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Read Ebook: Lettres à Madame Viardot by Halp Rine Kaminsky E Ely Annotator Turgenev Ivan Sergeevich

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Ebook has 763 lines and 55008 words, and 16 pages

Il faut cependant finir cette lettre! Je vais la porter ? madame votre m?re pour qu'elle y mette quelques mots.

Bonjour, portez-vous bien de toutes les fa?ons; et voil?.

Votre tout d?vou?,

Paris, le 8 d?cembre 1847.

Tous les d?tails que vous nous donnez de votre vie ? Dresde sont lus et relus mille fois; les Dresdennois sont d?cid?ment un bon peuple....

Avant tout, il faut que je vous dise que <> se porte tr?s bien et Mlle Antonia aussi, et Mme Sitch?s aussi; le papa Sitch?s tousse un peu, mais ce n'est pas du tout ?tonnant. Des 900.000 habitants de Paris, il y en a 899.999 qui ont la grippe, et le seul qui ne l'ait pas, c'est Louis-Philippe, car ce monsieur a tous les bonheurs. Cependant, pardon! je m'oubliais; je n'ai pas la grippe non plus; mais c'est que moi aussi, je ne puis pas me plaindre de mon sort.

On ne peut plus rien lire par le temps qui court. Gluck disait d'un op?ra qu'il puait la musique . Tous les ouvrages qu'on fait aujourd'hui puent la litt?rature, le m?tier, la convention. Pour trouver une source encore vive et pure, il faut remonter bien haut. Le prurit litt?raire, le bavardage de l'?go?sme qui s'?tudie et s'admire soi-m?me, voil? la plaie de notre temps. Nous sommes comme les chiens qui retournent ? leurs vomissements.

C'est l'?criture qui le dit, na?vement, cette fois. Il n'y a plus ni Dieu ni Diable, et l'av?nement de l'Homme est encore loin.

Je crains cependant que ma lettre ne devienne trop longue, et, malgr? tout le plaisir que j'ai ? babiller devant vous, je ne voudrais pas abuser de votre complaisance. Je n'ajouterai plus que quelques mots. Je m?ne ici une vie qui me pla?t excessivement: toute la matin?e, je travaille; ? deux heures, je sors, je vais chez maman o? je reste une demi-heure, puis je lis les journaux, je me prom?ne; apr?s d?ner, je vais au th??tre ou je retourne chez maman; le soir, quelquefois, je vois des amis, surtout M. Annenkoff, un charmant gar?on aussi fin d'esprit qu'il est gros de corps; et puis je me couche, et voil?....

Adieu, Madame... je vous souhaite tout ce qu'il y a de meilleur au monde. Rappelez-moi, s'il vous pla?t, au bon souvenir de votre mari; je vais lui ?crire un de ces jours; j'esp?re qu'il se porte ? merveille. Je vous serre la main bien cordialement, et je reste pour toujours.

Votre d?vou?

Paris, 14 d?cembre 1847.

A propos, il y a encore une chose dans vos lettres qui nous rend bien contents: c'est de voir que vous vous portez bien . Aussi--ne f?t-ce que par ?mulation--nous nous portons, tous tant que nous sommes, ? merveille.... Ce que c'est que l'?mulation!

Je regrette de me voir forc? de vous le dire, Madame, mais cette fois-ci je n'ai absolument aucune nouvelle int?ressante ? vous communiquer.

Toute cette semaine, je ne suis presque pas sorti de chez moi; j'ai travaill? ? force; jamais les id?es ne m'?taient venues si abondamment; elles se pr?sentaient par douzaines. Je me faisais l'effet d'un pauvre diable d'aubergiste de petite ville qui se voit tout ? coup assailli par une avalanche de visiteurs; il finit par perdre la t?te et ne plus savoir o? loger son monde.

Avant-hier, j'ai lu une des choses que je venais de terminer ? deux amis russes; ces messieurs ont ri ? se tordre.... ?a me faisait un effet extr?mement ?trange et fort agr?able.... D?cid?ment je ne me savais pas si dr?le que ?a--et puis il ne suffit pas de terminer une chose, il faut la copier et l'exp?dier. Aussi les ?diteurs de ma Revue vont-ils ouvrir de grands yeux en recevant coup sur coup des gros paquets de lettres! J'esp?re qu'ils en seront contents. Je prie tr?s humblement mon bon ange de continuer ? m'?tre favorable--et je vais continuer de mon c?t? ? abattre de la besogne. C'est une excellente chose que le travail.

