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Read Ebook: Récits d'une tante (Vol. 3 de 4) Mémoires de la Comtesse de Boigne née d'Osmond by Boigne Louise El Onore Charlotte Ad Laide D Osmond Comtesse De

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Ebook has 1275 lines and 85675 words, and 26 pages

Dans le salon de madame de Poix, une histoire quelque peu attendrissante faisait couler une profusion de larmes; c'?tait aussi un reste d'habitude de la jeunesse de ces dames o? les coeurs sensibles ?taient fort ? la mode.

On racontait de la princesse d'H?nin, qui professait un sentiment passionn? pour madame de Poix, qu'un soir o? celle-ci ?tait fort souffrante, madame d'H?nin fut oblig?e de la quitter pour aller faire son service de dame du palais ? Versailles. Le lendemain matin, madame de Poix re?oit une lettre de sa jeune amie: <>

Madame de Poix, tr?s touch?e de l'?tat de madame d'H?nin, ?crit en toute h?te qu'elle a pass? une assez bonne nuit et fait entrer le valet de chambre pour lui remettre son billet:

<

--Je ne sais pas, princesse.

--?tait-elle bien souffrante ce matin?

--On n'?tait pas entr? chez elle quand je suis parti.

--Elle ne vous a donc pas donn? sa lettre elle-m?me?

--Si fait, princesse, la princesse me l'a remise hier au soir.>>

Madame de Poix rit un peu des frissons de son amie, mais cela ne changea rien ? leur intimit? qui s'est prolong?e jusqu'? la mort. Il faut ajouter que madame d'H?nin ?tait la plus affect?e de toutes ces dames, et madame de Poix la plus naturelle aussi bien que la plus aimable et la plus raisonnable.

Madame de Chalais, avec plus d'esprit, n'avait pas le m?me besoin de plaire, mais cependant beaucoup de bont?.

La comtesse Charles de Damas, moins vieille que ces autres dames et dont l'intimit? ?tait de relation plus que de sympathie, a toujours pass? vis-?-vis de ses contemporaines pour avoir prodigieusement d'esprit. Je n'en ai jamais vu trace; mais je me r?cuse, ne pouvant avoir raison contre l'opinion g?n?rale. Toujours g?missante, toujours larmoyante, elle me repr?sentait <>, et ses sentiments ?taient trop affect?s pour jamais m'?mouvoir. Peu de jours avant ses couches, son mari la trouva toute en larmes:

<

--H?las! je pleure mon enfant.

--H?! bon Dieu, quelle id?e, pourquoi le perdriez-vous?

--Le perdre! ah! cette affreuse pens?e me tuerait! Mais, h?las, ne vais-je pas m'en s?parer?

--Vous en s?parer? Vous comptez le nourrir.

--Il ne sera plus dans mes entrailles.>>

Cette enfant, n?e d'entrailles si maternelles, n'a pas h?rit? de ces affectations. Elle est une des personnes les plus distingu?es et les plus naturelles de mon temps. Je suis li?e avec elle depuis notre mutuelle enfance. Elle avait ?pous? en premi?res noces monsieur de Vogu? qui se tua en tombant de cheval.

Madame de Damas n'omit aucun soin pour entretenir la douleur de sa fille au plus haut degr? de violence. Mais elle finit par s'affranchir et ?pousa C?sar de Chastellux, le fr?re a?n? d'Henry devenu duc de Rauzan.

Je reviens au salon de madame de Poix o? madame de Chastellux, au surplus, se trouvait fr?quemment.

L'abb? de Montesquiou y r?gnait. C'est encore une de ces personnes d'esprit que je n'ai jamais su appr?cier. Je ne lui en refuse pourtant pas; mais il l'a employ? ? faire des sottises comme homme public et ? se rendre insupportable par son aigreur comme homme priv?.

Aussi, un certain monsieur Br?nier, m?decin de Nancy, d?put? de la Chambre introuvable et qui avait ?t? adopt? par la soci?t? ultra ? cause de la violence de ses opinions, disait-il un jour ? l'abb? de Montesquiou, qui donnait un de ses coups de griffes aux ministres ses successeurs:

<>

Cette brutalit? expulsa le m?decin de la soci?t?, et personne n'y perdit, car il ?tait aussi absurde que grossier, mais le mot resta.

Monsieur de Lally a fait des requ?tes, des m?moires, des discours, des trag?dies, des satires, des pan?gyriques des morts, bien plus d'?loges des vivants. Je ne sais si rien de tout cela le m?nera ? la post?rit?. Ses contemporains l'ont appel? le plus gras des hommes sensibles, on aurait pu ajouter le plus plat des hommes bouffis. Peut-?tre cela tenait-il ? l'affaiblissement de l'?ge, mais je ne l'ai jamais vu que plein de ridicules et d'affectation, r?pandant des larmes ? tout propos, pleurant sur l'enfance, pleurant sur les vieillards, pleurant pour la gloire, pleurant pour la d?faite, pleurant de joie, pleurant de tristesse, enfin toujours pleurnichant. Je le voyais beaucoup au Palais-Royal, o? il jouait son grand jeu, interrogeant tous les enfants, jusqu'? ceux au maillot, s'attendrissant de leurs r?ponses, et les encensant avec un exc?s de flatterie qui n'avait pas cours en ce lieu.

