Read Ebook: Cours de philosophie positive. (2/6) by Comte Auguste
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miques a ?t? uniquement du domaine de l'art. Il a port? essentiellement sur deux points: la diminution du frottement, par un meilleur mode de suspension, et la correction des irr?gularit?s dues aux variations de temp?rature, par l'ing?nieuse invention des appareils compensateurs. Je n'ai point d'ailleurs ? consid?rer ici les chronom?tres portatifs, fond?s sur la distension graduelle d'un ressort m?tallique pli? en spirale, et dont l'?tonnante perfection, presque ?gale aujourd'hui ? celle des horloges astronomiques, est due essentiellement ? l'art, la science y ayant peu contribu?.
Tel est, en aper?u, l'ensemble des moyens par lesquels le temps est habituellement mesur?, d'une mani?re s?re, dans nos observations astronomiques, ? une demi-seconde pr?s, et quelquefois m?me avec une pr?cision encore plus grande.
Consid?rons maintenant, sous un point de vue g?n?ral, le perfectionnement de la mesure des angles, dont l'histoire n'offre point toutefois un ensemble de recherches aussi int?ressant.
Pour concevoir nettement d'abord, en quoi consiste, ? cet ?gard, la difficult? essentielle, il suffit, ce me semble, de se repr?senter que, lorsqu'on se propose d'?valuer un angle seulement ? une minute pr?s, il faudrait, d'apr?s un calcul tr?s facile, un cercle de sept m?tres de diam?tre environ, en y accordant aux minutes une ?tendue d'un millim?tre; et l'indication directe des secondes sexag?simales, en r?duisant chacune ? occuper un dixi?me de millim?tre, exigerait un diam?tre de plus de quarante m?tres. D'un autre c?t?, en restant m?me fort au-dessous de dimensions aussi impraticables, l'exp?rience a d?montr? que, ind?pendamment de l'ex?cution difficile et de l'usage incommode, la grandeur des instrumens ne pouvait exc?der certaines limites assez m?diocres sans nuire n?cessairement ? leur pr?cision, ? cause de leur d?formation in?vitable par le poids, la temp?rature, etc. Les astronomes arabes du moyen ?ge ont vainement employ? des instrumens gigantesques, sans en obtenir l'exactitude qu'ils y avaient cherch?e; et on y a g?n?ralement renonc? depuis plusieurs si?cles. Les t?lescopes ? grandes dimensions qu'on remarque dans nos observatoires actuels sont uniquement destin?s ? procurer de forts grossissemens pour voir les astres les moins apparens, et ils seraient enti?rement impropres ? aucune mesure exacte. Tous les observateurs conviennent aujourd'hui que les instrumens destin?s ? mesurer les angles ne sauraient avoir sans inconv?nient plus de trois ou quatre m?tres de diam?tre, quand il s'agit d'un cercle entier; et les plus usit?s n'ont gu?re que deux m?tres. Cela pos?, la question consiste essentiellement ? comprendre comment on a pu parvenir ? ?valuer les angles ? une seconde pr?s, comme on le fait habituellement aujourd'hui, avec des cercles dont la grandeur permettrait ? peine d'y marquer les minutes.
Trois moyens principaux ont concouru ? produire un aussi grand perfectionnement: l'application des lunettes aux instrumens angulaires; l'usage du vernier; et enfin la r?p?tition des angles.
Les astronomes se sont long-temps born?s ? employer leurs lunettes pour distinguer dans le ciel de nouveaux objets, sans penser ? l'usage bien plus important qu'ils en pouvaient faire pour augmenter la pr?cision des mesures d'angles. Mais la curiosit? primitive une fois satisfaite, le t?lescope devait ?tre naturellement appliqu?, comme il le fut par Morin un demi-si?cle environ apr?s son invention, ? remplacer dans les instrumens angulaires les alidades des anciens et les pinnules du moyen ?ge, pour permettre de viser plus exactement. Cette heureuse id?e put ?tre enti?rement r?alis?e lorsque Auzout eut imagin?, trente ans apr?s, le r?ticule, destin? ? fixer avec la derni?re pr?cision l'instant effectif du passage d'un astre par l'axe optique de la lunette. Enfin, ces importans perfectionnemens furent compl?t?s, un si?cle plus tard, par la m?morable d?couverte que fit Dollond, des objectifs achromatiques, qui ont tant augment? la nettet? des observations.
L'ing?nieux proc?d? imagin? par Vernier, en 1631, pour subdiviser un intervalle quelconque en parties beaucoup moindres que les plus petites qu'on y puisse marquer distinctement, est la seconde cause fondamentale ? laquelle nous devons la pr?cision actuelle des mesures angulaires. Les transversales de Tycho-Brah? avaient offert pour cela un premier moyen, d'un usage incommode et tr?s limit?, que l'emploi du vernier a fait avec raison enti?rement oublier. On a pu ainsi d?terminer ais?ment les angles, ? une demi-minute pr?s, par exemple, avec des cercles divis?s seulement en sixi?mes de degr?. Ce simple appareil semble pouvoir procurer, par lui-m?me, une pr?cision en quelque sorte ind?finie, qui n'est limit?e, en r?alit?, que par la difficult? d'apercevoir assez distinctement la co?ncidence des traits du vernier avec ceux du limbe.
Quelle que soit l'importance de la lunette et du vernier, la combinaison de ces deux moyens aurait ?t? n?anmoins insuffisante pour porter la mesure des angles jusqu'? la pr?cision des secondes, sans une derni?re cause essentielle de perfectionnement, l'id?e ?minemment heureuse de la r?p?tition des angles, con?ue d'abord par Mayer et r?alis?e plus tard par Borda, avec les modifications qu'exigeait la nature des observations astronomiques. Il est vraiment singulier qu'on ait ?t? aussi long-temps ? reconna?tre que, l'erreur des instrumens angulaires ?tant n?cessairement ind?pendante de la grandeur des angles ? ?valuer, il y aurait avantage, pour l'att?nuer, ? augmenter expr?s, dans une proportion connue, chaque angle propos?, pourvu que cette multiplication s'effectu?t sans d?pendre en rien de l'exactitude de l'instrument: un proc?d? analogue ?tait habituellement employ? depuis des si?cles, dans d'autres genres d'?valuation, il est vrai, et entre autres dans l'approximation ind?finie des racines num?riques, qui repose directement sur le m?me principe. Quoi qu'il en soit, la r?p?tition des angles ?tait imm?diatement ex?cutable, par un m?canisme tr?s simple, relativement aux mesures terrestres, ? cause de l'immobilit? des points de mire. Mais, au contraire, le d?placement continuel des corps c?lestes, pr?sentait, dans l'application d'un tel moyen, une difficult? sp?ciale, que Borda parvint ? surmonter. En se bornant, comme on le peut presque toujours, ? mesurer les distances z?nithales des astres lorsqu'ils traversent le m?ridien, il est clair que, malgr? son d?placement, l'astre reste, ? cette ?poque, sensiblement ? la m?me distance du z?nith, pendant un temps assez long pour permettre d'op?rer la multiplication de l'angle. Cette remarque est le fondement de la disposition imagin?e par Borda.
