Read Ebook: Cours de philosophie positive. (1/6) by Comte Auguste
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Apr?s avoir esquiss? le tableau g?n?ral de l'alg?bre proprement dite, il me reste maintenant ? pr?senter quelques consid?rations sur divers points principaux du calcul des fonctions directes, dont les notions peuvent ?tre utilement ?claircies par un examen philosophique.
Relativement aux quantit?s n?gatives, qui, par suite du m?me esprit m?taphysique, ont donn? lieu ? tant de discussions d?plac?es, aussi d?pourvues de tout fondement rationnel que d?nu?es de toute v?ritable utilit? scientifique, il faut distinguer, en consid?rant toujours le simple fait analytique, entre leur signification abstraite et leur interpr?tation concr?te, qu'on a presque toujours confondues jusqu'? pr?sent. Sous le premier rapport, la th?orie des quantit?s n?gatives peut ?tre ?tablie d'une mani?re compl?te par une seule vue alg?brique. Quant ? la n?cessit? d'admettre ce genre de r?sultats concurremment avec tout autre, elle d?rive de la consid?ration g?n?rale que je viens de pr?senter: et quant ? leur emploi comme artifice analytique pour rendre les formules plus ?tendues, ce m?canisme de calcul ne peut r?ellement donner lieu ? aucune difficult? s?rieuse. Ainsi, on peut envisager la th?orie abstraite des quantit?s n?gatives comme ne laissant rien d'essentiel ? d?sirer: elle ne pr?sente vraiment d'obstacles que ceux qu'on y introduit mal ? propos par des consid?rations sophistiques. Mais, il n'en est nullement de m?me pour leur th?orie concr?te.
Sous ce point de vue, elle consiste essentiellement dans cette admirable propri?t? des signes + et - de repr?senter analytiquement les oppositions de sens dont sont susceptibles certaines grandeurs. Ce th?or?me g?n?ral sur les relations du concret ? l'abstrait en math?matique, est une des plus belles d?couvertes que nous devions au g?nie de Descartes, qui l'a obtenue comme un simple r?sultat de l'observation philosophique convenablement dirig?e. Un grand nombre de g?om?tres ont tent? depuis d'en ?tablir directement la d?monstration g?n?rale. Mais jusqu'ici leurs efforts ont ?t? illusoires, soit qu'ils aient essay? de trancher la difficult? par de vaines consid?rations m?taphysiques, ou par des comparaisons tr?s-hasard?es, soit qu'ils aient pris de simples v?rifications dans quelque cas particulier plus ou moins born? pour de v?ritables d?monstrations. Ces diverses tentatives vicieuses, et le m?lange h?t?rog?ne du point de vue abstrait avec le point de vue concret, ont m?me introduit commun?ment ? cet ?gard une telle confusion, qu'il devient n?cessaire d'?noncer ici distinctement le fait g?n?ral, soit qu'on veuille se contenter d'en faire usage, soit qu'on se propose de l'expliquer. Il consiste, ind?pendamment de toute explication, en ce que: si dans une ?quation quelconque exprimant la relation de certaines quantit?s susceptibles d'opposition de sens, une ou plusieurs de ces quantit?s viennent ? ?tre compt?es dans un sens contraire ? celui qu'elles affectaient quand l'?quation a ?t? primitivement ?tablie; il ne sera pas n?cessaire de former directement une nouvelle ?quation pour ce second ?tat du ph?nom?ne; il suffira de changer, dans la premi?re ?quation, le signe de chacune des quantit?s qui auront chang? de sens, et l'?quation ainsi modifi?e co?ncidera toujours rigoureusement avec celle qu'on aurait trouv?e en recommen?ant ? chercher pour ce nouveau cas la loi analytique du ph?nom?ne. C'est dans cette co?ncidence constante et n?cessaire que consiste le th?or?me g?n?ral. Or, jusqu'ici on n'est point parvenu r?ellement ? s'en rendre compte directement; on ne s'en est assur? que par un grand nombre de v?rifications g?om?triques et m?caniques, qui sont, il est vrai, assez multipli?es et surtout assez vari?es pour qu'il ne puisse rester dans aucun esprit juste le moindre doute sur l'exactitude et la g?n?ralit? de cette propri?t? essentielle, mais qui, sous le rapport philosophique, ne dispensent nullement de chercher une explication aussi importante. L'extr?me ?tendue du th?or?me doit faire comprendre ? la fois et la difficult? capitale de cette recherche si souvent reprise infructueusement, et la haute utilit? dont serait sans doute, pour le perfectionnement de la science math?matique, la conception g?n?rale de cette grande v?rit?, l'esprit ne pouvant ?videmment s'y ?lever qu'en se pla?ant ? un point de vue d'o? il d?couvrirait in?vitablement de nouvelles id?es, par la consid?ration directe et approfondie de la relation du concret ? l'abstrait. Quoi qu'il en soit, l'imperfection que pr?sente encore la science sous ce rapport, n'a point emp?ch? les g?om?tres de faire l'usage le plus ?tendu et le plus important de cette propri?t? dans toutes les parties de la math?matique concr?te, o? l'on en ?prouve un besoin presque continuel. On peut m?me retirer une certaine utilit? logique de la simple consid?ration nette de ce fait g?n?ral, tel que je l'ai d?crit ci-dessus; il en r?sulte, par exemple, ind?pendamment de toute d?monstration, que la propri?t? dont nous parlons ne doit jamais ?tre appliqu?e aux grandeurs qui affectent des directions continuellement variables, sans donner lieu ? une simple opposition de sens: dans ce cas, le signe dont se trouve n?cessairement affect? tout r?sultat de calcul n'est susceptible d'aucune interpr?tation concr?te, et c'est ? tort qu'on s'efforce quelquefois d'en ?tablir; cette circonstance a lieu, entre autres occasions, pour les rayons vecteurs en g?om?trie, et pour les forces divergentes en m?canique.
