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Read Ebook: L'Illustration No. 3659 12 Avril 1913 by Various

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Ebook has 226 lines and 20035 words, and 5 pages

L'int?rieur du ballon est particuli?rement curieux ? visiter. On marche sur un plancher ?troit et brillant en aluminium ondul?, tandis qu'autour et surtout au-dessus de soi, s'enchev?trent ces minuscules mais si nombreuses poutres arm?es, toutes du m?me gabarit, ? ?l?ments interchangeables, qui constituent une des particularit?s de la construction du Zeppelin. Le m?tal employ? est toujours le m?me <>.

C'est tr?s soign?, parfaitement ?tabli comme <>; mais les ing?nieurs fran?ais comp?tents pr?tendent qu'aucun calcul raisonn? n'a pr?sid? ? l'?tablissement des r?sistances de cet ensemble.

Au centre du couloir se trouve la chambre du capitaine; on y remarque un altim?tre enregistreur, un peu plus loin, des water-closets tr?s modernes; une cabine noire, chambre ? photographie avec tous ses accessoires pour d?veloppements et tirages rapides; enfin un autre local de 1 m. 75 sur deux environ, contenant l'installation de la t?l?graphie sans fil, dont l'antenne, suspendue au-dessous de cette chambre sp?ciale, est fix?e au centre d'un ?norme isolateur en verre blanc.

Aux parois ajour?es du couloir sont accroch?s en ordre parfait, cordages, pi?ces de rechange, pics, pioches, etc. Enfin, voisinant avec la nacelle avant, entre deux ballonnets, un puits m?tallique grillag? ovale monte vers le fa?te du dirigeable pour d?boucher sur sa partie sup?rieure o? se trouve am?nag?e une petite plate-forme de 8 ? 10 m?tres carr?s, portant un l?ger bastingage. Cette plate-forme, qui ?tait nue, est destin?e certainement ? porter une ou deux mitrailleuses, tandis qu'on pourrait ?galement en installer deux autres dans les nacelles.

L'agencement de d?tail est remarquablement ?tudi?, il y a un luxe d'instruments enregistreurs, barom?tres, thermom?tres, tachym?tres, etc., qui t?moigne d'une mise au point tr?s minutieuse.

C'est d'une tr?s belle fabrication. On sent l'?norme et persistant effort, mais on ne peut croire ? la grande solidit? de l'engin. Nous avons pu, en effet, constater, ? la suite de l'atterrissage de Lun?ville, que les deux nacelles ?taient endommag?es, disloqu?es; les montants ?tablis en tubes ovales ?taient repli?s sur eux-m?mes; tout l'arri?re du ballon ?tait d?form?, particuli?rement ? l'endroit des ballonnets 4 et 5. A l'int?rieur, on remarquait quelques-unes des minces poutrelles arm?es, tordues et d?form?es. Or, l'atterrissage effectu? ? Lun?ville, s'il fut un peu brutal, est un de ceux que doit pouvoir supporter un a?ronat surtout muni d'?normes amortisseurs pneumatiques de nacelles, comme ceux que poss?de le Zeppelin.

C'est pourquoi, en voyant le dirigeable en cet ?tat, nous nous sommes demand?, si, pr?c?demment ? l'atterrissage de Lun?ville, le Zeppelin n'aurait pas subi un choc, ce qui pourrait ?tre dans le domaine des choses possibles; ou alors, faudrait-il attribuer cet ?tat ? une d?formation soudaine en l'air d'une partie de cet ensemble rigide? Serait-ce alors l'explication de l'inclinaison inqui?tante remarqu?e au-dessus du fort de Manonvillers? Suppositions, c'est entendu, mais bien plausibles. Car, si l'?tat lamentable du Zeppelin est d? seulement ? l'atterrissage, c'est la preuve d'une fragilit? inqui?tante.

