Read Ebook: Mémoires de Vidocq chef de la police de Sureté jusqu'en 1827 tome II by Vidocq Eug Ne Fran Ois
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Ebook has 433 lines and 92791 words, and 9 pages
M?MOIRES
VIDOCQ,
CHEF DE LA POLICE DE SURET?,
JUSQU'EN 1827,
AUJOURD'HUI PROPRI?TAIRE ET FABRICANT DE PAPIERS A SAINT-MAND?.
Que l'on m'approuve ou non, j'ai la conscience d'avoir fait mon devoir; d'ailleurs, lorsqu'il s'agit d'atteindre des sc?l?rats qui sont en guerre ouverte avec la soci?t?, tous les moyens sont bons, sauf la provocation.
M?MOIRES, tome II
TOME SECOND.
PARIS,
TENON, LIBRAIRE-?DITEUR
RUE HAUTEFEUILLE, N? 30.
M?MOIRES
VIDOCQ.
Un rec?leur.--D?nonciation.--Premiers rapports avec la police.--D?part de Lyon.--La m?prise.
A mon r?veil, des mots d'une langue qui m'?tait famili?re, viennent jusqu'? moi.
L'avis ?tait tardif: cependant on se tut. J'entr'ouvris les yeux pour voir la figure de mes compagnons de chambr?e, mais mon lit ?tant le plus bas de tous, je ne pus rien apercevoir. Je restais immobile pour faire croire ? mon sommeil, lorsqu'un des causeurs s'?tant lev?, je reconnus un ?vad? du bagne de Toulon, Neveu, parti quelques jours avant moi. Son camarade saute du lit,... c'est Cadet-Paul, autre ?vad?;....... un troisi?me, un quatri?me individu se mettent sur leur s?ant, ce sont aussi des for?ats.
Il y avait de quoi se croire encore ? la salle n? 3. Enfin, je quitte ? mon tour le grabat; ? peine ai-je mis le pied sur le carreau, qu'un cri g?n?ral s'?l?ve: <
Arr?t?, passage Saint-C?me, chez Ad?le Buffin, je fus conduit ? la prison de Roanne. D?s les premiers mots de mon interrogatoire, je reconnus que j'avais ?t? vendu. Dans la fureur o? me jeta cette d?couverte, je pris un parti violent, qui fut en quelque sorte mon d?but dans une carri?re tout-?-fait nouvelle pour moi. J'?crivis ? M. Dubois, commissaire g?n?ral de police, pour lui demander ? l'entretenir en particulier. Le m?me soir, on me conduisit dans son cabinet. Apr?s lui avoir expliqu? ma position, je lui proposai de le mettre sur les traces des fr?res Quinet, alors poursuivis pour avoir assassin? la femme d'un m??on de la rue Belle-Cordi?re. J'offris en outre de donner les moyens de se saisir de tous les individus log?s tant chez le Juif que chez Caffin, menuisier, rue ?corche-Boeuf. Je ne mettais ? ce service d'autre prix que la libert? de quitter Lyon. M. Dubois devait avoir ?t? plus d'une fois dupe de pareilles propositions; je vis qu'il h?sitait ? s'en rapporter ? moi. <
Le lendemain, je vis le Juif, qu'on nommait Vidal; il m'annon?a que nos amis ?taient all?s loger ? la Croix-Rousse, dans une maison qu'il m'indiqua. Je m'y rendis. On connaissait mon ?vasion, mais, comme on ?tait loin de soup?onner mes relations avec le commissaire g?n?ral de police, et qu'on ne supposait pas que j'eusse devin? d'o? partait le coup qui m'avait frapp?, on me fit un accueil fort amical. Dans la conversation, je recueillis sur les fr?res Quinet des d?tails que je transmis la m?me nuit ? M. Dubois, qui, bien convaincu de ma sinc?rit?, me mit en rapport avec M. Garnier, secr?taire g?n?ral de police, aujourd'hui commissaire ? Paris. Je donnai ? ce fonctionnaire tous les renseignements n?cessaires, et je dois dire qu'il op?ra de son c?t? avec beaucoup de tact et d'activit?.
