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Read Ebook: Un Cadet de Famille v. 1/3 by Trelawny Edward John Dumas Alexandre Editor Perceval Victor Translator

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Ebook has 1429 lines and 77089 words, and 29 pages

J'avais pris depuis longtemps la d?termination de quitter le coll?ge; l'invincible effroi que m'inspirait mon p?re avait toujours mis un s?rieux obstacle ? ce projet. Mais en me promenant dans la cour du pensionnat, je r?solus de ne jamais y remettre les pieds, et de m'?vader le soir m?me. Depuis deux ans que duraient mes souffrances, elles avaient tellement accabl? ma patience, qu'il ?tait impossible de songer ? la mettre plus longtemps ? l'?preuve. J'?tais d?sesp?r?, et par cons?quent sans espoir de r?signation et sans peur de personne.

Vers la nuit tombante, je re?us l'ordre par un domestique de rentrer dans la maison; l'impossibilit? d'un d?part subit me contraignait forc?ment ? l'ob?issance, et, apr?s quelques minutes d'h?sitation, je le suivis sans r?plique.

Un des professeurs m'enferma sans mot dire dans une chambre ?lev?e de la maison, et, ? l'heure du souper, on me donna un morceau de pain. C'?tait un pauvre repas, mais celui que nous faisions ordinairement n'?tait pas meilleur.

Le lendemain, je ne vis que la servante; elle m'apporta encore la maigre pitance du r?gime des prisonniers.

Le soir de ce m?me jour, on me laissa, sans doute par inadvertance, un bout de chandelle pour me coucher.

Une id?e affreuse me vint ? l'esprit; mais elle ne fut point dict?e par un d?sir de vengeance: ce fut plut?t l'espoir de conqu?rir ma libert?.

Je pris cette chandelle, et j'enflammai les rideaux de mon lit: le feu se propagea rapidement, et sans m?me avoir la pens?e de m'enfuir, je regardais les progr?s avec un plaisir joyeux et enfantin.

Apr?s avoir consum? les rideaux, le feu gagna le lit, la boiserie, les meubles, et la chambre devint le centre d'un violent incendie.

Je commen?ais ? suffoquer de chaleur et d'?tourdissement, car une ?paisse fum?e obscurcissait par intervalles la brillante clart? des flammes. Le domestique vint reprendre sa chandelle; ? son entr?e, le vent s'engouffra par la porte et augmenta rapidement l'intensit? du feu.

--Georges, criai-je au domestique, dont la peur avait paralys? les mouvements, vous m'avez dit que, malgr? le froid, je me passerais de feu; eh bien, j'en ai allum? un moi-m?me.

Le valet me prit sans doute pour un d?mon, car il s'enfuit en jetant des rugissements d'?pouvante et d'alarme. On accourut; l'incendie fut rapidement ?teint, mais il avait enti?rement d?vor? les meubles. Je fus transport? dans un autre appartement, et un homme resta toute la nuit pour me surveiller. Cette pr?caution me rendit extr?mement fier, et doubla, ? mes yeux, la terrible crainte que j'inspirais. Cependant, lorsque j'entendais appeler mon action sacril?ge, blasph?me, fr?n?sie, j'en restais un peu surpris, car je n'en comprenais pas le sens. On me laissa enti?rement seul pendant toute la journ?e, et, ? mon grand ?tonnement, je ne vis point mon r?v?rend professeur; sans doute, il se ressentait encore de sa chute sur la t?te. Mes ma?tres d?fendirent express?ment aux ?l?ves de p?n?trer jusqu'? moi, et cette recommandation se montra encore plus s?v?re ? l'?gard de mon fr?re, auquel on assura que j'?tais un ?tre maudit, et que mon contact serait sa perdition.

Le lendemain de cette m?morable journ?e, je fus reconduit sous bonne garde au domicile paternel. Fort heureusement pour mes ?paules, mon p?re ?tait absent, car une fortune impr?vue et consid?rable venait de lui ?tre l?gu?e.

? son retour au logis, il feignit d'ignorer la cause de mon renvoi du coll?ge; soit parce que son humeur morose s'?tait adoucie dans son enchantement d'h?riter, soit par mesure politique; toujours est-il qu'il ne me parla nullement de mon aventure.