Nous avons dit l'?motion caus?e ? la population lun?villoise par l'arriv?e du Zeppelin. Cette ?motion se transforma en une sorte d'hostilit? retenue ? l'?gard des a?ronautes, et le service de surveillance fut deux fois utile autour du ballon, car les officiers profit?rent en m?me temps de cette protection.

L'un d'eux, apr?s l'atterrissage, voulut aller lui-m?me d?poser une d?p?che au t?l?graphe; on l'y autorisa, et le maire, le baron de Turckheim, l'accompagna; mais, aussit?t ? la poste, un rassemblement de quelques centaines de personnes se forma et on dut prendre des pr?cautions pour prot?ger la sortie de cet officier, qui, avec ses camarades, avec, aussi, les m?caniciens et le pilote, passa la nuit debout ? c?t? du Zeppelin.

Dans le brouillard humide, la nuit fut longue et, jusqu'au matin, en attendant l'arriv?e du g?n?ral Hirschauer, inspecteur permanent de l'a?ronautique, et de la commission militaire, les a?ronautes allemands se promen?rent, renferm?s dans un mutisme persistant, aupr?s des groupes d'officiers fran?ais.

Le pilote Glund r?clama cependant quelquefois aupr?s du capitaine de service, lorsque quelque visiteur p?n?trait dans les nacelles, ce pourquoi il faisait des r?serves que l'officier fran?ais ne manquait pas d'enregistrer fort courtoisement aussit?t.

A 6 heures du matin, le g?n?ral Hirschauer arriva. Il s'enquit d'abord des besoins que pouvaient avoir les officiers allemands, le pilote et les m?caniciens, puis, accompagn? de sa suite, il visita en d?tail le ballon. D'abord la nacelle avant o? il examina les appareils de contr?le, les cartes, diff?rents papiers, ensuite l'int?rieur du dirigeable. Mais, ? aucun moment, il n'appela le pilote pour lui fournir des pr?cisions. A 7 heures moins le quart, la visite ?tait termin?e, et le g?n?ral Hirschauer partait avec le sous-pr?fet, M. Lacombe, conf?rer avec le g?n?ral Lescot, commandant la place, et r?diger son rapport au gouvernement.

A 7 h. 1/2 du matin, une ?quipe de vingt hommes, venus du Corps a?ronautique allemand de Strasbourg la veille au soir par le train, fut autoris?e ? p?n?trer sur le champ de manoeuvres pour aider l'?quipage. Il ?tait, en effet, permis au pilote Glund de reprendre possession de son dirigeable, et on lui rendit les bougies d'allumage enlev?es la veille aux moteurs.

Pendant trois heures on proc?da ? la mise en ?tat et surtout aux r?parations des poutres arm?es qui ?taient bris?es,--gr?ce ? des attelles de fortune, constitu?es par de jeunes troncs d'arbres qui furent plac?s ? l'int?rieur du Zeppelin et solidement fix?s aux parties endommag?es.

Ceci, tandis qu'une autre ?quipe allait ? la gare pour y recevoir un wagon charg? de tubes d'hydrog?ne comprim?, lequel, parti dans la nuit de Friedrichshafen, ?tait arriv?--comme train sp?cial--? 10 heures du matin ? Lun?ville. Les Allemands nous donn?rent ainsi une merveilleuse le?on de c?l?rit?, non seulement par le fait d'avoir si vite dirig? un chargement complet de 200 tubes, consid?r?s comme explosifs, mais aussi en r?alisant ce <> de les d?barquer hors du wagon, de les v?hiculer sur des camions de fortune, d'emmener le tout sur le champ de manoeuvres, de r?unir entre eux les tubes et de fournir environ 1.000 m?tres cubes d'hydrog?ne pur, au dirigeable ?puis?, dans un espace de deux heures. Car ? midi un quart le ravitaillement ?tait termin?.