C'est d'apr?s ces diverses bases essentielles que d'habiles constructeurs ont pu donner aux instrumens angulaires une pr?cision en harmonie avec celle des instrumens horaires, et qui impose maintenant ? l'observateur la stricte obligation de pratiquer, avec une constance infatigable, les pr?cautions minutieuses et les nombreuses rectifications dont l'exp?rience a fait reconna?tre successivement la n?cessit?, pour tirer r?ellement de ces puissans appareils tous les avantages possibles.
Enfin, il faut encore mentionner, comme instrumens essentiels, les divers appareils microm?triques successivement imagin?s pour mesurer avec pr?cision les diam?tres apparens des astres, et g?n?ralement tous les petits intervalles angulaires.
Quoique la th?orie en soit extr?mement facile, depuis le simple microm?tre r?ticulaire jusqu'au microm?tre ? double image, il est n?anmoins remarquable qu'ils aient tous ?t? invent?s par des astronomes, sans que les constructeurs y aient eu aucune part essentielle, comme le montre, au reste, l'histoire de tous les instrumens de pr?cision. Cela tient principalement, sans doute, ? l'?ducation si imparfaite de la plupart des constructeurs habiles, dont plusieurs ont ?videmment t?moign? par leurs productions un g?nie m?canique plus que suffisant pour inventer spontan?ment les instrumens qu'ils se bornaient ? ex?cuter, s'ils eussent pu en mieux sentir l'importance et en comprendre plus clairement la destination.
Apr?s avoir consid?r? le perfectionnement des mesures astronomiques, soit angulaires, soit horaires, relativement aux principaux moyens mat?riels qu'on y emploie, il faut maintenant envisager les moyens intellectuels qui sont au moins aussi n?cessaires, c'est-?-dire la th?orie des corrections indispensables que les astronomes doivent faire subir ? toutes les indications de leurs instrumens pour les d?gager des erreurs in?vitables dues ? diverses causes g?n?rales, et surtout aux r?fractions et aux parallaxes.
Il existe, comme je l'ai indiqu? ci-dessus, une harmonie fondamentale entre ces deux ordres de perfectionnemens. Car il faut des instrumens d'une certaine pr?cision pour que la r?fraction et la parallaxe deviennent suffisamment appr?ciables; et, d'un autre c?t?, il serait parfaitement inutile d'inventer des instrumens extr?mement exacts, si la r?fraction ou la parallaxe devaient, ? elles seules, apporter dans les observations une incertitude sup?rieure ? celle qu'on se propose d'?viter par l'am?lioration des appareils. Pourquoi, par exemple, les Grecs se seraient-ils efforc?s de perfectionner beaucoup leurs instrumens, lorsque l'impossibilit? o? ils ?taient de tenir compte des r?fractions et des parallaxes introduisait n?cessairement dans leurs mesures angulaires des erreurs habituelles de un ? deux degr?s, et quelquefois m?me davantage? C'est sans doute dans une telle corr?lation qu'il faut chercher l'explication v?ritable de la grossi?ret? des instrumens grecs, qui forme un contraste si frappant avec la sagacit? d'invention et la finesse d'ex?cution dont les anciens ont donn? tant de preuves irr?cusables dans d'autres genres de productions.
Ces corrections fondamentales peuvent ?tre distingu?es, d'apr?s leurs causes, en deux classes. Les unes tiennent, d'une mani?re directe et ?vidente, ? la position de l'observateur, et n'exigent aucune connaissance approfondie des ph?nom?nes astronomiques: ce sont la r?fraction et la parallaxe ordinaire proprement dite. Les autres, qui ont sans doute, au fond, la m?me origine, puisqu'elles proviennent des mouvemens de la plan?te sur laquelle l'observateur est situ?, sont fond?es, au contraire, sur le d?veloppement m?me des principales th?ories astronomiques: ce sont la parallaxe annuelle, la pr?cession, l'aberration et la nutation. Nous devons nous borner, en ce moment, ? envisager les premi?res, qui sont d'ailleurs habituellement les plus importantes, les autres ?tant plus convenablement examin?es ? mesure qu'il sera question des ph?nom?nes compliqu?s dont elles d?pendent.
Consid?rons, en premier lieu, la th?orie g?n?rale des r?fractions astronomiques.
La lumi?re qui nous vient d'un astre quelconque doit ?tre, in?vitablement, plus ou moins d?vi?e par l'action de l'atmosph?re terrestre, qu'elle est oblig?e de traverser dans toute son ?tendue avant d'agir sur nous. De l? une source fondamentale d'erreur, dont toutes nos observations astronomiques ont besoin d'?tre soigneusement d?gag?es, avant de pouvoir servir ? former aucune th?orie pr?cise. Con?ue d'une mani?re g?n?rale, son influence consiste ?videmment, d'apr?s la loi de la r?fraction, ? rapprocher constamment l'astre du z?nith, en le laissant toujours dans le m?me plan vertical; et cet effet, qui ne peut ?tre rigoureusement nul qu'au z?nith seul, devient graduellement de plus en plus consid?rable ? mesure que l'astre descend vers l'horizon. La manifestation la plus simple de cette alt?ration s'obtient en mesurant la hauteur du p?le, en un lieu quelconque, comme ?tant la moyenne entre les deux hauteurs m?ridiennes d'une m?me ?toile circompolaire. Cette hauteur, qui naturellement devrait ?tre exactement la m?me de quelque ?toile qu'on se f?t servi, ?prouve au contraire des variations tr?s sensibles suivant les diverses ?toiles employ?es; et elle devient d'autant plus grande que l'?toile descend plus pr?s de l'horizon, ce qui rend ?vidente l'influence de la r?fraction.
Quoique l'alt?ration qui provient d'une telle cause ne puisse porter imm?diatement que sur les distances z?nithales, il est clair que, par une suite n?cessaire, elle doit affecter indirectement toutes les autres mesures astronomiques, ? l'exception des azimuths, qui restent seuls inalt?rables. Par cela m?me que l'astre se trouve ?lev? dans son plan vertical, sa distance au p?le, l'instant de son passage au m?ridien, l'heure de son lever et de son coucher, etc., ?prouvent des modifications in?vitables. Mais ces effets secondaires seraient ?videmment tr?s faciles ? calculer avec exactitude par de simples formules trigonom?triques, si l'effet principal ?tait une fois bien connu. Toute la difficult? se r?duit donc ? d?couvrir la v?ritable loi suivant laquelle la r?fraction diminue les diverses distances z?nithales, et c'est en cela que consiste le grand probl?me des r?fractions astronomiques, dont il s'agit maintenant d'appr?cier la nature.