Je ne parlerai pus des autres hommes de la soci?t? de madame de Poix. Quelques-uns s'?taient renouvel?s depuis la R?volution et n'appartenaient pas ? son temps. Messieurs de Chalais et de Damas ?taient de fort bons et loyaux personnages, mais nullement remarquables.

Le salon de madame de Montcalm ?tait compos? de gens de notre ?ge, et, jusqu'? la mort de son fr?re le duc de Richelieu, il a eu une teinte politique tr?s marqu?e.

Le duc de Richelieu avait ?t? mari?, a dix-sept ans, ? mademoiselle de Rochechouart qui en avait douze. Selon l'usage du temps, on l'avait envoy? voyager. Pendant les trois ann?es de son absence, il recevait de fr?quentes lettres de sa jeune ?pouse, remplies de gr?ce et d'esprit. ? son instante pri?re, elle lui envoya son portrait o? il retrouva les traits, un peu plus d?velopp?s, du petit minois enfantin grav? dans son souvenir.

Madame la comtesse de Chinon ayant accompli sa quinzi?me ann?e, le mari fut rappel?. Plein d'esp?rance, il d?barqua ? l'h?tel de Richelieu. On vint au-devant de lui sur l'escalier.

Le vieux mar?chal, son grand-p?re et le duc de Fronsac, son p?re, avaient plac? entre eux un petit monstre de quatre pieds, bossue par devant et par derri?re, qu'il pr?sent?rent au comte de Chinon comme la compagne de sa vie. Il recula de trois marches et tomba sans connaissance sur l'escalier. On le porta chez lui. Il se dit trop souffrant pour para?tre au salon, ?crivit ? ses parents sa ferme d?termination de ne jamais accomplir un hymen qui lui r?pugnait si cruellement, fit demander des chevaux de poste dans la nuit m?me, prit en d?sesp?r? la route d'Allemagne et alla faire les campagnes de Souvarow contre les Turcs.

La duchesse de Fronsac, seconde femme de son p?re, avait trouv? moyen de p?n?trer jusqu'? lui, pendant son court s?jour ? Paris et de lui pr?senter deux petites soeurs charmantes, dont il emporta le gracieux souvenir.

Lorsque, quinze ans plus tard, la tourmente r?volutionnaire ?tant un peu calm?e, il obtint par la protection de l'empereur Paul Ier, au service duquel il ?tait entr?, la permission de venir faire un voyage en France sous le consulat de Bonaparte, il rapporta cette agr?able image, et retrouva deux petites bossues qui ne c?daient gu?re ? sa femme dans leur tournure h?t?roclite. Toutefois, mieux aguerri, il ne prit pas la fuite.

Ce ne fut qu'apr?s avoir vendu ses biens, pay? les dettes de la succession et distribu? sa part de l'h?ritage paternel ? ses deux soeurs qu'il reprit le chemin de la Crim?e o? il s'occupait ? fonder la ville d'Odessa.

La difficult? des communications, pendant la R?volution, avait tenu le duc de Richelieu dans la m?me ignorance sur la tournure de ses soeurs que la discr?tion mal entendue de sa famille sur celle de sa femme. Il lui en ?tait rest? une sorte de r?pugnance instinctive pour les bossues.

Longtemps apr?s, ayant ?t? nomm? tuteur de sa ni?ce, mademoiselle d'Hautefort, devenue baronne de Damas, et la trouvant aussi contrefaite, il ne put s'emp?cher de s'?crier en serrant la main d'un homme de ses amis:

<>

Si le petit monstre de quinze ans, pr?sent? ? monsieur de Richelieu, lui avait inspir? une r?pugnance invincible, son propre aspect, en revanche, avait produit un effet bien diff?rent. Son air noble, sa charmante figure avaient confirm? l'impression pr?par?e par une correspondance tendre qui se poursuivait fort activement entre les deux jeunes ?poux.

Sous une enveloppe si hideuse, madame de Richelieu portait un esprit ?lev? et un coeur g?n?reux. Elle ne s'occupa qu'? r?concilier les deux familles ? la fuite intempestive de monsieur de Richelieu, offrit ? celui-ci de l'assister dans toutes les tentatives pour faire casser son mariage et accepta comme une faveur le refus qu'il en fit. Avertie par la conduite de son mari des disgr?ces personnelles que la tendresse de ses parents avait cherch? ? lui dissimuler, elle ne voulut pas s'exposer aux d?dains du monde et ? la piti? des indiff?rents. Elle se retira d?s lors dans une belle terre , ? vingt lieues de Paris, qu'elle a constamment habit?e jusqu'? sa mort.

