Read Ebook: L'Illustration No. 0030 23 Septembre 1843 by Various
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Ebook has 287 lines and 29273 words, and 6 pages
Aupr?s d'elle ?tait assis l'enfant ch?tif.
Tel devait ?tre Louis Capet,--le petit prisonnier du Temple,--l'enfant martyr de 95.
J'?tudiais avec int?r?t la mis?re anticip?e de cet ?tre souffreteux et malingre, quand je le vis, levant obliquement les yeux, s'assurer ? la d?rob?e que sa vieille et bl?me gardienne, absorb?e dans sa d?votion, avait cess? de s'occuper de lui. Alors, par une s?rie de mouvements r?fl?chis et furtifs, il se laissa glisser ? bas de son banc,--passa, pli? en deux, sous le prayer book, dont la reliure massive prot?geait son escapade,--et s'en alla, vers l'avant du bateau, se cacher dans un groupe de braves matelots occup?s ? la manoeuvre.
Cette fuite,--riez de moi tant qu'il vous plaira,--m'avait vivement int?ress?. Casanova, s'?chappant des Plombs v?nitiens, ou l'enfant ch?tif, se d?robant pour quelques minutes au vieux tyran femelle, sous la surveillance duquel on l'avait mis, me paraissaient, en ce moment, deux h?ros du m?me ordre;--et m?me, tout bien consid?r?, l'?vasion du dernier pouvait passer pour la plus dramatique des deux. L'innocence et la faiblesse m?ritent bien quelque pr?f?rence, quand on les compare au vice audacieux et fort.
D'ailleurs, le drame du bateau ? vapeur allait avoir, sans aucun doute, un d?nouement triste, dans l'attente duquel mon coeur battait avec force.
H?las!--connue je l'avais pr?vu,--le m?thodiste au ruban bleu vint jeter un coup d'oeil inquisitif sur la dunette, o? sa compagne marmottait encore des pri?res, sans s'?tre aper?ue de rien. Lorsqu'il la vit seule, il haussa les ?paules, en prof?rant ? demi-voix je ne sais quelles impr?cations, et je le vis, en quelques grandes enjamb?es, faire le tour du bateau.
Je ne sais o? s'?tait tapi le fugitif; mais il ne pouvait ?chapper longtemps ? la recherche obstin?e, aux yeux, de lynx de son robuste pers?cuteur. Ils revinrent tous deux, l'instant d'apr?s;--l'enfant ch?tif se d?battait sous l'?treinte de l'homme noir, qui le poussait devant lui. En passant devant nous, il me jeta une sorte d'appel plaintif, une protestation inarticul?e contre l'oppression brutale dont il ?tait victime, et je me levais ? demi pour y faire droit... lorsque la r?flexion, toujours ?go?ste et froide, r?prima chez moi ce premier ?lan du coeur.
Entre ces deux vieillards pieusement inflexibles, comme entre les deux branches dures et polies d'un ?tau d'acier, l'enfant pouvait p?rir, lentement consum? par l'ennui et la contrainte;--mais je n'avais pas le droit d'y trouver ? dire; cela n'?tait pas mon affaire;--cette agonie, ce d?sespoir, ce meurtre, ne me regardaient en rien. Toute intervention de ma part e?t ?t? jug?e inconvenante. Un mouvement d'humanit? m'e?t rendu ridicule.
Maintenant, voulez-vous savoir l'histoire de l'enfant ch?tif?...
AVIS AU LECTEUR.
--Sans doute, nous la voulons savoir.
O. N.
Quelques r?flexions sur l'Apprentissage.
Il y a quelques jours ? peine, le tribunal de police correctionnelle de Paris ?tait appel? ? soulever un coin du rideau qui cache les mis?res et les limites de notre civilisation, si fi?re parfois de ses triomphes, de ses progr?s, qu'il est bon de mettre en ?vidence ses plaies secr?tes, ne fut-ce que pour lui indiquer qu'il n'est pas temps de se f?liciter encore, et que ce qui reste ? faire est immense.
