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Read Ebook: L'Illustration No. 0024 12 Août 1843 by Various

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Ebook has 253 lines and 33832 words, and 6 pages

L'Illustration, No. 0024, 12 Ao?t 1843

L'ILLUSTRATION,

JOURNAL UNIVERSEL.

Ab. pour Paris.--3 mois, 8 fr.--6 mois, 16 fr.--Un an, 30 fr. Prix de chaque N? 75 c.--La collection mensuelle br., 2 fr. 75.

Ab. pour les D?p.--3 mois, 9 fr.--6 mois, 17 fr. Un an, 32 fr. Pour l'?tranger. - 10 - 20 - 40

SOMMAIRE.

Ahmed-Pacha, BEY DE TUNIS.

Pendant plusieurs si?cles, la r?gence De Tunis a ?t? l'affreux th??tre de r?volutions et de crimes de toute esp?ce. Les derniers ?v?nements qui se sont pass?s en Europe, et surtout la conqu?te d'Alger par les Fran?ais, ont amen? de grands changements dans la situation de ce pays. L'esprit de progr?s, qui s'est empar? de tout le genre humain, entra?ne aussi les Musulmans, si longtemps stationnaires, et les pousse, presque ? leur insu, vers une nouvelle civilisation. Le bey actuel de Tunis, Ahmed-Pacha, seconde ce mouvement, et ses efforts intelligents semblent devoir ?tre couronn?s de succ?s.

Ahmed-Pacha sort d'une dynastie dont le chef, Hassan-ben-Ali, s'empara du pouvoir en 1705. Quoique le gouvernement soit en quelque sorte h?r?ditaire dans la famille r?gnante, les successions ne sont pas r?gl?es d'une mani?re tellement pr?cise, que souvent elles n'aient ?t? sujettes ? de sanglantes contestations. La force et le g?nie ne sont pas moins que la naissance des titres et des droits ? l'exercice de l'autorit? supr?me.

Depuis 1814, la r?gence de Tunis a ?t? gouvern?e par six beys: Hammoud-Pacha, Othman, Mahmoud, Hassan-ben-Mahmoud, Mustapha et Ahmed.

Ahmed-Pacha a succ?d?, le 18 octobre 1837, ? son oncle Mustapha, d?c?d? apr?s un r?gne de trois mois et quelques jours, ? la suite d'un ?v?nement tragique.

Le premier ministre de Mustapha-Bey, Chekib-Sabtah, ministre de la guerre, avait rempli les m?mes fonctions sous le pr?c?dent souverain, Hassan-ben-Mahmoud. Pouss? par une ambition effr?n?e, et encourag?, assure-t-on, par des conseils venus de Constantinople, Chekib voulut profiter de l'av?nement du nouveau bey pour se mettre ? sa place, et travailla sur-le-champ ? le renverser du tr?ne, avant qu'il n'e?t le temps de s'y affermir. Chekib jouissait d'une telle influence dans toute la r?gence, et par lui-m?me, et par sa famille, l'une des plus puissantes du pays, que le bey Mustapha, inform? du complot qu'il ourdissait contre sa personne, n'osa pas d'abord le faire arr?ter. Cependant, apr?s avoir rassembl? autour de lui ses amis les plus fid?les, Mustapha, au milieu d'une grande revue que passait Chekib, le fit appeler au Bardo, sous pr?texte de lui communiquer des nouvelles importantes que venait d'apporter un courrier de la Porte. Chekib n'osa pas d?sob?ir publiquement; il arriva ? la r?sidence avec une suite nombreuse; mais s?par? de ses adh?rents, sans violence et comme par hasard, par les gens du bey, il fut men? dans une salle basse, o? on lui apprit qu'il ne lui restait que le temps de faire sa pri?re avant de mourir. Il lut aussit?t ?trangl? dans ce lieu m?me par des chaouchs, tandis que le bey faisait publier par des crieurs son crime et sa punition, avec avertissement qu'un ch?timent semblable ?tait r?serv? ? ceux qui seraient tent?s de l'imiter. Le complot, dont Chekib ?tait l'?me, fut d?truit imm?diatement par sa mort, et le bey, qui, par cet acte d'?nergie, avait impos? ? ses ennemis, aurait pu jouir d'un r?gne long et paisible; mais Mustapha ?tait un homme d'un caract?re tr?s-doux, comme, au reste, presque tous les Tunisiens, et la violence qu'il fut oblig? de se faire, en ordonnant la mort de son ministre, lui fit contracter une maladie qui le conduisit au tombeau peu de semaines apr?s cette ex?cution. Il laissa ? son neveu Ahmed, le bey actuel, le gouvernement de la r?gence.