Quoique bien jeune encore au moment o? la R?volution ?clata, ses vertus lui avaient d?j? acquis de l'influence; elle l'employa ? maintenir la tranquillit? dans ses environs. Elle fut la providence de toute la famille Richelieu, et, loin de jamais t?moigner du ressentiment au duc, elle a constamment employ? les recherches les plus d?licates ? l'entourer des soins d'une amiti? d?sint?ress?e, renfermant dans son sein tout ce qui pouvait sembler dict? par un sentiment plus vif.

Le duc de Richelieu, vaincu par des proc?d?s si g?n?reux et assez noble lui-m?me pour pardonner ? une personne qu'il avait si gri?vement offens?e, allait quelquefois, depuis la Restauration, la voir au ch?teau de Courteilles o? il ?tait re?u avec une joie extr?me.

Leur ?ge ? tous deux aurait fini par rendre cette existence simple et facile; je suis persuad?e qu'au moment o? la mort l'a enlev?, monsieur de Richelieu ?tait pr?s de s'?tablir ? Courteilles. Quant ? sa femme, rien ne l'aurait d?cid?e ? affronter le monde de Paris dont elle s'?tait retir?e avant d'y ?tre entr?e.

Madame de Montcalm ?tait l'a?n?e des deux soeurs du duc de Richelieu. Un tr?s mauvais ?tat de sant? l'autorisait ? ne point quitter une chaise longue, et l'espoir de dissimuler sa taille lui donnait la patience de se soumettre ? cette suj?tion. Elle montrait un beau visage, et le reste de sa personne ?tait envelopp? de tant de garnitures, de ch?les, de couvre-pieds que sa difformit? ?tait presque enti?rement cach?e.

J'ai toujours attribu? ? cette circonstance la pr?f?rence marqu?e que monsieur de Richelieu lui accordait sur sa soeur, madame de Jumilhac, qui promenait son ?pouvantable figure sans le moindre embarras ? travers toutes les foules et toutes les f?tes. Un esprit extr?mement piquant, une imperturbable gaiet?, un entrain naturel que je n'ai vu ? personne autant qu'? elle, la faisaient rechercher de tout ce qu'il y avait de plus ?l?gant dans la meilleure compagnie.

Il n'y avait pas de bonne f?te sans madame de Jumilhac. Elle ?tait tr?s ? la mode et, chose bien bizarre, malgr? sa figure, c'?tait le but et l'ambition de toute sa vie.

Madame de Montcalm, avec un esprit beaucoup plus cultiv?, ?tait, ? mon sens, bien moins aimable que sa soeur. Fort exigeante, elle voulait, avant tout, ?tre admir?e de gens capables d'appr?cier un m?rite qu'elle croyait transcendant. L'autre ne pensait qu'? s'amuser avec les premiers venus.

Peut-?tre suis-je partiale dans mon jugement des deux soeurs. J'?tais fort li?e avec la cadette; il m'?tait difficile de rester neutre entre elles. En ayant r?ciproquement l'une pour l'autre les proc?d?s les plus nobles, les plus d?licats dans les circonstances importantes, elles se taquinaient et se chagrinaient si constamment dans tous les petits d?tails de la vie journali?re qu'elles en ?taient venues ? se d?tester cordialement. Les personnes de leur intimit? se trouvaient n?cessairement influenc?es et conduites ? prendre parti.

Quoiqu'il en soit, monsieur de Richelieu accordait une pr?f?rence marqu?e ? madame de Montcalm. Il passait chez elle la plus grande partie de ses soir?es, ce qui lui facilitait le moyen d'attirer autour de sa chaise longue toutes les notabilit?s fran?aises et ?trang?res.

Carnaval de 1820. -- Le Palais-Royal. -- Bal ? l'?lys?e. -- Humeur de monsieur le duc de Berry. -- Bal masqu? chez monsieur Greffulhe. -- Mascarade chez madame de la Briche. -- Assassinat de monsieur le duc de Berry. -- Son courage. -- D?tails sur cet ?v?nement. -- Pr?ventions contre le comte Decazes. -- Il est forc? de se retirer. -- Le duc de Richelieu le remplace. -- Promesses de Monsieur.

Monsieur le duc de Berry donna un grand bal ? l'?lys?e. Les invitations furent nombreuses et assez lib?ralement distribu?es. Monsieur le duc de Berry trouvait la Cour tenue trop ?troitement. Les pr?tentions des entours avaient profit? des go?ts s?dentaires et retir?s des autres princes pour les accaparer enti?rement. Il fallait ?tre de leur Maison, ou y tenir de bien pr?s, pour avoir acc?s jusqu'? eux.

Monsieur le duc de Berry bl?mait cette exclusion et annon?ait l'intention de s'en affranchir. Il avait d?j? donn? quelques d?ners o? il avait admis des pairs et des d?put?s marquants par leur existence politique, et il se proposait encore d'?tendre le cercle de ses invitations. Lui-m?me aurait eu beaucoup ? y gagner, car il avait assez d'esprit pour pouvoir profiter de la conversation et pour chercher ? l'encourager. Il ?tait stimul? dans ce projet par l'attitude du Palais-Royal.

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