Un brocheur, nomm? D., rue de l'Hirondelle, sa femme et sa fille, exer?ant toutes deux la m?me profession, ont, pendant six ans et demi, exerc? sur une fille plac?e chez, eux en qualit? d'apprentie, les traitements les plus barbares, la cruaut? la plus inexplicable. Cette pauvre fille, entr?e ? l'?ge de onze ans et demi chez ses ma?tres, et le mot ma?tre est exact cette fois, car jamais esclavage n'a ?t? aussi odieux, est arriv?e sans se plaindre jusqu'? dix-huit ans, et pendant ce long supplice la barbarie des deux malheureuses femmes et de l'ouvrier charg?s de faire l'?ducation industrielle de cette pauvre enfant ne s'est pas ralentie un seul jour. Ils faisaient travailler leur apprentie pendant seize et dix-sept heures de suite, et pour toute nourriture ils ne lui ont jamais donn? autre chose que des cro?tes de pain tremp?es dans de l'eau chaude, eau tr?s-sale quelquefois; et un jour ne s'est jamais pass? sans que la malheureuse fille ne fut meurtrie de coups donn?s avec un b?ton, une corde ou une tringle en fer.
Elle ?tait ? peine v?tue, et couchait sur des rognures de panier, grelottante l'hiver, sans couverture et sans feu; quelle f?t malade ou non, elle devait faire sa t?che, et jamais le r?gime de sa nourriture n'a ?t? am?lior?, pendant les quatre premiers mois de son s?jour dans la maison D., l'apprentie est all?e ? l'?cole; mais on l'en a bient?t emp?ch?e, et on ne lui a jamais permis de remplir ses devoirs religieux; ainsi, ? dix-huit ans, elle n'a pas encore fait sa premi?re communion.
Plusieurs fois elle a ?t? bless?e ? la suite des mauvais traitements dont elle ?tait l'objet: et on la b?illonnait de peur que ses cris n'?veillassent la sollicitude des voisins; son corps ?tait noir et meurtri par les coups, et une femme de la maison a dit dans sa d?position que l'intention des D. ?tait sans doute de faire, mourir leur apprentie, car ils lui donnaient une nourriture <
Nous n'insistons pas sur une foule de d?tails hideux; ce que nous venons de dire suffit pour faire comprendre la gravit? du fait que nous rapportons, qui a sans doute un caract?re exceptionnel, mais qui est l'indice d'un mal profond, d'un d?sordre g?n?ral. L'apprentissage, cette ?ducation professionnelle de l'enfance, doit ?veiller au plus haut degr? la sollicitude des administrateurs et des hommes d'?tat, et il importe de mettre en ?vidence les maux qu'engendrent, d'une part, l'ignorance et la brutalit? de quelques-unes des classes ouvri?res; de l'autre, l'absence de direction industrielle et morale parmi les producteurs, afin que les chefs de la soci?t?, fatigu?s de voir le d?sordre se dresser sans cesse devant eux comme un sanglant reproche, se demandent enfin si leur devoir n'est pas d'y porter rem?de.
D?j?, press? par des r?clamations semblables, l'?tat a r?gl? le travail des enfants dans les manufactures, et une loi est intervenue, qui a prescrit le nombre d'heures que les manufacturiers pouvaient, ? la rigueur, exiger de ces pauvres cr?atures abandonn?es. Cette mesure, quoique insuffisante, avait cependant paru de bon augure, et on pouvait croire que l'administration allait ?tendre son bras protecteur sur nos classes ouvri?res, et assurer, non le bien-?tre, non le travail, non l'?ducation, on n'exige pas autant encore, mais du moins veiller sur ses enfants, les prot?ger contre les vices et la cupidit? des ma?tres auxquels on les confie.
Il n'en a pas ?t? ainsi. La loi qui limite le travail des enfants dans les manufactures n'a pas ?t? ex?cut?e, et il n'est pas s?r qu'aujourd'hui encore les mesures qui doivent assurer son ex?cution aient ?t? prises.
Et cependant le mal est grave, il est immense, et la loi dont nous venons de parler, f?t-elle rigoureusement ex?cut?e, serait impuissante ? le pr?venir. C'est surtout dans les grands centres industriels que les enfants de la classe ouvri?re sont exploit?s d'une fa?on odieuse, soumis ? un r?gime rigoureux, livr?s sans contr?le au caprice et ? la brutalit? des ma?tres, ext?nu?s de travail, ?tiol?s, ch?tifs; et il faut s'?tonner encore qu'apr?s une enfance ainsi pass?e, nos ouvriers puissent retrouver parfois, au fond de leur coeur, ces g?n?reux instincts, ces bonnes inspirations qui, se manifestent tout ? coup dans des circonstances solennelles, placent notre peuple ? la t?te de tous les peuples du monde.