Ahmed-Pacha, ?g? aujourd'hui de trente-six ? trente-sept ans, est un homme d'un caract?re plus ferme que son oncle, d'une capacit? r?elle, plus ?clair? et surtout plus lib?ral que ne l'a ?t? jusqu'? ce jour aucun des princes de la c?te d'Afrique. Pour n'en citer qu'une preuve, les enfants de Chekib, plac?s au Bardo avec les siens, partagent l'?ducation europ?enne qu'il fait donner ? ses fils.

La capitale de la r?gence, Tunis, occupe une plaine resserr?e entre deux lacs. La ville a deux enceintes; celle int?rieure, de construction mauresque, est flanqu?e de tours tr?s-rapproch?es sur quelques parties; l'enceinte ext?rieure, qui semble ?tre un ouvrage europ?en, est form?e de bastions et de courtines; elle entoure en grande partie les faubourgs, et se rattache, sur les hauteurs de l'ouest, ? la kasbah, appuy?e aux deux enceintes. En avant de Tunis, ? l'entr?e d'un canal d?bouchant dans la mer, est la Goulette, vieux fort ? double rang d'embrasures, premi?re ligne de d?fense de Tunis, et c?l?bre par la r?sistance qu'il a plus d'une fois oppos?e aux arm?es d?barquant sur cette plage.

La r?sidence habituelle du bey est le Bardo, forteresse situ?e en rase campagne, ? environ 2,200 m?tres de Tunis, entour?e d'un carr? de remparts ?lev?s, dont les quatre coins sont flanqu?s d'ouvrages avanc?s et de tours. Sur le plus haut et le plus magnifique des b?timents int?rieurs, flotte le drapeau rouge. Plusieurs jolis petits bois ornent les environs, et, au milieu, on distingue les d?mes, les kiosques et les vastes jardins de la Manouba, maison de plaisance du bey.

Les habitants de la r?gence de Tunis, comme ceux de l'Alg?rie, appartiennent ? diverses origines. Les Turcs et les Maures habitent les villes et les villages; toute la population arabe est nomade, ainsi qu'une grande partie des Berbers, anciens habitants du sol. Une autre partie des Berbers, qui porte plus sp?cialement le nom de Kaba?les, ou Kabyles, habite des villages et des hameaux au milieu des montagnes. Les Turcs ont beaucoup perdu de leur importance, depuis que le bey de Tunis a organis? des troupes r?guli?res, organisation par suite de laquelle ils ont ?t? priv?s de leurs privil?ges assimil?s aux troupes indig?nes. Les Andalous, descendants des anciens Maures d'Espagne, forment une des classes les plus notables de la population maure. A la civilisation, aux moeurs et ? l'industrie qui les caract?risaient lors de leur arriv?e d'Espagne, on doit la restauration de plusieurs villes d?truites par les invasions des Arabes au septi?me et au huiti?me si?cle, et m?me la fondation de quelques-unes, comme Testour, Soliman, Zaghwan, etc. Les habitants des villes et villages sont d?sign?s par le nom g?n?rique de Beldani . Les Arabes, dont la majeure partie tire son origine des hordes qui ont pris part ? la conqu?te, ou qui ont ?t? appel?s de l'?gypte et de la Syrie par les khalifes de Ka?roan, conservent leur d?nomination d'Arabes. Quant ? ceux qui, dans les temps anciens, avaient accompagn? les fondateurs de Carthage, ils se sont successivement m?l?s avec les Berbers, avec les Romains, les Vandales et les Grecs byzantins. Il est ? remarquer que les anciens Berbers nomades ne veulent pas qu'on les nomme Arabes, alors m?me qu'ils offrent avec ceux-ci une parfaite ressemblance pour les moeurs et les coutumes; ils disent qu'ils sont Chaou?a , et se distinguent ainsi de cette partie de leur race qui habite sous des toits. Ils paraissent ?tre, en effet, les Numides de Massinissa et de Jugurtha.

Les habitants des parties du d?sert, o? le sol est compos? de sables mouvants, acqui?rent une grande dext?rit? ? courir sur ces sables sans y enfoncer les pieds. Pour porter le corps avec l'aplomb n?cessaire, on assure qu'ils se lestent d'un certain poids. Quoi qu'il en soit, un cavalier ne peut les atteindre ? la course ? travers ces sables. Ils vivent de lait de chameau et de dattes; ils entassent des fruits dans des jarres, mettent un poids par-dessus, et les laissent fermenter: il en d?coule une liqueur qu'eux seuls peuvent supporter. Ils sont d'ailleurs tr?s-habiles ? flairer, pour ainsi dire, l'eau sous les sables. Lorsqu'ils creusent pour en chercher, ils ont grand soin, apr?s en avoir puis?, de recouvrir la source; aussi le voyageur ?tranger n'y rencontre-t-il jamais autre chose que le sable sec et aride.

