlaient contre moi.--Une r?primande, mademoiselle, me r?pondit-elle alors s?chement, une r?primande pour une action comme la v?tre! Vous m?ritez une punition exemplaire, et sans les ?gards que nous avons pour madame votre m?re, qui est une sainte dame, vous...--Vous ne punissez pas toutes les coupables, interrompis-je vivement, et vous en avez dans le couvent qui font bien autre chose!--Bien autre chose? reprit-elle; nommez-les moi, je les ch?tierai.--Je ne vous les nommerai pas, lui r?pondis-je, mais je sais qu'il y en avait une parmi celles qui m'ont trait?e hier avec tant d'indignit?.--Ah! s'?cria-t-elle, c'est pousser trop loin l'effronterie! c'est pousser la corruption du coeur et le d?r?glement de l'esprit jusqu'o? ils peuvent aller! Juste ciel; joindre la calomnie aux actions les plus criminelles, accuser les plus saintes de nos m?res, des exemples de vertu, de chastet? et de p?nitence, quelle d?pravation du coeur! Je lui laissai tranquillement achever son ?loge, et quand je vis qu'elle s'arr?tait, je tirai froidement le godmich? de ma poche, et le lui pr?sentant: Voil?, lui dis-je du m?me air, une preuve de leur saintet?, de leur vertu, de leur chastet?, ou du moins de l'une d'elles! J'examinais pendant ce temps-l? le visage de notre bonne sup?rieure. Elle me regardait, rougissait, ?tait interdite: ces t?moignages involontaires ne me laiss?rent pas douter que le godmich? ne f?t ? elle; j'en fus encore plus convaincue par son ardeur ? me le retirer des mains.--Ah! ma ch?re enfant, dit-elle , ah! ma ch?re fille, se peut-il que dans une maison o? il y a tant d'exemples d'?dification, il se trouve des ?mes assez abandonn?es de Dieu pour faire usage d'une pareille infamie? Ah! mon Dieu! j'en suis toute hors de moi. Mais, ma ch?re fille, ne dites jamais que vous avez trouv? cela: je serais forc?e d'user de s?v?rit?, de faire des recherches, et je veux prendre le parti de la douceur. Mais vous, ma ch?re enfant, pourquoi voulez-vous nous quitter? Allez, retournez-vous en dans votre chambre, je raccomoderai tout: je dirai qu'on s'est tromp?. Comptez sur mon affection, car je vous aime beaucoup. Soyez s?re qu'on ne vous verra pas de plus mauvais oeil, malgr? ce qui s'est pass?. Je vois bien qu'effectivement nous avons eu tort de vous traiter comme cela: vous n'?tiez pas coupable. Je parlerai sur le bon ton ? Mlle Verland. J?sus, mon Dieu, continua-t-elle en regardant le godmich?, que le d?mon est malin. Je crois, le ciel me pardonne, que c'est un... Ah! la vilaine chose!

Au moment o? la sup?rieure achevait ces mots, ma m?re entra.--Qu'ai-je donc appris, madame? dit-elle ? la sup?rieure? et sur-le-champ m'adressant la parole: Et vous, mademoiselle, pourquoi vous trouvez-vous ici? Il fallait r?pondre; j'?tais d?concert?e, je rougissais, je baissai les yeux; on me pressa, je b?gayai. La sup?rieure parla pour moi; elle le fit avec esprit. Si elle ne me donna pas tout ? fait le tort dans la conduite qu'on avait tenue avec moi, elle ne me chargea pas assez pour faire croire que je fusse bien coupable. Ma faute passa pour une imprudence o? le coeur n'avait eu aucune part, pour une violence de la part d'un jeune t?m?raire que l'on promit bien de ne plus laisser revenir ? la grille, et on conclut qu'il n'y avait que mademoiselle Verland de criminelle, puisque c'?tait elle qui avait fait ?clater une chose qu'elle devait taire si ce n'?tait pour l'honneur de son fr?re, du moins pour le mien, qui pourtant n'en souffrirait point, parce que, dit la sup?rieure, elle voulait r?parer l'insulte qu'on m'avait faite. Je n'en pouvais pas souhaiter davantage. Je sortis blanche comme neige d'une aventure o?, sans me faire injure, on pouvait mettre le tort de mon c?t?; mais je n'avais garde d'en tomber d'accord. Ma m?re me plaignit et me parla avec une douceur qui me toucha.

Les ?mes z?l?es pour la gloire de Dieu savent tirer parti de tout. Il fut arr?t? entre la sup?rieure et ma m?re qu'ayant eu le malheur de scandaliser, quoique involontairement, le prochain, il fallait me r?concilier avec le P?re des mis?ricordes et m'approcher du sacrement de la p?nitence. On me fit l?-dessus bien des exhortations que je passe, pour ne pas t'ennuyer.

Ma m?re m'avait presque convertie avec ses sermons. Cependant la peine que je sentais ? avouer mes fautes aurait d? me faire douter de ma conversion, et le p?re J?r?me m'en arrachait l'aveu plut?t que je ne lui faisais. Dieu sait quel plaisir il avait, ce vieux p?cheur! Je ne lui en avais jamais tant dit; encore ne sut-il pas tout; car je ne crois pas que Dieu puisse faire grand crime ? une pauvre fille de chercher ? se soulager quand elle est press?e. Elle ne s'est pas faite elle-m?me; est-ce sa faute si elle a des d?sirs, si elle est amoureuse? Est-ce sa faute si elle n'a pas de mari pour la contenter? Elle cherche ? apaiser ces d?sirs qui la d?vorent, ce feu qui la br?le; elle se sert des moyens que la nature lui donne: rien de moins criminel.

Malgr? les petits myst?res que j'avais faits au p?re J?r?me, je ne laissais pas d'?tre p?n?tr?e. Etait-ce repentir? Non. La v?ritable cause ?tait le refus que le p?re m'avait fait de me donner l'absolution. Je craignis qu'il ne fourn?t une nouvelle mati?re ? la m?disance; j'en ?tais touch?e jusqu'aux larmes. Je craignais qu'en allant offrir ma confusion aux yeux de mes ennemies, je ne leur donnasse un nouveau sujet de triompher. J'allai me placer sur un prie-Dieu, vis-?-vis de l'autel: mes pleurs m'assoupirent, je m'endormis. J'eus pendant mon sommeil le r?ve le plus charmant; je songeais que j'?tais avec Verland, qu'il me tenait dans ses bras, qu'il me pressait avec ses cuisses. J'?cartais les miennes et me pr?tais ? tous ses mouvements. Il me maniait les t?tons avec transport, les serrait, les baisait. L'exc?s du plaisir me r?veilla. J'?tais r?ellement dans les bras d'un homme. Encore toute occup?e des d?lices de mon songe, je crus que mon bonheur changeait l'illusion en r?alit?. Je crus ?tre avec mon amant: ce n'?tait pas lui! On me tenait ?troitement embrass?e par derri?re. Au moment que j'ouvris les yeux, je les refermai de plaisir et n'eus pas la force de regarder celui qui me le donnait. Je me sentis inond?e d'une liqueur chaude, et quelque chose de dur et de br?lant que l'on m'enfon?ait en jetant des soupirs. Je soupirai aussi, et dans le moment une liqueur semblable que je sentais s'?chapper de toutes les parties de mon corps, avec des ?lancements d?licieux, se m?lant avec celle que l'on r?pandait une seconde fois, me fit retomber sans mouvement sur mon prie-Dieu.