On ?value ? plus de soixante mille, ? Paris seulement, le nombre des enfants et jeunes gens des deux sexes qui font leur ?ducation professionnelle chez les ma?tres exer?ant les industries si nombreuses et si vari?es du commerce parisien. Dans ce nombre il en est beaucoup, sans doute, qui, plac?s dans des maisons honorables, chez des hommes bons, intelligents, humains, au sein de familles laborieuses et honn?tes, apprennent, sans de trop cruelles souffrances, la profession qu'ils devront exercer un jour; il est m?me quelques ma?tres qui traitent leurs apprentis en p?res de famille, qui comprennent les devoirs que leur impose cette paternit? industrielle, et qui, sentant que devant la soci?t? et devant Dieu ils ont charge d'?mes, font de g?n?reux efforts pour instruire et moraliser leurs apprentis, pour d?velopper leur intelligence et ?lever leur coeur. Mais c'est l?, il faut le dire, une rare exception; le plus grand nombre croupit dans l'ignorance, dans les privations, on s'?nerve dans l'exc?s d'un p?nible travail.
Les enfant de la classe ouvri?re sont g?n?ralement plac?s en apprentissage pour un temps fort long; quatre, six, huit et m?me dix ans quelquefois. Le ma?tre, consentant ? apprendre sans r?tribution ? son apprenti l'?tat qu'il exerce, se r?serve ainsi, connue paiement, les b?n?fices qu'il pr?l?vera sur son travail, lorsque apr?s quelques ann?es l'apprenti, devenu habile, pourra tenir lieu d'un ouvrier. Il y a d?j?, dans ce fait seul, une exploitation du fort par le faible, dont une administration pr?voyante et juste devrait d?terminer la limite, et certains devoirs devraient ?tre impos?s aux ma?tres qui se chargent de l'?ducation professionnelle des enfants du peuple. Non-seulement le temps du travail de l'apprenti devrait ?tre fix?, mais une heure par jour au moins devrait ?tre consacr?e ? suivre un cours public, o? l'enfant p?t acqu?rir les connaissances th?oriques les plus indispensables ? la profession qu'il exerce; une heure et plus, s'il le fallait, pour une son intelligence et sa moralit? pussent se d?velopper et le pr?parer ? entrer utilement dans la vie.
Mais telle est la cons?quence de ce principe exag?r? de l'?conomie publique: <
L'?tat exige de l'instituteur primaire des conditions de moralit? et de capacit?; il ne pense pas, avec raison, qu'on puisse confier au premier venu le droit d'instruire l'enfance; sa sollicitude se porte sur tous les ?tablissements o? elle est admise, ?coles, salles d'asile, coll?ges, cours publics; et lorsque l'enfant arrive ? l'?ge o? les passions, s'?veillant dans son coeur, peuvent le plus facilement l'entra?ner et le perdre, l'administration, si jalouse de veiller sur son instruction primaire, l'abandonne sans protection et sans surveillance aux soin des hommes charg?s de faire son ?ducation professionnelle. Il y l? une n?gligence contre laquelle les organes de l'opinion ont trop n?glig? jusqu'ici de protester.
Les faits qui se sont r?v?l?s dans l'enceinte du tribunal de police correctionnelle sont cependant de nature ? provoquer les plus s?rieuses r?flexions et ? ?veiller la sollicitude des hommes qui, ? quelque titre que ce soit, se pr?occupent de l'avenir de notre soci?t? et de la place consid?rable que le travail et les travailleurs tendent ? y occuper. S'il est vrai que l'am?lioration du sort des classes ouvri?res doive commencer par un syst?me d'?ducation g?n?rale; s'il est vrai une pour contribuer au progr?s des masses et ? la r?alisation des destin?es pacifiques de notre pays, l'?tat n'ait rien de mieux ? faire qu'? d?velopper dans les jeunes g?n?rations le go?t du travail, l'amour de l'ordre, le respect des droits de chacun, n'est-ce pas par l'extension de sa sollicitude aux enfants du peuple qu'il doit commencer, et doit-il laisser sans contr?le, en dehors de toute surveillance, le fait immense de l'apprentissage?