L'administration est confi?e ? des Gouverneurs militaires pour les forteresses ou villes fortes, comme Kef, la Goulette, Ka?roan, Porto-Farina, etc.; ? des anciens cheikhs pour plusieurs petites villes ou villages, avec le territoire qui en d?pend, connue Testour, Zaghwan, etc.; enfin, ? des gouverneurs civils ou pr?fets pour les provinces en g?n?ral. Ces derniers sont les plus nombreux: ils sont en m?me temps fermiers des revenus de l'?tat, c'est-?-dire qu'ils per?oivent les imp?ts de leur d?partement et les gardent, moyennant une redevance au bey, pr?alablement fix?e. Ces trois classes d'administrateurs ont la juridiction dans leurs d?partements respectifs: le droit d'appel au tribunal du bey est ouvert ? tous. Les kikhias sont nomm?s par le bey; les cheikhs et les ka?ds seul propos?s au bey par le suffrage de leurs administr?s, et le bey les confirme ordinairement, comme aussi il est d'usage qu'il les r?voque sur les plaintes de leurs administr?s. Ind?pendamment des cheikhs de villes et de villages qui ne d?pendent pas d'un ka?d, il y en a pour chaque subdivision dont se forment ces diverses peuplades d'Arabes nomades.

Le gouvernement tunisien, sous les successeurs des khalifes, et depuis sous les beys qui ont exerc? le pouvoir, apr?s l'?tablissement dans la r?gence de la supr?matie du grand Seigneur, ?tait tomb? dans l'erreur la plus grave et la plus contraire ? ses propres int?r?ts, en se servant des Arabes pour opprimer la population des villes et des villages. C'est ainsi que les habitations ont ?t? d?vast?es, que l'industrie et l'agriculture oui ?t? ruin?es. Un long ?tat de paix ext?rieure pourra seul permettre ? un gouvernement r?parateur et ferme de prot?ger les habitants s?dentaires, en comprimant avec pers?v?rance la population nomade, cette v?ritable plaie du pays.

Les environs de Tunis, quoique mieux garnis de villages et de fermes qu'aucune autre partie de la r?gence, ont aussi leur population nomade; elle n'est cependant pas organis?e en arch ou en nouadja , mais elle se compose de familles occupant quatre, six, huit tentes, et appartenant ? la m?me tribu. Ces Arabes sont souvent au service du bey ou d'un propri?taire quelconque du sol sur lequel ils campent et qu'ils labourent; quelquefois aussi ils louent des champs ? l'ann?e et les cultivent pour leur compte.

Il est difficile de fixer d'une mani?re exacte la d?limitation pr?cise entre le territoire de la r?gence de Tunis et celui de l'ancienne r?gence d'Alger. Les tribus qui habitent le pays voisin des limites, sont d'autant plus int?ress?es ? laisser cette question incertaine et douteuse, qu'elles ont pu trouver, de tout temps, protection dans l'une des r?gences pour les brigandages quelles commettaient dans l'autre. Le camp du bey de Tunis, qui, tous les ans, se rend ? Bedjia et ? Kef pour lever les imp?ts, ne peut presque jamais remplir sa mission sans guerroyer, et, de temps ? autre, la r?sistance est tr?s-s?rieuse. La limite la plus naturelle entre les deux ?tats, et qui semble le plus g?n?ralement reconnue par les voyageurs, est celle de la rivi?re El-Zain.

L'inimiti? la plus profonde a presque constamment exist? entre les deux r?gences d'Alger et de Tunis, et celle-ci ?tait sans cesse inqui?t?e sur ses fronti?res par le bey de Constantine. Apr?s la chute du gouvernement turc et l'occupation d'Alger par l'ann?e fran?aise, le 5 juillet 1830, le bey de Tunis, Hassan-ben-Mahmoud, soigneux de conserver l'amiti? de la France, repoussa les offres des principaux habitants de la province, qui demandaient ? se soumettre ? sa domination pour se soustraire ? l'anarchie dans laquelle ?tait plong?e ce beylik depuis la conqu?te; mais en m?me temps il fit faire par M. de Lesseps, notre consul-g?n?ral, des ouvertures au g?n?ral en chef, M. le lieutenant-g?n?ral Clauzel, ? l'effet de faire nommer, par le gouvernement fran?ais, bey de Constantine, un prince de la maison r?gnante de Tunis. Un arrangement fut conclu le 18 d?cembre 1830 ? Alger, arrangement en vertu duquel Sidi-Mustapha ?tait nomm? bey de Constantine, et s'engageait, sous la garantie du bey de Tunis, son fr?re, ? payer ? la France, ? titre de contributions pour la province, une somme de 800,000 francs en 1831, et d'un million les ann?es suivantes.