On en peut chercher la solution par deux voies oppos?es: l'une rationnelle, l'autre empirique, que les astronomes ont fini par combiner.
Sans doute, en consid?rant l'?quilibre math?matique de notre atmosph?re comme simplement produit par la pression de ses diverses couches les unes sur les autres, en vertu de leur seule pesanteur, on trouve ais?ment la loi suivant laquelle leur densit? varie; mais un tel ?tat est ?videmment tout-?-fait id?al. D'abord, l'atmosph?re n'est jamais et ne saurait ?tre en ?quilibre, et ses mouvemens peuvent alt?rer beaucoup la densit? statique de ses diverses parties, en changeant leurs pressions. De plus, en supposant cet ?quilibre, il est clair que l'abaissement graduel et tr?s consid?rable qu'?prouvent les temp?ratures atmosph?riques ? mesure qu'on s'?l?ve, et m?me leurs variations non moins r?elles dans le sens horizontal, doivent alt?rer notablement le mode de changement des densit?s qui correspondrait ? la seule consid?ration des pressions. La solution rationnelle du probl?me des r?fractions astronomiques ne serait donc r?ductible ? des difficult?s purement math?matiques, qui pourraient bien d'ailleurs se trouver finalement tr?s grandes, que si l'on avait pr?alablement d?couvert la v?ritable loi de la temp?rature dans l'atmosph?re, sur laquelle nous n'avons encore aucune donn?e exacte, et qu'on ne saurait gu?re esp?rer d'obtenir jamais d'une mani?re assez pr?cise pour une telle destination. C'est pourquoi les travaux de Laplace et de quelques autres g?om?tres ? cet ?gard ne peuvent ?tre raisonnablement envisag?s que comme de simples exercices math?matiques, dont l'influence sur le perfectionnement r?el des tables de r?fraction est fort ?quivoque. Il faut donc renoncer, au moins dans l'?tat pr?sent de la science, et probablement aussi pour jamais, ? ?tablir d'une mani?re purement rationnelle une vraie th?orie des r?fractions astronomiques.
Quant au proc?d? empirique, il est ais? de comprendre que si les r?fractions ?taient rigoureusement constantes ? une m?me hauteur, on en pourrait dresser facilement, par l'observation, des tables fort exactes et suffisamment ?tendues, pour les diverses distances z?nithales. On peut d'abord mesurer la vraie hauteur du p?le, sans avoir besoin de conna?tre exactement les r?fractions, par les deux hauteurs m?ridiennes d'une ?toile tr?s rapproch?e du p?le, comme la polaire, entre autres, ce qui est surtout susceptible d'exactitude dans les latitudes sup?rieures ? 45?. Cela pos?, il suffit de choisir une ?toile qui passe au m?ridien extr?mement pr?s du z?nith: en observant, ? l'instant de ce passage, sa distance z?nithale, qui fera conna?tre imm?diatement sa distance polaire, on pourra calculer d'avance, par la simple r?solution d'un triangle sph?rique, sa v?ritable distance au z?nith ? telle ?poque pr?cise qu'on voudra de son mouvement diurne. La parallaxe des ?toiles ?tant tout-?-fait insensible, comme il sera dit plus bas, l'exc?s plus ou moins grand que l'on trouvera ainsi sur la distance apparente directement observ?e sera d? enti?rement ? la r?fraction, dont il mesurera l'influence effective. Le grand nombre d'?toiles qui admettent convenablement de telles comparaisons permet, ?videmment, des v?rifications tr?s multipli?es, qui peuvent d'ailleurs ?tre compl?t?es, sous un autre point de vue, par la confrontation des r?sultats obtenus dans des observatoires diff?rens, in?galement rapproch?s du p?le. Telle est, en effet, essentiellement la marche laborieuse, mais s?re, que suivent les astronomes pour dresser leurs tables de r?fraction, depuis que la grande pr?cision de leurs instrumens, soit angulaires, soit horaires , a permis de l'adopter. Ils emploient n?anmoins, d'une mani?re secondaire, l'une ou l'autre des diverses formules rationnelles propos?es par les g?om?tres, mais seulement pour se diriger, ou pour remplir les lacunes in?vitables que laisse l'observation. L'usage r?el de ces formules est tellement peu fondamental d?sormais, dans les d?terminations de ce genre, que l'on regarde comme presque indiff?rent, par exemple, de supposer la r?fraction proportionnelle au sinus ou ? la tangente de la distance z?nithale apparente. Si des tables qu'on pr?sente comme fond?es sur des hypoth?ses math?matiquement aussi diff?rentes co?ncident n?anmoins, en r?alit?, d'une mani?re presque absolue, jusqu'? 80? du z?nith, c'est sans doute parce que ces hypoth?ses n'ont pas jou? un r?le effectif bien important dans leur construction.
La marche ainsi caract?ris?e laisserait peu de regrets, du moins quant aux observations astronomiques, sur l'imperfection n?cessaire de la th?orie math?matique des r?fractions, si l'on pouvait supposer une constance rigoureuse dans les r?sultats obtenus; mais il est malheureusement ?vident que les innombrables variations qui doivent survenir continuellement dans la densit?, et par suite dans la puissance r?fringente de chaque couche atmosph?rique, en r?sultat de l'agitation de l'atmosph?re et de ses changemens thermom?triques, barom?triques, et m?me hygrom?triques, ne sauraient manquer d'alt?rer plus ou moins la fixit? des r?fractions. On tient compte, il est vrai, maintenant, d'une partie de ces modifications, en notant avec soin l'?tat du barom?tre et celui du thermom?tre au moment de chaque observation, ce qui permet d'appr?cier, d'apr?s deux lois physiques actuellement bien ?tablies, les changemens survenus dans la densit?, et par suite dans les r?fractions. Mais, quelque pr?cieuses que puissent ?tre ces corrections, elles sont n?cessairement fort imparfaites. Outre qu'elles ne concernent qu'une partie des causes d'alt?ration, il faut encore y noter que, m?me ? l'?gard de cette partie, nos instrumens ne peuvent nous instruire, suivant la juste remarque de Delambre, que des variations thermom?triques et barom?triques de l'atmosph?re ? l'endroit o? nous observons, et nullement de celles qu'ont pu ?prouver toutes les autres portions du trajet de la lumi?re, et qui, quoique relatives ? des couches moins denses, ont peut-?tre beaucoup contribu? ? l'effet total. Aussi ne faut-il point s'?tonner des dissidences plus ou moins graves que pr?sentent des tables de r?fractions ?galement bien dress?es pour des observatoires diff?rens, et m?me pour un lieu unique, en divers temps. On sait que Delambre a trouv?, du jour au lendemain, des diff?rences inexplicables, et pourtant certaines, de quatre ou cinq minutes dans la r?fraction horizontale, apr?s avoir cependant tenu compte des indications du barom?tre et du thermom?tre, ? la mani?re ordinaire. Toutefois, il importe de reconna?tre, pour ne rien exag?rer, que ces f?cheuses irr?gularit?s deviennent seulement sensibles dans le voisinage de l'horizon, et disparaissent presque enti?rement ? 10? ou 15? d'?l?vation, ce qui fait pr?sumer qu'elles proviennent principalement de l'?tat ?minemment variable de la surface terrestre. Ainsi, la conclusion pratique de cet ensemble de consid?rations est qu'il faut, autant que possible, ?viter d'observer tr?s pr?s de l'horizon, ? cause de la trop grande incertitude des r?fractions correspondantes, et c'est ce qu'on peut presque toujours faire en astronomie, tandis qu'on n'en a point, au contraire, la facult? dans les op?rations g?od?siques. Avec une telle pr?caution, la r?fraction, qui est seulement d'une minute ? 45? de distance z?nithale, de 5' ou 6' ? 80? et d'environ 34' ? l'horizon, doit ?tre regard?e comme suffisamment connue, dans l'?tat actuel des mesures angulaires, d'apr?s les tables maintenant usit?es, surtout si l'on a soin de pr?f?rer, toutes choses d'ailleurs ?gales, dans chaque observatoire, celles qui y ont ?t? construites. On voit donc que les inextricables difficult?s fondamentales du probl?me des r?fractions astronomiques n'exercent point, ? beaucoup pr?s, sur l'imperfection r?elle de nos observations ordinaires, autant d'influence effective qu'elles semblent d'abord devoir le faire in?vitablement.