Une heure auparavant, trois points noirs, qui, peu ? peu, s'en allaient grandissant, avaient paru ? l'horizon. Et ce furent aussit?t des acclamations enthousiastes, d?lirantes. La foule avait reconnu nos avions militaires, trois biplans de l'escadrille a?rienne d'?pinal qui venaient, dans un vent de 16 m?tres ? la seconde, survoler le Zeppelin et atterrir correctement dans la ligne du ballon.

De Paris, vers 11 h. 15, ?tait arriv? l'ordre de lib?rer le dirigeable avec son ?quipage civil. Quant aux militaires, ils devaient ?tre reconduits ? la fronti?re.

Mais une difficult? subsistait. L'un des officiers, le capitaine Fritz George, ?tait en possession d'un document dont il avait d?clar? ne pas vouloir se dessaisir. Il en avait seulement montr? la suscription: c'?tait le cahier des charges impos? par l'autorit? militaire ? la Soci?t? Zeppelin.

L'int?r?t de conna?tre cette convention ?tait relatif; cependant il ?tait peut-?tre utile de savoir les conditions impos?es aux Zeppelins pour leurs r?ceptions et entre autres la vitesse obligatoire pour ces dirigeables. Car les instruments de mesure auxquels nous faisions allusion tout ? l'heure ne donnant que des indications d'approximation, pouvant ?tre corrig?es ou ?talonn?es, il n'e?t pas ?t? indiff?rent d'avoir une pr?cision.

Bref, ce d?tail fut r?gl? ? la satisfaction de tous, nous dit-on, par la communication au g?n?ral Lescot du document et la d?claration d'honneur du capitaine Fritz George, que ni lui, ni ses compagnons, n'avaient fait d'observation concernant la d?fense nationale.

Tandis qu'avait lieu ce conciliabule entre militaires le pilote Glund faisait conna?tre que son heure de d?part ?tait fix?e ? 1 h. 1/2 de l'apr?s-midi. La nouvelle se r?pandit dans le public, et, sur le champ de manoeuvres, il resta peu de curieux, toujours maintenus, d'ailleurs, par les soldats. Le pr?fet, les g?n?raux, diff?rentes autorit?s, partirent d?jeuner tranquilles.

Mais la d?claration du pilote ?tait une feinte, qu'il eut raison d'adopter ? notre avis, ? moins que sa montre ne f?t r?gl?e, ce qui ?tait possible, sur l'heure de l'Europe centrale. Il nous sembla, plut?t, que le capitaine de r?serve Glund se rendait parfaitement compte que les sentiments de la population ne lui ?taient pas favorables. C'est pourquoi, soudain, vers midi et demi, alors que nous ?tions quelques rares ? assister ? ces pr?paratifs, on vit l'?quipage manoeuvrer pour quitter l'ancrage; le ballon resta maintenu par les soldats. Le pilote pr?vint ceux-ci, sans leur dire toutefois que le d?part ?tait imminent. Sur un coup de sifflet bref, ? midi 35, les deux moteurs furent embray?s et acc?l?r?s. Un peu brusquement, et projet?s en ?ventail, les soldats durent l?cher prise, tandis que le Zeppelin prenait de l'altitude assez rapidement. Le public, surpris, manifesta bruyamment, mais ce fut pis encore, lorsque, quelque temps apr?s, les officiers allemands, accompagn?s du commissaire sp?cial de Lun?ville, partirent en automobile vers la fronti?re. Une double rang?e de dragons retenait la foule, tandis que, rapide, s'?loignait l'auto.

Avant de partir, le pilote Glund avait fait remettre au maire de Lun?ville 2.000 francs pour les pauvres de la ville et il avait consign? 7.600 francs pour droits de douane du ballon.

Un dernier incident se produisit apr?s ce double d?part. Un ing?nieur de la fabrique de moteurs allemands dont ?tait muni le Zeppelin eut maille ? partir avec le public, parce que, ? tort du reste, il voulait emp?cher de photographier le moteur abandonn? par le dirigeable, souvenir de l'incursion du Zeppelin. Prot?g? par les cavaliers, l'ing?nieur dut rapidement partir en automobile avec des amis.

