bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Histoire littéraire d'Italie (1/9) by Ginguen Pierre Louis Daunou P C F Pierre Claude Fran Ois Editor

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page

Ebook has 629 lines and 137590 words, and 13 pages

Editor: Pierre-Claude-Fran?ois Daunou

HISTOIRE LITT?RAIRE D'ITALIE.

HISTOIRE LITT?RAIRE D'ITALIE,

par P. L. GINGUEN?, DE L'INSTITUT DE FRANCE.

SECONDE ?DITION,

REVUE ET CORRIG?E SUR LES MANUSCRITS DE L'AUTEUR, ORN?E DE SON PORTRAIT, ET AUGMENT?E D'UNE NOTICE HISTORIQUE par M. DAUNOU.

TOME PREMIER.

A PARIS, CHEZ L. G. MICHAUD, LIBRAIRE-EDITEUR, PLACE DES VICTOIRES, N?. 3.

NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE M. GINGUEN?.

Pierre-Louis Ginguen?, n? ? Rennes, le 25 avril 1748, fit avec distinction ses ?tudes au coll?ge de cette ville: il y ?tait condisciple de Parny, au moment o? les j?suites en furent expuls?s. Mais c'?tait au sein de sa propre famille, peu riche et fort consid?r?e, que Ginguen? avait puis? le sentiment du v?ritable honneur et le go?t des lettres.

Ton amiti? m'est ch?re...... De ce doux sentiment, le germe pr?cieux D?s long-temps dans nos coeurs naquit sous d'autres cieux. Ton enfance enlev?e ? ton ?le africaine Vint aborder ga?ment la rive armoricaine: Tu parus au lyc?e, o?, docile ?colier, J'avais vu sans regret le bon Duchatelier Aux enfans de J?sus enlever la f?rule.

Il devait aux lumi?res et aux soins de son p?re ses progr?s rapides et la bonne direction de ses ?tudes. Ses autres ma?tres lui avaient appris les langues grecque et latine: il acquit de lui-m?me des connaissances plus ?tendues et plus profondes; la litt?rature latine lui devint famili?re; et entre les chefs-d'oeuvre modernes, il ?tudia surtout ceux de l'Italie et de la France. Il lut aussi de tr?s-bonne heure et dans leur langue les meilleurs livres anglais, et avant 1772, son instruction embrassait d?j? presque tous les genres que l'on a coutume de comprendre sous les noms de belles-lettres, d'histoire et de philosophie. Quand les go?ts litt?raires sont ? la fois si vifs et si heureusement dirig?s, ils prennent bient?t les caract?res de la science et du talent. Ginguen?, dans sa jeunesse, et avant de sortir de Rennes, ?tait un homme ?clair?, un litt?rateur habile, un ?crivain exerc?: il ?tait de plus un tr?s-savant musicien; car il avait port? dans l'?tude de cet art, qu'il a toujours ch?ri, l'exactitude s?v?re qu'il donnait ? ses autres travaux. Il aimait mieux ignorer que savoir mal; il voulait jouir de ses connaissances et non pas s'en glorifier.

Le c?l?bre compositeur Piccini, arriv? ? Paris ? la fin de l'ann?e 1776, parvint, non sans peine, ? mettre sur le th??tre lyrique sa musique nouvelle du Roland de Quinault. Une guerre s'alluma entre les partisans de Piccini et ceux de Gluck, qui, depuis 1774, avait obtenu de brillans succ?s sur la m?me sc?ne, par les op?ras d'Iphig?nie en Aulide, d'Alceste, d'Orph?e, et d'Armide. Chacun des deux rivaux donna une Iphig?nie en Tauride en 1779. Depuis long-temps aucune querelle litt?raire ni m?me politique, n'avait pris en France un si violent caract?re. A la t?te du parti, ou, comme dit La Harpe, de la faction gluckiste, on distinguait Suard et l'abb? Arnauld, Marmontel, Chastellux, et La Harpe lui-m?me se donnaient pour les chefs des Piccinistes. Ginguen?, qui embrassa vivement cette derni?re cause, avait sur ceux qui la combattaient et encore plus sur ceux qui la d?fendaient, l'avantage de savoir parfaitement la musique. L'oubli profond o? cette querelle alors si bruyante est aujourd'hui ensevelie, couvre tous les pamphlets qu'elle fit na?tre, y compris les lettres anonymes de Suard, et m?me les ?crits publi?s ? cette ?poque par Ginguen?; mais ce qu'ils contenaient de plus instructif se retrouve dans la notice qu'il a imprim?e en 1801 sur la vie et les ouvrages de Piccini, qui venait de mourir en 1800 et dont il ?tait rest? l'intime ami.