Ce plaisir qui, s'il durait toujours, serait plus piquant mille fois que celui qu'on go?te dans le ciel, h?las! ce plaisir finit trop t?t. Je fus saisie de frayeur en pensant que j'?tais seule pendant la nuit dans le fond d'une ?glise: avec qui? Je ne le savais pas; je n'osais m'en ?claircir, je n'osais remuer; je fermais les yeux, je tremblais. Mon tremblement augmenta encore quand je sentis qu'on pressait ma main, qu'on la baisait. Le saisissement m'emp?cha de la retirer, je n'en avais pas la hardiesse; mais je me rassurai un peu en entendant dire ? mes oreilles, d'une voix basse: Ne craignez rien; c'est moi! Cette voix, que je me souvenais confus?ment d'avoir entendue, me rendit le courage, et j'eus la force de demander qui c'?tait, sans avoir celle de regarder.--Eh! c'est Martin, me r?pondit-on, le valet du p?re J?r?me. Cette d?claration dissipa ma frayeur. Je levai les yeux, je le reconnus. Martin ?tait un blond, ?veill?, joli, amoureux. Ah! qu'il l'?tait! Il tremblait ? son tour, et attendait ma r?ponse pour fuir ou me baiser encore. Je ne lui en fis pas, mais je le regardai d'un air riant, avec des yeux qui se ressentaient encore du plaisir que je venais de go?ter. Il vit bien que ce n'?tait pas un signe de col?re; il se jeta dans mes bras avec passion; je le re?us de m?me, et sans penser que si quelqu'un s'apercevait que je manquais dans le couvent on pourrait venir et nous trouver ensemble... Te le dirais-je? L'amour rend tout excusable. Sans respect pour l'autel, sur les marches duquel nous ?tions, Martin me pencha un peu, leva mes jupes, porta sa main partout; aussi passionn?e que lui, je portai la mienne ? son vit; j'eus pour la premi?re fois de ma vie le plaisir d'en manier un! Ah! que le sien ?tait joli! petit, mais long, tel qu'il me le fallait. Quel feu! Quelle d?mangeaison voluptueuse se glissa d'abord par tout mon corps! J'?tais muette, je serrais ce cher vit dans ma main, je le consid?rais, je le caressais, l'approchais de mon sein, le portais ? ma bouche, le su?ais; je l'aurais aval?! Martin avait le doigt dans mon con, le remuait doucement, le retirait, le remettait et renouvelait ainsi mes plaisirs ? chaque instant, il me baisait, me su?ait le ventre, la motte et les cuisses; il les quittait pour porter des l?vres br?lantes sur ma gorge. En un moment je fus couverte de ses baisers. Je ne pus pas tenir contre ces attaques de plaisir. Je me laissai tomber, l'attirant doucement ? moi avec mon bras droit, dont je le serrai amoureusement; je le baisais ? la bouche, tandis que de la main gauche, tenant l'objet de tous mes voeux, je t?chais de me l'introduire et de me procurer un plaisir plus solide. Un ?gal transport le fit coucher sur moi: il se mit ? pousser.--Arr?te, lui dis-je d'une voix entrecoup?e par mes soupirs, arr?te, mon cher Martin; ne va pas si vite, restons un moment. Aussit?t, me coulant sous lui et ?cartant les cuisses, je joignis mes jambes sur ses reins. Mes cuisses ?taient coll?es contre ses cuisses, son ventre contre mon ventre, son sein contre mon sein, sa bouche sur ma bouche: nos langues ?taient unies, nos soupirs se confondaient. Ah! Suzon, quelle charmante posture! Je ne pensais ? rien au monde, pas m?me au plaisir que j'avais, n'?tant occup?e qu'? le sentir. L'impatience m'emp?cha de le go?ter plus longtemps. Je fis un mouvement, Martin en fit autant, et notre bonheur s'?vanouit; mais avant de le perdre, nous sent?mes combien il ?tait grand: il semblait qu'il e?t ramass? ses traits les plus vifs et les plus ravissants pour nous en accabler. Nous rest?mes sans sentiment, n'ouvrant les yeux que pour nous presser de nouveau; le plaisir se refusait ? nos efforts.

Il est temps, poursuivit Monique, de t'apprendre, Suzon, ce que c'?tait que cette eau b?nite dont le p?re J?r?me t'arrosa un jour la gorge en te donnant l'absolution.

Ma premi?re action, quand Martin fut retir? de mes bras, fut de porter la main o? j'avais re?u les plus grands coups. Le dedans, le dehors, tout ?tait couvert de cette liqueur dont l'effusion m'avait fait tant de plaisir; mais elle avait perdu toute sa chaleur et ?tait froide alors comme de la glace. C'?tait du foutre. On appelle ainsi une mati?re blanche et ?paisse qui sort du vit ou du con quand on d?charge. La d?charge est l'action qui suit ce frottement voluptueux par o? l'on pr?lude.--Comment, dis-je ? Monique, c'en ?tait donc que vous r?pandiez tout ? l'heure?--Oui, vraiment, me dit-elle, et tu m'en as donn? aussi, petite friponne! N'as-tu pas senti ton petit conin tout mouill?? C'en ?tait.

Mais, ma ch?re petite, le plaisir que tu as go?t? est bien au-dessous de celui qu'on go?te avec un homme; car ce qu'il nous donne se m?lant avec ce que nous lui donnons, y rentre, nous p?n?tre, nous enflamme, nous rafra?chit, nous br?le. Quelles d?lices, Suzon! Ah! ma ch?re Suzon, elles sont inexprimables; mais ?coute le reste de mon aventure, poursuivit-elle.

J'?tais bien chiffonn?e, comme tu peux croire, apr?s l'exercice amoureux que je venais de faire; je me remis le mieux qu'il me fut possible, et demandai ? Martin quelle heure il ?tait.--Oh! il n'est pas tard, me r?pondit-il: je viens d'entendre la cloche du souper.--Je me passerai bien d'y aller, repris-je; je vais vite me coucher; mais avant que je te quitte, apprends-moi, mon cher Martin, par quel hasard tu t'es trouv? ici, et comment as-tu os? venir?...--Oh! pardi! ce n'est pas la hardiesse qui me manque. V'l? comme ?'a ?t?: j'?tais venu pour parer l'?glise, car, comme vous savez, c'est demain bonne f?te; je vous ai aper?ue. M'est avis, ai-je dit ? part moi en vous reluquant, que voil? une demoiselle qui prie bian le bon Dieu! Pardi! ce me suis-je fait, il faut qu'alle ait bien la rage de la d?votion pour s'en venir ? c't'heure-ci dans l'?glise, pendant que tretoutes prennent leurs becqu?es! mais ne dormirait-elle pas aussi? ce me suis-je dit, voyant que vous ne bronchiez ni pied ni patte. Pardi! je le croirais bian. Voyons un peu ?a. Je me suis cependant approch? tout fin pr?s de vous, et j'ai vu que vous dormiais. Je sis rest? l? un petit bout de temps ? vous lorgner, et pendant ce temps-l?, mon coeur faisait tic toc, tic toc. Le guiable est bian fin; Martin, m'a-t-il corn? aux oreilles, alle est bian jolie au moins: v'l? un biau coup ? faire, mon enfant; si tu laisses ?chapper c't'occasion-l?, tu ne la retrouveras pas? avise-toi, Martin. Pardi! je me sis avis? tout de suite. J'ai lev? tout doucement votre collerette, et ai vu deux petits t?tons bian blancs. Pardi! j'ai mis la main dessus, et pis je les ai bais?s aussi tout doucement; et pis, voyant que vous dormiais comme un sabot, j'ai eu envie de faire autre chose, et c't'autre chose-l?, je l'ai faite en vous troussant bravement vot' cotillon par derri?re; et pis j'ai pouss?; et pis, dame, vous savez le reste.

Malgr? son langage grossier, l'air d'ing?nuit? avec lequel Martin s'expliquait me charmait.--Eh bien, lui dis-je, mon cher ami, as-tu bien eu du plaisir?--Oh! pardi! me r?pondit-il en m'embrassant, j'en ai tant eu que j'sis pr?t ? recommencer, si vous voulez.--Non, pas pour le pr?sent, lui dis-je; peut-?tre s'apercevrait-on de quelque chose; mais tu as la clef de l'?glise; si tu veux venir demain ? minuit, tiens la porte ouverte, je viendrais te trouver; entends-tu Martin?--Oh! morgu?! me r?pondit-il; c'est bian dit; nous nous en donnerons ? coeur-joie; nous n'aurons pas d'espions ? c't'heure-l?. Je l'assurai que je m'y trouverais. La r?flexion me fit r?sister ? mon envie et aux pri?res de Martin, qui voulait que nous fissions cela encore une petite fois, disait-il, avant de nous quitter. Mon refus l'aurait plong? dans la tristesse si je ne l'eusse consol? par l'esp?rance du lendemain. Nous nous embrass?mes, je rentrai dans le couvent et regagnai heureusement ma chambre sans avoir ?t? aper?ue.