Deux jours avant qu'on effectu?t, d'apr?s mes indications, une descente chez Vidal, je me fis arr?ter de nouveau. On me reconduisit dans la prison de Roanne, o? arriv?rent le lendemain Vidal lui-m?me, Caffin, Neveu, Cadet-Paul, Deschamps, et plusieurs autres qu'on avait pris du m?me coup de filet; je restai d'abord sans communication avec eux, parce que j'avais jug? convenable de me faire mettre au secret. Quand j'en sortis, au bout de quelques jours, pour ?tre r?uni aux autres prisonniers, je feignis une grande surprise de trouver l? tout mon monde. Personne ne paraissait avoir la moindre id?e du r?le que j'avais jou? dans les arrestations. Neveu, seul, me regardait avec une esp?ce de d?fiance; je lui en demandai la cause; il m'avoua qu'? la mani?re dont on l'avait fouill? et interrog?, il ne pouvait s'emp?cher de croire que j'?tais le d?nonciateur. Je jouai l'indignation, et, dans la crainte que cette opinion ne pr?t de la consistance, je r?unis les prisonniers, je leur fis part des soup?ons de Neveu, en leur demandant s'ils me croyaient capable de vendre mes camarades; tous r?pondirent n?gativement, et Neveu se vit contraint de me faire des excuses. Il ?tait bien important pour moi que ces soup?ons se dissipassent ainsi, car j'?tais r?serv? ? une mort certaine s'ils se fussent confirm?s. On avait vu ? Roanne plusieurs exemples de cette justice distributive que les d?tenus exer?aient entre eux. Un nomm? Moissel, soup?onn? d'avoir fait des r?v?lations, relativement ? un vol de vases sacr?s, avait ?t? assomm? dans les cours, sans qu'on p?t jamais d?couvrir avec certitude quel ?tait l'assassin. Plus r?cemment, un autre individu, accus? d'une indiscr?tion du m?me genre, avait ?t? trouv? un matin pendu avec un lien de paille aux barreaux d'une fen?tre; les recherches n'avaient pas eu plus de succ?s.
Neveu, qui se trouvait parmi les d?tenus extraits en m?me temps que moi pour subir l'interrogatoire, me succ?da dans le cabinet du commissaire g?n?ral. Apr?s quelques instants, je l'en vis sortir fort ?chauff?: je lui demandai ce qui lui ?tait advenu.
Neveu fut frapp? de cette id?e; il t?moignait un vif regret d'avoir repouss? les offres du commissaire g?n?ral; et comme je ne pouvais me passer de lui pour aller ? la d?couverte, je le pressai fortement de revenir sur sa premi?re d?cision; il y consentit, et M. Dubois, que j'avais pr?venu, nous fit conduire tous deux un soir, ? la porte du grand th??tre, puis aux C?lestins, o? Neveu me signala tous nos hommes. Nous nous retir?mes ensuite, escort?s par les agents de police, qui nous serraient de fort pr?s. Pour le succ?s de mon plan et pour ne pas me rendre suspect, il fallait pourtant faire une tentative, qui confirm?t au moins l'espoir que j'avais donn? ? mon compagnon; je lui fis part de mon projet en passant rue Merci?re, nous entr?mes brusquement dans un passage, dont je tirai la porte sur nous, et pendant que les agents couraient ? l'autre issue, nous sort?mes tranquillement par o? nous ?tions entr?s. Lorsqu'ils revinrent, tout honteux de leur gaucherie, nous ?tions d?j? loin.
Deux jours apr?s, Neveu, dont on n'avait plus besoin, et qui ne pouvait plus me soup?onner, fut arr?t? de nouveau. Pour moi, connaissant alors les voleurs qu'on voulait d?couvrir, je les signalai aux agents de police, dans l'?glise de Saint-Nizier, o? ils s'?taient r?unis un dimanche, dans l'espoir de faire quelque coup ? la sortie du salut. Ne pouvant plus ?tre utile ? l'autorit?, je quittai ensuite Lyon pour me rendre ? Paris, o?, gr?ce ? M. Dubois, j'?tais s?r d'arriver sans ?tre inqui?t?.
Je partis en diligence par la route de la Bourgogne; on ne voyageait alors que de jour. A Lucy-le-Bois, o? j'avais couch? comme tous les voyageurs, on m'oublia au moment du d?part, et lorsque je m'?veillai, la voiture ?tait partie depuis plus de deux heures; j'esp?rais la rejoindre ? la faveur des in?galit?s de la route, qui est tr?s montueuse dans ces cantons; mais, en approchant Saint-Brice, je pus me convaincre qu'elle avait trop d'avance sur moi pour qu'il me f?t possible de la rattraper; je ralentis alors le pas. Un individu qui cheminait dans la m?me direction, me voyant tout en nage, me regarda avec attention, et me demanda si je venais de Lucy-le-Bois; je lui dis qu'effectivement j'en venais, et la conversation en resta l?. Cet homme s'arr?ta ? Saint-Brice, tandis que je poussais jusqu'? Auxerre. Exc?d? de fatigue, j'entrai dans une auberge, o?, apr?s avoir d?n?, je m'empressai de demander un lit.