Telles sont les principales consid?rations g?n?rales, tr?s-insuffisantes sans doute, mais auxquelles je suis contraint de me r?duire par les limites naturelles de ce cours, relativement au calcul des fonctions directes. Nous devons passer maintenant ? l'examen philosophique du calcul des fonctions indirectes, dont l'importance et l'?tendue bien sup?rieures r?clament un plus grand d?veloppement.
SOMMAIRE. Exposition comparative des divers points de vue g?n?raux sous lesquels on peut envisager le calcul des fonctions indirectes.
Nous avons d?termin?, dans la quatri?me le?on, le caract?re philosophique propre ? l'analyse transcendante, de quelque mani?re qu'on puisse la concevoir, en consid?rant seulement la nature g?n?rale de sa destination effective dans l'ensemble de la science math?matique. Cette analyse a ?t?, comme on sait, pr?sent?e par les g?om?tres sous plusieurs points de vue r?ellement distincts, quoique n?cessairement ?quivalens, et conduisant toujours ? des r?sultats identiques. On peut les r?duire ? trois principaux, ceux de Le?bnitz, de Newton et de Lagrange, dont tous les autres ne sont que des modifications secondaires. Dans l'?tat pr?sent de la science, chacune de ces trois conceptions g?n?rales offre des avantages essentiels qui lui appartiennent exclusivement, sans qu'on soit encore parvenu ? construire une m?thode unique r?unissant toutes ces diverses qualit?s caract?ristiques. En m?ditant sur l'ensemble de cette grande question, on est convaincu, je crois, que c'est dans la conception de Lagrange, que s'op?rera un jour cette combinaison. Quand cet important travail philosophique, qui exige une profonde ?laboration de toutes les id?es math?matiques fondamentales, sera convenablement ex?cut?; on pourra se borner alors, pour conna?tre l'analyse transcendante, ? la seule ?tude de cette conception d?finitive; les autres ne pr?sentant plus essentiellement qu'un int?r?t historique. Mais jusqu'? cette ?poque, la science devra ?tre consid?r?e, sous ce rapport, comme ?tant dans un v?ritable ?tat provisoire, qui exige absolument, m?me pour l'exposition dogmatique de cette analyse, la consid?ration simultan?e des divers modes g?n?raux propres au calcul des fonctions indirectes. Quelque peu satisfaisante que puisse para?tre, sous le rapport logique, cette multiplicit? de conceptions d'un sujet toujours identique, il est certain que, sans cette indispensable condition, on ne pourrait se former aujourd'hui qu'une notion tr?s-insuffisante de cette analyse, soit en elle-m?me, soit surtout relativement ? ses applications, quelque f?t le mode unique que l'on aurait cru devoir choisir. Ce d?faut de syst?matisation dans la partie la plus importante de l'analyse math?matique, ne para?tra nullement ?trange, si l'on consid?re, d'une part, son extr?me ?tendue, sa difficult? sup?rieure, et d'une autre part, sa formation presque r?cente. La g?n?ration des g?om?tres est ? peine renouvel?e depuis la production primitive de la conception destin?e sans doute ? coordonner la science, de mani?re ? lui imprimer un caract?re fixe et uniforme; ainsi, les habitudes intellectuelles n'ont pu encore, sous ce rapport, ?tre suffisamment form?es.
Apr?s ce coup-d'oeil sommaire sur l'histoire g?n?rale de l'analyse transcendante, proc?dons ? l'exposition dogmatique des trois conceptions principales, afin d'appr?cier exactement leurs propri?t?s caract?ristiques, et de constater l'identit? n?cessaire des m?thodes qui en d?rivent. Commen?ons par celle de Le?bnitz.
Un esprit encore ?tranger ? ces consid?rations n'aper?oit pas sur-le-champ comment l'emploi de ces quantit?s auxiliaires peut faciliter la d?couverte des lois analytiques des ph?nom?nes; car les accroissemens infiniment petits des grandeurs propos?es ?tant de m?me esp?ce qu'elles, leurs relations ne paraissent pas devoir s'obtenir plus ais?ment, la valeur plus ou moins petite d'une quantit? ne pouvant, en effet, exercer aucune influence sur une recherche n?cessairement ind?pendante, par sa nature, de toute id?e de valeur. Mais il est ais?, n?anmoins, de s'expliquer tr?s-nettement, et d'une mani?re tout-?-fait g?n?rale, ? quel point, par un tel artifice, la question doit se trouver simplifi?e. Il faut, pour cela, commencer par distinguer les diff?rens ordres d'infiniment petits, dont on peut se faire une id?e fort pr?cise, en consid?rant que ce sont ou les puissances successives d'un m?me infiniment petit primitif, ou des quantit?s qu'on peut pr?senter comme ayant avec ces puissances des rapports finis, en sorte que, par exemple, les diff?rentielles seconde, troisi?me, etc., d'une m?me variable, sont class?es comme infiniment petits du second ordre, du troisi?me, etc., parce qu'il est ais? de montrer en elles des multiples finis des puissances seconde, troisi?me, etc., d'une certaine diff?rentielle premi?re. Ces notions pr?liminaires ?tant pos?es, l'esprit de l'analyse infinit?simale consiste ? n?gliger constamment les quantit?s infiniment petites ? l'?gard des quantit?s finies, et, g?n?ralement, les infiniment petits d'un ordre quelconque vis-?-vis tous ceux d'un ordre inf?rieur. On con?oit imm?diatement combien une telle facult? doit faciliter la formation des ?quations entre les diff?rentielles des quantit?s, puisque, au lieu de ces diff?rentielles, on pourra substituer tels autres ?l?mens qu'on voudra, et qui seraient plus simples ? consid?rer, en se conformant ? cette seule condition, que les nouveaux ?l?mens ne diff?rent des pr?c?dens que de quantit?s infiniment petites par rapport ? eux. C'est ainsi qu'il sera possible, en g?om?trie, de traiter les lignes courbes comme compos?es d'une infinit? d'?l?mens rectilignes, les surfaces courbes comme form?es d'?l?mens plans; et, en m?canique, les mouvemens vari?s comme une suite infinie de mouvemens uniformes, se succ?dant ? des intervalles de temps infiniment petits. Vu l'importance de cette conception admirable, je crois devoir ici, par l'indication sommaire de quelques exemples principaux, achever d'?claircir son caract?re fondamental.