A Paris, chez Debray, 86 pages in-8?.--Dans la Biographie universelle , il est dit que <>. Il ?tait d?cid? que celui de Ginguen? n'obtiendrait de mention nulle part.

Ginguen?, dans cet ouvrage et dans la Feuille villageoise, avait trop ouvertement profess? l'amour de la justice, la haine du d?sordre et des violences, pour ?chapper aux fureurs de l'ignoble tyrannie qui r?gna sur la France en 1793 et 1794. Comme son ami Chamfort, comme la plupart des hommes ?clair?s et vertueux de cette ?poque, il fut calomni?, espionn?, arr?t? et jet? dans les cachots. Sa carri?re allait finir, si le jour de la d?livrance se f?t fait un peu plus long-temps attendre. Il sortit de sa prison tel qu'il y ?tait entr?, ami des lettres, des lois et de la libert?: comme il n'avait jamais fait de dithyrambe en l'honneur de l'anarchie, il ne se crut pas tenu de redemander le despotisme; et n'ayant jamais port? de bonnet rouge, il n'avait ni ? d?poser, ni ? prendre la livr?e d'aucune faction. Il retrouvait une patrie: il continua de la servir, et ne sentit pas le besoin de se venger autrement des insens?s qui l'avaient opprim? comme elle.

Chamfort ne survivait point ? cet effroyable d?sastre: le premier soin de Ginguen? fut d'honorer sa m?moire. Il recueillit et publia ses oeuvres, en y joignant, sous le titre de notice, un tableau tr?s-anim? de sa vie, de ses travaux litt?raires et de son caract?re moral. Il l'a peint <> Il appartient ? ceux qui ont connu particuli?rement Chamfort, de d?cider si ce portrait est fid?le; mais c'est bien s?rement celui de Ginguen? lui-m?me.

Ces deux ann?es de la vie de Ginguen? en ont ?t? peut-?tre les plus heureuses; car il n'?tait distrait de ses ?tudes que par des fonctions publiques qui se rattachaient elles-m?mes aux sciences, aux lettres et aux arts. Vers la fin de 1797, il partit pour Turin en qualit? de ministre pl?nipotentiaire de la France. S'il n'e?t fallu, pour remplir cette mission difficile, que beaucoup de sagacit?, d'urbanit? et de franchise, il aurait pu s'y promettre des succ?s; mais s'il fallait de l'astuce et de la souplesse, c'?taient l? des talens qui devaient lui manquer toujours et un art dont il n'avait pas fait l'apprentissage. Il ne passa que sept mois en Pi?mont, et ? l'exception d'un voyage de quelques jours ? Milan en 1798, il ne put ex?cuter le projet qu'il avait d?s long-temps form?, de visiter toutes les parties de l'Italie. Il a exprim? ce regret en 1814 dans l'une des notes qui accompagnent ses po?sies diverses. <>