Tu devineras facilement que je mourais d'impatience de me visiter et de savoir en quel ?tat j'?tais apr?s les assauts que je venais d'essuyer. Je sentais une vive cuisson; ? peine pouvais-je marcher. J'avais pris une lumi?re au dortoir; je tirai bien mes rideaux pour n'?tre vue de personne, et m'?tant assise sur ma chaise, une jambe sur mon lit et l'autre sur le plancher, je fis mon examen. Quelle fut ma surprise lorsque je trouvai que mes l?vres, qui auparavant ?taient si fermes et si rebondies, ?taient devenues toutes molles et comme fl?tries! Les poils qui les couvraient, quoiqu'ils se ressentissent encore de l'humidit?, formaient d'espace en espace, mille petites boucles. L'int?rieur ?tait d'un rouge vif, enflamm? et d'une extr?me sensibilit?. La d?mangeaison m'y faisait porter le doigt, et sur-le-champ la douleur me for?ait de le retirer. Je me frottais contre les bras de mon fauteuil et les couvrai des marques de la vigueur de Martin. Le plaisir combattait contre la fatigue; mais mes yeux s'appesantissaient insensiblement. Je me couchai et dormis d'un sommeil qui ne fut interrompu que par d'agr?ables songes qui me rappelaient les d?lices que j'avais go?t?es.

On ne me dit rien le lendemain sur mon absence; on la regarda comme un reste de ressentiment que je devais avoir du traitement que l'on m'avait fait. Mon air fier confirma cette pens?e. J'assistai comme les autres ? l'office; toutes mes compagnes communiaient, moi je ne communiai pas; et ? te dire vrai, je m'?tais mise au-dessus de la honte de ne pas suivre leur exemple. L'amour dissipe les pr?jug?s. La pr?sence de mon amant, que je voyais r?der dans l'?glise, me d?dommageait assez. Plus d'une parmi mes compagnes aurait bien quitt? au m?me prix la nourriture spirituelle.

Je jetais sur mon amant plus de regards amoureux que je n'en jetais de d?votion sur l'autel. Aux yeux d'une femme du monde, Martin n'aurait ?t? qu'un polisson; aux miens c'?tait l'amour m?me: il en avait la jeunesse, il en avait les gr?ces. Son m?rite cach? me faisait passer l?g?rement sur sa n?gligence ext?rieure. Je m'aper?us pourtant qu'il s'?tait accommod? ce jour-l? et qu'il t?chait de se donner meilleur air qu'? l'ordinaire. Je lui sus bon gr? de son intention, que j'attribuais plut?t ? l'envie de me plaire qu'au m?rite de la f?te qu'on c?l?brait. Rien n'?chappe aux yeux d'une amante. Je le voyais regarder les pensionnaires pour t?cher de me d?couvrir. Je ne voulais pas qu'il me reconn?t; j'avais soin de me cacher; mais j'aurais ?t? f?ch?e qu'il n'e?t pas pris cette peine inutile. Que veux-tu, j'en ?tais amoureuse ? la rage. J'attendais avec impatience la nuit pour lui tenir la parole que je lui avais donn?e.

Elle vint enfin, cette nuit si ardemment souhait?e. Minuit sonna. Ah! que je fus alors troubl?e! Je ne traversai le corridor qu'en tremblant, et quoique tout le monde f?t endormi, je croyais les yeux de tout le monde ouverts sur moi. Je n'avais, pour me conduire, d'autre lumi?re que celle de mon amour. Ah! disais-je en marchant ? t?tons dans l'obscurit?, si Martin m'avait manqu? de parole, j'en mourrais de douleur! Il ?tait au rendez-vous, aussi amoureux, aussi impatient que j'avais ?t? ponctuelle. J'?tais v?tue fort l?g?rement; il faisait chaud, et je m'?tais aper?ue la veille que les jupes, les corps, les mouchoirs de gorge, tout cela ?tait trop embarrassant. Sit?t que je sentis la porte ouverte, un tressaillement de joie me coupa la parole. Je ne la recouvrai que pour appeler mon cher Martin ? voix basse: il m'attendait; il accourut dans mes bras, me baisa; je lui rendis caresse pour caresse. Nous nous t?nmes longtemps ?troitement serr?s. Revenus des premiers mouvements de notre joie, nous cherch?mes r?ciproquement ? en exciter de plus grands. Je portai la main ? la source de mes plaisirs; il porta la sienne o? je l'attendais avec impatience. Il fut bient?t en ?tat de la contenter. Il se d?shabilla, me fit un lit de ses habits: je me couchai dessus. Nos plaisirs se succ?d?rent pendant deux heures avec rapidit? et des mouvements de vivacit? qui ne laissaient pas le temps de les d?sirer; nous nous y livrions comme si nous ne les eussions pas encore go?t?s ou que nous ne dussions plus les go?ter. Dans le feu du plaisir on ne songe gu?re ? m?nager les moyens de l'entretenir. L'ardeur de Martin ne r?pondait plus ? la mienne; il fallut s'arracher de ses bras et se retirer.

Notre bonheur ne dura gu?re plus d'un mois, et j'y comprends le temps que la n?cessit? faisait donner au repos. Quoiqu'il ne fut pas rempli par le plaisir de voir mon amant, il l'?tait par celui de penser ? lui et par les agr?ables id?es qui disposaient mon coeur aux d?lices que sa pr?sence ramenait. Ah! que les nuits heureuses, que j'ai pass?es dans ses bras ont coul? rapidement, et que les suivantes ont ?t? longues!

Redouble ton attention, ma ch?re Suzon, renouvelle-moi tes promesses de m'?tre toujours fid?le et de ne jamais r?v?ler un secret que je n'ai confi? qu'? toi. Ah! Suzon, qu'il est dangereux d'?couter un penchant trop flatteur et de s'y livrer sans r?flexion! Si les plaisirs que j'avais go?t?s ?taient d?licieux, l'inqui?tude qui les suivit me les fit payer bien cher. Que je me repentis d'avoir ?t? trop amoureuse! Les suites de ma faiblesse se pr?sent?rent ? mon imagination avec des circonstances affreuses. Je pleurai, je g?mis.--Que vous arriva-t-il donc? lui demandai-je.--Je m'aper?us, me dit-elle, que mes r?gles ne coulaient plus; huit jours s'?taient pass?s sans les avoir; je fus surprise de leur interruption, ayant souvent entendu dire que c'?tait un signe de grossesse. J'?tais souvent attaqu?e de maux de coeur, de faiblesses. Ah! m'?criai-je, il n'est que trop vrai, malheureuse! h?las! je le suis, il n'en faut plus douter, je suis grosse! Un torrent de larmes succ?dait ? ces accablantes r?flexions.--Vous ?tiez grosse? dis-je ? la soeur avec ?tonnement. Ah! ma ch?re Monique, comment avez-vous fait pour en d?rober la connaissance ? des yeux int?ress?s.--Je n'eus, me r?pondit-elle, que la douleur de savoir mon malheur, et non celle d'en essuyer les suites. Martin l'avait caus?, il m'en d?livra. Ma grossesse ne m'emp?chait pas de me rendre toujours ? nos rendez-vous; j'?tais inqui?te, j'?tais tremblante, mais j'?tais encore plus amoureuse. Le poids victorieux du plaisir m'entra?nait. Qu'en pouvait-il arriver davantage? Mon malheur ?tait ? son comble. Ce qui me l'avait caus? devait servir du moins ? m'en consoler.

