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Read Ebook: L'Illustration No. 3655 15 Mars 1913 by Various

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Ebook has 174 lines and 19228 words, and 4 pages

Dans ce tableau tout se tient: la vilaine gare, la rang?e des boutiques r?cemment d?pos?es le long du mur de Tien Men, les poteaux pour l'?clairage, le t?l?graphe et le t?l?phone, constituent un cadre bien digne de ce cort?ge et du Progr?s qu'il repr?sente.

Enfin, cette soir?e aurait ?t? tout ? fait charmante si elle n'avait eu pour principal r?sultat de m'emp?cher de dormir jusqu'? une heure fort avanc?e de la nuit.

LES BONS DOMESTIQUES

De temps en temps, un des nombreux boys qui servent ? table se fait couper la natte; ils sont bien une cinquantaine dont la moiti? est encore fid?le ? la vieille coiffure nationale; de la moiti? moderniste, les uns se sont fait raser compl?tement la t?te et attendent que tout repousse ? la fois; les autres ont conserv? une certaine longueur de leur tresse dont ils se servent pour recouvrir la partie ras?e de leur cr?ne jusqu'? ce qu'elle soit, elle aussi, garnie de cheveux; ce qui leur fait de dr?les de figures. Ils n'ont pas encore la veste et le tablier de nos gar?ons de caf?: ils attendent probablement que la R?publique soit mieux assise pour lui t?moigner leur ind?fectible attachement en d?pouillant la livr?e du r?gime d?chu. Ils portent la longue robe de toile bleue, fendue sur le c?t?, bord?e d'un mince galon blanc au col et aux poignets, recouvrant le cale?on blanc serr? aux chevilles. Leurs pieds chauss?s de pantoufles feutr?es, l?g?rement retrouss?es du bout, glissent, empress?s et silencieux, sur les parquets et les tapis, autour des tables et dans les couloirs.

Les Chinois sont tr?s observateurs, dit-on. Chez les boys d'h?tel, cette facult? est pr?cieuse, car les quelques mots europ?ens qu'ils ?corchent en les disant, ou entendent de travers, ne seraient pas suffisants pour se faire servir m?me approximativement. Ils s'int?ressent ? leurs clients, et, pour peu qu'on soit livr? pendant quelques jours aux bons soins du m?me boy, il arrive ? conna?tre vos habitudes et semble ?prouver une vraie satisfaction ? pr?venir vos d?sirs; c'est peut-?tre tout simplement la gloriole d'avoir fait preuve d'intelligence.

Derni?rement, je voulais obtenir du mien une carotte crue dont j'avais besoin pour humecter un peu ma provision de tabac que la chaleur avait rendu sec comme un coup de trique. J'essayai vainement de me faire comprendre en fran?ais; en anglais, je ne fus pas plus heureux, le mot se pronon?ant exactement de la m?me fa?on, sauf qu'il y a deux r en anglais et pas d'e muet. Enfin, je me d?cidai ? faire un dessin et, pour plus de pr?cision, je coloriai en rouge et en vert le l?gume et son feuillage. Mon boy, ravi, partit en courant et me rapporta un radis. J'avoue qu'? ce moment j'ai dout? de mon talent. Il faut vous dire qu'? l'?cole des Beaux-Arts on ne m'a jamais appris ? dessiner une carotte. Dieu sait, pourtant, la quantit? de navets que nous devons ? l'enseignement officiel! Il faut vous dire aussi que les radis, ? P?kin, sont ?normes et de forme tr?s allong?e; cette circonstance, jointe ? l'?tranget? de ma demande, excusait donc l'erreur du boy. Devant mon geste de refus d?courag?, le Chinois s'en fut chercher, derri?re la porte, la carotte demand?e dont il s'?tait muni, ? tout hasard, pour le cas o? le radis n'aurait pas fait mon affaire. Alors j'ai repris confiance en moi-m?me, et le boy, enchant? et fier de sa perspicacit?, est all? raconter ? ses camarades qu'il avait un dr?le de client, qui mangeait des carottes crues entre ses repas.

Car les Chinois sont tr?s port?s ? l'exag?ration.

Les domestiques indig?nes font le d?sespoir des ma?tresses de maison. Les Europ?ennes de toutes nations sont unanimes ? d?clarer qu'il est aussi impossible de se soustraire ? leurs malices, ? leurs fantaisies, ? leurs gaspillages, que de les emp?cher de voler.