Je dormais depuis quelques heures, lorsque je fus r?veill? par un grand bruit qui se faisait ? ma porte. On frappait ? coups redoubl?s; je me l?ve demi habill?; j'ouvre, et mes yeux encore troubl?s par le sommeil entrevoient des ?charpes tricolores, des culottes jaunes et des parements rouges. C'est le commissaire de police flanqu? d'un mar?chal-des-logis et de deux gendarmes; ? cet aspect, je ne suis pas ma?tre d'une premi?re ?motion: <
--C'est lui, s'?crient le mar?chal-des-logis, les deux gendarmes et l'homme de Saint-Brice.
--<
--<
Le signalement s'accordait parfaitement avec le mien. Pourtant je n'avais rien vol?; mais dans ma situation, je ne devais pas moins en concevoir des inqui?tudes. Peut-?tre n'?tait-ce qu'une m?prise; peut-?tre aussi..... l'assistance s'agitait, transport?e de joie. <
S?jour ? Arras.--Travestissements.--Le faux Autrichien.--D?part.--S?jour ? Rouen.--Arrestation.
Plusieurs raisons que l'on devine ne permettaient pas que je me rendisse directement ? la maison paternelle: je descendis chez une de mes tantes, qui m'apprit la mort de mon p?re. Cette triste nouvelle me fut bient?t confirm?e par ma m?re, qui me re?ut avec une tendresse bien faite pour contraster avec les traitements affreux que j'avais ?prouv?s dans les deux ann?es qui venaient de s'?couler. Elle ne desirait rien tant que de me conserver pr?s d'elle; mais il fallait que je restasse constamment cach?; je m'y r?signai: pendant trois mois, je ne quittai pas la maison. Au bout de ce temps, la captivit? commen?ant ? me peser, je m'avisai de sortir, tant?t sous un d?guisement, tant?t sous un autre. Je pensais n'avoir pas ?t? reconnu, lorsque tout ? coup le bruit se r?pandit que j'?tais dans la ville; toute la police se mit en qu?te pour m'arr?ter; ? chaque instant on faisait des visites chez ma m?re, mais toujours sans d?couvrir ma cachette: ce n'est pas qu'elle ne f?t assez vaste, puisqu'elle avait dix pieds de long sur six de large; mais je l'avais si adroitement dissimul?e, qu'une personne qui plus tard acheta la maison, l'habita pr?s de quatre ans sans soup?onner l'existence de cette pi?ce; et probablement elle l'ignorerait encore, si je ne la lui eusse pas r?v?l?e.
Fort de cette retraite, hors de laquelle je croyais qu'il serait difficile de me surprendre, je repris bient?t le cours de mes excursions. Un jour de mardi gras, je poussai m?me l'imprudence jusqu'? para?tre au bal Saint-Jacques, au milieu de plus de deux cents personnes. J'?tais en costume de marquis; une femme avec laquelle j'avais eu des liaisons m'ayant reconnu, fit part de sa d?couverte ? une autre femme, qui croyait avoir eu ? se plaindre de moi, de sorte qu'en moins d'un quart d'heure tout le monde su sous quels habits Vidocq ?tait cach?. Le bruit en vint aux oreilles de deux sergents de ville, Delrue et Carpentier, qui faisaient un service de police au bal. Le premier, s'approchant de moi, me dit ? voix basse qu'il d?sirait me parler en particulier. Une esclandre e?t ?t? fort dangereuse; je sortis. Arriv? dans la cour, Delrue me demanda mon nom. Je ne fus pas embarrass? pour lui en donner un autre que le mien, en lui proposant avec politesse de me d?masquer s'il l'exigeait. <
Pendant que je me fourvoyais de la sorte, un bruit de souliers ferr?s m'annon?a que les deux sergents s'?taient mis ? ma poursuite; bient?t je les vis arriver sur moi sabre en main. J'?tais sans armes.... Je saisis la grosse clef de la maison, comme si c'e?t ?t? un pistolet; et, faisant mine de les coucher en joue, je les force ? me livrer passage; <
L'aventure s'?bruita, malgr? les efforts que firent, pour la tenir secr?te, les deux sergents qu'elle couvrit de ridicule. Ce qu'il y eut de f?cheux pour moi, c'est que les autorit?s redoubl?rent de surveillance, ? tel point qu'il me devint tout-?-fait impossible de sortir. Je restai ainsi claquemur? pendant deux mois, qui me sembl?rent deux si?cles. Ne pouvant plus alors y tenir, je me d?cidai ? quitter Arras: on me fit une pacotille de dentelles, et, par une belle nuit, je m'?loignai, muni d'un passeport qu'un nomm? Blondel, l'un de mes amis, m'avait pr?t?; le signalement ne pouvait pas m'aller, mais faute de mieux, il fallait bien que je m'en accommodasse; au surplus, on ne me fit en route aucune objection.