Une nuit, apr?s avoir re?u de Martin ces t?moignages d'un amour ordinaire qui ne se ralentissait pas, il s'aper?ut que je soupirais tristement; que ma main, qu'il tenait dans la sienne, ?tait tremblante ; il me demanda avec empressement la cause de mon agitation, et se plaignit tendrement du myst?re que je lui faisais de mes peines.--Ah! Martin, lui dis-je, mon cher Martin, tu m'as perdue! Ne dis pas que mon amour pour toi n'est plus le m?me, j'en porte dans mon sein une preuve qui me d?sesp?re: je suis grosse! une pareille nouvelle le surprit. L'?tonnement fit place ? une profonde r?verie; je ne savais qu'en penser, Martin ?tait toute mon esp?rance dans cette circonstance cruelle; il balan?ait: que devais-je croire? Peut-?tre, disais-je, abattue par son silence, peut-?tre m?dite-t-il sa fuite. Il va m'abandonner ? mon d?sespoir. Ah! qu'il reste! j'aime mieux perdre la vie en l'aimant que mourir faute de le ha?r! Je versais des larmes, il s'en aper?ut. Aussi tendre, aussi fid?le que je craignais de le voir perfide, tandis que je le croyais occup? du soin de se d?rober ? mon amour, il ne l'?tait que de celui de tarir mes pleurs en me d?livrant de leur cause. Il m'annon?a, en m'embrassant avec tendresse, qu'il en avait trouv? le moyen. La joie que me causa cette promesse n'?gala pas celle de m'?tre tromp?e dans mes soup?ons: il me rendait la vie. Charm?e des assurances qu'il me donnait, je fus curieuse de savoir quel ?tait ce moyen qu'il pr?tendait employer pour me d?livrer de mon fardeau. Il me dit qu'il voulait me donner d'une boisson qui ?tait dans le cabinet de son ma?tre, et dont la m?re Ang?lique avait fait l'exp?rience avant moi. Je voulus savoir ce que le p?re J?r?me pouvait avoir de particulier avec cette m?re. Je la ha?ssais mortellement, parce qu'elle avait paru une des plus anim?es contre moi le jour de l'aventure de la grille. Je l'avais toujours prise pour une vestale; que je me trompais! D'autant plus s?v?re qu'elle savait mieux d?guiser son caract?re vicieux, qu'elle voilait sous les apparences de la vertu ses inclinations corrompues, elle ?tait en intrigue r?gl?e avec le p?re J?r?me. Martin m'en apprit toutes les circonstances. Il me dit qu'en furetant dans les papiers de son ma?tre, il avait trouv? une lettre o? elle lui marquait qu'elle se trouvait, pour l'avoir trop ?cout?, dans le m?me embarras o? je me trouvais pour avoir trop ?cout? Martin! que le p?re lui avait envoy? une petite fiole de cette liqueur dont je devais user; que la m?re, en recevant le pr?sent, avait paru ?tre transport?e de joie, et qu'il avait trouv? une seconde lettre par laquelle elle marquait ? son vieil amant que la liqueur avait fait merveille; qu'on n'avait plus aucune incommodit?, et qu'on ?tait pr?te ? recommencer.--Ah! mon cher ami, dis-je ? Martin, apporte-moi d?s demain de cette liqueur: tu me tireras de toutes mes peines! Et, portant mes vues plus loin, je crus que par le moyen de ces lettres je pourrais servir ma vengeance et ma haine contre la m?re Ang?lique; je les demandai ? Martin, qui, ne sentant pas combien cette imprudence nous co?terait cher, crut me marquer son amour en me les apportant le lendemain avec ce qu'il m'avait promis.

J'avais fait r?flexion que la lumi?re pourrait me trahir, si on en apercevait dans ma chambre ? pareille heure. Je mod?rai l'impatience o? j'?tais de lire les lettres de la m?re: j'attendis que le jour par?t; il vint: je lus; elles ?taient ?crites d'un style passionn?, et aussi peu mesur? que la figure et les mani?res de celle qui les avait ?crites l'?taient beaucoup. Elle y peignait sa fureur amoureuse avec des traits, des expressions dont je ne l'aurais jamais crue capable; enfin, elle ne se g?nait pas, parce qu'elle comptait que le p?re J?r?me aurait la pr?caution, comme elle le lui marquait, de br?ler les lettres. Il avait eu l'imprudence de n'en rien faire, et je triomphais. Je songeai longtemps de quelle mani?re je devais me servir de ces lettres pour perdre mon ennemie. Les rendre moi-m?me ? la sup?rieure, c'e?t ?t? une d?marche trop dangereuse pour moi: il aurait fallu rendre compte de la fa?on dont je les avais eues; les faire rendre par quelqu'un, ?'aurait ?t? l'exposer ? des questions dont il ne serait peut-?tre pas sorti ? son honneur et qui auraient pu entra?ner ma perte. Je choisis un autre parti: ce fut de les porter moi-m?me ? la porte de la sup?rieure, au moment o? je saurais qu'elle devait rentrer. Je m'arr?tai ? cette id?e. Imprudente que j'?tais! J'aurais d? br?ler ces lettres. Que de chagrins je m'appr?tais! je m'enlevais mon amant! Cette r?flexion, si elle me f?t venue, aurait ?teint mon ressentiment. Quelque douceur que la vengeance me pr?sent?t, e?t-elle un moment balanc? la douleur de perdre Martin? Non; il m'?tait mille fois plus pr?cieux que ce qui me flattait le plus dans ce moment. Je ne remis l'ex?cution de mon projet que jusqu'au temps o? je serais hors de danger: je le fus bient?t. J'avais demand? ? Martin une tr?ve de huit jours; elle n'?tait pas encore expir?e. Je crus pouvoir ex?cuter alors le dessein que j'avais form?: il eut tout l'effet que j'en pouvais attendre. La sup?rieure trouva les lettres, fit venir la m?re Ang?lique et la convainquit. Peut-?tre la r?flexion e?t-elle obtenu sa gr?ce, si un crime plus grand, et que les femmes ne pardonnent jamais, la rivalit?, n'e?t rendu sa punition n?cessaire pour le repos de la sup?rieure; car, quoiqu'elle ne manqu?t pas, comme je te l'ai dit, de ces secours capables d'?mousser la pointe des aiguillons de la chair, il est bien difficile, quand on a grand app?tit, de s'en tenir ? cette nourriture artificielle qui charme la faim sans la calmer.

Un godmich? n'est qu'un secret pour endormir le temp?rament; son sommeil n'est pas de longue dur?e; il se r?veille, et, furieux de la tromperie qu'on lui a faite, il ne s'apaise que par la r?alit?.

La sup?rieure ?tait dans ce cas. Une fille qui a acquis quelques connaissances dans les myst?res de l'amour voit clair dans une injure. Si les objets lui manquent, l'imagination y suppl?e; elle s'aigrit des difficult?s qu'on lui oppose, et va quelquefois plus loin que la r?alit?; mais avec un homme, une femme du caract?re de la sup?rieure, de celui du p?re J?r?me, je craignais moins d'en trop penser que de n'en pas penser assez. Leur liaison ne me laissait pas douter que le directeur ne partage?t secr?tement ses consolations spirituelles entre elle et la m?re Ang?lique. Le prompt ch?timent de celle-ci confirma mes soup?ons; elle expia dans une chambre obscure le crime de m'avoir d?plu et d'avoir enlev? ? la sup?rieure le coeur d'un amant confirm? dans ses bonnes gr?ces.

Je me repentis bient?t de ma sottise; je m'?tais toujours flatt?e que l'orage ne tomberait que sur la m?re Ang?lique: il alla plus loin. Le p?re, outr? de se voir enlever sa ma?tresse, soup?onna Martin de la cause de son malheur: il le sacrifia ? son ressentiment en le chassant: je ne l'ai plus revu depuis.

Voil? mon histoire, ma ch?re Suzon, poursuivit la soeur Monique; je ne te recommande pas le secret; tu es int?ress?e ? le garder; te voil? associ?e ? mes plaisirs! H?las! je n'ai presque pas joui depuis que j'ai perdu mon amant. Que n'est-il ici, continuait-elle en me baisant, je le mangerais de caresses!

Le souvenir de Martin l'animait: ses discours avaient produit sur moi le m?me effet. Nous nous trouv?mes, sans y penser, dispos?es ? ne pas attendre au lendemain pour c?l?brer la perte de ce cher amant. Je rappelais ? Monique les plaisirs qu'elle avait autrefois go?t?s avec lui. Tromp?e par mes caresses, elle oubliait que je n'?tais qu'une fille, me prodiguait les m?mes noms qu'elle lui prodiguait dans ses transports. J'?tais son ange, son dieu! Je n'avais pas encore l'id?e d'un bien plus grand plaisir que celui dont je jouissais: Monique, dans mes bras, comblait tous mes d?sirs. L'imagination va toujours plus loin que ce que l'on poss?de. Monique songeant au plaisir que lui avait caus? le frottement du poil de Martin, quand elle le sentit contre ses fesses la nuit de l'aventure du prie-Dieu, m'en promit autant si je voulais le lui procurer encore. J'y consentis. Elle se coucha sur le ventre, j'agissais: nous nous anim?mes de fa?on qu'? force de nous chatouiller nous nous trouv?mes, l'une la t?te au chevet du lit, et l'autre la t?te au pied. Dans cette situation, nous nous rapproch?mes; l'une de mes cuisses ?tait sur le ventre de Monique, l'autre sous ses fesses: mon ventre et mes fesses ?taient de m?me entre ses cuisses; ?troitement coll?es l'une contre l'autre, nous nous pressions en soupirant, nous nous frottions r?ciproquement, nous r?pandions ? chaque instant. Les sources de notre plaisir, gonfl?es par un jaillissement continuel, qui n'avait d'autre issue que de passer de l'une dans l'autre, ?taient comme deux r?servoirs de d?lices o? nous mourrions plong?es sans sentiment, o? nous ne ressuscitions que par l'exc?s du ravissement. L'?puisement seul mit fin ? nos transports. Enchant?es l'une de l'autre, nous nous prom?mes de recoucher ensemble le lendemain. Elle y revint et me rendit encore plus savante ? cette seconde entrevue. Ces nuits charmantes n'ont ?t? interrompues que par ma sortie du couvent pour venir ici.