En second lieu, qu'on veuille conna?tre la longueur de l'arc d'une courbe quelconque, consid?r? comme une fonction des coordonn?es de ses extr?mit?s. Il serait impossible d'?tablir imm?diatement l'?quation entre cet arc s et ces coordonn?es, tandis qu'il est ais? de trouver la relation correspondante entre les diff?rentielles de ces diverses grandeurs. Les plus simples th?or?mes de la g?om?trie ?l?mentaire donneront, en effet, sur-le-champ, en consid?rant l'arc infiniment petit ds comme une ligne droite, les ?quations / suivant que la courbe sera plane ou ? double courbure. Dans l'un et l'autre cas, la question est maintenant tout enti?re du domaine de l'analyse, qui fera remonter, d'apr?s cette relation, ? celle qui existe entre les quantit?s finies elles-m?mes que l'on consid?re, par l'?limination des diff?rentielles, qui est l'objet propre du calcul des fonctions indirectes.
Il en serait de m?me pour la quadrature des aires curvilignes. Si la courbe est plane et rapport?e ? des coordonn?es rectilignes, on concevra l'aire A comprise entre elle, l'axe des x, et deux coordonn?es extr?mes, comme augmentant d'une quantit? infiniment petite dA, en r?sultat d'un accroissement analogue de l'abcisse. Alors la relation entre ces deux diff?rentielles pourra s'obtenir imm?diatement avec la plus grande facilit?, en substituant ? l'?l?ment curviligne de l'aire propos?e le rectangle form? par l'ordonn?e extr?me et l'?l?ment de l'abcisse, dont il ne diff?re ?videmment que d'une quantit? infiniment petite du second ordre, ce qui fournira aussit?t, quelle que soit la courbe, l'?quation diff?rentielle tr?s-simple / d'o? le calcul des fonctions indirectes, quand la courbe sera d?finie, apprendra ? d?duire l'?quation finie, objet imm?diat du probl?me.
Enfin, pour indiquer une autre nature de questions, c'est par une marche semblable que, dans l'?tude des ph?nom?nes thermologiques, comme l'a si heureusement con?ue M. Fourier, on peut former tr?s-simplement, ainsi que nous le verrons plus tard, l'?quation diff?rentielle g?n?rale qui exprime la r?partition variable de la chaleur dans un corps quelconque ? quelques influences qu'on le suppose soumis, d'apr?s la seule relation, fort ais?e ? obtenir, qui repr?sente la distribution uniforme de la chaleur dans un parall?lipip?de rectangle, en consid?rant g?om?triquement tout autre corps comme d?compos? en ?l?mens infiniment petits d'une telle forme, et thermologiquement le flux de chaleur comme constant pendant un temps infiniment petit. D?s-lors, toutes les questions que peut pr?senter la thermologie abstraite se trouveront r?duites, comme pour la g?om?trie et la m?canique, ? de pures difficult?s d'analyse, qui consisteront toujours dans l'?limination des diff?rentielles introduites comme auxiliaires pour faciliter l'?tablissement des ?quations.
Des exemples de nature aussi diverse sont plus que suffisans pour faire nettement comprendre en g?n?ral l'immense port?e de la conception fondamentale de l'analyse transcendante, telle que Le?bnitz l'a form?e, et qui constitue sans aucun doute la plus haute pens?e ? laquelle l'esprit humain se soit jamais ?lev? jusqu'? pr?sent.
On voit que cette conception ?tait indispensable pour achever de fonder la science math?matique, en permettant d'?tablir d'une mani?re large et f?conde, la relation du concret ? l'abstrait. Sous ce rapport, elle doit ?tre envisag?e comme le compl?ment n?cessaire de la grande id?e-m?re de Descartes, sur la repr?sentation analytique g?n?rale des ph?nom?nes naturels, id?e qui n'a commenc? ? ?tre dignement appr?ci?e et convenablement exploit?e que depuis la formation de l'analyse infinit?simale, sans laquelle elle ne pouvait encore produire, m?me en g?om?trie, de r?sultats tr?s-importans.
Pour terminer l'exposition g?n?rale de la conception de Le?bnitz, il me reste maintenant ? consid?rer en elle-m?me la d?monstration du proc?d? logique auquel elle conduit, ce qui constitue malheureusement la partie la plus imparfaite de cette belle m?thode.
Il serait ais? de reproduire uniform?ment le m?me raisonnement par rapport ? toutes les autres applications g?n?rales de l'analyse de Le?bnitz.
Cette ing?nieuse th?orie est sans doute plus subtile que solide, quand on cherche ? l'approfondir. Mais elle n'a cependant en r?alit? d'autre vice logique radical que celui de la m?thode infinit?simale elle-m?me, dont elle est, ce me semble, le d?veloppement naturel et l'explication g?n?rale, en sorte qu'elle doit ?tre adopt?e aussi long-temps qu'on jugera convenable d'employer directement cette m?thode.
Je passe maintenant ? l'exposition g?n?rale des deux autres conceptions fondamentales de l'analyse transcendante, en me bornant pour chacune ? l'id?e principale, le caract?re philosophique de cette analyse ayant ?t?, du reste, suffisamment d?termin? ci-dessus, d'apr?s la conception de Le?bnitz, ? laquelle j'ai d? sp?cialement m'attacher, parce qu'elle permet de le saisir plus ais?ment dans son ensemble, et de le d?crire avec plus de rapidit?.