Une convention semblable, et aux m?mes conditions de redevance annuelle, sign?e ? Alger le 6 f?vrier 1831, donna ?galement l'investiture du beylik d'Oran ? un autre prince de la maison r?gnante de Tunis, Ahmed-Bey.

Mais ni l'une ni l'autre de ces conventions n'obtint l'approbation du minist?re fran?ais, et, quoique celle relative ? Oran e?t d?j? re?u un commencement d'ex?cution par l'arriv?e d'un corps de troupes tunisiennes, le bey de Tunis dut renoncer d?s lors ? la double suzerainet? stipul?e en faveur de deux membres de sa famille. Ses sentiments d'amiti? pour la France n'en furent pas n?anmoins alt?r?s, et son int?r?t m?me lui fit un devoir de resserrer chaque jour plus ?troitement les liens qui l'unissaient ? elle; car, en traitant directement avec le g?n?ral en chef de l'arm?e fran?aise pour la cession de deux provinces sur lesquelles la Porte ottomane pr?tendait avoir un droit de souverainet?, le bey de Tunis, Hassan, avait ouvertement m?connu ce droit, et, par cet acte d'ind?pendance, avait soulev? contre lui-m?me et contre toute sa famille la haine du Grand Seigneur, qui la poursuit encore aujourd'hui.

Apr?s l'insucc?s de la premi?re exp?dition contre Constantine, en novembre 1836, le sultan Mahmoud, pour encourager dans sa r?sistance le vassal qui, en refusant de reconna?tre l'autorit? de la France, s'?tait plac? sous la protection de la sienne, voulait lui envoyer des secours par Tunis. Il lui fallait, ? cet effet, se d?barrasser du bey de cette r?gence, hostile ? ses desseins, et le remplacer par un homme dont il ?tait plus s?r. Dans ce but, une escadre partit de Constantinople le 20 juillet 1837; elle devait se pr?senter devant Tunis, o? la conspiration dont nous avons parl? plus haut, organis?e par les agents de la Porte, aurait aussit?t renvers? le bey r?gnant . Mais, comme on l'a vu, la conspiration fut d?couverte, son chef mis ? mort, et deux divisions fran?aises, fortes l'une de trois, l'autre de quatre vaisseaux, sous les ordres des contre-amiraux Gallois et Lalande, oblig?rent l'escadre turque du se retirer, avant qu'elle e?t pu rien entreprendre.

Le bey actuel, Ahmed, s'est montr? reconnaissant de ce service r?el rendu ? son pr?d?cesseur, ainsi qu'? sa famille, qui lui doit la conservation de sa souverainet?.

Depuis plusieurs g?n?rations, les princes de la maison r?gnante prot?gent ouvertement une am?lioration intellectuelle tr?s-remarquable parmi les populations tunisiennes, au risque de s'exposer, en agissant ainsi, aux exc?s d'un fanatisme qu'ils bravent, non sans de s?rieux dangers. La r?gence de Tunis, depuis que nous sommes ma?tres d'Alger et de Constantine, n'a plus ? redouter les incessantes incursions de ses anciens voisins. Du cot? de la mer, elle est prot?g?e par nos escadres contre les pr?tentions de la Porte, entretenues et excit?es par les men?es de la politique anglaise. Aussi Ahmed-Bey met-il habilement ? profit la s?curit? que notre voisinage et notre protection assurent ? ses ?tats, pour leur donner tous les d?veloppements possibles de culture, de civilisation et de puissance.