Ce que Suzon venait de me raconter avait si fort agi sur mon imagination, que je n'avais pu refuser ? l'?nergie de ses discours des marques de sensibilit? relative au sujet. Quoique j'eusse affect? de lui d?rober les larmes qu'elle m'arrachait, le plaisir de les r?pandre, les regards passionn?s que je jetais sur elle en les r?pandant, m'avaient trahi; elle s'?tait aper?ue de mes mouvements; mais, charm?e d'avoir fait sur moi l'impression qu'elle d?sirait, elle me dissimulait adroitement sa satisfaction, et, par une politique mal entendue, combattait encore en elle-m?me le doux penchant qui devait couronner l'ardeur qu'elle m'inspirait. Autant ses discours m'avaient ?tonn?, autant ils me donn?rent d'espoir. Ces peintures si vives et si anim?es des situations et des sentiments de la soeur Monique, dans une circonstance ? peu pr?s semblable ? celle o? nous nous trouvions, ne pouvaient partir que d'un coeur p?n?tr?. Elle ne m'avait rien cach? de ses actions, pas m?me sa sensibilit? pour les plaisirs de l'amour. Elle avait dit tous les mots; rien n'avait ?t? fard?. Si nous eussions ?t? dans l'all?e, elle n'aurait pas dit un mot que je n'en eusse profit?, et n'aurait pas fait une peinture que je n'y eusse joint la repr?sentation au naturel. Son dessein n'avait pas ?t? d'y venir. Que devais-je penser de cette r?sistance? Comment l'accorder avec ce que je venais d'entendre? Ah! si j'avais pu lire dans son coeur, que je me serais ?pargn? d'inqui?tudes! R?solu ? suivre mon dessein, mais en garde contre une pr?cipitation qui aurait pu effaroucher Suzon, je pris autrement mes mesures. Je cherchai dans le r?cit m?me qu'elle venait de me faire des armes pour la combattre. Je lui demandai d'abord indiff?remment si la soeur Monique ?tait jolie.--Comme un ange, me r?pondit-elle, et une fille qui poss?de ces charmes est toujours s?re de plaire. Sa taille est fine et bien prise: sa peau est d'une blancheur, d'une douceur parfaites; elle a la plus belle gorge du monde, le visage un peu p?le, mais joli et form? de fa?on que les plus belles couleurs lui conviendraient moins que cette p?leur; ses yeux sont noirs et bien fendus; mais, contre l'ordinaire des brunes, elle les a languissants; il n'y reste qu'assez de feu pour faire juger qu'ils seraient brillants si elle n'?tait pas si amoureuse.--Tu me rends compatissant pour elle, dis-je ? Suzon. Sa passion pour les hommes la rendra malheureuse.--D?sabuse-toi, r?pondit Suzon, ce n'est que depuis peu, comme je te l'ai dit, qu'elle a pris le voile par complaisance pour sa m?re. Le temps de prononcer ses voeux n'est pas encore venu; son bonheur d?pend de la mort d'un fr?re, l'idole de sa m?re. Il court grand risque de ne pas vivre plus longtemps que sa soeur ne le souhaite. On l'a d?j? bless? ? Paris dans un bordel...--Un bordel! eh! qu'est-ce que cet endroit? demandai-je ? Suzon, par pressentiment sans doute de ce qui devait m'y arriver un jour.--Je vais te dire, me r?pondit-elle, ce que j'en sais de la soeur Monique qui conna?t tout ce qui a rapport ? ses inclinations. C'est un lieu o? s'assemblent des filles tendres et faciles, qui re?oivent avec complaisance les hommages des libertins, et se pr?tent ? leurs d?sirs, sous l'espoir de la r?compense. Leur penchant les y m?ne, le plaisir les y fixe.--Ah! m'?criai-je en l'interrompant, que je voudrais ?tre dans une ville o? il y e?t de ces endroits-l?! Et toi, Suzon? Elle ne dit mot, mais je compris par son silence qu'elle ne serait pas plus cruelle qu'une autre pour son temp?rament, et que ce plaisir aurait autant d'empire sur son coeur que sur celui de ces filles tendres que l'empressement des hommes ?rige en idoles publiques. Je crois, ajoutai-je, que la soeur Monique irait l? aussi volontiers que son fr?re.--Assur?ment, me dit-elle; cette pauvre fille aime les hommes ? la fureur; l'id?e seule l'en enchante.--Et toi, petite friponne, tu ne les aimes donc pas?--Je les aimerais, me r?pondit-elle, si ce que l'on fait avec eux n'?tait pas si dangereux.--Tu le crois! lui dis-je; il ne l'est pas tant que tu le penses. Pour faire cela avec une femme, elle ne devient pas toujours grosse. Vois cette dame qui est notre voisine: mari?e depuis longtemps, elle le fait avec son mari, et cependant elle n'a pas d'enfants. Cet exemple parut l'?branler. Ecoute, ma ch?re Suzon, poursuivis-je, et comme inspir? par une intelligence au-dessus de mon ?ge, qui me faisait p?n?trer dans les myst?res de la nature, la soeur Monique t'a dit que, quand Martin le lui mettait, elle ?tait toute remplie de ce qu'il lui donnait: c'?tait sans doute ce qui lui avait fait un enfant.--Eh bien, dit Suzon en me regardant et cherchant dans mes yeux un moyen de satisfaire son envie sans s'exposer aux hasards, que veux-tu dire par l??--Ce que je veux dire, repris-je, c'est que si c'est ce que l'homme r?pand qui produit cet effet, on peut l'emp?cher en se retirant, quand on sent que cela vient.--Eh! le peut-on faire? interrompit vivement Suzon. N'as-tu jamais vu deux chiens l'un sur l'autre? On a beau les battre pour les faire finir, ils crient, se d?m?nent, voudraient se retirer et ne peuvent pas: ils sont attach?s de fa?on que cela leur devient impossible. Dis-moi si un homme se trouvait attach? de m?me ? une femme, que quelqu'un v?nt, qu'on les surpr?t? Cette objection me d?monta, l'exemple ?tait simple; il semblait que Suzon e?t pr?vu ce que j'allais lui proposer. L'exemple ?tait pour nous; nous allions nous trouver dans le m?me cas, si Suzon se rendait. Elle semblait attendre ma r?ponse: et si j'avais pu lire dans son ?me, j'aurais vu qu'elle se repentait de m'avoir propos? une difficult? que j'?tais hors d'?tat de r?soudre. D'autant plus int?ress? ? d?truire son pr?jug?, je ne doutai pas que mon bonheur ne d?pend?t de ma r?ponse, et je cherchai des raisons pour la convaincre. Je me souvenais parfaitement que le p?re Polycarpe n'avait pas eu la veille cette difficult? ? se retirer de dessus Toinette. Je lui aurais cit? cet exemple, mais j'aimais mieux le lui faire voir. Mes raisonnements ne la persuad?rent pas, mais ses d?sirs suppl?aient ? ce qu'ils avaient de d?fectueux. Elle affectait d'insister encore, et il lui fallait un exemple contraire pour la persuader. Dans le moment je vis le bonhomme Ambroise sortir de la maison et gagner le chemin de la rue. Son d?part m'offrit l'occasion la plus favorable qui p?t se pr?senter. Ne doutant pas que le p?re et Toinette ne profitassent de la libert? qu'il leur laissait pour r?parer le temps perdu par sa pr?sence, je dis d'un ton assur? ? Suzon: Viens, je veux te faire voir que tu t'es tromp?e. Je me levai et j'aidai Suzon ? en faire autant apr?s lui avoir port? sous sa jupe une main qu'elle repoussa en fol?trant.--O? vas-tu donc me mener? me dit-elle, voyant que je gagnais la maison. La petite friponne croyait que j'allais la mener dans l'all?e: elle m'y aurait suivi. Que j'aurais bien mieux fait d'y aller! Mais je n'?tais pas assez exp?riment? pour voir qu'elle ne demandait pas mieux. Je craignais quelque nouvelle r?sistance de sa part, et mon destin m'entra?nait. Je lui r?pondis que je la menais dans un lieu o? elle verrait quelque chose qui lui ferait plaisir.