Depuis deux ou trois jours, nous avons ici un temps superbe. Je fais de grandes promenades avant d?ner aux Tuileries. J'y regarde jouer une foule d'enfants, tous charmants comme des Amours et si coquettement habill?s! Leurs caresses gravement enfantines, leurs petites joues roses mordill?es par les premiers froids de l'hiver, l'air placide et bon des bonnes, le beau soleil rouge ? travers les grands marronniers, les statues, les eaux dormantes, la majestueuse couleur gris sombre des Tuileries, tout cela me pla?t infiniment, me repose et me rafra?chit apr?s une matin?e de travail. J'y r?ve--non pas vaguement, ? l'allemande, ? ce que je fais, ? ce que je vais faire.... Je ne manque jamais d'aller faire ma visite au lion de Barye, qui se trouve ? l'entr?e des Tuileries, du c?t? de la rivi?re--mon groupe favori. Le soir, je vais chez <>; nous y avons pass?, il y a quelques jours, cinq ou six heures avec Manuel ? faire mille extravagances. Cela nous a fait penser ? Courtavenel, ? Mascarille, ? Jodelet, etc., etc. Vous n'?tes pas la seule qui y pensiez, Madame.... Vous souvenez-vous du jour o? nous regardions le ciel si pur ? travers les feuilles dor?es des trembles?... Ah! mais, je n'en finirais pas si je me mettais sur ce chapitre.

J'ai promis ? madame votre m?re de lui porter ma lettre... il faut lui laisser de la place. J'aurais d? y penser d'avance et resserrer davantage mes lignes. C'est pour le coup que vous aurez le droit de me nommer bavard.

Je vais ?crire, l'un de ces jours, une lettre ? votre mari. Le deuxi?me volume de Michelet est un chef-d'oeuvre. Louis Blanc se couvre de ridicule par sa querelle avec Eug?ne Pelletan.

Je salue bien amicalement le grand chasseur. Que Dieu vous conserve tous! Je vous souhaite tout le bonheur imaginable; je vous serre fortement la main, je vous ref?licite et je reste:

Votre ami d?vou?,

Madame,

Mais que voulez-vous, je tourne ? l'ours; je ne sors presque pas de ma chambre,--je travaille avec une ardeur incroyable.... J'esp?re que ce ne sera pas du temps perdu. Cependant j'ai l'intention de me secouer un peu et de courir ? Paris; il faut cependant en avoir une id?e.

J'ai re?u des lettres de mes ?diteurs qui me font toutes sortes de beaux compliments sur mon activit?; en m?me temps ils m'ont envoy? le dernier num?ro de notre Revue; j'y ai trouv? une admirable nouvelle d'un monsieur Grigorovitch....

J'?crirai demain une lettre ? votre mari, que je vous prie de saluer bien amicalement de ma part. Je n'ai pas encore rempli la commission de Louise--et pour cause; ce qui ne m'emp?che pas de l'embrasser sur les deux joues. Pour vous, Madame, vous connaissez mon refrain ordinaire; je vous souhaite tout ce qu'il y a de bon, de beau, de grand et de noble dans ce monde... du reste, c'est vous souhaiter ce que vous poss?dez d?j?. Soignez-vous bien, soyez heureuse, gaie et contente, vous et tous les v?tres.

Vous ne restez pas ? Hambourg plus de quatre ? cinq jours, n'est-ce pas? Ma prochaine lettre vous y trouvera peut-?tre encore.

Votre

Paris, ce 25 d?cembre 1847.

Nous ?tions tous, je vous l'avouerai, Madame, un peu inquiets de ne pas recevoir de vos nouvelles , quand votre lettre du 21, avec tous ses charmants d?tails, nous a combl?s de joie. J'ai fait l'office de lecteur, comme de coutume, et je puis vous assurer que jamais mes yeux ne se portent mieux que quand ils ont ? d?chiffrer vos lettres, d'autant plus que vous ?crivez parfaitement bien pour une c?l?brit?. Du reste, votre ?criture varie ? l'infini; quelquefois elle est jolie, fine, perl?e--une vraie petite souris qui trottine; d'autres fois, elle marche hardiment, lestement, ? grandes enjamb?es; souvent il lui arrive de s'?lancer avec une rapidit?, avec une impatience extr?mes, et alors, ma foi, les lettres deviennent ce qu'elles peuvent.

Ainsi vous voil? donc ? Berlin; vos deux premi?res campagnes sont termin?es, et vous vous trouvez, maintenant au milieu d'un peuple d?j? conquis.

J'esp?re que vous allez vous porter tous, mari, femme et enfant, comme des anges, ou comme nous, car nous allons tr?s bien, mais tr?s bien.