Le vol domestique est une institution officielle dont le fonctionnement a ?t? expliqu? bien des fois par les auteurs qui ont ?crit sur la Chine. C'est, en grand et en tr?s perfectionn?, le sou du franc de nos cuisini?res, et cela prouve, une fois de plus, que les Chinois avaient tout d?couvert avant nous. L'anse du panier dansait dans l'Empire du Milieu bien avant que les paniers fussent invent?s ? Paris.

C'est comme le syndicalisme: les principes en sont appliqu?s ici dans toute leur rigueur et avec la discipline la plus inflexible. Un boy qui se consid?re comme injustement cong?di? entra?ne avec lui tous ses camarades, et la maison est mise ? l'index. Impossible de trouver d'autres serviteurs tant que l'injustice n'est pas r?par?e. Il est arriv? qu'un malheureux m?nage, nouveau venu, abandonn? par ses domestiques ? la suite d'une histoire de ce genre et dans l'impossibilit? absolue d'en recruter d'autres, alla prendre ses repas chez un ami compatissant. Le premier jour, tout alla bien: le mari disait: <> Le second jour, le cuisinier en chef de l'ami hospitalier vint trouver son ma?tre et lui demanda si le m?nage Un Tel viendrait encore d?jeuner et d?ner. Le ma?tre, quelque peu suffoqu?, voulut bien, toutefois, car il cuisinait fort bien, r?pondre affirmativement ? son serviteur, non sans lui demander de quoi il se m?lait et pourquoi il lui posait cette question. Le chef lui d?clara alors que M. et Mme Un Tel ayant ?t? boycott?s par leur personnel, il ?tait de son devoir ? lui et ? ses coll?gues de quitter le service de Monsieur si les victimes de l'interdiction syndicale parvenaient ? se soustraire ? ses effets en prenant pension chez Monsieur. Une invitation, de temps en temps, passe encore, mais tous les jours, jamais! Monsieur, qui ?tait gourmand, h?sita entre le coeur et l'estomac: celui-ci l'emporta, comme toujours. M. et Mme Un Tel, bien chapitr?s, se rendirent ? discr?tion et reprirent leur boy, dont ils n'eurent, du reste, pas ? se plaindre plus que de raison par la suite.

La jeune femme, un jour que la note avait ?t? major?e plus que de coutume, voulut encore protester et d?cida de faire elle-m?me ses provisions. Vains efforts! Le tout fut cuit et pr?par? de si belle sorte que rien n'?tait mangeable. Il fallut c?der de nouveau.

On me conte une autre anecdote, qui montre combien ces proc?d?s sont consid?r?s comme une chose toute naturelle par les Chinois. Le sous-directeur d'une banque ou d'une soci?t? quelconque fut appel? ? remplacer pour quelque temps son chef, qui partait en cong?: le jour m?me o? il prit, par int?rim, la direction de la maison, le prix des poulets et du reste augmenta chez lui dans de notables proportions; ?tonnement, questions auxquelles le chef cuisinier r?pondit simplement que Monsieur ?tait directeur, maintenant, et qu'il devait payer plus cher, ?tant plus fortement appoint?. Il fallut lui expliquer et lui prouver que, si Monsieur remplissait les fonctions de directeur, ce n'?tait que provisoirement et que ses appointements restaient les m?mes. Ces raisons furent jug?es bonnes et les denr?es revinrent ? leurs prix ordinaires.

Il est des forces contre lesquelles on ne lutte pas.

Des anecdotes de toute sorte, on vous en raconte par centaines; il en est qu'on entend plusieurs fois, avec des variantes, mais l'aventure est r?guli?rement arriv?e ? la personne qui vous la narre.

Un d?faut commun ? beaucoup de coloniaux et que je retrouve ici, chez quelques jeunes d?barqu?s--heureusement fort rares--a le don de m'exasp?rer: c'est celui qui consiste ? traiter en ?tres inf?rieurs les habitants du pays o? l'Europ?en est arriv? en intrus ou en conqu?rant, avec des canons et des fusils, et ? ne vouloir conna?tre que les coups comme forme de discussion. Si ce raisonnement ?tait juste, il faudrait admettre la r?ciproque et ne pas crier quand l'?tre inf?rieur se rebiffe, ou, alors, s'il est dans l'impossibilit? de r?pondre, c'est de la l?chet?.