L'apprentissage des jeunes filles est surtout la source de d?sordres tr?s-graves qui r?agissent profond?ment sur notre ?tat social. Ce sont surtout les ateliers on les femmes et les jeunes filles sont admises qui fournissent le plus large tribut au fl?au de la prostitution. La famille de l'ouvrier peut rarement exercer une surveillance active sur l'enfant plac? en apprentissage, et il est peu d'ateliers qui ne soient, pour toutes les filles du peuple, un foyer d'ardente corruption. Loin de veiller sur leurs apprenties, loin de les prot?ger contre leur propre inexp?rience, contre leurs mauvais penchants, contre les brutalit?s auxquelles elles sont expos?es, la plupart des ma?tres sont au contraire l'instrument le plus actif de leur perte; et quand l'?tat se plaint de la corruption des classes ouvri?res, des exc?s de la prostitution, du nombre de plus en plus consid?rable des enfants abandonn?s ? la charit? publique, n'est-ce pas ? son indiff?rence qu'il devrait d'abord s'en prendre'?
La question de l'apprentissage est une question immense. Nous y reviendrons avec des chiffres exacts, des documents officiels, des renseignements pr?cieux; nous descendrons dans ces bas-fonds de notre civilisation, et en mettant ? nu cette plaie vive et saignante, nous t?cherons, dans la mesure de nos forces, d'?clairer l'opinion publique; et l'opinion publique, ? son tour, entra?nera, il faut l'esp?rer, le gouvernement dans la voie des r?formes salutaires, des am?liorations utiles que l'?tat de nos classes ouvri?res r?clame imp?rieusement.
Nous nous bornerons pour aujourd'hui aux r?flexions rapides qu'a ?veill?es en nous le crime odieux de la famille D. Mais, avant de terminer, qu'on nous permette un rapprochement qui nous a vivement frapp?s nous-m?mes le jour o? la lecture des faits signal?s au commencement de cet article avait soulev? en nous une si am?re indignation.
Pourquoi, disions-nous, pourquoi l'?tat, qui veille aussi paternellement ? l'apprentissage militaire de ces jeunes hommes, qui sait les r?compenser et les punir suivant leurs m?rites, qui leur donne pour chefs, pour guides, des hommes instruits, honorables, distingu?s entre tous par leurs services, par leur bravoure, par leur loyaut?; pourquoi l'?tat, qui t?moigne une si active sollicitude pour les besoins, pour l'instruction de cette petite soci?t?, guerri?re et improductive qu'on appelle l'arm?e, laisse-t-il la grande soci?t?, la soci?t? qui produit les richesses, qui paie l'imp?t, livr?e au d?sordre, ? la mis?re, ? l'ignorance? Pourquoi les enfants de troupe sont-ils bien v?tus, nourris, log?s, enseign?s? et pourquoi les enfants de l'ouvrier sont-ils abandonn?s ? la mis?re et au vice? L'?tat n'a-t-il donc pas mission de gouverner toutes les classes? Pourquoi vois-je ici l'ordre, la discipline, et pourquoi l?-bas, dans ces ateliers infects, dans ces maisons malsaines, les cadets de la famille humaine grouillent-ils dans l'opprobre et dans la corruption? Pourquoi le gouvernement prot?ge-t-il l'ouvrier, l'agriculteur, qu'il enl?ve au travail pour en faire un soldat, et pourquoi laisse-t-il sans protection l'ouvrier qui travaille et qui cr?e? Pourquoi l'enfant du soldat est-il prot?g?, et pourquoi ne fait-on rien pour emp?cher la fille du peuple de rouler dans l'ab?me du vice?
De m?me que le gouvernement r?gle et surveille l'apprentissage militaire, il peut et doit ?videmment surveiller l'apprentissage industriel. Il y aurait sans doute inconv?nient ? ce qu'un soldat ne s?t pas bien faire la charge en douze temps et le feu de peloton, mais il y en a, ce me semble, beaucoup plus ? ce que l'apprenti, devenu ouvrier, soit faible, ch?tif, ignorant, vicieux; ? ce que la jeune fille, qui e?t pu devenir une bonne et tendre m?re de famille, aille grossir la liste des femmes d?prav?es, et donner en charge ? l'?tat des enfants con?us dans la corruption.