--O? donc? me r?pondit-elle avec impatience, voyant que j'avan?ais vers la maison.--Dans ma chambre, lui r?pondis-je.--Dans ta chambre? me dit-elle; oh! non! Tiens, Saturnin, cela est inutile: tu me ferais quelque chose! Je lui jurai que non, et je connus ? l'air dont elle consentait ? y venir qu'elle ?tait moins f?ch?e de m'y suivre qu'elle ne l'aurait ?t? si, en lui promettant d'?tre sage, je ne lui avais pas donn? un pr?texte pour s'y laisser conduire. Que je me rappelle avec plaisir ces traits charmants de mon enfance! l'habitude d'accorder tout ? mes passions et l'usage immod?r? des plaisirs n'ont point ?mouss? ma sensibilit? pour ces pr?cieux instants de ma vie.

Nous entr?mes dans ma chambre sans avoir ?t? aper?us; je tenais Suzon par la main, elle tremblait; je marchais sur la pointe des pieds, elle m'imitait: je lui fis signe de ne point parler, et, la faisant asseoir sur mon lit, je m'approchai doucement de la cloison: personne n'y ?tait encore. Je dis d'une voix basse ? Suzon que l'on ne tarderait pas ? venir. Mais que veux-tu donc me montrer? me demanda-t-elle, intrigu?e par mes fa?ons myst?rieuses.--Tu vas le voir, r?pondis-je: et sur-le-champ, en avancement du privil?ge que je comptais que cette vue allait me donner, je la renversai sur mon lit, en t?chant de lui glisser la main sur les cuisses. Je n'en ?tais pas encore ? la jarreti?re, qu'elle se leva avec action, et dit qu'elle ferait du bruit si j'?tais assez hardi pour la toucher. Elle alla m?me jusqu'? faire semblant de vouloir sortir: je pris cette grimace pour une marque de col?re, et je fus assez simple pour m'imaginer qu'elle voulait effectivement se retirer. J'?tais interdit, le coeur me battait, ? peine osais-je r?pondre; et quoique ce ne f?t qu'en b?gayant, je persuadai facilement une fille qui aurait ?t? bien f?ch?e que mon silence l'e?t mise dans la n?cessit? de joindre l'effet ? la menace: elle consentit ? rester. J'allais d?sesp?rer de pouvoir venir ? bout de mon entreprise, quand j'entendis ouvrir la porte de la chambre d'Ambroise. Le coeur me revint, et j'attendais avec impatience que la curiosit? de Suzon f?t pour moi ce que je n'avais pu faire moi-m?me.--Les voici! lui dis-je en lui faisant signe de se taire et en la remuant sur le lit; les voici, ma ch?re Suzon! Je m'approchai aussit?t de la cloison; j'?cartai l'image qui d?robait ? mes regards ce qui se passait dans la chambre, et j'aper?us le p?re qui prenait sur la gorge de Toinette des gages peu ?quivoques de sa bonne volont?. Immobiles, serr?s ?troitement l'un contre l'autre et recueillis en eux-m?mes, il semblait qu'ils voulussent, par une profonde m?ditation, se remplir de la grandeur des myst?res qu'ils allaient c?l?brer. Attentif ? leurs mouvements, j'attendais qu'ils les poussassent un peu plus loin pour faire signe ? Suzon d'avancer. Toinette, ennuy?e de la longue m?ditation, se d?barrassa la premi?re des bras du moine, et, jetant corset, jupe, chemise, tout ? bas, parut telle que la biens?ance du myst?re l'exigeait. Ah! que j'aimais ? la voir dans cet ?tat! Ma fureur amoureuse, que les combats de Suzon n'avaient fait qu'irriter, redoubla d'un degr? ? cette vue.

Suzon, que mon attention rendait impatiente, avait quitt? le lit et s'?tait approch?e de moi. J'?tais si fort occup? que je ne m'en ?tais pas aper?u.--Laisse-moi donc voir aussi! me dit-elle en me repoussant un peu. Je ne demandais pas mieux. Je lui c?dai aussit?t mon poste et me tins ? c?t? d'elle pour examiner sur son visage les impressions qu'y produirait le spectacle qu'elle allait voir. Je m'aper?us d'abord qu'elle rougissait; mais je pr?sumai trop de son penchant ? l'amour pour craindre que cette vue ne produis?t un effet contraire ? celui que j'en esp?rais. Elle resta. Curieux alors de savoir si l'exemple op?rait, je commen?ai par lui couler la main sous la jupe. Je ne trouvai plus qu'une r?sistance m?diocre; elle se contentait de me repousser seulement la main, sans l'emp?cher de monter jusqu'aux cuisses, qu'elle serrait ?troitement. Ce n'?tait qu'aux transports des combattants que j'?tais redevable de la facilit? que je trouvais ? les desserrer insensiblement. J'aurais calcul? le nombre de coups que donnaient ou recevaient la p?re et Toinette par celui des pas que ma main, plus ou moins press?e, faisait sur ses charmantes cuisses. Enfin, je gagnai le but. Suzon m'abandonna tout, sans pousser plus loin sa r?sistance; elle ?cartait les jambes pour laisser ? ma main la facilit? de se contenter. J'en profitai, et portant le doigt ? l'endroit sensible, ? peine pouvait-il y entrer. Sentant que l'ennemi s'?tait empar? de la place, elle tressaillit, et ses tressaillements se renouvelaient au moindre mouvement de mon doigt.--Je te tiens, Suzon! lui dis-je alors; et levant son jupon par derri?re, je vis, ah! je vis le plus beau, le plus blanc, le mieux tourn?, le plus ferme, le plus charmant petit cul qu'il soit possible d'imaginer. Non, aucun de ceux ? qui j'ai fait le plus de f?te, aucun n'a jamais approch? du cul de ma Suzon. Fesses divines dont l'aimable coloris l'emportait sur celui du visage; fesses adorables, sur lesquelles je collai mille baisers amoureux, pardonnez si je ne vous rendis pas alors l'hommage qui vous ?tait d?. Oui, vous m?ritiez d'?tre ador?es; vous m?ritiez l'encens le plus pur; mais vous aviez un voisin trop redoutable. Je n'avais pas encore le go?t assez ?pur? pour conna?tre votre v?ritable valeur: je le croyais seul digne de ma passion. Cul charmant, que mon repentir vous a bien veng?! Oui, je conserverai toujours votre m?moire! Je vous ai ?lev? dans mon coeur un autel o? tous les jours de ma vie je pleure mon aveuglement! J'?tais ? genoux devant cet adorable petit cul, l'embrassais, le serrais, l'entr'ouvrais, m'extasiais; mais Suzon avait mille autres beaut?s qui piquaient ma curiosit?. Je me levai avec transport, fixai mes regards avides sur deux petits t?tons durs, fermes, bien plac?s, arrondis par l'amour. Ils se levaient, se baissaient, haletaient et semblaient demander une main qui fix?t leur mouvement. J'y portais la mienne, je les pressais. Suzon se laissait aller ? mes transports. Rien ne pouvait l'arracher au spectacle qui l'attachait. J'en ?tais charm?; mais son attention ?tait bien longue pour mon impatience. Je br?lais d'un feu qui ne pouvait s'?teindre que par la jouissance. J'aurais voulu voir Suzon toute nue, pour me rassasier de la vue d'un corps dont je baisais, dont je maniais de si charmantes parties. Cette vue ?tait capable de satisfaire mes d?sirs. Mais bient?t j'?prouvai le contraire en d?shabillant Suzon, sans qu'elle s'y oppos?t. Nu de mon c?t?, je cherchais les moyens d'assouvir ma passion, je n'avais pas assez de force pour la presser. Mille et mille baisers r?p?t?s, les marques les plus vives de l'amour ?taient mille fois au-dessus de ce que je sentais. Je t?chais de le lui mettre, mais l'attitude ?tait g?nante: il fallait le mettre par derri?re. Elle ?cartait les jambes, les fesses, mais l'entr?e ?tait si petite, que je n'en pouvais venir ? bout. J'y mettais le doigt et l'en retirais couvert d'une liqueur amoureuse. La m?me cause produisait sur moi le m?me effet. Je faisais de nouveaux efforts pour prendre dans ce charmant endroit la m?me place que mon doigt venait d'y occuper, et toujours m?me impossibilit?, malgr? les facilit?s qu'on me donnait.--Suzon, dis-je, enrag? de l'obstacle que son opini?tre attention apportait ? mon bonheur, laisse-les; viens, ma ch?re Suzon, nous pouvons avoir autant de plaisir qu'eux. Elle tourna les yeux sur moi; ils ?taient passionn?s. Je la prends amoureusement entre mes bras, je la porte sur mon lit, je l'y renverse; elle ?carte les cuisses, mes yeux se jettent avec fureur sur une petite rose vermeille qui commence ? s'?panouir. Un poil blond, et plac? par petits toupets, commen?ait ? ombrager une motte dont le pinceau le plus d?licat rendrait faiblement la blancheur vive et anim?e. Suzon, immobile, attendait avec impatience des marques de ma passion plus sensibles et plus satisfaisantes. Je t?chai de les lui donner; je m'y prenais fort mal: trop bas, trop haut, me consumant en efforts inutiles. Elle me le mit. Ah! Que je sentais alors qu'il ?tait dans le v?ritable chemin! Une douleur, que je ne comptais pas trouver sur une route que je croyais couverte de fleurs, m'arr?ta d'abord. Suzon en ressentit une pareille; mais nous ne nous rebut?mes pas. Suzon t?chait d'?largir le passage; je m'effor?ais, elle me secondait. D?j? j'avais fait la moiti? de ma course. Suzon roulait sur moi des yeux mourants; son visage ?tait enflamm?, ne respirait que par intervalles, et me renvoyait une chaleur prodigieuse. Je nageais dans un torrent de d?lices; j'en esp?rais encore de plus grandes, je me h?tais de les go?ter. O ciel! des moments si doux devaient-ils ?tre troubl?s par le plus cruel des malheurs! Je poussais avec ardeur; mon lit, ce malheureux lit, t?moin de mes transports et de mon bonheur, nous trahit: il n'?tait que de sangle; la cheville manqua, il tomba et fit un bruit affreux. Cette chute m'e?t ?t? favorable, puisqu'elle m'avait fait entrer jusqu'o? je pouvais aller, quoique avec une extr?me douleur pour tous les deux. Suzon se faisait violence pour retenir ses cris. Effray?e, elle voulait s'arracher de mes bras; furieux d'amour et de d?sespoir, je ne la serrais que plus ?troitement. Mon opini?tret? me co?ta cher.