Rien ne m'est plus p?nible que de voir un blanc, un Europ?en, un Fran?ais, frapper, m?me l?g?rement, un pousse-pousse pour le faire aller plus vite.

Je r?p?te que le cas est tr?s rare et que ce sont les tout jeunes gens irr?fl?chis qui se livrent ? ces actes de brutalit? qui ont, en outre, l'inconv?nient d'?tre impolitiques au plus haut point. De petites causes peuvent produire un effet d?sastreux et la violence d'un isol? peut avoir des cons?quences incalculables pour la communaut?.

LA COLONIE FRAN?AISE A P?KIN

La l?gation de France, reconstruite, comme la plupart des autres, apr?s les ?v?nements de 1900, est, si on la compare ? ses voisines qui lui servent de repoussoir, d'une grande sobri?t? de lignes. Son auteur n'avait pas encore invent? le style Falli?res. Par un hasard inconcevable, elle est la seule dont l'entr?e soit agr?ment?e de tas de cailloux, destin?s ? l'entretien de la rue. Et ces cailloux doivent ?tre l? depuis longtemps, car, ? mon arriv?e, il y a un mois, une v?g?tation assez luxuriante les ornait d?j?.

C'est un coin bien parisien, et les jeunes attach?s, en passant devant cet encombrement provisoire, peuvent r?ver du Boulevard qu'ils viennent de quitter.

Notre sympathique ministre, M. de Margerie, n'assistera pas ? la mise en oeuvre de ces mat?riaux, car, appel? ? un poste important au minist?re des Affaires ?trang?res, il quitte P?kin dans quelques jours, au grand regret de tous les Fran?ais, des Europ?ens et aussi des Chinois, qui avaient pu appr?cier son caract?re ? la fois ferme et conciliant, sa droiture et son exquise urbanit?.

En attendant l'arriv?e de son successeur, la l?gation sera g?r?e par le premier secr?taire, M. F. Georges-Picot, fils de l'illustre ?conomiste, membre de l'Institut.

M. Georges-Picot, qui fut d?j? charg? d'affaires lors du d?part du pr?d?cesseur de M. de Margerie, est la distinction et l'am?nit? m?mes, ce qui n'exclut pas, chez lui, la volont? et la force de caract?re. C'est une belle et fine figure de diplomate, et je le vois tr?s bien dessin? par Ingres, en habit ? haut collet, culotte et bas de soie.

M. de Margerie, qui est le beau-fr?re de Rostand, a pour secr?taire particulier son neveu, M. G?rard Mante, jeune, fougueux, sportif et charmant, le plus agr?able compagnon d'excursion qui se puisse voir.

L'?l?ment militaire est repr?sent? par le commandant Vaudeseal, le m?decin-major de premi?re classe Hazard, le capitaine Collardet, brevet? d'?tat-major, attach? militaire, le capitaine Renaud, les lieutenants Marquer, Delafond, M?nigoz, Klepper, Grovalet et l'aide-major Guy, qui ont, presque tous, d?j? vu le feu, soit ici, soit au Tonkin ou en Afrique, et qui sont pr?ts ? faire leur devoir, vaillamment et gaiement, ? la fran?aise, d?s que l'occasion s'en repr?sentera.

Mmes de Margerie et Georges-Picot ?tant, depuis quelque temps, rentr?es ? Paris, la partie f?minine des habitants de la l?gation de France se trouvait r?duite, ces jours derniers, ? la toute gracieuse Mme Collardet, qui, ? son tour, vient de quitter P?kin pour aller, avec ses enfants, passer les mois de grosse chaleur ? Chan Ha? Kouan, au bord de la mer, dans une pagode transform?e en maison de campagne.

Chan Ha? Kouan, ? douze heures de chemin de fer de P?kin, est le Trouville du Tch? Li; c'est l? que la Grande Muraille vient aboutir ? la mer. Les r?sidants qui peuvent quitter la capitale pendant quelques semaines y vont, ? la chaude saison se reposer et respirer autre chose que de la poussi?re. Ceux que leurs occupations retiennent ? la ville y envoient leurs femmes et leurs enfants; le vendredi ou le samedi ils prennent le train des maris et reviennent, le lundi, ? leurs bureaux. Quelques-uns, plus fortun?s ou jouissant de plus de loisirs, vont passer l'?t? au Japon.