Sous ce point de vue, l'esprit g?n?ral de l'analyse transcendante consiste ? introduire comme auxiliaires, ? la place des quantit?s primitives ou concurremment avec elles, pour faciliter l'?tablissement des ?quations, les limites des rapports des accroissemens simultan?s de ces quantit?s, ou, en d'autres termes, les derni?res raisons de ces accroissemens, limites ou derni?res raisons qu'on peut ais?ment montrer comme ayant une valeur d?termin?e et finie. Un calcul sp?cial, qui est l'?quivalent du calcul infinit?simal, est ensuite destin? ? s'?lever de ces ?quations entre ces limites aux ?quations correspondantes entre les quantit?s primitives elles-m?mes.
La facult? que pr?sente une telle analyse pour exprimer plus ais?ment les lois math?matiques des ph?nom?nes tient, en g?n?ral, ? ce que le calcul portant, non sur les accroissemens m?mes des quantit?s propos?es, mais sur les limites des rapports de ces accroissemens, on pourra toujours substituer ? chaque accroissement toute autre grandeur plus simple ? consid?rer, pourvu que leur derni?re raison soit la raison d'?galit?, ou, en d'autres termes, que la limite de leur rapport soit l'unit?. Il est clair, en effet, que le calcul des limites ne saurait ?tre nullement affect? de cette substitution. En partant de ce principe, on retrouve ? peu pr?s l'?quivalent des facilit?s offertes par l'analyse de Le?bnitz, qui sont seulement con?ues alors sous un autre point de vue. Ainsi, les courbes seront envisag?es comme les limites d'une suite de polygones rectilignes, les mouvemens vari?s comme les limites d'un ensemble de mouvemens uniformes de plus en plus rapproch?s, etc.
Pareillement, quand on cherche la rectification d'une courbe, il faut substituer ? l'accroissement de l'arc s, la corde de cet accroissement, qui est ?videmment avec lui dans une relation telle, que la limite de leur rapport est l'unit?, et alors on trouve, en suivant d'ailleurs la m?me marche qu'avec la m?thode de Le?bnitz, cette ?quation g?n?rale des rectifications / ou / selon que la courbe est plane ou ? double courbure. Il faudra maintenant, pour chaque courbe particuli?re, passer de cette ?quation ? celle entre l'arc et l'abcisse, ce qui d?pend du calcul transcendant proprement dit.
On reprendrait avec la m?me facilit?, d'apr?s la m?thode des limites, toutes les autres questions g?n?rales, dont la solution a ?t? indiqu?e ci-dessus, suivant la m?thode infinit?simale.
Telle est, essentiellement, la conception que Newton s'?tait form?e, pour l'analyse transcendante, ou, plus exactement, celle que Maclaurin et d'Alembert ont pr?sent?e comme la base la plus rationnelle de cette analyse, en cherchant ? fixer et ? coordonner les id?es de Newton ? ce sujet.
Il est ais? de comprendre l'identit? g?n?rale et n?cessaire de cette m?thode avec celle des limites, compliqu?e de l'id?e ?trang?re du mouvement. En effet, reprenant le cas de la courbe, si l'on suppose, comme on peut ?videmment toujours le faire, que le mouvement du point d?crivant est uniforme suivant une certaine direction, par exemple, dans le sens de l'abcisse, alors la fluxion de l'abcisse sera constante, comme l'?l?ment du temps. Pour toutes les autres quantit?s engendr?es, le mouvement ne pourrait ?tre con?u comme uniforme que pendant un temps infiniment petit. Cela pos?, la vitesse ?tant g?n?ralement, d'apr?s sa notion m?canique, le rapport de chaque espace au temps employ? ? le parcourir, et ce temps ?tant ici proportionnel ? l'accroissement de l'abcisse, il s'ensuit que la fluxion de l'ordonn?e, de l'arc, de l'aire, etc., ne sont v?ritablement autre chose, en faisant dispara?tre la consid?ration interm?diaire du temps, que les derni?res raisons des accroissemens de ces diverses quantit?s compar?s ? celui de l'abcisse. Cette m?thode des fluxions et des fluentes n'est donc en r?alit? qu'une mani?re de se repr?senter, d'apr?s une comparaison m?canique, la m?thode des premi?res et derni?res raisons, qui seule est r?ductible en calcul. Elle comporte donc n?cessairement les m?mes avantages g?n?raux dans les diverses applications principales de l'analyse transcendante, sans que nous ayons besoin de le constater sp?cialement.
Je consid?re enfin la conception de Lagrange.
Pour indiquer sommairement comment cette mani?re de concevoir l'analyse transcendante peut s'adapter effectivement ? la solution des probl?mes math?matiques, je me bornerai ? reprendre sous ce point de vue le probl?me le plus simple de tous ceux ci-dessus examin?s, celui des tangentes.
Si maintenant nous cherchons ? appr?cier la valeur relative de ces trois conceptions ?quivalentes, nous trouverons dans chacune des avantages et des inconv?niens qui lui sont propres, et qui emp?chent encore les g?om?tres de s'en tenir strictement ? une seule d'entr'elles, consid?r?e comme d?finitive.
Ce serait ?videmment ?luder la difficult? sans la r?soudre, que de dire, comme on l'a fait quelquefois, qu'il est possible, par rapport ? chaque question, de faire rentrer la m?thode infinit?simale proprement dite dans celle des limites, dont le caract?re logique est irr?prochable. D'ailleurs, une telle transformation enl?ve presqu'enti?rement ? la conception de Le?bnitz les avantages essentiels qui la recommandent si ?minemment, quant ? la facilit? et ? la rapidit? des op?rations intellectuelles.
Enfin n'e?t-on m?me aucun ?gard aux importantes consid?rations qui pr?c?dent, la m?thode infinit?simale n'en pr?senterait pas moins ?videmment, par sa nature, ce d?faut capital de rompre l'unit? de la math?matique abstraite, en cr?ant un calcul transcendant fond? sur des principes si diff?rens de ceux qui servent de base ? l'analyse ordinaire. Ce partage de l'analyse en deux mondes presque ind?pendans, tend ? emp?cher la formation de conceptions analytiques v?ritablement g?n?rales. Pour en bien appr?cier les cons?quences, il faudrait se reporter, par la pens?e, ? l'?tat dans lequel se trouvait la science, avant que Lagrange e?t ?tabli entre ces deux grandes sections une harmonie g?n?rale et d?finitive.