Passons maintenant ? la consid?ration g?n?rale de la th?orie des parallaxes, qui est, par sa nature, beaucoup plus facile, et par suite, bien plus satisfaisante.
Il est d'abord ?vident que l'effet de la parallaxe porte directement, comme celui de la r?fraction, sur la seule distance z?nithale, et consiste, en laissant toujours l'astre dans le m?me plan vertical, ? l'?loigner du z?nith, tandis que la r?fraction l'en rapproche. Cette nouvelle d?viation, qui aussi n'est rigoureusement nulle qu'au z?nith, cro?t d'ailleurs constamment ? mesure que l'astre descend vers l'horizon, ainsi que dans le cas de la r?fraction, quoique ce ne soit pas suivant la m?me loi math?matique. De l'alt?ration fondamentale de la distance au z?nith, r?sultent pareillement aussi des modifications secondaires pour toutes les autres quantit?s astronomiques, except? encore ? l'?gard des seuls azimuths; et qui s'en d?duisent absolument de la m?me mani?re que dans la th?orie des r?fractions; en sorte que les m?mes formules trigonom?triques servent pour les deux cas, en changeant seulement le signe de la correction et les valeurs des coefficiens. Toute la difficult? essentielle se r?duit donc ?galement ? d?terminer la rectification que doit subir la distance z?nithale; ce qui, pour ?tre effectu? de la mani?re la plus rationnelle, consiste simplement ici dans un probl?me ?l?mentaire de trigonom?trie rectiligne, au lieu de pr?senter cet ensemble de profondes recherches physiques et math?matiques qui fera toujours le d?sespoir des g?om?tres dans la th?orie des r?fractions. Il convient, au reste, de noter que cette opposition d'effets assujettis ? une marche semblable, a d? contribuer beaucoup ? emp?cher les astronomes de prendre plus promptement en consid?ration, soit la r?fraction, soit la parallaxe, dont une telle opposition tend ? dissimuler, quoique tr?s imparfaitement sans doute, l'influence propre dans les observations effectives.
? l'inspection du triangle rectiligne form? par le centre de la terre, l'observateur et l'astre, il est clair que la loi math?matique de la parallaxe consiste en ce que le sinus de la parallaxe est n?cessairement proportionnel ? celui de la distance z?nithale apparente. La raison constante de ces deux sinus, qui constitue ce qu'on appelle justement la parallaxe horizontale, est ?videmment ?gale au rapport entre le rayon de la terre et la distance de son centre ? l'astre; du moins en supposant la terre sph?rique, ce qui est pleinement suffisant dans toute cette th?orie. D'apr?s ces lois simples et exactes, il est sensible que la parallaxe ne produit point, comme la r?fraction, un effet commun sur tous les astres, son influence est, au contraire, fort in?gale suivant les astres que l'on consid?re, et m?me selon les diverses situations de chacun d'eux. Elle est compl?tement insensible pour tous ceux qui sont ?trangers ? notre syst?me solaire, ? cause de leur immense ?loignement; et elle varie extr?mement, dans l'int?rieur de ce syst?me, depuis la parallaxe horizontale d'Uranus, qui ne peut jamais atteindre enti?rement une demi-seconde, jusqu'? celle de la lune, qui peut quelquefois surpasser un degr?. C'est l? ce qui ?tablit, dans les calculs astronomiques, une profonde distinction entre la th?orie des parallaxes et celle des r?fractions.
Il suffit, en effet, apr?s avoir choisi un lieu et un temps tels, que l'astre propos? passe au m?ridien tr?s pr?s du z?nith, de mesurer, pendant quelques jours cons?cutifs, sa distance polaire, de mani?re ? pouvoir conna?tre fort approximativement la valeur de cette distance ? un instant quelconque de la dur?e de l'op?ration. Cela pos?, en calculant pour cet instant, d'apr?s l'angle horaire et ses deux c?t?s, la vraie distance de l'astre au z?nith, quand il en est tr?s ?loign?, sans cependant qu'il approche trop de l'horizon, ? 75? ou 80?, par exemple, la comparaison de cette distance avec celle qu'on observera r?ellement en ce moment fera ?videmment appr?cier la parallaxe correspondante, et par suite, la parallaxe horizontale; pourvu toutefois que la distance apparente ait ?t?, pr?alablement, bien corrig?e de la r?fraction. Tel est le proc?d? par lequel on constate le plus ais?ment que la parallaxe de toutes les ?toiles est absolument insensible. Il pr?sente, ?videmment, le grave inconv?nient de faire imm?diatement d?pendre la d?termination des parallaxes, de celle des r?fractions, et de transporter, par cons?quent, ? la premi?re, toute l'incertitude qui existera toujours plus ou moins pour la seconde. Cette incertitude a peu d'influence dans une telle application, lorsqu'il s'agit d'un astre dont la parallaxe est tr?s forte, comme la lune surtout. Mais elle devient tr?s sensible ? l'?gard des astres plus ?loign?s; et, pour le soleil, par exemple, une telle m?thode pourrait produire une erreur d'un tiers ou m?me de moiti?, en plus ou en moins, sur la vraie valeur de sa parallaxe horizontale. Enfin, le proc?d? deviendrait totalement inapplicable aux corps les plus lointains de notre monde, et non-seulement ? Uranus, mais ? Saturne, et m?me ? Jupiter. Pour tous ces astres, il devient indispensable de recourir ? la d?termination directe de leurs distances ? la terre, qui seront consid?r?es dans la le?on suivante. J'ai cru, n?anmoins, que l'indication g?n?rale d'un tel proc?d? pr?sentait ici un v?ritable int?r?t philosophique, en montrant que, jusqu'? un certain point, les astronomes pouvaient conna?tre, par des observations faites en un lieu unique, les vraies distances des astres ? la terre, au moins comparativement ? son rayon; ce qui semble d'abord g?om?triquement impossible.