Au bord de la mer, comme ? Tien Tsin ou ? P?kin, les distractions mondaines tiennent une large place dans l'existence de la population europ?enne.

Les visites, les th?s, les d?ners, les r?ceptions, le cheval, l'escrime, le tennis, le bridge, les courses et les r?unions sportives, sans oublier la chasse et les excursions, s?vissent, dans toute l'?tendue de l'extraordinaire garnison internationale, avec autant d'intensit? et d'entrain que dans nos villes d'eaux les plus fr?quent?es. Il ne manque ici que le th??tre,--cela pour ceux dont le th??tre est la grande distraction.

Je n'ai pu, faute de temps, me mettre en relations avec tous les Fran?ais de P?kin, et je le regrette vivement, ceux que j'ai pu conna?tre m'ayant fait bien augurer des autres et m'en ayant dit beaucoup de bien. Je vous citerai pourtant les noms de MM. Cazenave, ancien ministre pl?nipotentiaire, directeur de la Banque de l'Indo-Chine, Piry, directeur, et Roux-Lacordaire, sous-directeur des postes chinoises, Millorat, directeur du chemin de fer du Chan Si, Delon, de la poste fran?aise, vieux Parisien, quoique m?ridional, de Rotrou, inspecteur du Chemin de fer P?kin-Hankeou, Redelsperger, etc.

Je m'en voudrais d'oublier dans cette rapide ?num?ration deux jeunes gens de passage ici, deux Fran?ais de la bonne esp?ce, comme on aime ? en rencontrer en pays ?trangers o? ils sont de vivants et sains ?chantillons de notre race bien portante de corps et d'esprit.

L'un, M. F. Bernot, agr?g? de l'Universit?, est titulaire d'une bourse de voyage qui lui permet de faire, en deux ans, le tour du monde ? son gr?, ? sa fantaisie, sans obligations, sans programme si ce n'est celui-ci: <> Voil? qui est autrement compris que notre prix de Rome, si surann?. M. Bernot est arriv? ? P?kin quelque temps avant les troubles de f?vrier dernier. Il a assist? ? quelques nuits tragiques, ? des journ?es mouvement?es, ce qui ne l'a pas emp?ch? d'?tre, comme tant d'autres, s?duit par ce pays, et il y est encore.

L'autre, M. L. Aurousseau, est laur?at de l'?cole des Langues orientales et pensionnaire de l'?cole fran?aise d'Extr?me-Orient ? Hano?. Il est charg? de rechercher, en Chine, pour la biblioth?que de ce dernier ?tablissement, des ouvrages et des manuscrits, des ?ditions rares, des textes anciens. C'est un digne ?mule de Pelliot: il en a la science, l'ardeur et le courage: le succ?s viendra.

LE CHAPITRE DES TOILETTES

La tr?s importante question des toilettes prend des proportions insoup?onn?es pour mesdames les r?sidantes. Elles sont oblig?es d'avoir recours ? toutes sortes de combinaisons pour recevoir de Paris leurs robes et leurs chapeaux avant qu'ils soient d?mod?s. La France, on ne sait pourquoi, est le seul pays d'Europe qui n'exp?die pas ses colis postaux en Extr?me-Orient par le Transsib?rien. Ce service se fait par mer. La dur?e du voyage ?tant de quarante jours environ, de Marseille ? P?kin, au lieu de treize que met le chemin de fer, vous pouvez vous rendre compte de ce que doit souffrir, ici, une pauvre ?l?gante attendant un envoi de sa couturi?re ou de sa modiste. Consid?rez qu'une lettre met, par la Sib?rie, quinze jours pour aller du quartier des L?gations ? la rue de la Paix; admettez que la commande soit claire et ne donne lieu ? aucune m?prise; supposez qu'il n'y ait aucun retard et que le travail soit fait en huit jours; il faut aussi que l'exp?dition co?ncide avec le d?part d'un paquebot ; ajoutez les quarante jours de mer; cela donne, en mettant les choses au mieux, deux bons mois pendant lesquels tout peut avoir ?t? boulevers? dans la mode.