Un jour, en sortant de table, il dit ? ma m?re:

--Je crois, madame, que vous avez un peu d'influence sur l'indomptable caract?re de votre fils. Donnez-lui vos soins, je vous prie, car je suis fermement r?solu ? ne jamais m'occuper de lui. S'il veut se conduire raisonnablement, gardez-le ici, sinon il faut songer ? lui trouver un autre domicile. J'avais ? cette ?poque ? peu pr?s onze ans.

Apr?s une assez vive discussion sur le prix fabuleux qu'avaient co?t? mes deux ann?es de coll?ge, mon p?re finit par conclure qu'il avait eu bien tort de sacrifier tant d'argent, parce qu'il e?t ?t? tout aussi bien de m'envoyer ? l'?cole de la paroisse, ? laquelle il ?tait oblig? de contribuer. Et pour conna?tre le b?n?fice que cet on?reux d?bours? de pension avait pu rapporter en savoir, il se tourna vers moi et me dit brusquement:

--Eh bien! monsieur, qu'avez-vous appris?

--Appris? r?pondis-je en h?sitant, car je craignais les suites de sa question.

Cette expression furibonde chassa de ma t?te le peu de science que le ma?tre m'avait enseign?e avec des coups et des punitions abominables.

--Qu'avez-vous appris, canaille? redit mon p?re, que savez-vous, imb?cile?

--Pas grand'chose, monsieur.

--Parlez-vous latin?

--Latin? monsieur, je ne sais pas le latin.

--Vous ne savez pas le latin, idiot? comment, vous ne le savez pas? mais je croyais que vos professeurs ne vous enseignaient que cela.

--Autre chose encore, monsieur, le calcul.

--Eh bien! quels progr?s avez-vous faits en arithm?tique?

--Je n'ai pas appris l'arithm?tique, monsieur, mais le calcul et l'?criture.

Mon p?re avait l'air encore plus stup?fait que grave. Cependant, malgr? l'?tranget? de ma r?ponse, il continua son interrogatoire.

--Pouvez-vous faire la r?gle de trois, sot que vous ?tes?

--La r?gle de trois, monsieur?

--Connaissez-vous la soustraction, nigaud? r?pondez-moi: ?tez cinq de quinze, combien reste-t-il?

--Cinq et quinze, monsieur; et, comptant sur mes doigts, en oubliant le pouce, je dis: cela fait... dix-neuf.

--Comment, sot incorrigible, s'?cria furieusement mon p?re, comment! Voyons, reprit-il avec un calme contraint, savez-vous votre table de multiplication?

--Quelle table, monsieur?

Mon p?re se tourna vers sa femme et lui dit:

--Votre fils est compl?tement idiot, madame; il est fort possible qu'il ne sache seulement pas son nom; ?crivez votre nom, imb?cile.

--?crire, monsieur; je ne puis pas ?crire avec cette plume, car ce n'est pas la mienne.

--Alors, ?pelez votre nom, ignorant, sauvage!

--?peler, monsieur?

J'?tais si ?tourdi, si confondu, que je d?pla?ai les voyelles.

Mon p?re se leva, exasp?r? de col?re; il renversa la table, et se meurtrit les jambes en essayant de me donner un coup de pied.

Mais j'?vitai cette r?compense de mon savoir en me pr?cipitant hors de l'appartement.

Malgr? son augmentation de fortune, mon p?re n'augmenta pas ses d?penses. Bien au contraire, il ?tablit un syst?me d'?conomie plus s?v?re encore que celui qui r?gissait sa maison ? l'?poque de ses d?sastres. Il ?prouvait plus de bonheur dans la sourde accumulation de ses richesses qu'il n'en avait jamais ressenti dans le cours de son existence, dont la jeunesse avait ?t? pourtant si joyeusement occup?e. L'unique sympt?me de vivacit? d'esprit et d'imagination que montra encore mon p?re, au milieu des soucis abrutissants de l'avarice, ?tait dans l'?l?vation fabuleuse de ses ch?teaux en Espagne; mais, heureusement pour lui, ses chim?res ?taient pos?es sur un pi?destal plus solide que celles de la g?n?ralit? des visionnaires. Les lingots, l'argent monnay?, les terres, les maisons, enfin tout ce qui a une valeur positive et r?elle, ?taient les objets de ses r?ves, l'unique espoir de son ambition.

