Read Ebook: A travers chants: études musicales adorations boutades et critiques by Berlioz Hector
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Ebook has 831 lines and 103799 words, and 17 pages
Notre musique contient celle des anciens, mais la leur ne contenait pas la n?tre; c'est-?-dire, nous pouvons ais?ment reproduire les effets de la musique antique, et de plus un nombre infini d'autres effets qu'elle n'a jamais connus et qu'il lui ?tait impossible de rendre.
Nous n'avons rien dit de l'art des sons en Orient; voici pourquoi: tout ce que les voyageurs nous ont appris ? ce sujet jusqu'ici se borne ? des pu?rilit?s informes et sans relations aucunes avec les id?es que nous attachons au mot musique. A moins donc de notions nouvelles et oppos?es sur tous les points ? celles qui nous sont acquises, nous devons regarder la musique, chez les Orientaux, comme un bruit grotesque, analogue ? celui que font les enfants dans leurs jeux.
?TUDE CRITIQUE
DES
SYMPHONIES DE BEETHOVEN
Nous allons essayer l'analyse des symphonies de ce grand ma?tre, en commen?ant par la premi?re que le Conservatoire ex?cute si rarement.
SYMPHONIE EN UT MAJEUR
Le scherzo est le premier n? de cette famille de charmants badinages dont Beethoven a invent? la forme, d?termin? le mouvement, et qu'il a substitu?s presque dans toutes ses oeuvres instrumentales au menuet de Mozart et de Haydn dont le mouvement est moins rapide du double et le caract?re tout diff?rent. Celui-ci est d'une fra?cheur, d'une agilit? et d'une gr?ce exquises. C'est la seule v?ritable nouveaut? de cette symphonie, o? l'id?e po?tique, si grande et si riche dans la plupart des oeuvres qui ont suivi celle-ci, manque tout ? fait. C'est de la musique admirablement faite, claire, vive, mais peu accentu?e, froide, et quelquefois mesquine, comme dans le rondo final, par exemple, v?ritable enfantillage musical; en un mot, ce n'est pas l? Beethoven. Nous allons le trouver.
SYMPHONIE EN R?
SYMPHONIE H?ROIQUE
Aucune bizarrerie de cette nature ne se pr?sente dans le reste de la partition. La marche fun?bre est tout un drame. On croit y trouver la traduction des beaux vers de Virgile, sur le convoi du jeune Pallas:
Multa que praeterea Laurentis praemia pugnae Adgerat, et longo praedam jubet ordine duci. Post bellator equus, positis insignibus, AEthon It lacrymans, guttis que humectat grandibus ora.
La plupart des grands po?tes ne sentent pas la musique ou ne go?tent que les m?lodies triviales et pu?riles; beaucoup de grands esprits, qui croient l'aimer, ne se doutent m?me pas des ?motions qu'elle fait na?tre. Ce sont de tristes v?rit?s, mais ce sont des v?rit?s palpables, ?videntes, que l'ent?tement de certains syst?mes peut seul emp?cher de reconna?tre. J'ai vu une chienne qui hurlait de plaisir en entendant la tierce majeure tenue en double corde sur le violon, elle a fait des petits sur qui la tierce, ni la quinte, ni la sixte, ni l'octave, ni aucun accord consonnant ou dissonant, n'ont jamais produit la moindre impression. Le public, de quelque mani?re qu'il soit compos?, est toujours, ? l'?gard des grandes conceptions musicales, comme cette chienne et ses chiens. Il a certains nerfs qui vibrent ? certaines r?sonnances, mais cette organisation, tout incompl?te qu'elle soit, ?tant in?galement r?partie et modifi?e ? l'infini, il s'ensuit qu'il y a presque folie ? compter sur tels moyens de l'art plut?t que sur tels autres, pour agir sur lui; et que le compositeur n'a rien de mieux ? faire que d'ob?ir aveugl?ment ? son sentiment propre, en se r?signant d'avance ? toutes les chances du hasard. Je sors du Conservatoire avec trois ou quatre dilettanti, un jour o? l'on vient d'ex?cuter la symphonie avec choeurs.
--Comment trouvez-vous cet ouvrage? me dit l'un d'eux.
--Immense! magnifique! ?crasant!
--C'est singulier, je m'y suis cruellement ennuy?. Et vous? ajoute-t-il, en s'adressant ? un Italien...
--Oh! moi, je trouve cela inintelligible, ou plut?t insupportable, il n'y a pas de m?lodie... Au reste, tenez, voici plusieurs journaux qui en parlent, lisons:
--La symphonie avec choeurs de Beethoven repr?sente le point culminant de la musique moderne; l'art n'a rien produit encore qu'on puisse lui comparer pour la noblesse du style, la grandeur du plan et le fini des d?tails.
--La symphonie avec choeurs de Beethoven est une monstruosit?.
--Cet ouvrage n'est pas absolument d?pourvu d'id?es, mais elles sont mal dispos?es et ne forment qu'un ensemble incoh?rent et d?nu? de charme.
O? est la v?rit?? o? est l'erreur? partout et nulle part. Chacun a raison; ce qui est beau pour l'un ne l'est pas pour l'autre, par cela seul que l'un a ?t? ?mu et que l'autre est demeur? impassible, que le premier a ?prouv? une vive jouissance et le second une grande fatigue. Que faire ? cela?... rien..., mais c'est horrible; j'aimerais mieux ?tre fou et croire au beau absolu.