Je ne dois pas n?gliger ? ce sujet de faire observer que plusieurs g?om?tres du continent, en adoptant, comme plus rationnelle, la m?thode de Newton, pour servir de base ? l'analyse transcendante, ont d?guis? en partie cette inf?riorit?, par une grave incons?quence, qui consiste ? appliquer ? cette m?thode la notation imagin?e par Le?bnitz pour la m?thode infinit?simale, et qui n'est r?ellement propre qu'? elle. En d?signant par /frac ce que, rationnellement, il faudrait, dans la th?orie des limites, noter L/frac, et en ?tendant ? toutes les autres notions analytiques ce d?placement de signes, on se propose sans doute de combiner les avantages sp?ciaux des deux m?thodes; mais on ne parvient, en r?alit?, qu'? ?tablir entr'elles une confusion vicieuse, dont l'habitude tend ? emp?cher de se former des id?es nettes et exactes de l'une ou de l'autre. Il serait sans doute ?trange, ? consid?rer cet usage en lui-m?me, que, par le seul moyen des signes, on p?t effectuer une v?ritable combinaison entre deux th?ories g?n?rales aussi distinctes.
Cette unit? parfaite de l'analyse, ce caract?re purement abstrait de ses notions fondamentales, se trouvent au plus haut degr? dans la conception de Lagrange, et ne se trouvent que l?. Elle est, pour cette raison, la plus rationnelle et la plus philosophique de toutes. ?cartant avec soin toute consid?ration h?t?rog?ne, Lagrange a r?duit l'analyse transcendante ? son v?ritable caract?re propre, celui d'offrir une classe tr?s-?tendue de transformations analytiques, ? l'aide desquelles on facilite singuli?rement l'expression des conditions des divers probl?mes. En m?me temps, cette analyse s'est n?cessairement pr?sent?e par l? comme une simple extension de l'analyse ordinaire; elle n'a plus ?t? qu'une alg?bre sup?rieure. Toutes les diverses parties, jusqu'alors si incoh?rentes, de la math?matique abstraite, ont pu ?tre con?ues, d?s ce moment, comme formant un syst?me unique.
Malheureusement, une conception dou?e, ind?pendamment de la notation si simple et si lucide qui lui correspond, de propri?t?s aussi fondamentales, et qui est, sans doute, destin?e ? devenir la th?orie d?finitive de l'analyse transcendante, ? cause de sa haute sup?riorit? philosophique sur toutes les autres m?thodes propos?es, pr?sente dans son ?tat actuel, trop de difficult?s, quant aux applications, lorsqu'on la compare ? la conception de Newton, et surtout ? celle de Le?bnitz, pour pouvoir ?tre encore exclusivement adopt?e. Lagrange lui-m?me, n'est parvenu que tr?s-p?niblement ? retrouver, d'apr?s sa m?thode, les r?sultats principaux d?j? obtenus par la m?thode infinit?simale pour la solution des questions g?n?rales de g?om?trie et de m?canique; on peut juger par l? combien on trouverait d'obstacles ? traiter, de la m?me mani?re, des questions vraiment nouvelles et de quelque importance. Il est vrai que Lagrange, en plusieurs occasions, a montr? que les difficult?s, m?me artificielles, d?terminent, dans les hommes de g?nie, des efforts sup?rieurs, susceptibles de conduire ? des r?sultats plus ?tendus. C'est ainsi qu'en tentant d'adapter sa m?thode ? l'?tude de la courbure des lignes, qui paraissait si peu pouvoir en comporter l'application, il s'est ?lev? ? cette belle th?orie des contacts, qui a tant perfectionn? cette partie importante de la g?om?trie. Mais, malgr? ces heureuses exceptions, la conception de Lagrange n'en est pas moins jusqu'ici demeur?e, dans son ensemble, essentiellement impropre aux applications.
Le r?sultat final de la comparaison g?n?rale que je viens d'esquisser, et qui exigerait de plus amples d?veloppemens, est donc, comme je l'avais avanc? en commen?ant cette le?on, que, pour conna?tre r?ellement l'analyse transcendante, il faut non-seulement la consid?rer, dans son principe, d'apr?s les trois conceptions fondamentales distinctes, produites par Le?bnitz, par Newton, et par Lagrange, mais, en outre, s'habituer ? suivre presqu'indiff?remment d'apr?s ces trois m?thodes principales, et surtout d'apr?s les deux extr?mes, la solution de toutes les questions importantes, soit du calcul des fonctions indirectes en lui-m?me, soit de ses applications. C'est une marche que je ne saurais trop fortement recommander ? tous ceux qui d?sirent juger philosophiquement cette admirable cr?ation de l'esprit humain, comme ? ceux qui veulent essentiellement apprendre ? se servir avec succ?s et avec facilit? de ce puissant instrument. Dans toutes les autres parties de la science math?matique, la consid?ration de diverses m?thodes pour une seule classe de questions peut ?tre utile, m?me ind?pendamment de l'int?r?t historique qu'elle pr?sente; mais elle n'est point indispensable: ici, au contraire, elle est strictement n?cessaire.
Ayant d?termin? avec pr?cision, dans cette le?on, le caract?re philosophique du calcul des fonctions indirectes, d'apr?s les principales conceptions fondamentales dont il est susceptible, il me reste maintenant ? consid?rer, dans la le?on suivante, la division rationnelle et la composition g?n?rale de ce calcul.
SEPTI?ME LE?ON.
SOMMAIRE. Tableau g?n?ral du calcul des fonctions indirectes.