Toinette, avertie par le bruit, accourut, ouvrit et nous vit. Quel spectacle pour une m?re! une fille, un fils! La surprise la rendit immobile; et comme si elle e?t ?t? retenue par quelque chose de plus puissant que ses efforts, elle ne pouvait avancer. Elle nous regardait avec des yeux enflamm?s par la lubricit?; ouvrant la bouche pour parler, la voix expirait sur ses l?vres.

Suzon ?tait tomb?e en faiblesse; ses yeux tendres se fermaient, sans avoir ni le courage, ni la force de se retirer. Je regardais alternativement Toinette et Suzon, l'une avec rage, l'autre avec douleur. Enhardi par l'immobilit? o? l'?tonnement semblait retenir Toinette, je voulus en profiter, je poussai; Suzon donna alors un signe de vie, jeta un profond soupir, rouvrit les yeux, me serra en donnant un coup de cul. Suzon go?tait le souverain plaisir; elle d?chargeait: ses ravissements me faisaient plaisir; j'allais les partager, Toinette s'?lan?a au moment o? je sentais les approches du plaisir; elle m'arracha des bras de ma ch?re Suzon. Pourquoi n'avais-je pas assez de force pour me venger? Le d?sespoir me l'?ta sans doute, puisque je restai immobile dans les bras de cette mar?tre jalouse.

Le p?re Polycarpe, aussi curieux que Toinette, accourut dans cet intervalle, et ne demeura pas moins surpris qu'elle ? la vue du spectacle qui s'offrait ? ses yeux, surtout de Suzon nue, couch?e sur le dos, se passant un bras sur les yeux et portant la main de l'autre ? l'endroit coupable, comme si une telle posture e?t pu d?rober ses charmes aux regards du moine lascif. Il les porta d'abord sur elle. Les miens y ?taient fix?s comme sur leur centre, et ceux de Toinette l'?taient sur moi. La surprise, la rage, la crainte, rien ne m'avait fait d?bander. J'avais le vit d?calott? et plus dur que le fer. Toinette le regardait. Cette vue obtint ma gr?ce et me r?concilia avec elle. Je sentais qu'elle m'entra?nait doucement hors de la chambre. J'?tais troubl?, ne sachant ce que je faisais. Nu comme j'?tais, je la suivis sans y penser, et cela se fit sans bruit.

Toinette me mena dans sa chambre et en ferma la porte aux verrous. La crainte me retira alors de mon ?tourdissement. Je voulus fuir: je cherchai quelque refuge qui p?t me d?rober au ressentiment de Toinette. N'en trouvant pas, je me jetai sous le lit. Toinette reconnut le motif de ma frayeur et t?cha de me rassurer.--Non, Saturnin, me dit-elle; non, mon ami, je ne veux pas te faire de mal. Je ne la croyais pas sinc?re et je ne sortais pas de ma place. Elle vint elle-m?me pour m'en tirer; voyant qu'elle tendait les bras pour m'attraper, je me reculais: mais j'eus beau faire, elle me prit, par o?, par le vit! Il n'y eut plus moyen de m'en d?fendre. Je sortis ou plut?t elle m'attira, car elle n'avait pas l?ch? prise.

Quelle foule de r?flexions pour ces lecteurs dont le temp?rament froid et glac? n'a jamais ressenti les fureurs de l'amour! Faites-les, messieurs, ces r?flexions; donnez carri?re ? votre morale; je vous laisse le champ libre, et ne veux vous dire qu'un mot. En bandant aussi fort que je bandais, vous foutriez, quoi? le diable!

J'allais r?p?ter un aussi charmant exercice, quand nous f?mes interrompus par un bruit sourd qui partait de ma chambre. Toinette, qui comprit de quoi il s'agissait, se leva en criant au p?re de finir. Elle se rhabilla aussit?t, me dit de me remettre sous le lit et courut pour emp?cher que les choses ne fussent pouss?es plus loin.

A peine eut-elle le dos tourn?, que je volai au trou. J'aper?us le moine qui tenait dans ses bras Suzon qui s'?tait rhabill?e, mais dont le cotillon et la chemise ?taient lev?s. Le froc du moine l'?tait aussi, et je jugeai que le bruit ne venait que de l'extr?me grosseur du membre de sa r?v?rence, qui faisait sans doute des efforts inutiles pour le faire entrer dans un endroit qui n'?tait pas fait pour lui. Le d?bat finit ? l'aspect de Toinette qui fondit sur les combattants, arracha Suzon des bras de l'incestueux c?lestin, et lui donna, avec deux ou trois soufflets, la libert? de sortir. Il semblait que l'action vigoureuse que Toinette venait de faire l'e?t ?puis?e, et qu'il ne lui rest?t plus assez de force pour marquer son m?contentement au p?re Polycarpe: elle le regardait tout essouffl?e. Un moine ne manque gu?re d'impudence; cependant celle du p?re ne tint pas contre la honte d'avoir ?t? pris en flagrant d?lit, peut-?tre contre la crainte des reproches dont il croyait que Toinette allait l'accabler, ou plut?t contre l'id?e d'infamie dont il croyait qu'un moine devait ?tre not?, quand il entreprenait d'exploiter une fille sans en venir ? bout. Il rougissait, il p?lissait, et n'osait presque regarder Toinette qui, de son c?t?, paraissait agit?e des m?mes mouvements. Moi, de mon trou, je les examinais attentivement et m'attendais ? ?tre bient?t spectateur de quelque crise violente; je le craignais. Que je les connaissais peu l'un et l'autre! Le moine paraissait confus, mais il ne d?bandait pas: un moine d?bande-t-il jamais? Toinette paraissait furieuse, mais elle regardait le vit du moine. Son faible ?tait toujours de sacrifier toute sa col?re ? cette vue; mon exemple devait m'avoir pr?par? ? lui voir une pareille indulgence pour le p?re. Le raccommodement fut bient?t fait. Le moine s'approcha d'elle, et j'entendis qu'il lui disait, en lui mettant en main son joyeux aiguillon: Si je n'ai pas pu foutre la fille, du moins je foutrai la m?re. Oh! pour cette insulte, Toinette ?tait toujours pr?te ? la lui pardonner; elle s'offrit m?me de bonne gr?ce pour victime ? la fureur amoureuse du moine; il la saisit, il l'embrassa, et, tombant l'un sur l'autre sur les d?bris de mon lit, ils scell?rent leur r?conciliation par une copieuse d?charge; du moins j'eus lieu de le juger aux transports du p?re et aux serrements du cul de Toinette.