Pour avoir un aper?u complet de l'ensemble actuel des moyens d'observation n?cessaires en astronomie, je crois devoir enfin y faire rentrer, contrairement aux usages ordinaires, la formation de ce qu'on appelle un catalogue d'?toiles, c'est-?-dire un tableau math?matique des directions exactes suivant lesquelles nous apercevons les diverses ?toiles. Relativement ? l'astronomie sid?rale, une telle d?termination constitue sans doute une connaissance directe et fondamentale; mais, pour notre astronomie solaire, on n'y peut voir r?ellement qu'un pr?cieux moyen d'observation, qui nous fournit des termes de comparaison, indispensables ? l'?tude des mouvemens int?rieurs de notre monde. Tel est, en effet, depuis Hipparque, l'usage essentiel des catalogues d'?toiles.
Le moyen le plus simple de mesurer avec pr?cision ces deux coordonn?es angulaires ? l'?gard d'un astre quelconque, consiste ? observer son passage au m?ridien. L'heure exacte de ce passage, donn?e par la lunette m?ridienne et l'horloge astronomique, ?tant compar?e ? celle qui correspond au passage du point ?quinoxial, fait conna?tre imm?diatement l'ascension droite de l'astre, apr?s avoir converti les temps en degr?s, suivant la r?gle ordinaire du mouvement diurne. D'une autre part, la distance de l'astre au z?nith, exactement ?valu?e ? l'aide du cercle r?p?titeur, ?tant compar?e ? la hauteur du p?le, donne ?videmment la d?clinaison par une simple addition ou soustraction. Il est d'ailleurs bien entendu que les indications des deux instrumens doivent ?tre pr?alablement rectifi?es d'apr?s les deux corrections fondamentales de la r?fraction et de la parallaxe examin?es ci-dessus, qui se r?duisent ? la premi?re pour les ?toiles. Nous consid?rerons plus tard les autres corrections moins consid?rables, mais n?cessaires aujourd'hui. Tel est le proc?d? facile et exact d'apr?s lequel on construit tous les catalogues d'?toiles.
Pour que ces catalogues remplissent convenablement l'office auquel ils sont destin?s, il importe sans doute qu'ils comprennent le plus grand nombre d'astres possible; mais il est encore plus essentiel que ces astres se trouvent r?partis dans toutes les r?gions du ciel. Du reste, les astronomes sont, ? cet ?gard, ? l'abri de tout reproche, par l'excellente habitude qu'ils ont contract?e de d?terminer, autant qu'ils le peuvent, les coordonn?es de chaque nouvelle ?toile qu'ils viennent ? apercevoir; ce qui a d? finir par rendre nos catalogues n?cessairement tr?s volumineux, au point de comprendre aujourd'hui jusqu'? cent vingt mille ?toiles, quoique l'h?misph?re austral soit encore peu explor?.
Il serait inutile de mentionner sp?cialement ici le syst?me de classification et de nomenclature que les astronomes emploient pour cette multitude d'astres.
Tels sont, en aper?u, dans leur ensemble total, les divers moyens g?n?raux d'observation propres ? l'astronomie, et dont la r?union a ?t? indispensable pour apporter dans les d?terminations modernes l'admirable pr?cision qui les distingue maintenant. On peut ais?ment r?sumer, sous ce rapport, l'ensemble des progr?s depuis l'origine de la science, d'apr?s ce simple rapprochement: en ce qui concerne les mesures angulaires, par exemple, les anciens observaient ? la pr?cision d'un degr? tout au plus; Tycho-Brah? parvint le premier ? pouvoir r?pondre ordinairement d'une minute, et les modernes ont port? la pr?cision habituelle jusqu'aux secondes. Ce dernier perfectionnement est tellement r?cent que toutes les observations qui remontent au-del? d'un si?cle ? partir d'aujourd'hui, c'est-?-dire qui sont ant?rieures ? l'?poque de Bradley, de Lacaille et de Mayer, doivent ?tre regard?es comme inadmissibles dans la formation exacte des th?ories astronomiques actuelles, attendu qu'elles n'ont point la pr?cision qu'on y exige aujourd'hui.
Je me suis particuli?rement attach?, dans cette revue philosophique, ? faire nettement ressortir l'harmonie fondamentale qui existe n?cessairement entre les diff?rens moyens d'observation. Si cette harmonie a sans doute puissamment contribu? ? leur perfectionnement respectif, il faut ?galement reconna?tre qu'elle y pose des limites in?vitables, ind?pendamment de celles plus ?loign?es qui tiennent ? la nature de l'organisation humaine, puisque ces moyens se bornent mutuellement. Quelle pourrait ?tre, par exemple, l'importance astronomique r?elle d'un accroissement notable dans la pr?cision actuelle des instrumens angulaires ou horaires, tant que la connaissance des r?fractions restera aussi imparfaite qu'elle l'est? Mais, d'ailleurs, rien ?videmment n'autorise ? penser que nous ayons d?j? atteint ? cet ?gard les limites qui nous sont naturellement impos?es par l'ensemble des conditions du sujet.
Apr?s avoir suffisamment consid?r?, pour la destination de cet ouvrage, les instrumens g?n?raux, mat?riels ou intellectuels, de l'observation astronomique, nous devons commencer, sans autre pr?paration, dans la le?on suivante, l'examen philosophique de la g?om?trie c?leste, c'est-?-dire, ?tudier de quelle mani?re la connaissance pr?cise des ph?nom?nes g?om?triques des astres de notre monde a pu ?tre exactement ramen?e ? de simples ?laborations math?matiques, bas?es sur des mesures dont nous avons ci-dessus appr?ci? les divers proc?d?s fondamentaux.
VINGT-UNI?ME LE?ON.
Consid?rations g?n?rales sur les ph?nom?nes g?om?triques ?l?mentaires des corps c?lestes.
La d?termination la plus fondamentale ? l'?gard des astres consiste dans l'?valuation de leurs distances ? la terre, et, par suite, entre eux, qui est la premi?re base n?cessaire de toutes les sp?culations math?matiques dont les corps c?lestes peuvent ?tre l'objet, soit sous le point de vue g?om?trique, soit sous le point de vue m?canique. Cherchons ? nous faire une juste id?e g?n?rale des moyens par lesquels on a pu obtenir cette donn?e capitale, relativement ? tous les astres de notre monde.