Ainsi se termina heureusement cet atterrissage inopin? d'un dirigeable allemand dans une de nos villes-fronti?res o? il faut compter avec l'esprit de la population, prompte ? l'emballement parce que vivant depuis quarante ann?es dans un ?tat de tension continuelle.

Le pilote du Zeppelin et son ?quipage peuvent aussi s'estimer satisfaits d'avoir ?t? favoris?s par le temps au cours de cette aventure. On ne sait, en effet, ce qu'il serait advenu, si, un fort vent s'?tant mis ? souffler, on e?t ?t? oblig? de d?gonfler sur place le dirigeable! Il y en avait pour des semaines de d?montage et d'autres difficult?s auraient peut-?tre surgi.

Il reste maintenant ? savoir, et c'est un point de vue qui inqui?te l'opinion allemande, si le fait de l'atterrissage voulu ou forc? du Zeppelin ? Lun?ville a livr? ? nos ing?nieurs les secrets de construction de cet a?ronat.

En dehors de nos officiers, deux de nos ing?nieurs sp?cialistes ?taient venus ? Lun?ville pour visiter le Zeppelin. C'?taient M. Julliot, de la maison Lebaudy fr?res, et M. Sabattier, des usines Bayard-Cl?ment. Avec eux, nous avons v?cu sur le champ de manoeuvres de Lun?ville, et nous pouvons affirmer qu'ils n'ont ni rempli leurs carnets de croquis, ni us? des centaines de plaques photographiques. Ils se sont content?s de regarder, ce qui a sembl? leur suffire.

L'un et l'autre connaissaient d?j? le Zeppelin. Ils ont eu le loisir de le voir de plus pr?s et plus longtemps, voil? tout.

Mais il est bien certain qu'ils n'ont pas ?t? frapp?s au cours de cet examen par la r?v?lation subite d'une construction inattendue qui appara?trait pour la premi?re fois ? leurs yeux comme une extraordinaire r?alisation.

Nous croyons que le g?nie fran?ais et le talent de nos ing?nieurs nous permettront toujours de rivaliser, en mati?re de dirigeables, avec ce qui se construit de l'autre c?t? de la fronti?re.

Seulement, nous proc?dons d'une autre ?cole, et ce qui nous donne une inf?riorit?, c'est que nous ne poss?dons pis les cr?dits suffisants pour construire des unit?s rapides et nombreuses afin de mettre sur pied une escadre a?rienne de dirigeables aussi imposante que la flotte allemande. Il appartient aux Chambres d'en d?cider autrement. Ce jour-l? les qualit?s de nos dirigeables ne le c?deront en rien ? celles des Zeppelins allemands.

PAUL ROUSSEAU.

DANS ANDRINOPLE PRISE D'ASSAUT

Nous publions cette semaine la premi?re partie du r?cit de notre envoy? sp?cial ? Andrinople, Gustave Babin. La suite sera illustr?e de dessins de notre second envoy?, l'artiste-peintre Georges Scott, qui, apr?s avoir visit? les forts pris d'assaut, en compagnie de M. Messimy, ancien ministre de la Guerre, et de M. B?nazet, rapporteur du budget de l'arm?e, s'est rendu avec eux jusqu'? Tchataldja.

Cette publication nous emp?che encore de donner dans ce num?ro la seconde partie de la relation du sensationnel voyage <>, de notre confr?re am?ricain, M.. Paul Scott Mowrer.

BELGRADE ET SOFIA APR?S LA VICTOIRE

Sofia, 30 mars.