Par suite des consid?rations expos?es dans la le?on pr?c?dente, on con?oit que le calcul des fonctions indirectes se divise n?cessairement en deux parties, ou, pour mieux dire, se d?compose en deux calculs tout-?-fait distincts, quoique, par leur nature, intimement li?s; suivant qu'on se propose de trouver les relations entre les grandeurs auxiliaires, dont l'introduction constitue l'esprit g?n?ral de ce calcul, d'apr?s les relations entre les grandeurs primitives correspondantes; ou qu'on cherche, en sens inverse, ? d?couvrir ces ?quations directes d'apr?s les ?quations indirectes ?tablies imm?diatement. Tel est, en effet, le double objet qu'on a continuellement en vue dans l'analyse transcendante.
Le calcul diff?rentiel est ?videmment la base rationnelle du calcul int?gral. Car nous ne savons et ne pouvons savoir int?grer imm?diatement que les expressions diff?rentielles produites par la diff?rentiation des diverses fonctions simples qui constituent les ?l?mens g?n?raux de notre analyse. L'art de l'int?gration consiste ensuite essentiellement ? ramener, autant que possible, tous les autres cas ? ne d?pendre finalement que de ce petit nombre d'int?grations fondamentales.
Mais ce serait, n?anmoins, concevoir bien imparfaitement la v?ritable importance propre de cette premi?re branche du calcul des fonctions indirectes, que d'y voir seulement un simple travail pr?liminaire, n'ayant d'autre objet g?n?ral et essentiel que de pr?parer au calcul int?gral des fondemens indispensables. Comme les id?es sont ordinairement confuses ? cet ?gard, je crois devoir expliquer sommairement ici cette importante relation, telle que je la con?ois, et montrer que, dans chaque application quelconque de l'analyse transcendante, une premi?re part directe et n?cessaire est constamment assign?e au calcul diff?rentiel.
En formant les ?quations diff?rentielles d'un ph?nom?ne quelconque, il est bien rare qu'on se borne ? introduire diff?rentiellement les seules grandeurs dont on cherche les relations. S'imposer cette condition, ce serait diminuer inutilement les ressources que pr?sente l'analyse transcendante pour l'expression des lois math?matiques des ph?nom?nes. Le plus souvent on fait entrer aussi par leurs diff?rentielles, dans ces ?quations premi?res, d'autres grandeurs, dont la relation est d?j? connue ou suppos?e l'?tre, et sans la consid?ration desquelles il serait fr?quemment impossible d'?tablir les ?quations. C'est ainsi, par exemple, que dans le probl?me g?n?ral de la rectification des courbes, l'?quation diff?rentielle, / n'est pas seulement ?tablie entre la fonction cherch?e s et la variable ind?pendante x ? laquelle on veut la rapporter; mais on a introduit en m?me temps, comme interm?diaires indispensables, les diff?rentielles d'une ou deux autres fonctions y et z, qui sont au nombre des donn?es du probl?me; il n'e?t pas ?t? possible de former imm?diatement l'?quation entre ds et dx, qui serait d'ailleurs particuli?re ? chaque courbe consid?r?e. Il en est de m?me pour la plupart des questions. Or, dans ces cas, il est ?vident que l'?quation diff?rentielle n'est pas imm?diatement propre ? l'int?gration. Il faut, auparavant, que les diff?rentielles des fonctions suppos?es connues, qui ont ?t? employ?es comme interm?diaires, soient enti?rement ?limin?es, afin que les ?quations se trouvent ?tablies entre les diff?rentielles des seules fonctions cherch?es et celles des variables r?ellement ind?pendantes, apr?s quoi la question ne d?pend plus effectivement que du calcul int?gral. Or, cette ?limination pr?paratoire de certaines diff?rentielles, afin de r?duire les infinit?simales au plus petit nombre possible, est simplement du ressort du calcul diff?rentiel. Car elle doit se faire, ?videmment, en d?terminant, d'apr?s les ?quations entre les fonctions suppos?es connues prises pour interm?diaires, les relations de leurs diff?rentielles, ce qui n'est qu'une question de diff?rentiation. Ainsi, par exemple, dans le cas des rectifications, il faudra d'abord calculer dy ou dy et dz, en diff?rentiant l'?quation ou les ?quations de chaque courbe propos?e; et, d'apr?s ces expressions, la formule diff?rentielle g?n?rale ?nonc?e ci-dessus ne contiendra plus que ds et dx; parvenue ? ce point, l'?limination des infinit?simales ne peut plus ?tre achev?e que par le calcul int?gral.
Tel est donc l'office g?n?ral n?cessairement propre au calcul diff?rentiel dans la solution totale des questions qui exigent l'emploi de l'analyse transcendante: pr?parer, autant que possible, l'?limination des infinit?simales, c'est-?-dire r?duire, dans chaque cas, les ?quations diff?rentielles primitives ? ne plus contenir que les diff?rentielles des variables r?ellement ind?pendantes et celles des fonctions cherch?es, en faisant dispara?tre, par la diff?rentiation, les diff?rentielles de toutes les autres fonctions connues qui ont pu ?tre prises pour interm?diaires lors de la formation des ?quations diff?rentielles du probl?me.
Pour certaines questions, qui, quoiqu'en petit nombre, n'en ont pas moins, ainsi que nous le verrons plus tard, une tr?s-grande importance, les grandeurs cherch?es se trouvent m?me entrer directement, et non par leurs diff?rentielles, dans les ?quations diff?rentielles primitives, qui ne contiennent alors diff?rentiellement que les diverses fonctions connues, employ?es comme interm?diaires d'apr?s l'explication pr?c?dente. Ces cas sont, de tous, les plus favorables, car, il est ?vident que le calcul diff?rentiel suffit alors enti?rement ? l'?limination compl?te des infinit?simales, sans que la question puisse donner lieu ? aucune int?gration. C'est ce qui arrive, par exemple, dans le probl?me des tangentes, en g?om?trie; dans celui des vitesses, en m?canique, etc.