Il ne saurait exister ? cet ?gard d'autre proc?d? ?l?mentaire que celui imagin?, d?s l'origine de la g?om?trie, pour conna?tre, en g?n?ral, les distances des corps inaccessibles. Une telle distance ne peut jamais ?tre d?termin?e par la seule direction pr?cise dans laquelle le corps est aper?u d'un point de vue unique, mais en comparant exactement la diff?rence des directions qui correspondent ? deux points de vue distincts avec l'?cartement mutuel, pr?alablement bien connu, de ces deux points de vue. En termes plus g?om?triques, il est clair que la distance angulaire observ?e ? chacune des deux stations, entre l'astre et l'autre station, conjointement avec l'intervalle lin?aire de ces stations, permet de r?soudre le triangle rectiligne form? par l'astre et les deux points de vue, ce qui fait conna?tre la distance cherch?e. Telle est la m?thode fondamentale qui semble, par sa nature, devoir ?tre exactement applicable ? quelque distance que ce soit.
Mais, en l'examinant avec plus d'attention, on reconna?t, au contraire, qu'elle est en r?alit? n?cessairement limit?e, dans les cas astronomiques, par l'imperfection plus ou moins in?vitable des mesures angulaires, dont le degr? actuel de pr?cision a ?t? fix? dans la le?on pr?c?dente. En effet, la r?solution de ce triangle exige indispensablement la connaissance du troisi?me angle, celui dont le sommet est au point inaccessible propos?. Si donc, par l'immensit? de la distance, ou par la petitesse de la base, cet angle se trouve ?tre extr?mement petit, il sera fort mal connu, et, par suite, la distance sera tr?s inexactement calcul?e. Cet inconv?nient est d'autant plus possible, qu'un tel angle ne pouvant ?tre, par sa nature, directement ?valu?, mais seulement conclu des deux autres, suivant la r?gle ordinaire, comme ?tant le suppl?ment de leur somme, l'incertitude des observations y sera n?cessairement doubl?e; en sorte que, dans l'?tat pr?sent de nos mesures, on n'en pourra pas r?pondre ordinairement ? moins de deux secondes pr?s. Il suit de l? que si l'angle est, en r?alit?, moindre que deux secondes, il ne saurait ?tre nullement connu, et que, dans ce cas, on pourra seulement d?terminer une limite inf?rieure de la distance cherch?e, sans savoir, en aucune mani?re, si cette distance est effectivement beaucoup au-del? ou tr?s rapproch?e d'une telle limite.
Dans tous les cas terrestres, nous avons, il est vrai, la facult? d'?chapper compl?tement ? cet inconv?nient radical, quelque grande que puisse ?tre la distance propos?e, en augmentant convenablement l'intervalle des deux stations. C'est pourquoi les longueurs terrestres sont susceptibles d'?tre mesur?es avec beaucoup plus de pr?cision que les distances c?lestes, l'angle ? l'objet ?tant non-seulement toujours tr?s sensible, mais pouvant m?me avoir constamment la grandeur que nous jugeons la plus favorable ? l'exactitude du r?sultat. Il ne saurait en ?tre ainsi pour les cas c?lestes, la n?cessit? qui nous renferme dans les limites de notre plan?te imposant des bornes fort ?troites, et souvent, en effet, tr?s insuffisantes, ? l'agrandissement possible de nos bases. Telle est la difficult? fondamentale que pr?sente la d?termination des distances astronomiques, et qui restreint consid?rablement nos connaissances ? cet ?gard, comme nous allons l'expliquer en examinant sous ce rapport les diff?rens cas principaux.
Envisageons d'abord, pour bien fixer les id?es, l'astre dont la distance peut ?tre le plus exactement calcul?e, en mesurant sur la terre une tr?s grande base. Quand on voulut d?terminer avec toute la pr?cision possible la parallaxe horizontale de la lune, vers le milieu du si?cle dernier, Lacaille se transporta au cap de Bonne-Esp?rance et Lalande ? Berlin, afin d'y observer la distance z?nithale de cet astre en un m?me instant, bien convenu d'avance d'apr?s un signal c?leste quelconque, par exemple au milieu d'une ?clipse exactement pr?vue. Les latitudes et les longitudes des deux stations, choisies, pour plus de facilit?, sous deux m?ridiens tr?s rapproch?s, permettaient pr?alablement de conna?tre sans peine, du moins comparativement au rayon de la terre, la grandeur lin?aire de la base, qui est ? peu pr?s la plus ?tendue que notre globe puisse effectivement nous offrir. Cela pos?, l'observation directe des deux distances z?nithales procurait imm?diatement toutes les donn?es n?cessaires ? la r?solution du triangle rectiligne d'o? r?sultait la distance cherch?e. Une telle op?ration, dans laquelle l'angle ? la lune ?tait presque de deux degr?s, devait faire conna?tre tr?s exactement la distance de cet astre, qui, dans sa valeur moyenne, est d'environ soixante rayons terrestres, et sur laquelle on peut ainsi garantir que l'erreur n'exc?de point deux myriam?tres.
Le m?me moyen pourrait ?tre directement appliqu?, quoique avec une pr?cision bien moins grande, ? quelques astres plus ?loign?s, surtout ? V?nus et m?me ? Mars, dans le moment o? ces deux plan?tes sont ? leur moindre distance de la terre. Mais il devient beaucoup trop incertain ? l'?gard du soleil, sur la distance duquel une semblable op?ration laisserait une incertitude d'au moins un huiti?me, ou d'environ deux millions de myriam?tres. Enfin, il est tout-?-fait insuffisant envers les astres plus lointains de notre syst?me.
L'ing?nieux proc?d? g?n?ral d'apr?s lequel les astronomes sont enfin parvenus ? surmonter ces difficult?s fondamentales, consiste ? se servir des plus petites distances, ? l'?gard desquelles les bases terrestres suffisent, afin de s'?lever aux plus grandes, d'apr?s la liaison qu'?tablissent entre elles certains ph?nom?nes, long-temps inaper?us ou n?glig?s; de mani?re, en quelque sorte, ? utiliser les premi?res, comme d'immenses bases nouvelles, pour l'?valuation des autres. Consid?rons, en g?n?ral, la nature et les limites n?cessaires d'un tel proc?d?.
Il faut, ? cet effet, distinguer deux cas essentiels: celui du soleil, et ensuite celui de tous les autres astres.