De retour ? Paris et ? sa campagne de St.-Prix, Ginguen? avait repris le cours de ses travaux paisibles, lorsqu'? la fin de l'ann?e 1799, il fut ?lu membre du tribunat. Le devoir qu'il avait ? remplir en cette qualit? ?tait de r?sister aux entreprises d'un ambitieux qui venait de s'emparer ? main arm?e d'une magistrature supr?me, et qui aspirait ? concentrer en lui seul tous les droits et tous les pouvoirs. On voyait trop que ce parvenu n'aurait assez ni de probit?, ni de lumi?res, pour mettre de lui-m?me un terme ? ses usurpations au dedans, ni ? ses conqu?tes au dehors; et, qu'abandonn? ? son audace aveugle, il allait courir de succ?s en succ?s ? sa perte, et compromettre, avec sa propre fortune, des int?r?ts bien plus chers, la libert? publique, l'ind?pendance, et, s'il se pouvait, l'honneur m?me de la nation fran?aise. Il s'agissait de le contenir au moins dans les limites l?gales de l'autorit?, d?j? beaucoup trop ?tendue, dont il venait de s'investir. Ginguen? s'est montr? fid?le ? cette obligation sacr?e: son caract?re, ses opinions, ses habitudes morales l'entra?n?rent et le fix?rent dans les rangs p?rilleux de l'opposition. Inaccessible aux s?ductions et sup?rieur aux menaces, il ne laissa aucun espoir d'obtenir de lui de l?ches complaisances. S'il avait pu ?tre tent? d'en avoir, il en e?t ?t? assez d?tourn? par l'ignominie des faveurs m?me qui les devaient r?compenser. On s'abuserait n?anmoins si l'on supposait que ses efforts et ceux de ses coll?gues tendissent alors ? renverser un gouvernement qu'ils s'?taient engag?s ? maintenir. C'est une id?e qui ne vient pas aux hommes qui ont une conscience: leur respect pour les devoirs qu'ils ont consenti ? s'imposer est la plus s?re des fid?lit?s. Les circonstances d?placent les int?r?ts et les vains hommages; la loyaut? seule encha?ne. Le but auquel aspirait Ginguen? en 1800, 1801 et 1802, au sein du tribunat, ?tait de conserver ce qui subsistait encore de lois, d'ordre et de libert? en France. Voil? ce qu'il voulait inflexiblement, ce qu'il r?clamait en toute occasion, avec une ?nergie que l'on trouva importune. Son discours contre l'?tablissement des tribunaux sp?ciaux, c'est-?-dire inconstitutionnels et tyranniques, excita l'une des plus violentes col?res de cette ?poque, et provoqua, au lieu de r?ponse, une invective grossi?re qui, dans le Journal de Paris, fut attribu?e au h?ros accoutum? ? vaincre toutes les r?sistances et toutes les libert?s. Peu de mois apr?s on commen?a l'?puration du tribunat, et Ginguen? fut compris parmi les vingt premiers ?limin?s. Le h?ros daigna garder contre lui des ressentimens qui depuis s'amortirent tant soit peu, et ne s'?teignirent jamais. Ginguen?, dans les quatorze ann?es suivantes de sa vie, n'est plus rentr? dans la carri?re politique; mais il s'est ?lev? ? des rangs de plus en plus honorables dans la r?publique des lettres.

On dit qu'un homme de cour alors puissant, ?tait all? visiter dans les bureaux de l'int?rieur la liste du nouvel institut, et en avait effac? le nom de Ginguen? pour y mettre le sien propre.

A Paris, chez MM. Michaud, in-18, 252 pages.

Ces expos?s analytiques ont ?t? continu?s en 1814 et 1815 par le r?dacteur de cette notice.

Pour se d?lasser d'?tudes si s?rieuses, Ginguen? composait des fables qu'il a publi?es au nombre de cinquante en 1810. Les sujets, presque tous emprunt?s d'auteurs italiens, Capaccio, Pignotti, Bertola, Casti, Gherardo de' Rossi, Giambattista Roberti, se sont rev?tus, en passant dans notre langue, de formes aimables et piquantes. En ce genre difficile, la plus grande t?m?rit? est d'imiter Lafontaine; il est moins p?rilleux et plus modeste d'essayer de faire autrement que lui, et c'est ce qu'a tent? Ginguen?, avec un succ?s peu ?clatant, mais r?el et sup?rieur peut-?tre ? celui qu'il s'?tait promis; car il n'avait cherch? que son propre amusement dans ces compositions ing?nieuses. On s'aper?ut du caract?re ?pigrammatique de ces apologues; le journal de Paris en d?non?a cinq ou six et accusa l'auteur d'avoir de l'humeur contre quelqu'un. Ginguen? avait pourtant soumis son recueil de fables ? la censure qui en avait supprim? six, et mutil? deux ou trois autres; il a depuis, en 1814, r?par? ces alt?rations et ces omissions en publiant dix fables nouvelles avec les po?sies diverses ci-dessus indiqu?es.