S?jour de la reine d'Angleterre au ch?teau d'Eu.
Madame de Sta?l a dit que toute femme, au moment d'entrer pour la premi?re fois dans un salon, est pr?occup?e de l'effet qu'elle va produire, et songe, avant tout, ? faire valoir ses avantages de corps et d'esprit. Apr?s l'aveu de l'illustre ?crivain, quelle femme oserait se d?fendre de cette l?gitime pr?occupation? Moins qu'une autre, la reine qui, ? ce titre, est doublement femme, pouvait y ?chapper, et elle s'en est peu cach?e.
Un journal c?l?bre et qui eut jadis beaucoup d'abonn?s, a d?crit, en style de bulletin des modes, la toilette ?l?gante et simple de la reine, le jour de son arriv?e au Tr?port; mais ce qu'on ne nous a pas dit, c'est la longue d?lib?ration qui pr?c?da ce choix, ce sont les h?sitations et les coiffures et les toilettes essay?es, puis rejet?es, puis reprises de nouveau. Il parait que, sous ce rapport, la reine Victoria est femme, plus que femme au monde. Mais du moins si le choix fut difficile ? faire, il fut convenable. Dans la foule de curieux et de curieuses qui se pressaient sur la jet?e, nous avons entendu plus d'une dame louer le bon go?t et la simplicit? de la toilette de la reine. Il n'en fut pas de m?me pour tous les spectateurs qui s'attendaient g?n?ralement ? la voir ?tincelante de diamants, le front ceint du diad?me, et, qui sait? peut-?tre m?me le sceptre en main.
Trois cents valets, galonn?s du haut en bas, faisaient le service du ch?teau d'Eu; tous les ?quipages avaient ?t? bross?s et mis en ?tat; ? chaque but de promenade s'?levaient des tentes richement d?cor?es; une table somptueuse s'y dressait comme par enchantement, et on sait que ce genre de divertissement est assez du go?t de nos voisins d'outre-Manche.
Le lundi, apr?s une longue promenade ? travers les plus beaux sites de la for?t, le cort?ge arriva et mit pied ? terre au mont d'Orl?ans, o? se pressait une foule consid?rable. La reine Victoria, sortit de la tente o? elle s'?tait repos?e un instant, et, ayant accept? le bras du prince de Joinville, s'avan?a vers les groupes de spectateurs, o? se trouvaient beaucoup de jolies femmes. Causant et riant tous deux, ils pass?rent, en s'inclinant, devant la haie de curieux qui les saluait. On raconte que la reine remarqua une jeune Savoyarde portant sa vielle en bandouli?re; elle s'approcha et la questionna. La pauvre enfant ?tait loin d'?tre jolie, mais elle portait sur son visage l'empreinte d'une m?lancolie profonde. Elle ?tait venue de Dieppe, suivant la foule; elle avait entendu dire qu'une reine allait venir, elle voyait tout le monde, courir pour la voir, et elle ?tait venue comme tout le monde. Le prince expliqua en quelques mots ? la reine l'existence de ces pauvres enfants d?pays?s et ? demi mendiants, venant loin de leur famille chercher dans nos cit?s quelques ressources. La reine n'avait jamais peut-?tre vu de si pr?s tant de mis?re, elle qui habite le pays du monde o? la mis?re exerce le plus de ravages. Quelques instants apr?s, un officier portait ? la pauvre petite vielleuse deux napol?ons que la pauvre enfant re?ut d'un air presque h?b?t?; mais sa figure s'anima quand elle sut que ces deux belles petites pi?ces de monnaie, qui ne ressemblaient pour elle ? aucune monnaie connue, valaient quarante francs, et elle s'?loigna joyeuse, mais ne sachant qui elle devait remercier de cette singuli?re bonne fortune. Apr?s le repas, la reine se promena sur le plateau, conduite par Louis-Philippe. Le soir, on fit de l'excellente musique. Mais dans les interm?des, les causeries recommen?aient: le souvenir de la petite Savoyarde poursuivait-il Victoria au milieu m?me des enivrements de cette soir?e? Il est peu probable. Les rois et les reines devraient bien adopter un usage qui serait assur?ment moins bizarre et aussi philosophique que celui de placer, comme le faisaient les anciens, une statue de la Mort dans les salles de banquet. Cet usage, quelle qu'en f?t la forme, aurait pour objet de faire appara?tre la mis?re, ne fut-ce qu'un instant, au milieu de leurs f?tes, afin que jamais ils n'oublient o? ne paraissent oublier l'un des premiers devoirs de leur magistrature supr?me.