Je vins ? Paris, o?, tout en m'occupant du placement de mes marchandises, je faisais indirectement quelques d?marches, afin de voir s'il ne serait pas possible d'obtenir la r?vision de mon proc?s. J'appris qu'il fallait, au pr?alable, se constituer prisonnier; mais je ne pus jamais me r?soudre ? me mettre de nouveau en contact avec des sc?l?rats que j'appr?ciais trop bien. Ce n'?tait pas la restreinte qui me faisait horreur; j'aurais volontiers consenti ? ?tre enferm? seul entre quatre murs; ce qui le prouve, c'est que je demandai alors au minist?re ? finir mon temps ? Arras, dans la prison des fous; mais la supplique resta sans r?ponse.
Cependant mes dentelles ?taient vendues, mais avec trop peu de b?n?fice pour que je pusse songer ? me faire de ce commerce un moyen d'existence. Un commis voyageur, qui logeait rue Saint-Martin, dans le m?me h?tel que moi, et auquel je touchai quelques mots de ma position, me proposa de me faire entrer chez une marchande de nouveaut?s qui courait les foires. La place me fut effectivement donn?e, mais je ne l'occupai que dix mois: quelques d?sagr?ments de service me forc?rent ? la quitter pour revenir encore une fois ? Arras.
Je ne tardai pas ? reprendre le cours de mes excursions semi-nocturnes. Dans la maison d'une jeune personne ? laquelle je rendais quelques soins, venait tr?s fr?quemment la fille d'un gendarme. Je songeai ? tirer parti de cette circonstance, pour ?tre inform? ? l'avance de tout ce qui se tramerait contre moi. La fille du gendarme ne me connaissait pas; mais comme dans Arras, j'?tais le sujet presque habituel des entretiens, il n'?tait pas extraordinaire qu'elle parl?t de moi, et souvent, en des termes fort singuliers. < -->>A vous, comme aux autres;... il est toujours arm? jusqu'aux dents. Vous savez bien qu'on dit qu'il a tir? deux coups de pistolets ? M. Delrue et ? M. Carpentier...... Et puis ce n'est pas tout, est-ce qu'il ne se change pas ? volont? en botte de foin. -->>En botte de foin? m'?criai-je, tout surpris de la nouvelle facult? qu'on m'accordait... en botte de foin?...... mais comment? -->>Oui, monsieur... Mon p?re le poursuivait un jour; au moment de lui mettre la main sur le collet, il ne saisit qu'une botte de foin...... Il n'y a pas ? dire, toute la brigade a vu la botte de foin, qui a ?t? br?l?e dans la cour du quartier.>> Un soir que, sans d?fiance et seulement arm? d'un b?ton, je revenais de la rue d'Amiens, en traversant le pont situ? au bout de la rue des Goguets, je fus assailli par sept ? huit individus. C'?taient des sergents de ville d?guis?s; ils me saisirent par mes v?tements; et d?j? ils se croyaient assur?s de leur capture, lorsque, me d?barrassant par une vigoureuse secousse, je franchis le parapet et me jetai dans la rivi?re. On ?tait en d?cembre; les eaux ?taient hautes, le courant tr?s rapide; aucun des agents n'eut la fantaisie de me suivre; ils supposaient d'ailleurs qu'en allant m'attendre sur le bord, je ne leur ?chapperais pas; mais un ?go?t que je remontai me fournit l'occasion de d?concerter leur pr?voyance, et ils m'attendaient encore, que d?j? j'?tais install? dans la maison de ma m?re. Onze mois s'?coul?rent sans que rien v?nt troubler ma s?curit?. L'habitude qu'on avait pris de me voir dans la ville, mes fr?quentes rencontres avec des agents de police, qui n'avaient m?me pas fait attention ? moi, tout semblait annoncer la continuation de ce bien-?tre, lorsqu'un jour que nous venions de nous mettre ? table dans l'arri?re-boutique, trois figures de gendarmes se montrent, ? travers une porte vitr?e; j'allais servir le potage; la cuill?re me tombe des mains. Mais, revenant bient?t de la stup?faction o? m'avait jet? cette incursion inattendue, je