Bonjour, Madame. Au risque de vous ennuyer en vous r?p?tant toujours la m?me chose, je vous souhaite tout ce qu'il y a de meilleur, de plus grand et de plus beau sur la terre; vous savez si mes voeux sont bien sinc?res... Portez-vous bien, soyez heureuse.

Votre tout d?vou?

Paris, ce 11 janvier 1848.

Je viens de recevoir ? l'instant la lettre que vous m'avez envoy?e sous le couvert de Mme Garcia. Je remercie votre mari, de son bon souvenir. Quant ? ce qu'il me dit de la situation de la France, je ne demande pas mieux que d'avoir tort, et d'?tre d?tromp? le plus vite possible.

Mes petites nouvelles ne m?ritent pas l'honneur d'une traduction; mais l'offre que me fait et se?or Louis est trop flatteuse pour que je ne m'abonne pas, d?s ? pr?sent, ? en profiter plus tard, quand j'aurai fait enfin quelque chose de bon, si Apollon veut que ce bonheur m'arrive. En m?me temps je souhaite au grand chasseur... halte-l?! je ne lui souhaite rien. Si lui, l'homme raisonnable par excellence, ne s'est pas laiss? infecter par les superstitions de ma ch?re patrie, je ne suis pas Russe pour rien, moi, et ne veux pas lui g?ter son plaisir.

Je vous ?cris cela tout chaud, tout bouillant; vous aurez la bont? de suppl?er--avec votre finesse de divination ordinaire--? ce que mes expressions auront d'inexact et d'incomplet. Je n'ai pas le temps de faire du style; je n'en ai pas m?me la volont?. Je ne veux que vous dire ce que je pense.

Je dois finir ma lettre, et je ne vous ai pas parl? de ce qui se fait ? Paris. Je le ferai dans une autre lettre, tr?s prochaine, si vous le voulez bien.

Portez-vous bien, vous tous que j'aime beaucoup.

Je reste votre tout d?vou?

IVAN. TOURGUENEFF.

Paris, 17/5 janvier 1848.

Ah! Madame, quelle bonne chose que les longues lettres! comme celle que vous venez d'?crire ? <>, par exemple! Avec quel plaisir on en commence la lecture! C'est comme si l'on entrait en ?t? dans une longue all?e bien verte et bien fra?che. Ah! se dit-on, il fait bon ici; et on marche ? petits pas, on ?coute babiller les oiseaux. Vous babillez bien mieux qu'eux, Madame; continuez ainsi, s'il vous pla?t; sachez que vous ne trouverez jamais de lecteurs plus attentifs et plus gourmands.--Vous imaginez-vous, Madame, votre m?re au coin de son feu, me faisant lire ? haute voix votre lettre qu'elle a eu d?j? presque le temps d'apprendre par coeur? C'est alors que sa figure est bonne ? peindre!...

Aujourd'hui, mardi, vous allez probablement chanter Rom?o, et au moment o? j'?cris , vous devez ?tre dans une jolie petite agitation. Je fais les voeux les plus sinc?res pour votre r?ussite. Il me semble qu'elle sera compl?te. Pourquoi ne puis-je ?tre ? Berlin aujourd'hui? Ah! pourquoi? pourquoi?

Ah ??! mais d?cid?ment, depuis quelque temps, je ne vous donne plus aucune nouvelle de Paris. Il est vrai que je me tiens coi dans mon trou. Voyons, cependant.

Paris a ?t? mis en ?moi pendant quelques jours par le discours fanatique et contre-r?volutionnaire de M. de Montalembert; la vieille pairie a applaudi avec rage aux invectives que l'orateur adressait ? la Convention. Encore un sympt?me--et des plus graves--de l'?tat des esprits. Le monde est en travail d'enfantement... Il y a beaucoup de gens int?ress?s ? le faire avorter. Nous verrons.

A propos d'enfantement: la petite chienne de Mlle Jenny est morte en couche; pauvre petite b?te! elle a d? beaucoup souffrir. Ce d?c?s a fait contremander un vendredi.

Vous avez donc de la neige et des tra?neaux; nous n'avons que de la boue et de la pluie. Je vois d'ici le bon Hermann M?ller-Str?bing entrer chez vous, une branche de lilas ? la main. Donnez donc ? madame votre m?re une petite description de votre appartement; cela aidera beaucoup l'imagination de vos amis, qui, je vous le promets, prend bien souvent son vol du c?t? de Berlin.

Eh bien! et Mme Lange, continue-t-elle ? vous plaire? Donnez-nous-en des nouvelles.

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