Au Moyen-Age, au commencement de tout repas, la fille ou la femme du seigneur coupait un morceau de pain pour un convive absent de fait, mais toujours pr?sent au souvenir: ce convive ?tait le pauvre. On r?pondra que nous proposons l? un usage peu divertissant, mais qui donc s'imagine encore que, de notre temps, on puisse songer ? se divertir sinc?rement sous le poids d'une couronne?
Th??tre de l'Op?ra-Comique.
Il y a deux ans au moins que cet ouvrage aurait ?t? repr?sent? sans la cruelle maladie qui vint tout ? coup arr?ter l'auteur au milieu de son travail, et le tuer sur sa partition. Ce fut pour l'art musical une perte d?plorable, et il n'est personne, sans doute, qui n'ait ?t? touch? du sort de ce jeune artiste qui avait d?j? tant produit, et qui pourtant n'?tait encore, pour ainsi dire, qu'au d?but de sa carri?re.
--Deuxi?me acte: L. Simnel, Masset; Norfolk, Girard; le p?re de Catherine, Henry; Catherine, madame Darcier; la princesse de Lancastre, mademoiselle Revilly.
Quoi qu'il en soit, ces exploits et cette humeur guerri?re ne plaisent point ? ma?tre John. Ce digne homme a pour principe qu'un restaurateur doit donner ? manger ? toutes les opinions, sans se m?ler jamais d'en avoir aucune pour son propre compte. La cons?quence, lorsque les partisans de Lancastre rapportent en triomphe le valeureux marmiton qui leur a assur? la victoire, John met le triomphateur ? la porte, sans avoir le moindre ?gard pour son courage ni pour ses lauriers.
Mais madame Simnel n'entends pas que son fils soit trait? avec si peu de c?r?monie. S'il n'a pas de p?re, elle veut du moins qu'il ait une femme, et cette femme sera Catherine, ou elle y perdra son latin. Au surplus, elle n'a pas besoin du parler latin pour cela; elle n'a qu'? dire tout bas il l'oreille de ma?tre John grand secret que Lambert ne doit pas savoir, le secret de sa naissance. Ainsi fait-elle; et quand le digne tavernier apprend que l'amant de sa fille est prot?g? par un noble personnage, et qu'il aura, le jour du son mariage, une belle dot, il d?clare n'avoir plus rien ? lui refuser.
Voil? Lambert Simnel bien heureux! Mais, h?las! qui peut compter sur la fortune?
--A boire, vassal! de l'ale, du porter, vilain! Deux tranches de roast-beef, manant!--Qui se pr?sente, d'un air si gracieux et s'exprime avec tant du politesse? C'est le comte de Lincoln, le plus aimable seigneur des Trois-Royaumes. Lambert, qui n'est pas endurant, s'arme d'un pot de gr?s, et casserait sans scrupule la t?te chaperonn?e du comte, s'il n'?tait arr?t? ? propos et un peu calm? par le langage plus insinuant du docteur Richard Simon.
Faut-il le dire? Lambert n'est plus tent? de crier: vive Lancastre! et change de convictions politiques avant m?me d'avoir chang? d'habit.