Pendant ce temps-l?, allez-vous demander, que faisait ce petit bougre de Saturnin? Se contentait-il de regarder comme un sot par le trou, sans se joindre du moins en id?e aux caresses des deux champions? Belle demande! Saturnin ?tait nu, il ?tait encore en feu des caresses que Toinette lui avait faites; le spectacle qu'il avait devant les yeux l'?chauffait encore: que vouliez-vous qu'il f?t? Il se branlait: il enrageait de voir le moine sur Toinette, sans pouvoir en tirer sa part, et le petit coquin d?chargeait au moment o? sa m?re serrait le cul et o? le p?re se p?mait. Vous voil? instruit; revenons ? nos gens.

--Eh bien, dit le moine, trouves-tu que je fasse cela aussi bien que Saturnin?--Que Saturnin! r?pondit-elle; moi, j'ai fait quelque chose avec Saturnin? Bon! le petit fripon n'a-t-il pas ?t? se cacher sous le lit o? il est encore? Mais, patience; laissez venir Ambroise, les ?trivi?res ne lui manqueront pas; il les aura, et de la bonne fa?on! J'?coutais ce colloque: jugez s'il dut me faire plaisir! Redoublant mon attention, j'entendis le p?re qui r?pliquait: L?, l?, Toinette, ne nous f?chons pas; vous savez qu'il ne doit pas toujours demeurer ici; il est assez grand ? pr?sent, n'est-il pas vrai? Je veux l'emmener quand je partirai.--Mais, reprit Toinette, vous ne songez pas que si ce petit coquin restait ici, nous ne pourrions plus rien faire? Cela babille, et je me doute qu'il nous a d?couverts. Justement! poursuivit-elle en voyant le trou de la cloison. Ah! mon Dieu! je n'avais pas encore remarqu? ce trou. Il aura tout vu par l?, le petit chien! Je jugeai qu'elle allait venir v?rifier son doute, et vite je me refourrai sous le lit, d'o? je ne sortis plus, quelque envie que j'eusse d'entendre le reste d'une conversation qui m'int?ressait si fort. Je me tins coi, et j'attendis avec impatience le r?sultat de leurs discours. Je n'attendis pas longtemps. On vint me tirer de ma prison; je tremblais que ce ne f?t Ambroise. S'il m'avait vu l?, quelle sc?ne pour moi! C'?tait Toinette qui m'apportait mes habits, et qui me dit de m'habiller au plus t?t. Je ne la regardais que de travers, apr?s ce que je lui avais ou? dire ? mon sujet. Je me h?tai de faire ce qu'elle me disait en bravant ses menaces. Elle s'habillait aussi, et se mettait m?me sur son propre. J'eus bient?t fait de mon c?t?, et elle du sien.--Allons, Saturnin, me dit-elle, venez avec moi. Force me fut de la suivre. O? me mena-t-elle? Chez M. le cur?.

La vue du presbyt?re me fit trembler. Le pasteur me visitait souvent le derri?re, chose que, par parenth?se, il ne ha?ssait pas, et je craignais fort que ce ne f?t encore pour lui procurer le m?me divertissement que l'on me menait chez lui. Je n'osais pas tout ? fait laisser voir mes craintes ? Toinette. Si elle sent que j'ai peur, me disais-je, elle r?veillera le chat qui dort, et ne manquera pas de saisir l'occasion. Mais pourquoi m'am?ne-t-elle ici? je n'en sais rien; faisons de n?cessit? vertu: entrons toujours.

J'entrai, et j'en fus quitte pour la peur; car Toinette, en me pr?sentant au saint homme, le pria de vouloir me garder pendant quelques jours chez lui. L'expression de quelques jours me rassura. Bon! dis-je en moi-m?me, et quand ces quelques jours seront pass?s, le p?re Polycarpe m'emm?nera avec lui. Plein de cet espoir, je me familiarisais plus ais?ment avec ma retraite, sur le motif de laquelle je n'osais r?fl?chir sans ?tre saisi de douleur. Suzon, ch?re Suzon, je te perdrai donc pour toujours? m'?criai-je dans un coin de la salle o? je m'?tais d'abord retir? par frayeur et o? je restais par go?t, parce que j'y r?vais ? mon aise. A quoi? A Suzon. L'agitation o? j'?tais depuis quelques heures ayant suspendu ce que je sentais pour elle, quand je fus revenu ? moi-m?me, son id?e m'occupa tout entier. Le coeur me saignait quand je pensais que j'allais la perdre. Mon imagination se repaissait de tous ses charmes, parcourait les beaut?s de son corps, ses cuisses, ses fesses, sa gorge, ses petits t?tons blancs et durs, que j'avais bais?s tant de fois. Je me rappelai le plaisir que j'avais eu avec elle, et, pensant ? celui que j'avais pris avec Toinette: Qu'e?t-ce donc ?t?, disais-je, si je l'eusse go?t? sur Suzon! Je me suis p?m? sur Toinette, je serais mort sur Suzon. Ah! je n'aurais pas de regret ? la vie, si je la perdais dans ses bras. Mais que sera-t-elle devenue? Expos?e aux fureurs de Toinette, elle va mourir de chagrin. Peut-?tre pleure-t-elle ? pr?sent, peut-?tre me maudit-elle. Suzon pleure, et j'en suis cause; Suzon me maudit, elle jure de me ha?r. Pourrai-je vivre si elle me hait, moi qui l'adore, moi qui souffrirais tout pour lui ?pargner le moindre chagrin? H?las! elle pr?voyait notre malheur et c'est moi qui l'y ai plong?e! Telles ?taient les pens?es qui m'agitaient alors; j'?tais dans une m?lancolie dont je ne sortis qu'au son d'une clochette qui m'avertit qu'on avait servi le souper; on vint m'appeler. Laissons pour un moment Suzon; nous la retrouverons toujours; elle joue un r?le assez important dans ces m?moires. Allons prendre un repas et faisons conna?tre quelques b?vues des originaux avec qui j'?tais; commen?ons par le cur?.

M. le cur? ?tait une de ces figures qu'on ne saurait regarder sans avoir envie de rire; haut de quatre pieds, le visage large d'un demi et enlumin? d'un rouge fonc? qui ne lui venait pas de boire de l'eau; un nez ?pat?, surmont? de rubis, de petits yeux noirs et vifs ombrag?s d'?pais sourcils; un front petit, le poil fris? comme un barbet; joignez-y un air goguenard et malin, voil? M. le cur?. Avec cela le coquin avait de bonnes fortunes; plus d'une m'en aurait encore dit des nouvelles dans le village. Il cultivait volontiers la vigne du Seigneur; il faisait le petit c?lestin. Ces magots-l? sont d'ordinaire de vigoureux sires ? ce jeu, et notre cur? ne manquait pas, je crois, de ces talents, qui valent mieux qu'une belle figure, quand il est permis de les faire valoir.

Passons au second cartouche du tableau c?lestin de la maison du cur?, et disons un mot de sa respectable gouvernante.

Madame Fran?oise ?tait une vieille sorci?re plus maligne qu'un vieux singe, plus m?chante qu'un vieux diable. Otez cela, c'?tait la bont? m?me. Son visage portait bien cinquante bonnes ann?es. La coquetterie est de tout pays et de toute condition: la vieille ne s'en donnait pas trente-cinq. Mais, malgr? ses discours, elle ?tait canonique, et si canonique, que, depuis quinze ans qu'elle ?tait au service de M. le cur?, elle l'avait garanti des retraites incommodes qu'il avait coutume de faire au s?minaire, au moins deux ou trois fois chaque lustre, disgr?ces qui avaient d?go?t? le patron de la jeunesse; et quoique la dame Fran?oise e?t les yeux bord?s de rouge, le nez barbouill? de tabac, la bouche fendue jusqu'aux oreilles, et qu'elle n'e?t plus dans cette bouche que quelques dents mal assur?es, M. le cur?, par reconnaissance pour ses services pass?s, ne d?mentait en rien son estime et, qui plus est, ses caresses pour elle. Madame Fran?oise ?tait surintendante de la maison; tout passait par ses mains, jusqu'? l'argent des pensionnaires qui n'en sortait gu?re. Elle ne parlait jamais du cur? qu'en nom collectif; apportait-on de quoi dire une messe:--Nous vous la dirons! Donnait-on quelque chose de moins:--A ce prix nous n'en disons pas!--Eh! Mme Fran?oise , eh! madame Fran?oise, je n'ai pas davantage!--S?ant; comment donc, vous croyez apparemment qu'on nous donne cela! il faut du vin, des cierges; et notre peine, la comptez-vous pour rien?

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

 

Back to top