Un printemps doux, pr?coce. A mesure que, quittant l'ombre glac?e des Karpathes, on redescend dans la plaine, vers les luxuriantes vall?es du Danube et de la Save, charg?es d?j? des espoirs de la moisson prochaine, les tendres verdures dont se parent les bouleaux et les saules se font plus touffues, plus vigoureuses; ? la blancheur neigeuse des amandiers, jaillis du milieu des vignes d?nud?es qu'on s'occupe ? soigner avec sollicitude, se m?le l'incarnat des p?chers ?panouis, les uns par?s du rose d?faillant des roses de France, d'autres empanach?s de pourpre, pareils ? de belliqueux plumets. Et, comme si toutes les mains en pleine vigueur n'avaient pas l?ch? les mancherons de la charrue pour saisir le fusil, tous les champs de Serbie s'?maillent de l'?meraude violente des jeunes bl?s qui pointent, ensemenc?s, fraternellement, pour les absents par ceux qui demeurent aux villages, les trop vieux, les trop jeunes, les trop faibles, les vieillards, les enfants, les femmes. Rien ne r?v?le un pays engag?, depuis six mois, dans la plus implacable des guerres.

Belgrade, la capitale, la ville o? devrait battre, plus ardent, le coeur de la patrie, si d?cim?e et si heureuse, offre un spectacle plus ?tonnant, plus d?routant encore.

Je l'avais surprise, nagu?re, au lendemain d'un drame farouche, dont plus rien ne subsiste, pas m?me le petit konak aux grilles enguirland?es de corolles couleur de sang, ? peine un souvenir qui va s'effa?ant, d?lav?, submerg? dans la m?moire des hommes par le flux des r?cents et glorieux holocaustes,--je l'avais surprise dansant et chantant. Je l'ai retrouv?e, cette fois, au passage, au lendemain de tant d'?v?nements illustres, d'une d?concertante impassibilit?, silencieuse, grave, sto?que, et dissimulant ? la fois sa joie et ses douleurs.

Les rues, embellies, depuis tant d'ann?es, au point d'?tre m?connaissables, avaient leur mouvement paisible d'autrefois. Les passants y vaquaient sans h?te ? leurs affaires. Les soldats qui passaient, l'arme ? la bretelle, pouvaient, tout aussi bien qu'en temps de paix, aller ? quelque fastidieuse corv?e de place. Seulement, certains d'entre ces hommes en capotes de bure, boitant beaucoup, s'appuyaient sur une canne, portaient l'un ou l'autre bras en ?charpe ou promenaient des fronts ceints de linges blancs.

Au Kalimagdan--le jardin verdoyant qui domine la d?su?te forteresse du Prince-Eug?ne et d'o? l'on d?couvre l'un des plus grandioses panoramas du monde sur le fleuve aux eaux jaunes et son affluent, sur la fronti?re mena?ante d'en face, qui enserre, avec tant de jalousies et de haines, tant de candides sympathies--des enfants jouaient, bien sagement, sans cris, sous l'oeil baiss? des m?res; des bless?s allaient et venaient; des hommes contemplaient, pensifs, accoud?s au parapet, le pays d'en face, Semlin, si proche, qui s'embrumait au d?clin, la rive o? sont tapis les torpilleurs autrichiens aux aguets. Mais pas de conversations bruyantes, pas d'?clats, point de grands airs arrogants de vainqueurs, point d'airs pench?s et douloureux non plus. Aux fa?ades, pas un drapeau,--hormis quelques longues banni?res de cr?pe qui se balan?aient en signe de deuil pour la mort du roi Georges de Gr?ce.

Pourtant, alors que la guerre, ? son compte, ?tait virtuellement termin?e, la Serbie venait de prendre une pari m?ritoire ? l'assaut d'Andrinople, o?, fid?le, elle pr?tait son aide ? l'alli?e; pourtant, des milliers encore de ses enfants ?taient tomb?s dans ce supr?me effort; pourtant, on attendait, la nuit suivante, quatre ou cinq trains charg?s de bless?s que nous allions, un peu plus tard, entendre pieusement acclamer, dans les gares de la ligne, et pour lesquels, dans les h?pitaux, on pr?parait des couches...