Non-seulement Simnel sait tout sans avoir jamais rien appris, mais il a toutes les qualit?s d'un grand homme, toutes les vertus d'un h?ros. Aristide n'?tait pas plus juste, Cincinnatus plus d?sint?ress?, Scipion plus chaste, et Bayard ne sera pas plus loyalement chevaleresque. Il faut voir avec quels ?gards il traite la duchesse de Durban, quand les hasards de la guerre le rendent ma?tre du ch?teau de cette jeune, belle, riche et noble damoiselle! Tel est l'exc?s de sa galanterie, qu'il se ferait scrupule de la prier de le laisser seul, m?me lorsqu'il va s'occuper de ses int?r?ts les plus importants et de ses affaires les plus secr?tes; et cela, de sa part, est d'autant plus m?ritoire, qu'il n'ignore pas que la duchesse est la fianc?e du prince ?douard, son ennemi.--
Or, il est bon que vous sachiez que ce prince ?douard se trouvait au ch?teau de la duchesse au moment o? Lambert en a pris possession. Ordre est donn? de ne laisser sortir ?me qui vive. ?douard, d?guis? en fauconnier de la duchesse, tente de s'?chapper, mais n'est pas assez leste, il est pris, et on l'am?ne ? Simnel.--Pourquoi voulais-tu fuir?... Ah! je devine, tu voulais sans doute aller retrouver ta ma?tresse. Sois tranquille, je vais te d?livrer, car tu m'int?resses et notre situation est la m?me. Moi aussi, vaudrais bien n'?tre pas s?par? de cette pauvre Catherine Bread, que j'aime toujours. L?-dessus, Catherine se pr?sente avec son p?re. On voit que s'il est d?fendu de sortir du ch?teau, il est du moins permis d'y entrer. Que vient faire ici Catherine? Elle vient demander ? son ancien amoureux s'il consent ? ce qu'elle en ?pouse un autre, puisqu'il est vrai qu'un roi d'Angleterre ne peut ?pouser la fille d'un cabaretier. Simnel y consent bien ? regret.--Et quel est-il, cet heureux mortel qui m'a succ?d? dans ton coeur?--Le voil?, dit la duchesse, en montrant le prince ?douard.--Ah!... Eh bien! mariez-vous, et surtout allez-vous-en bien vite, et que je n'aie plus le chagrin de voir votre bonheur.
?douard ne demande qu'? ob?ir, et se croit d?j? hors de danger, quand le comte de Lincoln, absent jusque-l?, arrive enfin. Il conna?t le prince et le fait arr?ter. Mais Lambert n'est pas homme ? profiter d'un pareil avantage. Il ne comprend la guerre qu'en face ? face et ? armes ?gales; il ordonne ? Lincoln de mettre ?douard en libert?. Le comte trouve toutes ces id?es fort excentriques, et refuse d'ob?ir. Lambert insiste, Lincoln s'obstine; tous deux enfin se f?chent, et le comte exasp?r? tire son ?p?e pour tuer Lambert. On l'arr?te, et Lambert, qui tient ? faire respecter son autorit?, exige qu'il se mette ? genoux pour demander sa gr?ce. A ce prix, mais ? ce prix seulement, il lui pardonnera.--Je n'y tiens pas, s'?crie Lincoln.--Ob?issez, lui disent tout bas ses deux complices; il y va du succ?s de notre cause.--Jamais! jamais! crie Lincoln de toute sa force; on me tuera plut?t!--C'est ce que nous allons voir.
Richard Simon est ? sa droite, et le major ? sa gauche. Tous deux ? la fois tirent leur poignard, et Lincoln devient doux comme un mouton. Vous pouvez tout ? votre aise, lecteur, le contempler agenouill? et suppliant, dans la gravure qui accompagne cet article et nous dispense d'insister davantage sur cette sc?ne originale et piquante.
Lambert, comme vous voyez, met ? la fois en libert? tous ses ennemis. C'est h?ro?que, mais peu prudent. ?douard se dispose il lui livrer bataille, et Lincoln s'occupe de faire la paix ? ses d?pens. Il va m?me jusqu'? changer tra?treusement tout son plan de bataille pour le faire battre. Lambert s'en aper?oit et fait pendre Lincoln par son ami le major, qui ne se fait pas beaucoup prier pour cela. <
Cependant madame Simnel arrive avec la dot de son fils qu'elle ?tait all?e chercher. Quel changement! et que devient-elle quand Lambert lui apprend qu'on lui a r?v?l? tout le myst?re, qu'elle n'a jamais ?t? que sa nourrice, et qu'il est le roi l?gitime de l'Angleterre et de l'Irlande!-->> En voil? bien d'une autre! Comment! tu n'es pas mon fils! qui ose le dire? et qui peut savoir cela mieux que moi? Tu es si bien mon fils, que voici la dot que ton p?re t'envoie, et voici les papiers, ou parchemins, qui ?tablissent la naissance. Voyez, plut?t, madame la duchesse.>> Car la duchesse est pr?sente, et, s'il faut tout dire, elle ne quitte gu?re la tente de Lambert Simnel.
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