En r?sultat g?n?ral des consid?rations pr?c?dentes, il faut donc partager en trois classes les questions math?matiques qui exigent l'emploi de l'analyse transcendante: la premi?re classe comprend les probl?mes susceptibles d'?tre enti?rement r?solus au moyen du seul calcul diff?rentiel, sans aucun besoin du calcul int?gral; la seconde, ceux qui sont, au contraire, enti?rement du ressort du calcul int?gral, sans que le calcul diff?rentiel ait aucune part ? leur solution; enfin, dans la troisi?me et la plus ?tendue, qui constitue le cas normal, les deux autres n'?tant que d'exception, les deux calculs ont successivement une part distincte et n?cessaire ? la solution compl?te du probl?me, le calcul diff?rentiel faisant subir aux ?quations diff?rentielles primitives, une pr?paration indispensable ? l'application du calcul int?gral. Telles sont exactement les relations g?n?rales de ces deux calculs, dont on se forme commun?ment des id?es trop peu pr?cises.
Jetons maintenant un coup-d'oeil g?n?ral sur la composition rationelle de chacun d'eux, en commen?ant, comme il convient ?videmment, par le calcul diff?rentiel.
Dans l'exposition de l'analyse transcendante, on a l'habitude de m?ler ? la partie purement analytique, qui se r?duit au trait? abstrait de la diff?rentiation et de l'int?gration, l'?tude de ses diverses applications principales, surtout de celles qui concernent la g?om?trie. Cette confusion d'id?es, qui est une suite du mode effectif suivant lequel la science s'est d?velopp?e, pr?sente, sous le rapport dogmatique, de graves inconv?niens en ce qu'elle emp?che de concevoir convenablement, soit l'analyse, soit la g?om?trie. Devant consid?rer ici la coordination la plus rationnelle possible, je ne comprendrai, dans le tableau suivant, que le calcul des fonctions indirectes proprement dit, r?servant, pour la portion de ce volume relative ? l'?tude philosophique de la math?matique concr?te, l'examen g?n?ral de ses grandes applications g?om?triques et m?caniques.
Ces deux cas g?n?raux de la diff?rentiation sont encore distincts sous un autre rapport ?galement n?cessaire, et trop important pour que je n?glige de le signaler. La relation obtenue entre les diff?rentielles est constamment plus indirecte, par rapport ? celle des quantit?s finies, dans la diff?rentiation des fonctions implicites que dans celle des fonctions explicites. On sait, en effet, d'apr?s les consid?rations pr?sent?es par Lagrange sur la formation g?n?rale des ?quations diff?rentielles, que, d'une part, la m?me ?quation primitive peut donner lieu ? un plus ou moins grand nombre d'?quations d?riv?es de formes tr?s-diverses, quoique, au fond, ?quivalentes, suivant celles des constantes arbitraires que l'on ?limine, ce qui n'a pas lieu dans la diff?rentiation des formules explicites; et que, d'une autre part, le syst?me infini d'?quations primitives diff?rentes qui correspondent ? une m?me ?quation d?riv?e, pr?sente une vari?t? analytique bien plus profonde que celle des diverses fonctions susceptibles d'une m?me diff?rentielle explicite, et qui ne se distinguent les unes des autres que par un terme constant. Les fonctions implicites doivent donc ?tre envisag?es comme ?tant r?ellement encore plus modifi?es par la diff?rentiation que les fonctions explicites. Nous retrouverons tout ? l'heure cette consid?ration relativement au calcul int?gral, o? elle acquiert une importance pr?pond?rante.
Chacune des deux parties fondamentales du calcul diff?rentiel se subdivise elle-m?me en deux th?ories tr?s-distinctes, suivant qu'il s'agit de diff?rentier des fonctions ? une seule variable, ou des fonctions ? plusieurs variables ind?pendantes. Ce second cas est, par sa nature, tout-?-fait distinct du premier, et pr?sente ?videmment plus de complication, m?me en ne consid?rant que les fonctions explicites, et ? plus forte raison pour les fonctions implicites. Du reste, l'un se d?duit g?n?ralement de l'autre, ? l'aide d'un principe invariable fort simple, qui consiste ? regarder la diff?rentielle totale d'une fonction en vertu des accroissemens simultan?s des diverses variables ind?pendantes qu'elles contient, comme la somme des diff?rentielles partielles que produirait l'accroissement s?par? de chaque variable successivement, si toutes les autres ?taient constantes. Il faut, d'ailleurs, soigneusement remarquer ? ce sujet une notion nouvelle qu'introduit, dans le syst?me de l'analyse transcendante, la distinction des fonctions ? une seule variable et ? plusieurs: c'est la consid?ration de ces diverses fonctions d?riv?es sp?ciales, relatives ? chaque variable isol?ment, et dont le nombre cro?t de plus en plus ? mesure que l'ordre de la d?rivation s'?l?ve, et aussi quand les variables sont plus multipli?es. Il en r?sulte que les relations diff?rentielles propres aux fonctions de plusieurs variables, sont, par leur nature, et bien plus indirectes, et surtout beaucoup plus ind?termin?es que celles relatives aux fonctions d'une seule variable. Cela est principalement sensible pour les fonctions implicites o?, au lieu des simples constantes arbitraires que l'?limination fait dispara?tre quand on forme les ?quations diff?rentielles propres aux fonctions d'une seule variable, ce sont des fonctions arbitraires des variables propos?es qui se trouvent ?limin?es, d'o? doivent r?sulter, lors des int?grations, des difficult?s sp?ciales.
Enfin, pour compl?ter ce tableau sommaire des diverses parties essentielles du calcul diff?rentiel proprement dit, je dois ajouter que, dans la diff?rentiation des fonctions implicites, soit ? une seule variable, soit ? plusieurs, il faut encore distinguer le cas o? il s'agit de diff?rentier ? la fois diverses fonctions de ce genre, m?l?es dans certaines ?quations primitives, de celui o? toutes ces fonctions sont s?par?es.
