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Read Ebook: A travers chants: études musicales adorations boutades et critiques by Berlioz Hector

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Ebook has 831 lines and 103799 words, and 17 pages

TRAVERS CHANTS

LIBRAIRIE DE MICHEL L?VY FR?RES

DU M?ME AUTEUR:

LES

SOIR?ES DE L'ORCHESTRE

LES

GROTESQUES DE LA MUSIQUE

Un volume grand in-18.

PARIS.--IMP. SIMON RA?ON ET COMP., RUE D'ERFURTH, 1.

TRAVERS CHANTS

?TUDES MUSICALES, ADORATIONS

BOUTADES ET CRITIQUES

PAR

HECTOR BERLIOZ

Love's labour's lost. Hostis habet muros...

PARIS

MICHEL L?VY FR?RES, LIBRAIRES ?DITEURS

RUE VIVIENNE, 2 BIS, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15 A LA LIBRAIRIE NOUVELLE

Tous droits r?serv?s

M. ERNEST LEGOUV?

DE L'ACAD?MIE FRAN?AISE

TRAVERS CHANTS

MUSIQUE

On rencontre plus souvent encore des esprits m?thodiques, calmes et froids, qui, apr?s avoir ?tudi? patiemment la th?orie, accumul? les observations, exerc? longuement leur esprit et tir? tout le parti possible de leurs facult?s incompl?tes, parviennent ? ?crire des choses qui r?pondent en apparence aux id?es qu'on se fait vulgairement de la musique, et satisfont l'oreille sans la charmer, et sans rien dire au coeur ni ? l'imagination. Or, la satisfaction de l'ou?e est fort loin des sensations d?licieuses que peut ?prouver cet organe; les jouissances du coeur et de l'imagination ne sont pas non plus de celles dont on puisse faire ais?ment bon march?; et comme elles se trouvent r?unies ? un plaisir sensuel des plus vifs dans les v?ritables oeuvres musicales de toutes les ?coles, ces producteurs impuissants doivent donc encore, selon nous, ?tre ray?s du nombre des musiciens: ILS NE SENTENT PAS.

Ce qu'?tait chez eux l'art des sons proprement dit, nous ne le savons que fort imparfaitement. Quelques faits isol?s, racont?s peut-?tre avec une exag?ration dont on voit journellement des exemples analogues, les id?es boursoufl?es ou tout ? fait absurdes de certains philosophes, quelquefois aussi la fausse interpr?tation de leurs ?crits, tendraient ? lui attribuer une puissance immense, et une influence sur les moeurs telle, que les l?gislateurs devaient, dans l'int?r?t des peuples, en d?terminer la marche et en r?gler l'emploi. Sans tenir compte des causes qui ont pu concourir ? l'alt?ration de la v?rit? ? cet ?gard, et en admettant que la musique des Grecs ait r?ellement produit sur quelques individus des impressions extraordinaires, qui n'?taient dues ni aux id?es exprim?es par la po?sie, ni ? l'expression des traits ou de la pantomime du chanteur, mais bien ? la musique elle-m?me et seulement ? elle, le fait ne prouverait en aucune fa?on que cet art e?t atteint chez eux un haut degr? de perfection. Qui ne conna?t la violente action des sons musicaux, combin?s de la fa?on la plus ordinaire, sur les temp?raments nerveux dans certaines circonstances? Apr?s un festin splendide, par exemple, quand excit? par les acclamations enivrantes d'une foule d'adorateurs, par le souvenir d'un triomphe r?cent, par l'esp?rance de victoires nouvelles, par l'aspect des armes, par celui des belles esclaves qui l'entouraient, par les id?es de volupt?, d'amour, de gloire, de puissance, d'immortalit?, second?es de l'action ?nergique de la bonne ch?re et du vin, Alexandre, dont l'organisation d'ailleurs ?tait si impressionnable, d?lirait aux accents de Timoth?e, on con?oit tr?s-bien qu'il n'ait pas fallu de grands efforts de g?nie de la part du chanteur pour agir aussi fortement sur cette sensibilit? port?e ? un ?tat presque maladif.