Sa volont? ? cet ?gard s'est manifest?e d?s les premiers jours de son r?gne, et pendant six ann?es sa pers?v?rance n'a jusqu'? ce jour ?t? rebut?e par aucun obstacle. Pour soumettre le pays ? une organisation g?n?rale et homog?ne qui fit ? la fois sa force et celle du gouvernement, Ahmed-Bey a compris que le meilleur moyen ?tait de cr?er une arm?e r?guli?re sur le mod?le des arm?es europ?ennes, avec leur administration, leurs grades hi?rarchiques, leur discipline s?v?re, leur instruction: v?ritable et premi?re ?cole de civilisation pour le pays. C'est ? la France surtout qu'il a fait ses plus utiles emprunts, et il peut d?j? regarder son ouvrage avec orgueil. Avant lui, la r?gence de Tunis ne comptait que deux r?giments d'infanterie de 2,000 hommes chaque. Son ann?e comprend aujourd'hui cinq r?giments d'infanterie, chacun de 5,000 hommes, un r?giment de cavalerie de 1,100 hommes et un r?giment d'artillerie de 3,000 hommes.

L'uniforme est presque europ?en. Il se compose, pour les soldats, d'une veste boutonn?e et d'un pantalon un peu large par le haut; la veste est en drap de couleur bleue ou garance, suivant les r?giments. Les pantalons de drap en hiver sont de couleur garance, et les pantalons d'?t? en toile blanche. Les collets et les parements des vestes, et les bandes des pantalons sont de couleurs tranchantes. Les officiers portent la capote et le pantalon droit, avec broderies et bandes en or. La coiffure seule est rest?e orientale; cependant le turban a ?t? remplac? par la chichia rouge, ?lev?e et garnie d'un ?lot bleu en soie. La diff?rence des grades est signal?e par l'?toile et par le croissant, en argent pour les sous-officiers, en or pour les officiers subalternes et en diamant pour les officiers sup?rieurs. Les officiels portent en outre des ?paulettes distinctives. Les armes sont celles de nos arm?es. Dans la cavalerie, la selle arabe a ?t? conserv?e, mais avec des modifications. Plusieurs officiers ont adopt? la selle fran?aise. Le bey, les princes, les officiers, ressemblent beaucoup, on le voit, ? nos officiers, ? l'exception de la coiffure; ils portent m?me des gants jaunes et des bottes vernies.

Les troupes sont partag?es dans cinq casernes, situ?es tant ? Tunis qu'aux environs, et dont l'?tendue et la bonne distribution pourraient servir de mod?le aux n?tres. La direction de ces casernes et l'instruction des troupes appartiennent presque exclusivement ? des officiers fran?ais. MM. Gillart, chef de bataillon; Collin, chef d'escadron, et Lavelaine-Manbenge, lieutenant-colonel au 18e de ligne, sont pr?pos?s ? l'infanterie. Le r?giment de cavalerie a ?t? organis? par M. Gref, ancien ?l?ve de l'?cole de Saumur. Le r?giment d'artillerie est command? par M. Lecorbeiller, chef d'escadron d'artillerie, officier de la L?gion-d'Honneur, envoy? au bey sur sa demande, en 1842, par M. le mar?chal Soult. Dans l'ancienne kasbah, une fonderie de canons est dirig?e par M. Bineau, ing?nieur fran?ais.

Le Hardo, r?sidence habituelle du bey, r?unit , les salles de justice, le s?rail, le harem, une vaste caserne, les prisons d'?tat, la maison des ministres et employ?s, des bains, etc. C'est au Hardo qu'est institu?e une Ecole Polytechnique, o? sont admis les fils des officiers et des personnages attach?s au service du prince.

Ahmed-Bey, lib?ral et tol?rant, a pour principal ministre M. Raffo, Italien et catholique, envoy? d?j? plusieurs fois par lui en mission ? Paris. Il a conc?d?, en 1840, ? la France, le terrain o? est mort saint Louis, sur la montagne Byrsa, ? seize kilom?tres de Tunis; et, sur cet emplacement, une chapelle a ?t? inaugur?e, le 25 ao?t 1841, en pr?sence de ses ministres. Ahmed-Bey introduit la r?forme partout o? il la croit n?cessaire au progr?s mat?riel et moral du pays. Par ses ordres, les march?s ? esclaves sont abolis et ferm?s; des manufactures s'?l?vent, des machines se construisent, des haras s'?tablissent, d'anciens aqueducs se restaurent, et des puits art?siens en forage vont changer l'aridit? inerte de la terre en f?condit? d'une richesse inappr?ciable. Bient?t, peut-?tre cette partie de l'Afrique, tributaire de l'Europe, rendra ? son tour l'Europe sa tributaire.