? ce travail de t?te se joignit bient?t le travail plus s?rieux de l'arithm?ticien. Mon p?re fit l'acquisition d'un petit livre tout rempli de r?gles de calcul, et sur lequel il chiffra, ? un sterling pr?s, la valeur relative de toutes les fortunes dont il pouvait esp?rer une parcelle. En ?crivant sur les marges de ce pr?cieux volume, son ins?parable compagnon, le nom de ses parents, de ceux de la famille de sa femme, il y joignit leur ?ge, leur filiation, l'?tat moral, physique et financier de leur position; et quand il se fut rendu un compte exact de la valeur de chacun, en faisant la part des maladies, des accidents, de la goutte, il d?cida qu'on entretiendrait avec les riches une correspondance suivie et amicale, mais que les pauvres seraient enti?rement expuls?s du cercle des relations famili?res.

Comme mon p?re ne se trouvait jamais dans la dure n?cessit? d'emprunter de l'argent, il ?prouvait une horreur profonde pour ceux qui avaient ce triste besoin, et cette horreur doubla son antipathie pour la g?n?rosit?, car il lui ?tait difficile de d?bourser sans tristesse m?me la valeur d'un penny. Si, par le hasard de ses relations, mon p?re se rencontrait avec des gens dont il f?t pr?sumable ou prouv? que la position ?tait pr?caire, il se lan?ait alors dans de graves discours sur la chert? des vivres, sur ses obligations personnelles, sur la pr?voyance de l'avenir. Toute cette phras?ologie ?tait entrem?l?e de proverbes, de citations faisant preuves, du r?cit fabuleux des plus fabuleuses tromperies. En ajoutant ? cela le t?moignage de son d?dain pour les pauvres et de son horreur pour l'aventureuse condescendance de pr?teur, il ?pouvantait les plus hardis, et on renon?ait promptement ? tenter une inutile d?marche; car le vol, les tortures de la faim ou le suicide ?taient pr?f?rables ? l'insolent refus de mon p?re, dont la fortune et l'avarice avaient ferm? le coeur.

Nous ne nous sommes jamais mis ? table sans un discours en trois points sur l'?conomie. Ce discours produisait l'effet ordinaire des remontrances et des sermons sur ma nature toujours en r?volte. Je prenais l'ordre, la parcimonie, la pr?voyance en d?go?t, me jurant en mon ?me d'?tre toujours g?n?reux, prodigue et d?pensier.

L'excessive mesquinerie de nos repas, en me faisant souffrir la faim, m'indiqua la ruse et le vol comme les rem?des ? opposer aux tiraillements de mon estomac. Je m'emparai donc sans scrupule des fruits, du vin, des confitures, pour lesquelles j'avais un go?t particulier, et j'arrivai ? satisfaire, non sans quelques soufflets, lorsque j'?tais pris la t?te dans un bol de cr?me, mon app?tit toujours en ?veil.

Un jour cependant je jouai tout ? fait de malheur, car les ?lans contradictoires de ma g?n?rosit?, sans cesse en lutte avec l'avarice de mon p?re, m'attir?rent une sc?ne semblable ? celles dans lesquelles mon ma?tre, M. Sayers, jouait le premier r?le, celui du plus fort. Mon action parut si monstrueuse ? mon p?re, qu'il maudit la destin?e de lui avoir donn? un fils si inf?me, et afin que mon exemple ne nuis?t plus ? mes fr?res et ne le ruin?t pas enti?rement, il r?solut de se d?barrasser de moi.

Le crime odieux que j'avais commis, crime que mon p?re n'a jamais ni oubli? ni pardonn?, ?tait celui d'avoir pris dans le buffet un p?t? de pigeons, et d'avoir donn? p?t? et plat ? une pauvre vieille femme qui se mourait de faim. Apr?s son succulent d?ner, la trop consciencieuse vieille rapporta le contenant vide du contenu, et cette d?marche fit ma perte.

Je maudis de tout mon coeur l'honn?tet? de la pauvresse, et, depuis cette ?poque, il m'est impossible de supporter les vieilles femmes.

Appel?e devant mon p?re, la mendiante ?couta silencieusement ses cris, ses reproches, ses menaces de la faire enfermer dans une maison de correction; puis, lorsque mon p?re se fut ?puis? devant cette statue, qui paraissait sourde et muette, il la chassa, et me fit avancer pr?s de lui.

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