A Paris, chez MM. Michaud fr?res, in-18, 247 pages.

Ibid. in-18, 306 pages.

Une ?dition des po?mes d'Ossian, traduits par Letourneur, parut en 1810, ayant pour pr?liminaire un m?moire de Ginguen? sur l'?tat de la question relative ? l'authenticit? de ces productions; c'est un excellent morceau d'histoire litt?raire o? tous les faits sont impartialement expos?s, et dont la conclusion est que probablement ces po?sies ont ?t? compos?es en effet par un ancien barde. En 1811, il prit soin de l'?dition des OEuvres du po?te Lebrun, et y attacha une notice historique, o? se reconna?t le langage de la v?rit? et de la justice autant que celui de l'amiti?. Les quatre premiers volumes de la Biographie universelle, publi?s aussi en 1811, contenaient plusieurs articles de Ginguen?, qui n'a pas cess? depuis de coop?rer ? ce recueil, le plus vaste, le plus riche, et le plus vari? qui existe en ce genre. Les morceaux qu'il y a fournis se prolongent jusqu'au trente-quatri?me volume, imprim? en 1823. Il est vrai que les sujets sont quelquefois les m?mes qu'en certaines parties de son histoire litt?raire d'Italie; mais cette histoire finit avec le seizi?me si?cle, et c'est fort souvent ? des litt?rateurs italiens des trois si?cles suivans que se rapportent les articles qu'il a ins?r?s dans la Biographie. R?unis et dispos?s dans l'ordre chronologique, ils offriraient une esquisse des annales de la litt?rature italienne depuis l'an 1600 jusqu'? nos jours et formeraient une sorte de suppl?ment au principal ouvrage de Ginguen?.

Il en a ?t? tir? des exemplaires particuliers en 36 pages in-8?.

Tels sont les articles: L. Adimari, Alfieri, Algarotti... Bandini, Bianchini... Calogera, Casti, Chiari... Fabroni, Facciolato, Filangieri, Filicaia, Fontanini, Forcellini... Galiani, Goldoni... et un tr?s-grand nombre d'autres. Ginguen? a d'ailleurs fourni ? ce recueil des articles ?trangers ? la litt?rature italienne, par exemple ceux de Chamfort et de Cabanis.

Les trois premiers volumes de cet ouvrage ont paru en 1811; les deux suivans, en 1812; le sixi?me, en 1813; et les trois derniers, en 1819, apr?s la mort de l'auteur. Le septi?me est tout entier de lui, ? l'exception de quelques pages. Mais il n'y a gu?re qu'une moiti?, tant du huiti?me que du neuvi?me, qui lui appartienne. L'autre moiti? est de M. Salfi, qui, par ces suppl?mens, et par un tome dixi?me de sa composition, imprim? en 1823, a compl?t? les annales litt?raires de l'Italie jusqu'? la fin du seizi?me si?cle. L'accueil honorable que l'ouvrage de Ginguen? a re?u en France, en Italie, en Allemagne, en Angleterre, les traductions qui en ont ?t? faites, et la seconde ?dition qu'on en donne aujourd'hui, quatre ans apr?s la publication des derniers tomes de la premi?re, ne nous laissent rien ? dire ici sur le m?rite de ces neuf volumes. Il para?t que le public leur assigne un rang fort ?lev? parmi les livres compos?s en prose fran?aise au dix-neuvi?me si?cle; qu'il y trouve un heureux choix de d?tails et de r?sultats, de faits historiques et d'observations litt?raires. Tiraboschi, dans une bien plus volumineuse histoire, n'avait gu?re recueilli que des faits; Ginguen? y a su joindre, en un bien moindre espace, des consid?rations neuves et des analyses profondes. Il s'?tait donn? une tr?s-riche mati?re: il l'a dispos?e avec m?thode, et sans chercher ? la parer, il s'est appliqu? et il a r?ussi ? lui conserver toute sa beaut? naturelle.