Nous avions dit vrai l'autre jour: le minist?re bat la campagne. En sa qualit? de pr?sident du conseil, M. le mar?chal Soult a pris les devants et a donn? l'exemple; il est parti mardi dernier pour son ch?teau de Saint-Arnaud; M. Guizot est depuis samedi ? Lisieux; M. Duch?tel se propose de passer un mois ? Mirambeau, d?partement de la Charente-Inf?rieure; M. Cunin-Gridaie prend les eaux de Vichy; M. Teste est ? N?r?is; M. Lacave-Laplagne ne d?passe pas Auteuil, et M. Villemain va jusqu'? Neuilly. En choisissant son Tibur si pr?s de la demeure royale, ou pourrait croire que M. le ministre de l'instruction publique fait un acte de galanterie minist?rielle et veut se rapprocher de l'oreille du prince; mais les m?disants y seront pris: au moment m?me o? M. Villemain installait ses p?nates champ?tres dans le voisinage du palais de Neuilly, le roi partait dans une berline ? six chevaux et prenait, bride abattue, la route du ch?teau d'Eu, toute la famille royale galopant avec Sa Majest? ou ? sa suite. ?tait-ce pour ?chapper aux gr?ces irr?sistibles de M. Villemain, et fuir les attraits de cette sir?ne universitaire? Non pas vraiment: le roi, en allant ? Eu, satisfait tout simplement une fantaisie annuelle, et M. Villemain n'y est pour rien ou pour peu de chose.

Ainsi la royaut? et le minist?re sont en vacances et prennent du bon temps: l'aust?re M. Guizot a d?pos? son porte-feuille aux pieds de ses pommiers de Normandie, et M. Duch?tel s'est m?tamorphos? en Tityre;

Reeubans sub tegmino fagi.

A demain donc les affaires s?rieuses.

Madame de Joinville a trouv? cependant le moyen d'?chapper un instant ? tout cet appareil pour venir ? l'Op?ra. Il ?tait huit heures; les rideaux velours grenat et or, qui voilaient depuis un an la loge de feu le duc d'Orl?ans, se sont relev?s tout ? coup, et pour la premi?re fois, dans cette loge tout ? l'heure en deuil, un jeune homme et une jeune femme ont pris place, l'un svelte et brun, l'autre au visage gracieux, au fin sourire et aux longs cheveux blonds: c'?taient le prince et la princesse de Joinville. Il y eut d'abord dans la salle un mouvement involontaire. En voyant s'ouvrir cette loge depuis longtemps morne, silencieuse, d?serte et ferm?e comme un tombeau, une sorte de frisson parcourut le parterre et l'orchestre. Qu'est-ce donc? Et tous les regards se portaient de ce c?t?, comme si une ombre allait s'y montrer p?le et sanglante sous le linceul. Au lieu de l'ombre lamentable, on a vu deux jeunes ?poux souriant et heureux l'un de l'autre, Habeneck a donn? le signal: les danses ont commenc?, le public a battu des mains, tandis que la P?ri ravissait par sa danse l?g?re le prince, la princesse, la foule enivr?e. Il n'y a qu'un an que le duc d'Orl?ans est mort; ce soir-l? l'Op?ra semblait ?loign? de plus de cent ann?es de la chapelle de Saint-Ferdinand!

Deux loges restent encore en deuil; toutes deux ont appartenu ? des princes de la finance, l'une ? M. Schileckler, l'autre ? M. Aguado. La mort ne respecte pas plus les t?tes millionnaires que les t?tes royales, elle va de l'une ? l'autre et les fauche avec le m?me plaisir. Avant peu, nous verrons quelque h?ritier de la dynastie Aguado et de la dynastie Schileckler venir, du fond de ces deux loges abandonn?es par les morts, sourire aux bonds voluptueux de la Grisi.

Qu'on ne s'y trompe pas: l'histoire des loges d'avant-sc?ne de l'Op?ra serait une histoire pleine de curieux contrastes, d'?mouvantes catastrophes et de profonds enseignements. Je me propose de l'?crire un jour, quand je n'aurai rien de mieux ? faire. Que de po?mes, en effet, que de romans, que de m?lodrames, dans ces loges privil?gi?es qui dominent l'orchestre des musiciens et avoisinent le lustre! A juger les choses sur la forme et ? la surface, c'est l? que se donnent rendez-vous et se r?unissent tous les biens qu'on d?sire et qu'on envie: la richesse, le luxe, l'insouciance et le plaisir; mais allez au del? de l'enseigne dor?e et regardez au fond: sur le velours et les coussins moelleux de ces loges, l'ennui, la sati?t?, le d?sordre, la vanit?, donnant la main ? la banqueroute, se sont souvent assis, tout par?s, tout gant?s, tout vernis, et promenant avec gr?ce sur la salle l'insolence, du binocle.--De temps en temps, Sainte-P?lagie y va chercher ses recrues.--L'air y est mortel, car les jeunes y deviennent vieux tr?s-vite et y meurent ais?ment; sous les fauteuils, il y a des trous o? les millions tombent et s'engloutissent.--Horreur! plus d'une fois le suicide ? l'oeil hagard y a pass?, et je vois encore l?, sur cette loge ? gauche, la trace, de sa main sanglante et d?sesp?r?e.