m'?lance vers la porte, je mets le verrou, puis sautant par une crois?e, je monte au grenier d'o?, gagnant par les toits la maison voisine, je descends pr?cipitamment l'escalier qui doit me conduire dans la rue. Arriv? ? la porte, elle est gard?e par deux gendarmes....... Heureusement ce sont des nouveaux venus qui ne connaissent aucune de mes physionomies. < Il ?tait ?vident qu'on m'avait vendu ? la police; mon amie d'enfance ?tait incapable d'une pareille noirceur, mais elle avait sans doute commis quelque indiscr?tion. Maintenant qu'on avait l'?veil sur moi, devais-je rester ? Arras? il e?t fallu me condamner ? ne plus sortir de ma cachette. Je ne pus me r?signer ? une vie si mis?rable, et je pris la r?solution d'abandonner d?finitivement la ville. La merci?re voulut ? toute force me suivre: elle avait des moyens de transport; ses marchandises furent promptement emball?es. Nous part?mes ensemble; et comme cela se pratique presque toujours en pareil cas, la police fut inform?e la derni?re de la disparition d'une femme dont il ne lui ?tait pas permis d'ignorer les d?marches. D'apr?s une vieille id?e, on pr?suma que nous gagnerions la Belgique, comme si la Belgique e?t encore ?t? un pays de refuge; et tandis qu'on se mettait ? notre poursuite dans la direction de l'ancienne fronti?re, nous nous avancions tranquillement vers la Normandie par des chemins de traverse, que ma compagne avait appris ? conna?tre dans ses explorations mercantiles. C'?tait ? Rouen que nous avions projet? de fixer notre s?jour. Arriv? dans cette ville, j'avais sur moi le passe-port de Blondel, que je m'?tais procur? ? Arras; le signalement qu'il me donnait ?tait si diff?rent du mien, qu'il ?tait indispensable de me mettre un peu mieux en r?gle. Pour y parvenir, il fallait tromper une police devenue d'autant plus vigilante et ombrageuse, que les communications des ?migr?s en Angleterre se faisaient par le littoral de la Normandie. Voici comment je m'y pris. Je me rendis ? l'H?tel-de-Ville, o? je fis viser mon passe-port pour le H?vre. Un visa s'obtient d'ordinaire assez facilement; il suffit que le passe-port ne soit pas p?rim?; le mien ne l'?tait pas. La formalit? remplie, je sors; deux minutes apr?s, je rentre dans le bureau, je m'informe si l'on n'a pas trouv? un porte-feuille...... personne ne peut m'en donner des nouvelles; alors je suis d?sesp?r?; des affaires pressantes m'appellent au H?vre; je dois partir le soir m?me et je n'ai plus de passe-port. --< Autrefois, je n'eusse pas subi un tel affront sans me livrer ? toute la fougue de ma col?re:.... comme l'on change avec le temps! T?moin de mon malheur, je signifiai froidement l'arr?t d'une s?paration que je r?solus aussit?t: pri?res, supplications, promesses d'une meilleure conduite, rien ne put me fl?chir: je fus inexorable..... J'aurais pu pardonner sans doute, ne f?t-ce que par reconnaissance; mais qui me r?pondait que celle qui avait ?t? ma bienfaitrice romprait avec mon rival? et ne devais-je pas craindre que dans un moment d'?panchement, elle ne me comprom?t par quelque confidence? Nous f?mes donc par moiti? le partage de nos marchandises; mon associ?e me quitta; depuis, je n'ai plus entendu parler d'elle. SURVEILLANCE SP?CIALE. Ainsi, pour tenir en haleine la vigilance de mes gardiens, on me repr?sentait comme un grand criminel. Je partis de Saint-Denis, en charrette, garrott? de mani?re ? ne pouvoir faire un mouvement, et jusqu'? Louvres l'escorte ne cessa d'avoir les yeux sur moi; ces dispositions annon?aient des rigueurs qu'il m'importait de pr?venir; je retrouvai toute cette ?nergie ? laquelle j'avais d?j? d? tant de fois la libert?.
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