Cependant lorsqu'apr?s la publication et le succ?s des six premiers volumes, quelques-uns de ses amis, membres de l'Acad?mie fran?aise, s'avis?rent de le porter ? une place vacante dans cette compagnie, et lorsque, l'ayant fait consentir ? cette candidature, ils croyaient avoir vaincu le plus grand obstacle, on ne le jugea pas digne encore d'un si grand honneur; et puisqu'il le faut avouer, il fut si peu sensible ? ce d?plaisir, que personne en v?rit? n'eut ? regretter ni ? se r?jouir de le lui avoir donn?: on l'avait, de tout temps, fort accoutum? ? ces m?saventures. Pr?sent? une fois par l'Institut, une autre fois par le Coll?ge royal de France, pour remplir des chaires vacantes dans ce dernier ?tablissement, il n'obtint ni l'une ni l'autre, quoiqu'il e?t d?j? montr? ? l'Ath?n?e de Paris comment il savait remplir ce genre de fonctions. Quant aux pures faveurs, grandes ou petites, hautes ou vulgaires, il ne songeait point ? les demander, et l'on s'abstenait de les lui offrir. Il n'?tait pas membre de la L?gion-d'Honneur; mais enfin pourtant on l'inscrivit dans l'ordre demi-?tranger de la R?union; et cette distinction pouvait le flatter, comme moins prodigu?e alors en France, et comme ayant quelque analogie avec ses ouvrages. On permit d'ailleurs aux acad?mies de Turin et de la Crusca ? Florence de le placer au nombre de leurs associ?s. En ses qualit?s de Breton, et de litt?rateur fort instruit, il ?tait membre de l'acad?mie celtique de Paris et de plusieurs autres.

Au milieu des bouleversemens politiques et des intrigues litt?raires, il a joui d'un bonheur inalt?rable qu'il trouvait dans ses travaux, dans ses livres, au sein de sa famille et dans la soci?t? de ses amis. Il s'?tait compos? une tr?s-bonne plut?t qu'une tr?s-belle biblioth?que, qui embrassait tous les genres de ses ?tudes, et dont un tiers ? peu pr?s consistait en livres italiens, au nombre d'environ 1,700 articles ou 3,000 volumes. Floncel et d'autres particuliers avaient poss?d? des collections plus amples, beaucoup plus riches et r?ellement bien moins compl?tes. La biblioth?que enti?re de Ginguen? a ?t? vendue ? un seul acqu?reur, qui l'a transport?e en Angleterre. Elle ?tait, avec sa modeste habitation de Saint-Prix, ? peu pr?s toute sa fortune, acquise par quarante-quatre ann?es de travaux assidus, et par une conduite constamment honorable. La liste des amis d'un homme tel que lui n'est jamais bien longue; mais il eut le droit et le bonheur d'y compter Chamfort, Piccini, Cabanis, Parny, Lebrun, Ch?nier, Ducis, Alphonse Leroi, Volney, pour ne parler que de ceux qui ne sont plus et qui ont laiss? comme lui d'immortels souvenirs. Tous leurs succ?s ?taient pour lui, plus que les siens propres, de vives jouissances: mais il survivait ? la plupart d'entre eux, et ne s'en consolait que par les hommages qu'obtenait leur m?moire, et qu'en voyant rena?tre dans les g?n?rations nouvelles, des talens dignes de remplacer les leurs. Entre les litt?rateurs jeunes encore, lorsqu'il achevait sa carri?re, et dont les essais lui inspiraient de hautes esp?rances, on ne se permettra de nommer ici que M. Victorin Fabre, qu'il voyait avancer d'un pas rapide et s?r dans la route des lumi?res, du vrai talent et de l'honneur.

Tu vis ton ami, sans faiblesse, Subir un sort peu m?rit?, Mais tu ne vis point sa fiert? Se soumettre ? la vanit? Du pouvoir ou de la richesse; Ni celle de qui la bont?, L'esprit et l'amabilit? Sur mes jours r?pandent sans cesse Une douce s?r?nit?, Fl?trir, m?me par sa tristesse, Notre honorable adversit?.

Ginguen? avait choisi, dans sa propre famille, l'?pouse que ces derniers vers d?signent, et ? laquelle il n'a jamais cess? de rendre gr?ces de tout ce qu'il avait retrouv? de paix, de bonheur m?me, au sein des disgr?ces et des infortunes.

A Paris, chez Merlin, 1817, in-8?. Pages xxiv et 352.