--Le quartier Saint-Antoine a ?prouv?, cette semaine, une tr?s-vive ?motion: quinze bandits sont parvenus ? s'?chapper des prisons de la Force; ces honn?tes gens sentant venir le mois de septembre, saison de l'air libre et du loisir, se seront dit: <> Retenir une place ? la malle-poste ou aux messageries royales, c'?tait pour eux du fruit d?fendu. Comment d'ailleurs percer ces formidables murailles, ces portes cr?nel?es? comment briser ces terribles verrous? comment ?viter les regards incessamment ouverts des gardiens et des sentinelles?

Ne pouvant aller t?te lev?e sur la grande route, ils ont pris les voies myst?rieuses et souterraines; un matin, un bon bourgeois du voisinage, occup? ? pr?parer un bain, entend du bruit sous ses pieds: il s'?tonne, il regarde, et voit le sol qui s'entr'ouvre; un homme, ou plut?t un d?mon, para?t, p?le, la barbe et les cheveux en d?sordre, agitant dans ses mains un couteau mena?ant; puis un second, un troisi?me, un quatri?me, toute une l?gion de damn?s: c'?taient les prisonnier? qui, depuis un mois et de jour en jour, se creusaient sous terre un chemin vers la libert?: ce chemin ?tait venu aboutir ? la maison du voisin. Quelle visite, bon Dieu! des voleurs, des for?ats en r?cidive, des faussaires, des assassins!

L'h?te s'enfuit, effray? de voir entrer chez lui cette soci?t? arriv?e sans lettres d'invitation: <> lui crient quinze voix ?pouvantables. Mais il ?tait d?j? loin.

Il donne l'?veil: on se pr?cipite, on arrive, et, quand les bandits s'?lancent dans la rue, effar?s, haletants, ils trouvent un rempart de courageux citoyens qui leur barrent le passage. Figurez-vous les menaces, les cris, la terreur, les luttes sanglantes, tout le cort?ge formidable, et d?sordonn? d'une pareille aventure.--Les sergents de ville, les soldats de ligne viennent pr?ter main-forte; et enfin le crime succombe, ainsi qu'il arrive dans tout m?lodrame conduit selon les r?gles; on le saisit, on le d?sarme, on le garrotte, on le renvoie d'o? il ?tait sorti, comme Satan de l'enfer, au fond des cachots de la Force.

Ce qu'on ne saurait trop admirer dans ces catastrophes effrayantes et inattendues, c'est le courage, et le d?vouement du citoyen. Voil? une bande de malfaiteurs arm?s qui s'?lancent tout ? coup de leur tani?re et surprennent des honn?tes gens sans armes; fuira-t-on? cherchera-t-on ? ?viter le danger et la mort qu'ils m?nent avec eux? non: chacun se pr?pare intr?pidement ? la lutte; ces simples bourgeois, ces marchands paisibles que vous voyiez tout ? l'heure, regarder nonchalamment les passants, les bras crois?s, d'un air bonasse, en se dandinant ? leur fen?tre ou sur le seuil de leur boutique, tout ? coup deviennent des combattants pleins de r?solution, des lions, des h?ros; ils se jettent au-devant des bandits, ils les arr?tent, ils les terrassent; ni le couteau, ni le poignard, ni les fureurs de ces hommes horribles ne les ?pouvantent et ne les font, reculer; ils tiennent jusqu'au bout, meurtris, bless?s, sanglants. C'est l?, sans contredit, un courage bien au-dessus du courage du soldat: le soldat ob?it et marche au danger par ordre; nos gens vont le chercher de propos d?lib?r?; le soldat est s?duit, ?tourdi, enivr? par l'app?t, de la r?compense, par le prestige de ce qu'on appelle la gloire; eux ne c?dent qu'? un entra?nement d?sint?ress?; ils n'ont en le temps d'apprendre ni le pas oblique, ni la charge en douze temps; le soldat enfin est un rude comp?re pr?par? avec soin aux blessures et ? la mort; nos h?ros, encore un coup, sont de bons bourgeois qui viennent de manger paisiblement leur soupe et d'embrasser leurs femmes et leurs enfants.