SYMPHONIE EN SI B?MOL
SYMPHONIE EN UT MINEUR
La plus c?l?bre de toutes, sans contredit, est aussi la premi?re, selon nous, dans laquelle Beethoven ait donn? carri?re ? sa vaste imagination, sans prendre pour guide ou pour appui une pens?e ?trang?re. Dans les premi?re, seconde et quatri?me symphonies, il a plus ou moins agrandi des formes d?j? connues, en les po?tisant de tout ce que sa vigoureuse jeunesse pouvait y ajouter d'inspirations brillantes ou passionn?es; dans la troisi?me , la forme tend ? s'?largir, il est vrai, et la pens?e s'?l?ve ? une grande hauteur; mais on ne saurait y m?conna?tre cependant l'influence d'un de ces po?tes divins auxquels, d?s longtemps, le grand artiste avait ?lev? un temple dans son coeur. Beethoven, fid?le au pr?cepte d'Horace:
<
Le premier morceau est consacr? ? la peinture des sentiments d?sordonn?s qui bouleversent une grande ?me en proie au d?sespoir; non ce d?sespoir concentr?, calme, qui emprunte les apparences de la r?signation; non pas cette douleur sombre et muette de Rom?o apprenant la mort de Juliette, mais bien la fureur terrible d'Othello recevant de la bouche d'Iago les calomnies empoisonn?es qui le persuadent du crime de Desd?mona. C'est tant?t un d?lire fr?n?tique qui ?clate en cris effrayants; tant?t un abattement excessif qui n'a que des accents de regret et se prend en piti? lui-m?me. ?coutez ces hoquets de l'orchestre, ces accords dialogu?s entre les instruments ? vent et les instruments ? cordes, qui vont et viennent en s'affaiblissant toujours, comme la respiration p?nible d'un mourant, puis font place ? une phrase pleine de violence, o? l'orchestre semble se relever, ranim? par un ?clair de fureur; voyez cette masse fr?missante h?siter un instant et se pr?cipiter ensuite tout enti?re, divis?e en deux unissons ardents comme deux ruisseaux de lave; et dites si ce style passionn? n'est pas en dehors et au-dessus de tout ce qu'on avait produit auparavant en musique instrumentale.
SYMPHONIE PASTORALE
--Comment trouvez-vous ce duo italien?
On r?pondra d'un air grave:
--Fort beau.
--Et ces variations de clarinette?
--Superbes.
--Et ce finale du nouvel op?ra?
--Admirable.
Et quelque artiste distingu? qui aura entendu vos r?ponses sans conna?tre la cause de votre pr?occupation dira en vous montrant: <
Comme les po?mes antiques, si beaux, si admir?s qu'ils soient, p?lissent ? c?t? de cette merveille de la musique moderne! Th?ocrite et Virgile furent de grands chanteurs paysagistes; c'est une suave musique que de tels vers:
<
surtout s'ils ne sont pas r?cit?s par des barbares tels que nous autres Fran?ais, qui pronon?ons le latin de fa?on ? le faire prendre pour de l'auvergnat.....
Mais le po?me de Beethoven!... ces longues p?riodes si color?es!... ces images parlantes!... ces parfums!... cette lumi?re!... ce silence ?loquent!... ces vastes horizons!... ces retraites enchant?es dans les bois!... ces moissons d'or!... ces nu?es roses, taches errantes du ciel!... cette plaine immense sommeillant sous les rayons de midi!... L'homme est absent!... la nature seule se d?voile et s'admire... Et ce repos profond de tout ce qui vit! Et cette vie d?licieuse de tout ce qui repose!... Le ruisseau enfant qui court en gazouillant vers le fleuve!... le fleuve p?re des eaux, qui, dans un majestueux silence, descend vers la grande mer!... Puis l'homme intervient, l'homme des champs, robuste, religieux... ses joyeux ?bats interrompus par l'orage... ses terreurs... son hymne de reconnaissance...
SYMPHONIE EN LA
Il ne para?t pas prouv? que cette derni?re ait ?t? compos?e post?rieurement ? la Pastorale et ? l'H?ro?que, plusieurs personnes pensent au contraire qu'elle les a pr?c?d?es de quelque temps. Le num?ro d'ordre qui la d?signe comme la septi?me ne serait en cons?quence, si cette opinion est fond?e, que celui de sa publication.
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SYMPHONIE EN FA
Le premier morceau contient deux th?mes, l'un et l'autre d'un caract?re doux et calme. Le second, le plus remarquable selon nous, semble ?viter toujours la cadence parfaite, en modulant d'abord d'une fa?on tout ? fait inattendue , et en se perdant ensuite, sans conclure sur l'accord de septi?me diminu?e de la sous-dominante.
On dirait, ? entendre ce caprice m?lodique, que l'auteur, dispos? aux douces ?motions, en est d?tourn? tout ? coup par une id?e triste qui vient interrompre son chant joyeux.
C'est fort curieux.
SYMPHONIE AVEC CHOEURS
Sans chercher ce que le compositeur a pu vouloir exprimer d'id?es ? lui personnelles dans ce vaste po?me musical, ?tude pour laquelle le champ des conjectures est ouvert ? chacun, voyons si la nouveaut? de la forme ne serait pas ici justifi?e par une intention ind?pendante de toute pens?e philosophique ou religieuse, ?galement raisonnable et belle pour le chr?tien fervent, comme pour le panth?iste et pour l'ath?e, par une intention, enfin, purement musicale et po?tique.
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