C'est l? un douloureux probl?me que quelques maisons de commerce essaient de r?soudre en adressant le pr?cieux colis ? leur correspondant de Berlin ou de Moscou qui se chargera de le r?exp?dier en Chine par ce Transsib?rien interdit aux postaux fran?ais. Mais c'est encore une perte de temps consid?rable et, pour peu que la malechance s'en m?le, il peut arriver que ce soit aussi long que par le bateau, et m?me plus.

Pour une l?g?re robe de soir?e, le meilleur moyen est encore de se la faire envoyer sous enveloppe affranchie comme lettre recommand?e,--via Sib?rie. On a droit ? un kilogramme. Au besoin on peut diviser l'objet en deux parties qu'on rajustera facilement ? la r?ception. Du reste, aujourd'hui, il ne doit pas y avoir beaucoup de robes--de robes du soir, surtout--qui p?sent un kilo. Pour les chapeaux, le moyen est absolument impraticable, car, bien qu'il n'y ait pas de limites comme dimensions, la poste refuserait un pli n'ayant pas, au moins vaguement, la forme et l'aspect d'une lettre.

Vous le voyez, tout n'est pas rose pour ces malheureuses femmes. L'arriv?e d'une voyageuse ?l?gante est toujours, pour, elles, un ?v?nement consid?rable et d'un passionnant int?r?t. Les moindres d?tails de la toilette nouvellement d?barqu?e sont aussit?t, de leur part, l'objet d'un examen minutieux et approfondi; rien ne leur ?chappe, en ce fi?vreux inventaire, des plus l?gers changements survenus dans la coupe d'un revers, la hauteur d'une martingale, la fa?on de ne pas boutonner un gant, de nouer et d'?pingler la voilette, dans les mille petites particularit?s, enfin, de l'?quipement f?minin sur quoi les moniteurs illustr?s de la Mode fugace ne donnent, pour ne pas se compromettre, que de rares et vagues renseignements.

A la suite de ces constatations on peut souvent, par des moyens de fortune, faire subir ? une toilette de rapides transformations qui permettront de ne pas avoir l'air trop en retard sur la nouvelle venue. Pensez donc que, si le sac ? main, par exemple, venait ? ?tre supprim?, ou les fleurs sur les chapeaux r?tablies, on ne le saurait, ici, que quinze jours plus tard, ? moins qu'une amie v?ritable ne vous en pr?vienne par un t?l?gramme ? cent sous le mot.

Les plus sportives parmi les r?sidantes font, ? cheval, des promenades aux environs; mais il faut ?tre vraiment passionn? d'?quitation, car je ne connais rien d'abominable comme les routes de ce pays. Que ce soit ? l'int?rieur de la ville ou dans la campagne, c'est la poussi?re--et quelle poussi?re!--ou la boue,--et quelle boue! Il est vrai que, hors de l'enceinte, les chemins sont tr?s peu fr?quent?s et qu'on laisse derri?re soi sa propre poussi?re; mais, rien que pour sortir de P?kin, il faut faire 4 ou 5 kilom?tres au milieu de la cohue, dans le suffocant et malodorant nuage jaune soulev? par les charrettes, les pousse-pousse, les pi?tons, les ?nes, les chevaux, les mulets et les chameaux.

Quand le vent s'en m?le, il n'y a qu'? rester chez soi.

Aussi le tennis est-il le sport le plus appr?ci?. Il compte de tr?s nombreux fervents, parmi lesquels jusqu'? des Chinois et des Chinoises, ?pris de modernisme. Dans les diff?rents clubs de P?kin, les parties quotidiennes sont tr?s anim?es. Autour des joueurs on prend le th? et l'on bavarde pendant qu'un orchestre chinois des plus europ?anis?s fait entendre, aux jours de r?ceptions, des danses am?ricaines ou des airs de caf?-concert allemand.

DERNI?RES HEURES DE P?KIN

Le jour du d?part est arriv? bien vite. Nous sommes all?s, hier soir, avant d?ner, prendre l'air sur la muraille dont le fa?te dall?, large comme une avenue, ?merge au-dessus de l'habituelle couche de poussi?re. Apr?s la lourde chaleur de la journ?e il faisait relativement frais dans la faible brise du nord qui ?loignait de nous les fum?es de l'odieuse gare coll?e au long du rempart mandchou.