A Paris, chez Firmin Didot, 1817, in-4?. Tous les exemplaires de ce volume ne contiennent pas la notice de M. Amaury Duval sur Ginguen?.

P. 467-519.

<>

Le tombeau de Ginguen?, au jardin du p?re La Chaise, est plac? pr?s de ceux de Delille et de Parny; l'inscription qu'on y lit est celle qu'il avait compos?e lui-m?me et qui termine l'une de ses pi?ces de vers:

Celui dont la cendre est ici, Ne sut, dans le cours de sa vie, Qu'aimer ses amis, sa patrie, Les arts, l'?tude et sa Nancy.

Pr?nom de madame Ginguen?.

HISTOIRE LITT?RAIRE D'ITALIE.

PREMI?RE PARTIE.

CHAPITRE Ier.

On attribue g?n?ralement l'affaiblissement, et ensuite l'enti?re destruction des lumi?res et des lettres en Europe, ? trois causes: ? la translation du si?ge de l'Empire, faite par Constantin, de Rome ? Constantinople; ? la chute de l'empire d'Occident, suite in?vitable du d?membrement qu'il en avait fait; enfin aux invasions et ? la longue domination des Barbares en Italie. Mais avant Constantin, la d?cadence ?tai d?j? sensible. On serait tent? de croire, que, quand m?me aucune de ces trois causes n'e?t exist?, les lettres n'en ?taient pas moins menac?es d'une ruine totale, et que la barbarie e?t enfin r?gn?, m?me sans l'intervention des Barbares.

Sous cette longue suite d'Empereurs, qui depuis Commode, indigne fils du sage Marc-Aur?le, mont?rent sur le tr?ne et en furent pr?cipit?s, au gr? de la soldatesque pr?torienne, devenue l'arbitre de l'Empire, il y eut encore beaucoup de po?tes, d'orateurs, d'historiens. Les lectures, les r?citations publiques dans l'Ath?n?e de Rome, et la c?l?bration, sous Alexandre S?v?re, des jeux du Capitole, dans lesquels les orateurs et les po?tes se disputaient des pris, et recevaient des couronnes; et les traces que l'on retrouve de ces jeux sous Maximin, son successeur; et les cent po?tes que l'on voit employ?s sous Gallien ? l'?pithalame de ses petits-fils, prouvent que la Po?sie attirait encore les regards. Mais que nous reste-t-il de tout ce qu'elle produisit alors? Un po?me didactique de Sammonicus, ou plut?t un recueil de vers assez m?diocres sur la M?decine; un po?me beaucoup meilleur de N?m?sien sur la Chasse, et ses quatre ?glogues que l'on y joint ordinairement; enfin les sept ?glogues de Calpurnius, ami de N?m?sien, ? qui il les a d?di?es; voil? tout ce qui nous reste d'un si long espace de temps; et, si l'on en excepte les deux autres po?mes que ce m?me N?m?sien avait aussi compos?s, l'un sur la P?che, et l'autre sur la Navigation, nous ne voyons de trace d'aucun autre ouvrage que nous ayons ? regretter.

Q. S?r?nus Sammonicus, qu'Antonin Caracalla admettait ? sa table, et qu'il y assassina l?chement. C'?tait alors le plus savant des Romains. Il avait compos? plusieurs ouvrages de physique, de math?matiques et de philologie: son po?me seul est rest?.

Eum?ne.

Dans l'Histoire, les six auteurs de celle des empereurs, appel?e vulgairement l'histoire Auguste, sont tout ce qui nous reste en langue latine, quoiqu'il en ait exist? alors un plus grand nombre. Depuis que Su?tone avait donn? l'exemple de transmettre ? la post?rit? les petits d?tails de la vie priv?e, il ?tait naturel qu'il se trouv?t plus d'historiens, ou d'hommes qui se crussent capables de l'?tre; mais le temps a fait justice d'eux et de leurs ouvrages. Il a respect? plusieurs historiens grecs, qui ?crivirent dans leur langue; mais ? Rome, et dont quelques uns prirent pour sujets les faits de l'histoire grecque, d'autres les ?v?nements romains, soit des ?poques ant?rieures soit de leur temps. Arrien de Nicom?die, Elien, Appien d'Alexandrie, Diog?ne La?rce; Polyen, qui pr?c?d?rent de peu de temps cette ?poque, Dion Cassius, H?rodien et quelques autres, sans pouvoir ?tre compar?s aux premiers historiens de la Gr?ce, ont sur les latins du m?me temps une grande sup?riorit?. Leur belle langue du moins conservait encore son g?nie et son ?loquence, tandis que la langue latine s'alt?rait de jour en jour par cette affluence d'?trangers qui remplissaient Rome, et que des soldats ?trangers cr??s empereurs y attiraient sans cesse ? leur suite.