D?s l'origine de la v?ritable astronomie, Aristarque de Samos avait imagin? un moyen fort ing?nieux de rattacher la distance du soleil ? celle de la lune par une consid?ration tr?s simple, propre ? faire comprendre, plus ais?ment qu'aucune autre, en quoi peuvent g?n?ralement consister de semblables rapprochemens. Nous ne pouvons ?valuer directement le rapport de ces deux distances, parce que, dans le triangle o? elles se trouvent, l'angle ? la terre est le seul qui puisse ?tre imm?diatement observ?, tandis que, cependant, il faudrait encore conna?tre l'angle ? la lune, ce qui semble exiger, en g?n?ral, que les distances soient donn?es. Or, il y a, dans le cours mensuel de la lune, un instant particulier o? cet angle se trouve ?tre naturellement tout estim? d'avance; c'est celui de l'un ou l'autre quartier, o? il est n?cessairement droit. Il suffirait donc d'observer la distance angulaire de la lune au soleil au moment exact de la quadrature, pour avoir aussit?t, par la s?cante de cet angle, la valeur du rapport entre la distance solaire et la distance lunaire. Telle est la m?thode d'Aristarque. Mais, malheureusement, elle ne comporte, en r?alit?, aucune pr?cision, vu l'impossibilit? de saisir avec l'exactitude n?cessaire le v?ritable instant de la dichotomie, et la grande influence qu'une erreur m?diocre ? cet ?gard peut exercer sur le r?sultat final, l'angle ? la terre se trouvant ?tre presque droit. Aussi Aristarque avait-il trouv? par l? que la distance du soleil ?tait seulement dix-neuf ? vingt fois celle de la lune, ce qui est environ vingt fois trop petit. Sans doute, une op?ration de ce genre recommenc?e aujourd'hui donnerait une conclusion beaucoup moins erron?e. Mais il est certain qu'on ne saurait d?terminer ainsi la distance du soleil, m?me avec autant d'exactitude que le permettrait l'emploi imm?diat d'une base terrestre. La m?thode d'Aristarque ne peut donc servir qu'? indiquer nettement l'esprit g?n?ral de ces proc?d?s indirects.
L'observation des passages de Mercure, et surtout de V?nus, sur le soleil, a offert ? Halley, vers le milieu du si?cle dernier, un moyen bien plus d?tourn?, et qui supposait un bien plus grand d?veloppement de la g?om?trie c?leste, mais qui est aussi infiniment plus exact, et le seul admissible aujourd'hui, pour d?terminer la parallaxe relative de chacun de ces astres et du soleil, et par suite la distance de celui-ci ? la terre, d'apr?s la seule indication de la diff?rence tr?s sensible que peut pr?senter la dur?e du passage observ? en deux stations fort ?loign?es. Je ne dois caract?riser ce proc?d? que dans la vingt-troisi?me le?on quand j'aurai convenablement examin? les lois astronomiques sur lesquelles il est fond?. Il me suffit ici, apr?s l'avoir mentionn?, de dire, par anticipation, qu'il permet, comme nous le verrons, d'?valuer la distance du soleil ? la terre ? moins d'un centi?me pr?s. C'est ainsi que les fameuses op?rations ex?cut?es sur le plan de Halley, par divers astronomes, au sujet des passages de V?nus en 1761, et surtout en 1769, ont assign?; ? la parallaxe horizontale moyenne du soleil, une valeur d?finitive de 8'',6; ce qui revient ? dire que la distance du soleil ? la terre est, ? tr?s peu pr?s, quatre cents fois plus grande que la moyenne distance de la lune, indiqu?e ci-dessus. L'incertitude d'un tel r?sultat est, au plus, de 160000 myriam?tres.
Cette distance fondamentale ?tant, ainsi, bien d?termin?e, la connaissance du mouvement de la terre permet de la prendre pour base de l'estimation des autres distances astronomiques plus consid?rables. Il suffit, en effet, d'observer la distance angulaire du soleil ? l'astre propos?, ? deux ?poques s?par?es par un intervalle de six mois, qui correspond ? deux positions diam?tralement oppos?es de la terre dans son orbite. On a d?s lors, pour calculer la distance lin?aire de cet astre, un triangle immense, dont la base est double de la distance de la terre au soleil. C'est ainsi que la d?couverte du mouvement de notre plan?te nous a permis d'appliquer, ? la mesure des espaces c?lestes, une base vingt-quatre mille fois plus ?tendue que la plus grande qui puisse ?tre con?ue sur notre globe. ? la v?rit?, quand il s'agit d'une plan?te, ce qui est jusqu'ici le seul cas r?el, le d?placement de l'astre, pendant le temps qui s'?coule entre les deux observations comparatives, doit n?cessairement affecter plus ou moins l'exactitude du r?sultat. Mais, il faut consid?rer, ? ce sujet, qu'un tel proc?d? est exclusivement destin?, par sa nature, aux plan?tes les plus lointaines, qui sont, de toute n?cessit?, comme nous l'expliquerons dans la suite, les moins rapides; en sorte qu'on pourrait d'abord, pour une premi?re approximation, n?gliger enti?rement leur d?placement, surtout ? l'?gard d'Uranus. Cela est d'autant moins nuisible que les proportions de notre monde n'exigent nullement un intervalle de six mois, suppos? ci-dessus afin de pr?senter d'un seul coup toute la port?e du proc?d?; deux mois et m?me un seul suffisent pleinement, envers les plan?tes les plus ?loign?es, pour obtenir, en choisissant des situations favorables, un angle ? l'astre qui soit tr?s appr?ciable: or, pendant un temps aussi court, une plan?te, telle que Saturne par exemple, qui met environ trente ans ? parcourir le ciel, pourra ?tre envisag?e comme sensiblement immobile; et, si l'astre est moins lent, il ne faudra, par compensation, qu'un moindre intervalle, puisqu'il sera plus rapproch?. Enfin, il est possible de prendre en suffisante consid?ration le petit d?placement de la plan?te, d'apr?s la th?orie g?om?trique de son mouvement propre, dans l'application de laquelle on pourra se contenter ici de la premi?re approximation d?j? obtenue pour la distance cherch?e.
C'est ainsi que les astronomes ont pu d?terminer avec exactitude les positions r?elles des astres les plus lointains dont notre monde soit compos?. Quand on consid?re les valeurs de ces distances en myriam?tres, ou seulement m?me en rayons terrestres, elles sont n?cessairement affect?es de l'incertitude indiqu?e plus haut sur la distance de la terre au soleil. Mais, si l'on se borne ? envisager leurs rapports ? cette derni?re distance, ce qui est le cas le plus ordinaire et le seul important en astronomie, il est clair que le proc?d? pr?c?dent comporte une pr?cision bien sup?rieure. Les nombres par lesquels on exprime habituellement ces rapports, sont certains aujourd'hui jusqu'? la troisi?me d?cimale au moins.