Les fonctions sont ?videmment, en effet, encore plus implicites dans le premier cas que dans le second, si l'on consid?re que la m?me imperfection de l'analyse ordinaire, qui emp?che de convertir toute fonction implicite en une fonction explicite ?quivalente, ne permet pas davantage de s?parer les fonctions qui entrent simultan?ment dans un syst?me quelconque d'?quations. Il s'agit alors de diff?rentier, non-seulement sans savoir r?soudre les ?quations primitives, mais m?me sans pouvoir effectuer entr'elles les ?liminations convenables, ce qui constitue une nouvelle difficult?.
Tels sont donc l'encha?nement naturel et la distribution rationnelle des diverses th?ories principales dont se compose le trait? g?n?ral de la diff?rentiation. On voit que, la diff?rentiation des fonctions implicites se d?duisant de celle des fonctions explicites par un seul principe constant, et la diff?rentiation des fonctions ? plusieurs variables se ramenant, par un autre principe fixe, ? celle des fonctions ? une seule variable, tout le calcul diff?rentiel se trouve reposer, en derni?re analyse, sur la diff?rentiation des fonctions explicites ? une seule variable, la seule qui s'ex?cute jamais directement. Or, il est ais? de concevoir que cette premi?re th?orie, base n?cessaire du syst?me entier, consiste simplement dans la diff?rentiation des dix fonctions simples, qui sont les ?l?mens uniformes de toutes nos combinaisons analytiques, et dont j'ai pr?sent? le tableau . Car la diff?rentiation des fonctions compos?es se d?duit ?videmment, d'une mani?re imm?diate et n?cessaire, de celle des fonctions simples qui les constituent. C'est donc ? la connaissance de ces dix diff?rentielles fondamentales, et ? celle des deux principes g?n?raux, ci-dessus mentionn?s, qui y ram?nent tous les autres cas possibles, que se r?duit, ? proprement parler, tout le trait? de la diff?rentiation. On voit, par la combinaison de ces diverses consid?rations, combien est ? la fois simple et parfait le syst?me entier du calcul diff?rentiel proprement dit. Il constitue certainement, sous le rapport logique, le spectacle le plus int?ressant que l'analyse math?matique puisse pr?senter ? notre intelligence.
Dans la classification rationnelle que je viens d'exposer pour l'ensemble du calcul diff?rentiel, on serait naturellement tent? de signaler une omission grave, puisque je n'ai pas sous-divis? chacune des quatre parties essentielles d'apr?s une autre consid?ration g?n?rale, qui semble d'abord fort importante en elle-m?me, celle de l'ordre plus ou moins ?lev? de la diff?rentiation. Mais il est ais? de comprendre que cette distinction n'a aucune influence r?elle dans le calcul diff?rentiel, en ce qu'elle n'y donne lieu ? aucune difficult? nouvelle. En effet, si le calcul diff?rentiel n'?tait pas rigoureusement complet, c'est-?-dire, si on ne savait point diff?rentier indistinctement toute fonction quelconque, la diff?rentiation au second ordre, ou ? un ordre sup?rieur, de chaque fonction d?termin?e, pourrait engendrer des difficult?s sp?ciales. Mais la parfaite universalit? du calcul diff?rentiel donne ?videmment l'assurance de pouvoir diff?rentier ? un ordre quelconque toutes les fonctions analytiques connues, la question se r?duisant sans cesse ? une diff?rentiation au premier ordre, successivement redoubl?e. Ainsi, la consid?ration des divers ordres de diff?rentielles peut bien donner naissance ? de nouvelles remarques plus ou moins importantes, surtout en ce qui concerne la formation des ?quations diff?rentielles, et les d?riv?es partielles successives des fonctions ? plusieurs variables. Mais elle ne saurait, ?videmment, constituer aucun nouveau probl?me g?n?ral dans le trait? de la diff?rentiation. Nous verrons tout ? l'heure que cette distinction, qui n'a, pour ainsi dire, aucune importance dans le calcul diff?rentiel, en acquiert, au contraire, une tr?s-grande dans le calcul int?gral, en vertu de l'extr?me imperfection de ce dernier calcul.
Enfin, quoique j'aie cru, en th?se g?n?rale, ne devoir nullement envisager en ce moment les diverses applications principales du calcul diff?rentiel, il convient n?anmoins de faire une exception pour celles qui consistent dans la solution de questions purement analytiques, qui doivent, en effet, ?tre rationnellement plac?es ? la suite du trait? de la diff?rentiation proprement dite, ? cause de l'homog?n?it? ?vidente des consid?rations. Ces questions peuvent se r?duire ? trois essentielles: 1? le d?veloppement en s?ries des fonctions ? une seule ou ? plusieurs variables, ou, plus g?n?ralement, la transformation des fonctions, qui constitue la plus belle et la plus importante application du calcul diff?rentiel ? l'analyse g?n?rale, et qui comprend, outre la s?rie fondamentale d?couverte par Taylor, les s?ries si remarquables trouv?es par Maclaurin, par Jean Bernouilli, par Lagrange, etc.; 2? la th?orie g?n?rale des valeurs maxima et minima pour les fonctions quelconques ? une seule ou ? plusieurs variables, un des plus int?ressans probl?mes que puisse pr?senter l'analyse, quelque ?l?mentaire qu'il soit devenu aujourd'hui, et ? la solution compl?te duquel le calcul diff?rentiel s'applique tr?s-naturellement; 3? enfin, la d?termination g?n?rale de la vraie valeur des fonctions qui se pr?sentent sous une apparence ind?termin?e pour certaines hypoth?ses faites sur les valeurs des variables correspondantes, ce qui est le probl?me le moins ?tendu et le moins important des trois, quoiqu'il m?rite d'?tre not? ici. La premi?re question est, sans contredit, la principale sous tous les rapports: elle est aussi la plus susceptible d'acqu?rir dans la suite une extension nouvelle, surtout en concevant, d'une mani?re plus large qu'on ne l'a fait jusqu'ici, l'emploi du calcul diff?rentiel pour la transformation des fonctions, au sujet de laquelle Lagrange a laiss? quelques indications pr?cieuses, qui n'ont encore ?t? ni g?n?ralis?es ni suivies.
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