Du quartier commer?ant de la ville chinoise, par del? Tien Men, monte, att?nu?e, l'incessante clameur du peuple myst?rieux. Les lampes ?lectriques s'allument. Une publicit? lumineuse ? ?clipses, au coin de la rue des Lanternes, jette, ? intervalles r?guliers, ses aveuglants ?clats dans la poussi?re du carrefour. De temps en temps, ? nos pieds, siffle une locomotive en manoeuvre. Dans le ciel, encore clair, du couchant, au-dessus de la formidable silhouette de la porte imp?riale, un vol d'aigrettes passe, semblant surgir des toitures d'or de la Ville Interdite qu'on distingue confus?ment dans l'ombre croissante. A l'int?rieur de la muraille, les b?timents et les jardins des L?gations et l'horrible b?tisse des Wagons-Lits ont presque disparu dans la nuit, mais les alignements des fen?tres en sont brutalement indiqu?s par l'?clairage int?rieur, et de puissantes lampes ? are d?coupent de dures ombres aux murs et sur le sol, pendant que l'obscurit? s'?paissit sur les dalles d?nivel?es et sur les cr?neaux d?labr?s envahis par des v?g?tations de ruines.

On ne peut pas venir ? P?kin sans go?ter aux fameux nids d'hirondelle, ailerons de requin, pousses de bambou et autres mets c?l?bres. Nous sommes donc all?s, en compagnie de M. et Mme O'Neil et de M. Baudez, d?ner dans un des grands restaurants de la cit? commer?ante. Tout le monde a entendu parler des innombrables et invraisemblables plats qui composent un menu chinois. Je ne vous donnerai donc pas la longue liste de ce qu'on nous a servi, dans le salon ?clair? ? l'?lectricit? et d'une salet? bien locale, o? notre couvert se trouva mis. Sur une nappe plus que douteuse ?taient amoncel?s, dans de petites soucoupes, les trente ou quarante vari?t?s de sucreries, salades et fruits qui sont les hors-d'oeuvre. Devant chaque convive, ? c?t? des b?tonnets d'?b?ne, une provision de petits carr?s de papier pour s'essuyer les doigts et la bouche.

Sous la direction d'un ma?tre d'h?tel ? la natte somptueuse et au sourire engageant, les plats d?filent, d?filent, tous moins excitants les uns que les autres. A part quelques fruits confits et des foies de canards vraiment d?licieux, je n'ai rien trouv? de mangeable dans toutes ces extravagances. Je ne serais m?me pas ?loign? de croire que les malicieux Chinois se moquent de nous en nous les servant. Il n'est pas possible qu'ils mangent toutes ces choses-l?, et, pour moi, c'est une cuisine qu'ils ont invent?e ? l'usage des voyageurs avides d'?tranget?s et d?sireux de pouvoir raconter, en rentrant chez eux, des choses extraordinaires.

Ce qu'il y a de certain, c'est que toutes ces nourritures affolantes sont tr?s mauvaises, du moins ? mon go?t, car le m?nage O'Neil pr?tend se r?galer.

Le retour en pousse-pousse, la nuit, par les ?troites rues encombr?es d'une cohue glapissante, est une des choses les plus fantastiques qui se puissent voir. Ah! dans l'ombre, les ?tranges faces aux yeux de myst?re, aux regards de chats! Une sorte d'angoisse finit par vous p?n?trer et vous ?treindre au milieu de ce grouillement dans l'obscurit?; ces hurlements, ces vocif?rations forcen?es, qu'on est port? ? croire hostiles, cette foule s'ouvrant de mauvaise gr?ce pour vous laisser passer et se refermant sur vous avec, semble-t-il, des airs de menace, vous donnent une sensation de cauchemar, et c'est avec un r?el soulagement que je me suis retrouv? dans le calme quartier des L?gations.

Le thermom?tre marque, aujourd'hui, 42? ? l'ombre. Dans les bureaux de la banque o? je suis all? retirer mes fonds avant le d?part, les employ?s anglais, en bras de chemise, fument leurs pipes en attendant l'heure du tennis. Les commis chinois, du bout d?li? de leurs doigts de pianistes, manipulent les billes des abaques sur lesquels ils semblent ex?cuter de vertigineuses symphonies financi?res.

Viennent ensuite ceux de qui d?pendent la r?ussite dans les examens, l'obtention des charges et honneurs, la richesse et le bonheur , la post?rit?. Les vertus et les talents sont moins demand?s et une ?paisse couche de poussi?re emp?che de se rendre un compte exact de la sp?cialit? des autres influences divines.

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