Rousseau, en citant l'exemple plus moderne du roi de Danemark, Erric, que certains chants rendaient furieux au point de tuer ses meilleurs domestiques, fait bien observer, il est vrai, que ces malheureux devaient ?tre beaucoup moins que leur ma?tre sensibles ? la musique; autrement il e?t pu courir la moiti? du danger. Mais l'instinct paradoxal du philosophe se d?c?le encore dans cette spirituelle ironie. Eh! oui, sans doute, les serviteurs du roi danois ?taient moins sensibles ? la musique que leur souverain! Qu'y a-t-il l? d'?tonnant? Ne serait-il pas fort ?trange au contraire qu'il en e?t ?t? autrement? Ne sait-on pas que le sens musical se d?veloppe par l'exercice? que certaines affections de l'?me, tr?s-actives chez quelques individus, le sont fort peu chez beaucoup d'autres? que la sensibilit? nerveuse est en quelque sorte le partage des classes ?lev?es de la soci?t?, quand les classes inf?rieures, soit ? cause des travaux manuels auxquels elles se livrent, soit pour toute autre raison, en sont ? peu pr?s d?pourvues? et n'est-ce pas parce que cette in?galit? dans les organisations est incontestable et incontest?e, que nous avons si fort restreint, en d?finissant la musique, le nombre des hommes sur lesquels elle agit.

Sans doute l'habitude de d?guiser ou de ma?triser mes sentiments, permet rarement ? celui-ci de se montrer dans tout son jour; et s'il m'est arriv? quelquefois, depuis ma premi?re jeunesse, de lui donner carri?re, c'est que le temps de la r?flexion m'avait manqu?, j'avais ?t? pris au d?pourvu.

La musique moderne n'a donc rien ? envier en puissance ? celle des anciens. A pr?sent, quels sont les modes d'action de notre art musical? Voici tous ceux que nous connaissons; et, bien qu'ils soient fort nombreux, il n'est pas prouv? qu'on ne puisse dans la suite en d?couvrir encore quelques autres. Ce sont:

LA M?LODIE.

L'HARMONIE.

LE RHYTHME.

Division sym?trique du temps par les sons. On n'apprend pas au musicien ? trouver de belles formes rhythmiques; la facult? particuli?re qui les lui fait d?couvrir est l'une des plus rares. Le rhythme, de toutes les parties de la musique, nous para?t ?tre aujourd'hui la moins avanc?e.

L'EXPRESSION.

Qualit? par laquelle la musique se trouve en rapport direct de caract?re avec les sentiments qu'elle veut rendre, les passions qu'elle veut exciter. La perception de ce rapport est excessivement peu commune; on voit fr?quemment le public tout entier d'une salle d'op?ra, qu'un son douteux r?volterait ? l'instant, ?couter sans m?contentement, et m?me avec plaisir, des morceaux dont l'expression est d'une compl?te fausset?.

LES MODULATIONS.

On d?signe aujourd'hui par ce mot les passages ou transitions d'un ton ou d'un mode ? un mode ou ? un ton nouveau. L'?tude peut faire beaucoup pour apprendre au musicien l'art de d?placer ainsi avec avantage la tonalit?, et ? modifier ? propos sa constitution. En g?n?ral les chants populaires modulent peu.

L'INSTRUMENTATION.

Consiste ? faire ex?cuter, ? chaque instrument ce qui convient le mieux ? sa nature propre et ? l'effet qu'il s'agit de produire. C'est en outre l'art de grouper les instruments de mani?re ? modifier le son des uns par celui des autres, en faisant r?sulter de l'ensemble un son particulier que ne produirait aucun d'eux isol?ment, ni r?uni aux instruments de son esp?ce. Cette face de l'instrumentation est exactement, en musique, ce que le coloris est en peinture. Puissante, splendide et souvent outr?e aujourd'hui, elle ?tait ? peine connue avant la fin du si?cle dernier. Nous croyons ?galement, comme pour le rhythme, la m?lodie et l'expression, que l'?tude des mod?les peut mettre le musicien sur la voie qui conduit ? la poss?der, mais qu'on n'y r?ussit point sans des dispositions sp?ciales.

LE POINT DE D?PART DES SONS.