AElius Spartianus, Julius Capitolinus, AElius Lampridius, Vulcatius Gallicanus, Trebellius Pollion et Flavius Vopiscus.

A l'?gard des philosophes, on sait que plusieurs tenaient ?cole ? Rome, que leurs disciples allaient tous les jours les entendre et disputer entre eux dans le temple de la Paix; mais rien n'est venu jusqu'? nous, ni des ?coliers ni des ma?tres. C'est cependant au commencement de cette ?poque que Plutarque, qui suffirait seul pour l'illustrer, ?crivait en grec ? Rome; c'est alors que s'?levait ? Alexandrie la fameuse ?cole des Electiques, fond?e par Potamon et par Ammonius, dont Plotin et Porphyre furent les disciples, ?cole qui, secouant le joug de toutes les anciennes sectes philosophiques, recueillait de chacune ce qui lui paraissait le plus conforme ? la raison et ? la v?rit?. Elle fut sans doute connue ? Rome, mais on ne voit pas qu'aucun Romain en ait soutenu les opinions. Les Romains n'avaient rien ?t? qu'? l'imitation des Grecs. Les lettres romaines n'existaient plus, et dans plusieurs parties, les lettres grecques florissaient encore: c'?tait un ruisseau tari avant sa source.

La Jurisprudence seule continuait de fleurir. Les lois se multipliant avec les empereurs, la science dont elles ?taient l'objet, devenait malheureusement plus propre ? exercer l'esprit. Entre plusieurs noms qui furent illustres ? cette ?poque et qui le sont encore, on distingue surtout ceux de Papinien et d'Ulpien. Le premier, pour r?compense de ses travaux et plus encore de ses vertus, fut assassin? par l'ordre de Caracalla; le second, exil? de la cour par H?liogabale, rappel? par Alexandre S?v?re, admis dans sa confiance la plus intime, ne put ?tre d?fendu par lui de la fureur des soldats pr?toriens, qui le massacr?rent sous les yeux de leur empereur, ou plut?t sous sa pourpre m?me, dont Alexandre s'effor?ait de le couvrir.

Enfin la d?cadence litt?raire, qui se faisait sentir d?s le commencement de cette ?poque, nous est prouv?e par l'un des ouvrages m?mes les plus pr?cieux qui nous en soient rest?s, par les Nuits attiques du grammairien Aulu-Gelle. A l'exception du philosophe Favorinus, son ma?tre, auteur de ce beau discours adress? aux m?res pour les engager ? nourrir leurs enfans, de qui Aulu-Gelle nous parle-t-il, sinon de quelques grammairiens ou rh?teurs, aujourd'hui tr?s-obscurs, et qui, faute d'orateurs et de po?tes, occupaient alors l'attention publique? Ce Sulpicius Apollinaire qu'il nous vante, et qui se vantait lui-m?me d'?tre le seul qui p?t alors entendre l'histoire de Salluste, nous prouve par ce trait m?me, combien les Romains ?taient d?chus de leur gloire litt?raire, et, si j'ose ainsi parler, de leur propre langue. Aulu-Gelle en d?plore souvent la corruption et la d?cadence. Du reste, tous les savants qui figurent dans ses Nuits attiques, et c'?taient les plus c?l?bres, qui fussent alors ? Rome, paraissaient presque toujours occup?s de recherches p?nibles sur des questions purement grammaticales de peu d'importance; et l'on y voit un certain esprit de petitesse, bien ?loign? de la mani?re de penser grande et sublime des anciens Romains.

Add to tbrJar First Page Next Page

 

Back to top