Deux courageux citoyens se sont distingu?s particuli?rement dans cet ?pisode des bandits de la Force; il est juste de les mentionner ici, de m?me qu'apr?s la victoire on porte les noms glorieux au bulletin de la bataille. L'un s'appelle M. Pons, l'autre M. Morel; tous deux ont donn? l'exemple d'une rare intr?pidit?; M. Pons est dangereusement bless? d'un coup de poignard qui a p?n?tr? dans la poitrine.

Eh bien! vous pouvez m'en croire, on ne donnera la croix d'honneur ni ? M. Morel ni ? M. Pons. Il est bien plus juste et plus honn?te de la r?server pour un oisif, un faiseur de courbettes ou un inutile, je n'ose pas dire pour un sot, un m?chant et pour une poitrine d?shonor?e.

On voit que Paris n'est pas pr?cis?ment la terre promise, et qu'il est bon de s'y tenir sur ses gardes; tandis que vous fl?nez consciencieusement, et que vous collez votre nez candide aux vitres de Susse ou de Martinet, un larron subtil passe et vous enl?ve votre montre ou votre tabati?re, sous pr?texte de v?rifier si vous avez l'heure des Tuileries ou de l'H?tel-de-Ville, et si vous consommez du pur Virginie. Dormez-vous on prenez-vous un bain? un sc?l?rat vous ?veille en sursaut dans votre lit, et sort par-dessous votre, baignoire; vous n'avez plus qu'? vous d?battre et ? recevoir trois ou quatre bonnes blessures, en attendant que M. le commissaire de police soit averti et que le sergent de ville ait mis ses gu?tres. Paris a beau faire, il a beau s'?clairer au gaz, se paver, s'aligner, dorer ses maisons et ses boutiques, il est toujours un peu le Paris que Boileau appelait un coupe-gorge.

Je ne suis ni misanthrope ni calomniateur, et j'apporte les preuves ? l'appui de mes reproches. Voici donc un ?chantillon des agr?ments de Paris, scrupuleusement emprunt? ? la statistique: on commet, dans ce charmant Paris, soixante-dix-huit crimes ou d?lits par jour; il y a deux morts violentes et quatre-vingts morts par maladie; les voitures ?crasent deux personnes, le tribunal de commerce enregistre deux faillites, le Mont-de-Pi?t? re?oit trois cent quinze d?p?ts, l'h?pital s'ouvre pour quatre cent soixante-dix malades, les commissaires-priseurs proc?dent ? cinquante ventes par autorit? de justice, et MM. les huissiers fabriquent, trois mille exploits: le joli pays vraiment, et comme il emploie agr?ablement sa journ?e! Si Paris ne co?tait pas si cher, on pourrait encore en prendre son parti; mais savez-vous ce qu'il faut ? cette ville si pleine d'huissiers, de morts et de malades, pour se loger et se nourrir? quatre millions par jour; et encore quatre millions ne suffisent pas! Paris poss?de une foule de citoyens plus ou moins honn?tes, qui ne mangent pas, qui ne se logent, pas, et qui vivent Dieu sait de quoi, de l'air, du ruisseau apparemment. Il n'y a que Paris pour ces choses-l?; ce n'est qu'? Paris qu'on peut mourir de faim tous les jours et recommencer le lendemain, pendant de longues ann?es; ailleurs, si vous n'avez pas votre pain quotidien tous les matins, le soir vous ?tes mort ? coup s?r.

--Un ?v?nement encore a fait grand bruit cette semaine, plus de bruit m?me que le courage de MM. Pons et Morel, et que l'?vasion des quinze voleurs.--Vous m'avez devin?: je veux parler de lu m?morable querelle qui a mis la plume ? la main ? un critique et ? un dramaturge; le sujet du duel ?tait peu de chose, une pauvre com?die nouvelle en cinq actes et en prose, moins que rien. Le critique trouvant la com?die mauvaise, l'a tr?s-positivement et tr?s-spirituellement imprim?, ce qui ?tait dans son droit; le dramaturge s'est f?ch?, et, dans une lettre assez grossi?re et peu concluante, il a d?clar? que l'ouvrage ?tait excellent;

Pour le trouver ainsi vous aviez vos raisons.

Le critique n'a pas recul? d'une semelle; ? la lettre peu s?ante il a ripost? par un feuilleton plein de verve, de finesse, d'esprit et de bon sens, qui a mis la lettre en lambeaux, laissant ses d?bris ?pars sur le champ de bataille, sans honneur et sans s?pulture.

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