En pla?ant l'auditeur ? plus ou moins de distance des ex?cutants, et en ?loignant dans certaines occasions les instruments sonores les uns des autres, on obtient dans l'effet musical des modifications qui n'ont pas encore ?t? suffisamment observ?es.

LE DEGR? D'INTENSIT? DES SONS.

Telles phrases et telles inflexions pr?sent?es avec douceur ou mod?ration ne produisent absolument rien, qui peuvent devenir fort belles en leur donnant la force d'?mission qu'elles r?clament. La proposition inverse am?ne des r?sultats encore plus frappants: en violentant une id?e douce, on arrive au ridicule et au monstrueux.

LA MULTIPLICIT? DES SONS.

Est l'un des plus puissants principes d'?motion musicale. Les instruments ou les voix ?tant en grand nombre et occupant une large surface, la masse d'air mise en vibration devient ?norme, et ses ondulations prennent alors un caract?re dont elles sont ordinairement d?pourvues. Tellement que, dans une ?glise occup?e par une foule de chanteurs, si un seul d'entre eux se fait entendre, quels que soient la force, la beaut? de son organe et l'art qu'il mettra dans l'ex?cution d'un th?me simple et lent, mais peu int?ressant en soi, il ne produira qu'un effet m?diocre; tandis que ce m?me th?me repris, sans beaucoup d'art, ? l'unisson, par toutes les voix, acquerra aussit?t une incroyable majest?.

Des diverses parties constitutives de la musique que nous venons de signaler, presque toutes paraissent avoir ?t? employ?es par les anciens. La connaissance de l'harmonie leur est seule g?n?ralement contest?e. Un savant compositeur, notre contemporain, M. Lesueur, s'?tait, il y a quarante ans, pos? l'intr?pide antagoniste de cette opinion. Voici les motifs de ses adversaires:

On pourrait r?pondre ? cela que l'invention de l'harmonie au moyen ?ge ce prouve point qu'elle ait ?t? inconnue aux si?cles ant?rieurs. Plusieurs des connaissances humaines ont ?t? perdues et retrouv?es; et l'une des plus importantes d?couvertes que l'Europe s'attribue, celle de la poudre ? canon, avait ?t? faite en Chine fort longtemps auparavant. Il n'est d'ailleurs rien moins que certain, au sujet des inventions de Guido d'Arezzo, qu'elles soient r?ellement les siennes, car lui-m?me dans ses ?crits en cite plusieurs comme choses universellement admises avant lui. Quant ? la difficult? d'adapter au plaint-chant notre harmonie, sans nier qu'elle ne s'unisse plus naturellement aux formes m?lodiques modernes, le fait du chant eccl?siastique ex?cut? en contre-point ? plusieurs parties, et de plus accompagn? par les accords de l'orgue dans toutes les ?glises, y r?pond suffisamment. Voyons ? pr?sent sur quoi ?tait bas?e l'opinion de M. Lesueur.

L'argument tir? du peu de raison musicale qu'il y aurait ? faire marcher ensemble ? l'unisson ou ? l'octave des instruments de natures aussi dissemblables qu'une lyre, une trompette et des timbales, est sans force r?elle; car enfin, cette disposition instrumentale est-elle praticable? Oui, sans doute, et les musiciens actuels pourront l'employer quand ils voudront. Il n'est donc pas extraordinaire qu'elle ait ?t? admise chez des peuples auxquels la constitution m?me de leur art ne permettait pas d'en employer d'autre.

A pr?sent, quant ? la sup?riorit? de notre musique sur la musique antique, elle para?t plus que probable. Soit en effet que les anciens aient connu l'harmonie, soit qu'ils l'aient ignor?e, en r?unissant en faisceau les id?es que les partisans des deux opinions contraires nous ont donn?es de la nature et des moyens de leur art, il en r?sulte avec assez d'?vidence cette conclusion:

Notre musique contient celle des anciens, mais la leur ne contenait pas la n?tre; c'est-?-dire, nous pouvons ais?ment reproduire les effets de la musique antique, et de plus un nombre infini d'autres effets qu'elle n'a jamais connus et qu'il lui ?tait impossible de rendre.

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