Sofia pr?sente un aspect diff?rent. Sans arrogance, quatre jours apr?s la victoire, on s'y r?jouit encore, visiblement, du d?cisif succ?s que vient de remporter l'arm?e. La gare est pavois?e; les trois couleurs flottent encore, ? la bise assez aigre ce matin, aux fa?ades des ?difices publics, aux grilles du square, en face le palais royal, ? maints balcons. Et ce n'est gu?re que d'hier que des d?monstrations plus bruyantes ont pris fin. On a promen? dans les rues des ?tendards; on a chant?, illumin?; on a manifest? en foule, au pied de la statue d'Alexandre II, le <>.

Et cela est l?gitime, et ces marques d'?motion que donne le peuple bulgare le rapprochent de nous, ?videmment, accusant des traits de ressemblance, des fa?ons communes de sentir, de vibrer, comme elles accentuent la diff?rence profonde qui existe entre lui et ses voisins les Serbes.

LA VILLE CONQUISE

Andrinople , 5 avril.

On n'approche pas sans ?motion d'une ville ainsi emport?e violemment, apr?s six mois d'angoisses et de souffrances. Quel amas de ruines s'amoncelle au del? de l'horizon? Quels cort?ges de spectres h?ves r?dent parmi ces d?combres?

Eh bien, non! A d?couvrir de loin Andrinople vaincue, ? travers les p?les verdures des bouleaux et des saules qui la paraient comme d'un voile de jeunesse, nos appr?hensions d'un coup s'?vanouissaient. Dieu! qu'elle nous apparut jolie, s?duisante, ? la fin d'une douce apr?s-d?n?e de printemps, v?tue de gris tendre, de bleu de lin, de mauve, allong?e, languide ainsi qu'une convalescente, au fond de l'opulente plaine, et dressant orgueilleusement dans un ciel tendre sa mosqu?e dominatrice, <>, sa coupole ? l'orbe harmonieux et le quadruple miracle de ses minarets, lanc?s vers le z?nith comme des javelots. Et, rassur?s, remis des inqui?tudes que nous avaient fait concevoir les premi?res et h?tives narrations, nous nous disions que nous avions ?t? bien fous de nous alarmer ainsi, et de concevoir, seulement, la possibilit? que des hommes d'? pr?sent, des hommes qui se r?clament de la culture qu'ils sont venus chercher dans la douce France, avaient pu insulter ? tant de beaut?.

De fait, les Bulgares n'ont pas bombard? Andrinople, au sens propre du mot. On compterait, dans la ville enti?re, les bombes qui ont produit quelques ravages appr?ciables. On pourrait presque, pour d?signer ces tirs, employer l'expression maritime de <>. Ils avaient bien plut?t pour but d'effrayer la population, de la d?terminer, s'il se pouvait, ? faire pression sur l'autorit? militaire et ? la d?cider ? capituler, que de d?truire. Il est certain qu'un bombardement un peu intense--je ne parle pas m?me d'un feu comparable ? celui qui ?crasa A?vas-Baba-Tabia et le saillant nord-est, o? il n'est pas un pouce carr? de terre qui ne soit labour?, retourn?, et comme calcin? par le feu du ciel--e?t an?anti irr?m?diablement cette cit? de 80.000 ?mes, d'?norme ?tendue, objectif trop facile pour les bonnes pi?ces fran?aises et leurs artilleurs exerc?s. Mais dans la ville, nuls d?g?ts graves, ou si peu! On montre ? l'arrivant, comme des curiosit?s, les br?ches aux fa?ades, les vitres ?clat?es, les trous de la chauss?e. Le plus dommageable coup fut, sans doute, celui qui troua la toute gracieuse coupole de la mosqu?e du Sultan S?lim, qui e?t pu l'endommager gravement et ne lui a laiss? qu'une blessure, d'en bas invisible, pour venir ensuite briser, au pied d'un des sveltes et robustes piliers, le pavement.

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