L'immense accroissement de la base d'observation, qui r?sulte de la connaissance du mouvement de la terre, est, ?videmment, le plus grand qui nous soit permis: si nous avons pu, en quelque sorte, franchir ainsi les limites de notre globe, celles de l'orbite qu'il parcourt sont n?cessairement insurmontables. Or, cette base, quelque prodigieuse qu'elle doive nous para?tre, devient, ? son tour, du moins jusqu'ici, totalement illusoire, aussit?t que nous voulons estimer l'?loignement des astres ?trangers ? notre syst?me. En lui donnant alors toute l'?tendue possible, par un intervalle de six mois entre les deux observations, la somme des deux distances angulaires ne laisse point, pour l'angle ? l'?toile, une quantit? qui soit m?me l?g?rement sup?rieure ? l'erreur totale d'une telle mesure, dans l'?tat actuel de nos moyens. Nous ne pouvons donc assigner encore, ? cet ?gard, qu'une simple limite inf?rieure, n?cessairement insuffisante, en ?tablissant seulement avec certitude que l'?toile la plus voisine est, au moins, deux cent mille fois plus ?loign?e que le soleil, ou dix mille fois plus lointaine que la derni?re plan?te de notre syst?me; ce qui suffit pleinement, il est vrai, pour constater l'ind?pendance de notre monde. J'indiquerai dans la suite l'ing?nieux proc?d? r?cemment imagin? par M. Savary, et d'apr?s lequel on peut esp?rer d'obtenir plus tard, pour certaines ?toiles, des limites sup?rieures de distance, plus ou moins rapproch?es des limites inf?rieures.
Apr?s avoir d?termin? exactement les distances de tous les astres de notre monde ? la terre, il est ais? de comprendre comment on calcule leurs distances mutuelles, puisque, dans le triangle o? chacune est contenue, deux c?t?s sont d?j? donn?s et l'angle ? la terre peut toujours ?tre mesur?. C'est seulement pour la lune et le soleil que les distances ? la terre m?ritent d'?tre soigneusement retenues. Quant ? tous nos autres astres, de telles distances sont beaucoup trop variables et d'ailleurs trop peu importantes en astronomie pour qu'il convienne de les consid?rer directement. On doit se borner, comme le font depuis long-temps les astronomes, ? mentionner les distances des plan?tes au soleil, et celle de chaque satellite ? sa plan?te, lesquelles n'?prouvent que de l?g?res variations, dont nous aurons plus tard ? nous occuper.
Tel est l'ensemble des moyens que poss?de aujourd'hui l'astronomie pour d?terminer les diverses distances c?lestes. On voit que, comme le bon sens l'indiquait d'avance, nous les connaissons d'autant plus exactement qu'elles sont plus petites, au point d'ignorer totalement les plus consid?rables. On doit aussi remarquer d?j? cette harmonie qui lie profond?ment entre elles toutes les parties de la science astronomique, puisque la d?termination la plus simple et la plus ?l?mentaire se trouve finalement d?pendre, dans la plupart des cas, des th?ories les plus d?licates et les plus compliqu?es de la g?om?trie c?leste.
J'ai cru devoir insister sur cette premi?re recherche, comme ?tant la plus fondamentale, en m?me temps qu'elle me para?t la plus propre ? faire ressortir l'esprit g?n?ral des m?thodes astronomiques. Cela nous permettra, d'ailleurs, d'examiner maintenant avec plus de rapidit?, sous le point de vue philosophique de cet ouvrage, les autres d?terminations statiques dont la g?om?trie c?leste est compos?e.
Les distances des astres ? la terre ?tant une fois bien connues, l'?tude de leur figure et de leur grandeur ne peut plus pr?senter d'autre difficult? que celle d'une observation suffisamment pr?cise, en r?servant toutefois la question ? l'?gard de notre propre plan?te, qui sera ci-apr?s sp?cialement consid?r?e. Cette recherche est, en effet, par sa nature, du ressort de l'inspection imm?diate. L'?loignement m?me o? ces grands corps sont plac?s de nos yeux est une circonstance ?minemment favorable qui nous permet d'embrasser d'un seul regard l'ensemble de leur forme, en m?me temps que leur mouvement ou le n?tre nous les fait voir successivement sous tous les aspects possibles. La distance, il est vrai, pourrait ?tre tellement grande que les dimensions et, par suite, la forme nous devinssent totalement imperceptibles: tel est le cas de tous les astres ext?rieurs ? notre monde, qui ne sont aper?us, dans les plus puissans t?lescopes, que comme des points math?matiques d'un tr?s vif ?clat, et dont la sph?ricit? ne nous est r?ellement indiqu?e que par une induction tr?s forte. C'est aussi ce qui arrive jusqu'ici pour quelques corps secondaires de notre propre syst?me, pour les satellites d'Uranus par exemple, et m?me, ? un certain degr?, pour les quatre petites plan?tes situ?es entre Mars et Jupiter. Mais tous les astres de quelque importance dans notre monde comportent, ? cet ?gard, une exploration compl?te, du moins avec nos instrumens actuels. Il suffit donc de mesurer soigneusement, par les meilleurs moyens microm?triques, leurs diam?tres apparens dans tous les sens possibles, pour juger imm?diatement de leur v?ritable figure, apr?s avoir toutefois effectu? les deux corrections fondamentales de la r?fraction et de la parallaxe. Si la figure de la terre a ?t? long-temps mise en question, et si sa connaissance exacte a exig? les recherches les plus difficiles et les plus laborieuses, comme je l'indiquerai plus bas, il n'a jamais pu en ?tre ainsi du soleil et de la lune, et successivement de tous les autres astres de notre syst?me; ? mesure que le perfectionnement de la vision artificielle a permis de les explorer assez distinctement. Un seul cas a d? pr?senter, ? cet ?gard, une v?ritable difficult? scientifique. C'est celui des deux singuliers satellites annulaires dont Saturne est imm?diatement entour?. L'?tranget? de leur figure a exig? que, pour la bien reconna?tre, Huyghens, guid? par des apparences long-temps inexplicables, form?t ? ce sujet une heureuse hypoth?se, qui a satisfait ensuite ? toutes les observations. Il en a ?t? ainsi, jusqu'? un certain point, dans l'origine de la science astronomique, ? l'?gard de la lune, par la diversit? de ses aspects, quoique la plus simple g?om?trie permette ici de d?cider la question. ? ces seules exceptions pr?s, l'inspection imm?diate a ?videmment suffi pour reconna?tre la sph?ricit? presque parfaite de tous nos astres, et pour s'apercevoir plus tard qu'ils sont tous l?g?rement aplatis dans le sens de leur axe de rotation et renfl?s dans leur ?quateur. La quantit? de cet aplatissement a pu m?me ?tre exactement mesur?e avec des microm?tres perfectionn?s. Le r?sultat g?n?ral de ces mesures a ?t? de montrer, ce me semble, que les astres sont d'autant plus aplatis que leur rotation est plus rapide, depuis l'aplatissement presque imperceptible de la lune ou de V?nus, jusqu'? l'aplatissement d'environ 1/12 dans Jupiter ou dans Saturne; ce que nous verrons plus tard ?tre conforme ? la th?orie de la gravitation.
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